L’assassin de notre voisin - Léandre Modilot - E-Book

L’assassin de notre voisin E-Book

Léandre Modilot

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Beschreibung

Monsieur et madame Monal, un couple âgé, alertent la police sur la disparition inquiétante de leur voisin. Quelques jours plus tard, son corps sans vie est repêché dans la Meurthe, à proximité de Nancy. L’autopsie révèle sans équivoque qu’il s’agit d’un meurtre. Mais qui aurait pu assassiner cet homme sans histoire, connu pour être apprécié de tous ? Hortense Lembé, enquêtrice chevronnée de la police judiciaire, se voit confier cette affaire complexe. Crime familial, braquage ayant mal tourné, ou acte odieux aux motivations obscures ? Les hypothèses s’entrecroisent et les zones d’ombre s’épaississent, plongeant madame Lembé dans une enquête où chaque détail pourrait bouleverser le cours des événements. Mais derrière les apparences trompeuses se cache une vérité que personne n’aurait pu soupçonner. Qui était vraiment cet homme ? Et jusqu’où certains sont-ils prêts à aller pour protéger leurs secrets ?

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après "L’improbable destin de Lundala", Léandre Modilot signe son deuxième roman, dans lequel il fait visiter la ville de Nancy à ses lecteurs, dans une belle aventure policière pleine de suspense.

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Seitenzahl: 239

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Léandre Modilot

L’assassin de notre voisin

Roman

© Lys Bleu Éditions – Léandre Modilot

ISBN : 979-10-422-5945-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Du même auteur

L’improbable destin de Lundala, Le Lys Bleu Éditions, 2023

À mes parents, Émilie et Prosper

À ma fille, Kenzo, qui m’a soutenu

pendant la rédaction de ce roman

Avant-propos

L’assassin de notre voisin est une pure fiction. Les évènements décrits sont le fruit de l’imagination de l’auteur.

Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des évènements actuels ou passés, ne serait que pure coïncidence.

Première partie

1

Mardi 13 décembre 2022.

À Vandœuvre-lès-Nancy1, Denise, 85 ans, dit à son mari, Joseph Monal, qui en avait 87 :

— C’est le cinquième jour de suite que les volets de sa maison restent fermés. À 20 h 30, il devrait déjà être de retour de son travail. Cela devient inquiétant.

— Il rentre certainement tard le soir et repart très tôt le matin. Son travail lui prend beaucoup de temps.

— Il ne travaille pas le week-end. S’il était rentré entre-temps, il aurait laissé des traces de pas dans la neige.

— C’est bientôt Noël. Il est peut-être parti en vacances dans une station de ski. Tu t’inquiètes pour rien.

— N’ai-je pas le droit de m’inquiéter ? Lionel ne donne aucun signe de vie depuis maintenant cinq jours, ses volets sont fermés, il n’y a pas de lumière la nuit, ses décorations de Noël restent éteintes, son téléphone sonne dans le vide, il ne répond pas. Il ne nous rappelle pas malgré tous les messages que nous lui avons laissés. Ce n’est pas dans ses habitudes. Il y a tout de même de quoi se faire du mauvais sang !

Lionel Marchand était un voisin de monsieur et madame Monal. Les jardins de leurs maisons respectives étaient attenants. Il était d’un naturel très aimable. Quand il revenait du travail, il leur rendait souvent visite pour prendre de leurs nouvelles et les aider si besoin était.

Les week-ends, Lionel Marchand proposait ses services à ses voisins, dans les petits travaux de bricolage ou de rangement quand il fallait déplacer des objets lourds. Il faisait souvent leurs courses au supermarché, car Joseph Monal, appréhendant la densité de la circulation dans l’agglomération nancéienne, surtout aux heures de pointe, prenait rarement sa voiture.

Joseph et Denise étaient mariés depuis 65 ans. Ils n’avaient pas eu d’enfants. Ils se connaissaient depuis toujours. Ils étaient nés et avaient grandi dans le même village de Meurthe-et-Moselle. Ils étaient presque voisins.

Denise était brancardière quand elle était en activité. C’était un bout de femme de 1,60 m. Elle était plutôt forte. Son tablier accroché au cou et noué autour de la taille dès le matin au lever ne la quittait que le soir au coucher. Elle avait toujours quelque chose à nettoyer ou à ranger dans la maison, la cour ou le jardin.

Joseph Monal, adjudant-chef de l’armée de terre à la retraite, ne répondit pas à son épouse. C’était un vieux grincheux, à la tête presque entièrement dégarnie par une calvitie qui faisait briller son crâne comme une boule de billard. Seules quelques rares touffes de cheveux blancs très espacées, comme une steppe, ayant résisté à huit décennies et demie, ornaient encore péniblement son crâne, laissant paraître sa peau ridée.

Il souffrait de plusieurs pathologies articulaires. Il marchait avec peine. Par conséquent, il sortait peu. Il ne le faisait qu’en cas de nécessité.

Joseph portait des lunettes avec des verres circulaires posées sur le nez dont il ne se séparait que pour dormir ou pour se laver. Barbe complètement rasée, des favoris touffus tout blancs sur chaque joue étaient reliés par une moustache tout aussi abondante et blanche. Tout cela lui donnait l’air d’un vieux médecin dans un film de western.

Assis dans son rocking-chair, enveloppé dans une épaisse couverture qui ne laissait voir que la tête, il était comme un ver à soie dans son cocon. Il contemplait le scintillement de la neige qui tombait dans la nuit hivernale. Les cristaux des flocons reflétaient la lumière de la lune, des décorations de Noël et des lampadaires en renvoyant toutes les couleurs du spectre lumineux.

La brillance des flocons de neige, balayés par un léger vent hésitant, donnait l’impression qu’ils exécutaient une chorégraphie lente et synchronisée au rythme des chants de Noël.

À quelques jours de la fête de la Nativité, il avait l’impression d’assister à un ballet des anges annonçant la naissance de Jésus aux bergers. Il contemplait ce spectacle féerique qui s’offrait à lui.

Au sol, la neige recouvrait entièrement la cour de leur maison d’un manteau blanc immaculé comme si les anges l’avaient recouverte des plumes de leurs ailes.

Leur chien Selfy, un bichon à poil frisé, avait un pelage blanc magnifique et très bien entretenu. Madame Denise Monal l’emmenait régulièrement chez son toiletteur.

Selfy adorait la neige. Il gambadait dans toute la cour, plongeait, s’enfouissait dans la neige, ressortait et s’ébrouait en faisant gicler toute la poudre blanche qui s’était collée à lui. Des éclats lumineux reflétant la lumière jaillissaient de ses poils comme le bouquet final d’un feu d’artifice.

La couleur immaculée de son pelage se confondait parfaitement avec la neige à tel point que Joseph ne pouvait le voir. Il ne le suivait qu’à partir des empreintes que laissaient ses petites pattes dans la poudreuse. On avait l’impression que les pas se dessinaient miraculeusement tout seuls sous l’action d’une fée.

Pendant ce temps, Denise, très inquiète du silence continu de Lionel, se saisit du téléphone. Elle appela leur voisin pour la énième fois en cinq jours. Mais elle n’eut pas plus de succès que lors de ses appels antérieurs.

— Il ne décroche toujours pas !

— Tu te fais du souci pour rien, ma chérie. Je parie qu’il nous appellera demain quand il aura pris connaissance de tes messages.

Selfy montra aussi des signes d’impatience. Pendant que ses maîtres discutaient, le chien alla devant le portail fermé de Lionel Marchand et aboya en direction de la maison.

— Tu entends ? C’est Selfy qui va aux nouvelles. Même lui s’inquiète de ne plus le voir. Par contre, toi, tu es insensible à son absence, fit remarquer Denise à son mari.

Selfy aimait beaucoup Lionel. Cette affection était réciproque. Lionel lui apportait souvent des croquettes quand il rendait visite aux Monal.

Ils jouaient aussi au ballon en été comme en hiver. Selfy, très joueur, ne se faisait pas prier pour s’amuser avec lui. Courir après le ballon et shooter avec son museau, il aimait ça.

Lionel adorait le chien. Il le prenait dans sa voiture quand il allait se promener au Parc de la Pépinière au centre-ville de Nancy ou au Parc de l’Embanie à Heillecourt, ou encore quand il allait faire un jogging dans la forêt de Haye2.

— Ce n’est pas la première fois qu’il s’absente aussi longtemps, rappela Joseph à son épouse. Tu sais bien que son métier l’amène aux quatre coins de la terre : Australie, États-Unis, Russie, Japon… Alors, je ne m’en fais pas.

— Il aurait pu nous prévenir même par téléphone.

— Tu te fais de la bile pour rien.

— Je vais aller chercher Selfy, car il va prendre froid s’il reste trop longtemps dehors.

Joseph reprit la lecture de sa cassette vidéo qu’il avait arrêtée pour discuter avec sa femme. Denise sortit et appela Selfy. Mais celui-ci ignora complètement sa maîtresse.

Elle marcha jusqu’au portail de leur voisin. Selfy était couvert de neige. De temps en temps, il s’ébrouait pour s’en débarrasser. Il continua d’aboyer, refusant de suivre Denise. Elle dut le porter dans ses bras pour le ramener à la maison. Elle ferma la porte pour l’empêcher de ressortir. Ce n’est qu’à ce moment que le petit chien se calma.

Denise sortait dans la cour toutes les dix minutes environ, en espérant apercevoir de la lumière chez leur voisin à travers une fenêtre. Le vrombissement du moindre moteur de voiture faisait sursauter Joseph. Il détournait son regard de la télévision en espérant apercevoir la voiture de Lionel.

— C’est lui ? demandait son épouse de l’endroit où elle se trouvait.

— Non ! répondait Joseph Monal.

Selfy n’était pas en reste. Il suivait sa maîtresse quand elle allait jeter un coup sur la maison de Lionel.

Ne décelant toujours pas le moindre signe de vie chez leur voisin et ne sachant qui contacter pour avoir une explication de son absence, monsieur et madame Monal décidèrent de signaler sa disparition à la police dès le lendemain matin.

Mercredi 14 décembre 2022.

Hortense Lembé, OPJ (Officière de Police Judiciaire) à l’Hôtel de Police de Nancy, situé boulevard Lobau, se rendit au travail, fatiguée par le cours de sport de la veille. Ceinture noire deuxième dan d’aïkido, elle avait eu, une séance d’entraînement très éprouvante.

Elle avait le grade de lieutenant de police. Elle avait déjà résolu plusieurs enquêtes. Quand elle se saisissait d’un dossier, elle allait toujours jusqu’au bout de l’affaire. Son travail était apprécié de tous. Elle avait dû jouer des coudes pour se faire une place dans un monde presque exclusivement masculin.

Quand il s’agissait d’un meurtre, Hortense Lembé scrutait, analysait méthodiquement, passait au tamis toute la scène. Rien ou presque ne pouvait passer entre les très fines mailles du filet qu’elle tissait. Même les indices les plus anodins aux yeux d’un observateur lambda étaient scrutés.

On l’appelait affectueusement « La chineuse ». À l’instar des chineurs, ces passionnés d’antiquités qui déambulent inlassablement dans les allées des brocantes à la recherche de la perle rare, elle passait des journées entières à traquer le moindre détail pour étayer ou infirmer sa thèse sur une affaire.

Son taux de réussite était proche de 100 % à long terme. Aucun « Cold case » ou presque.

Elle avait 36 ans, elle était mariée et était la mère d’une petite fille de 4 ans.

Alors qu’elle travaillait dans son bureau, son téléphone sonna. Il était environ 10 h 30. C’était la PA (Policière Adjointe), une jeune fille de 19 ans, contractuelle de service à l’accueil.

— Lieutenant, un homme et une femme viennent signaler un cas de disparition.

— J’arrive.

C’étaient Denise et Joseph Monal.

Joseph Monal, qui prenait rarement sa voiture, s’était donc pour une fois, résolu à affronter la difficile circulation de Nancy. Il avait toutefois attendu 10 h pour prendre le volant, quand les embouteillages causés par les travailleurs du matin s’étaient résorbés.

La PA les fit patienter dans la « Salle d’attente et d’appel ». Ils s’assirent. Il y avait d’autres personnes.

Le bureau d’Hortense Lembé était au deuxième étage.

Elle arriva au bout de quelques minutes dans la salle. La PA lui indiqua où étaient assis monsieur et madame Monal. Hortense Lembé se présenta à eux :

— Bonjour, Madame, bonjour, Monsieur, je suis Hortense Lembé, officière de police judiciaire.

— Bonjour Madame, lui répondirent-ils.

— Veuillez me suivre s’il vous plaît.

Mince, 1,75 m pour environ 60 kilogrammes, une silhouette de mannequin, Hortense Lembé portait une robe sur laquelle se croisaient des motifs bleu ciel et blanc. Elle portait un boléro bleu-pastel par-dessus. Elle était belle.

Un sentiment de doute traversa l’esprit de Joseph Monal. Il toisa Hortense Lembé de la tête aux pieds. Il demanda, surpris par cette élégance, à la PA :

— Il n’est pas là, l’officier de police ?

— Madame l’officière de police judiciaire est devant vous, répondit la PA en insistant sur les syllabes « cière ».

— Je ne suis pas ici pour assister à un défilé de miss France ! C’est sérieux, notre affaire ! Il y a peut-être un meurtre derrière cette disparition. Êtes-vous sûre qu’elle a les compétences pour mener à bien une enquête ?

— Voyez avec elle, lui répondit la jeune PA, agacée par cette remarque.

Hortense Lembé, qui était habituée à ce genre de réflexion, adressa un large sourire aux deux époux.

— Vous pensez que je suis incapable de mener une enquête jusqu’au bout ?

— Non, Madame, marmonna Joseph Monal. Ne prenez pas ça mal. Mais notre affaire est très sérieuse !

— Je vais m’en occuper.

— Je voudrais parler à un policier, pas à sa secrétaire  !

— Monsieur, je suis OPJ, c’est-à-dire, officière de police judiciaire.

— Ah bon ! Vous n’êtes pas secrétaire ?

— Non, Monsieur. Veuillez me suivre.

Joseph Monal hésita avant de se lever. Sa femme lui ordonna sèchement :

— Lève-toi !

Joseph se leva péniblement, sa canne à une main. Il s’accrocha à son épouse par l’autre main. Hortense Lembé le soutint pour lui éviter une chute. Ils avancèrent tous les trois vers l’ascenseur au rythme du mari cacochyme qui se déplaçait laborieusement.

Quand ils arrivèrent dans le bureau de l’OPJ, elle aida Joseph Monal à s’asseoir.

— Merci.

Elle invita ensuite Denise à s’installer sur la chaise à côté de son mari.

— Merci, lui répondit-elle.

Joseph Monal balaya des yeux tout le bureau, à la recherche d’une preuve qui attesterait que c’était bien celui d’Hortense Lembé. Elle avait personnalisé son espace de travail. Il y avait une photo d’elle avec son mari et sa fille sur la table. Il y en avait une autre où sa fille était seule et une troisième sur laquelle ne figurait que son mari. Sur les murs, il y avait d’autres photos sur lesquelles on pouvait la voir aux côtés d’autorités politiques et administratives régionales et nationales.

Joseph Monal n’hésita pas à se retourner pour scruter tout l’espace. Son regard s’arrêta sur une photo. Il l’observa attentivement.

— C’est vous sur la photo ?

— Oui. Répondit Hortense. On ne me reconnaît pas ? C’était il y a 5 ans.

— Si, toujours aussi belle et élégante !

— Merci.

— Vous étiez avec le président de la République ?

— Oui. De gauche à droite, vous avez le ministre de l’Intérieur, Jean-Jacques, un collègue, le président de la République, moi, le préfet de Meurthe-et-Moselle et le maire de Nancy.

— Waouh ! réagit Joseph Monal, admiratif. Vous êtes donc une personnalité importante !

— Non. Vous exagérez.

— C’était à quelle occasion ?

— Quelques semaines auparavant, mon équipe et moi avions démantelé un réseau européen de trafic d’organes humains qui sévissait dans plusieurs pays3. Un des cadors dirigeait le gang depuis Nancy. Il nous a fallu deux années d’enquêtes pour venir à bout des malfaiteurs. Ils sont tous à l’ombre aujourd’hui. C’était un véritable travail de fourmi, en collaboration étroite avec des homologues européens. Le président et le ministre étaient en visite à Nancy. Ils en avaient profité pour nous féliciter.

— Un tel résultat mériterait une médaille et non une simple photo et une poignée de main.

— La récompense a eu lieu plus tard. C’est sur la photo de gauche.

— C’est quoi comme distinction ?

— C’est la médaille d’honneur de la Police nationale.

— Félicitations !

— Merci.

— Quand vous décernera-t-on la Légion d’honneur ?

— Je n’y pense pas.

— C’est donc bien votre bureau !

Hortense Lembé éclata de rire.

— Évidemment que c’est mon bureau. Je vous ai dit que je suis officière de police judiciaire. Je m’occupe des disparitions, des meurtres et d’autres délits.

— Vous avez dû faire de longues études pour avoir ce poste, félicitations ! C’est très bien !

— Merci Monsieur. Je ne suis pas un spécimen unique.

Madame Monal éprouvait une certaine gêne. Bien qu’elle fût habituée aux remarques sexistes de son mari, elle ne les acceptait pas et elle le réprimanda en lui donnant une petite tape sur l’avant-bras.

— Arrête tes bêtises, barbon !

— Calmez-vous, Madame. Ne vous disputez pas.

— Veuillez excuser mon mari. Il est d’un machisme exaspérant ! Il me fait honte partout. La semaine dernière, il a fait des remarques désobligeantes à une femme médecin. Il pense qu’une femme n’est pas capable de faire de longues études.

— Je vous présente mes excuses Madame, dit Joseph confus.

— Je vous en prie. Que puis-je pour vous ? demanda Hortense au couple.

Joseph Monal reprit la parole.

— Nous sommes très inquiets de la disparition de notre voisin. Il ne donne pas signe de vie depuis vendredi. Nous en sommes au sixième jour sans nouvelles de lui.

— Comment s’appelle-t-il ?

— Il s’appelle Lionel Marchand.

— Quel âge a-t-il ?

— Nous ne connaissons pas son âge exact.

— C’est un adulte ? Un mineur ?

— C’est un adulte Madame. Il a environ 40 ans. Quel est le rapport entre sa disparition et son âge ?

— Un adulte a le droit de disparaître, de changer de vie. La police n’y peut rien tant qu’il n’est pas retenu contre son gré ou que sa vie n’est pas en danger.

— Vous plaisantez ?

— Non, je ne plaisante pas.

— Il est peut-être en danger de mort !

— Vous y allez un peu trop fort et trop vite ! Auriez-vous des éléments concrets qui vous le font dire ?

— Non.

— Alors pourquoi pensez-vous qu’il serait en danger de mort ?

— Depuis que nous sommes voisins, c’est-à-dire depuis 10 ans environ, il nous rend visite presque tous les jours. Il fait des petites courses pour nous. Il est toujours prêt à nous aider quand nous avons besoin de lui. Même quand nous ne faisons pas appel à ses services, il nous en propose. Nous avons une vieille maison où le travail ne manque pas. Il bricole pour nous. Il s’assure que nous ne manquons de rien.

— Est-il marié ?

— Non. Il vit seul. Il est célibataire, sans enfants.

— Il est certainement en voyage !

— Il nous en aurait informés. Quand il voyage, il nous dit toujours où il va, chez qui il va et pour combien de temps. Voilà pourquoi Madame, nous pensons que son absence est une disparition. Faites quelque chose ! Il est peut-être en danger !

— S’il n’est pas déjà mort ! renchérit Denise, son épouse.

— Allons ! S’il vous plaît, ne soyez pas alarmistes à ce point ! Je comprends votre inquiétude. Mais vous y allez un peu fort !

Joseph Monal haussa le ton.

— Madame l’officière ! Je vous tiendrai pour responsable s’il lui arrive quelque chose de fâcheux alors que vous auriez pu l’éviter.

— Calme-toi chéri, dit Denise à son époux.

— Si l’irréparable a déjà été commis, reprit Hortense Lembé, je ne pense pas que cela puisse être de ma faute.

— D’accord. Et si on découvrait qu’une intervention rapide aurait pu le sauver ? demanda Joseph.

— Je n’ai actuellement en ma possession aucun élément pour démarrer une enquête. Rien ne laisse à penser que c’est un enlèvement, une séquestration ou un meurtre. Nous recevons régulièrement des personnes qui nous signalent la disparition d’un proche. Sachez qu’environ 98 % des personnes signalées disparues réapparaissent au bout de quelques jours.

— Il fait peut-être partie des 2 % qui ne réapparaissent pas.

— Quand l’avez-vous vu pour la dernière fois ?

— Jeudi vers 19 h. C’était le 8 décembre. Il est passé nous voir après le travail.

Hortense Lembé nota la date.

— Vous a-t-il parlé de quelque chose en particulier ? D’un voyage imminent par exemple ?

— Non, Madame.

— Avez-vous décelé un changement dans son comportement ?

— Non. Nous n’avons rien décelé d’anormal.

— À quelle heure est-il reparti ?

— Il était environ 19 h 55 quand il est réparti. C’était quelques minutes avant le journal télévisé.

— Est-il renté chez lui ?

— Oui.

— Il en est ressorti ?

— Non. Pas à notre connaissance. Sa maison est restée éclairée jusqu’à une heure très tardive. Nous n’avons pas entendu le bruit de sa voiture. C’était la dernière fois que nous l’avons vu. Madame, ça fait presque une semaine qu’il ne donne pas signe de vie, ce n’est pas normal.

— C’est la durée d’un séjour au ski ou d’un voyage professionnel à Paris. Vous m’avez dit qu’il voyage beaucoup pour son travail. Une personne disparue ne l’est que pour ceux qui cherchent à la retrouver.

— Je vous répète que s’il était parti en voyage, pour des vacances ou pour le travail, il nous en aurait informés.

— Pourquoi sa famille ne s’inquiète-t-elle pas ? Il n’a pas de frères, de sœurs, de cousins ?

— Ses parents sont morts. Il a un frère, Xavier qui vit à Nancy et une sœur, Françoise qui est domiciliée à Toulon. Mais ils sont fâchés contre lui pour un problème d’héritage. Je ne pense pas qu’ils savent où est Lionel.

Sa femme ajouta :

— À moins qu’ils soient à l’origine de sa disparition.

— Pouvez-vous m’en dire plus ?

— Le père et la mère de Lionel sont morts dans un accident de la circulation. Leur grand-père Sébastien n’a eu qu’un enfant : leur père. Il était médecin. Il est mort à l’âge de 101 ans. Quand il est devenu grabataire, il ne voulait pas finir sa vie dans un EHPAD. C’est Lionel qui l’a accueilli chez lui alors que son frère et sa sœur voulaient absolument le mettre dans un hospice quitte à le placer de force. Une vive querelle avait même éclaté un jour. « Puisque c’est ce que tu veux, tu vas t’en occuper tout seul », lui avait même flanqué son frère.

Lionel avait aménagé chez lui une chambre avec un lit médicalisé pour son grand-père. Tous les matins, il attendait le passage de l’infirmière avant d’aller au travail. Son employeur avait été compréhensif. Il lui avait accordé une souplesse dans ses heures de travail. À cette époque, il y a 9 ans, les aides aux aidants familiaux n’existaient pas ou n’étaient pas généralisées comme aujourd’hui. Il n’avait pas d’allocations ou très peu. C’était donc un gouffre financier pour lui.

Son frère et sa sœur l’accusaient de se servir sur le compte bancaire de leur grand-père pour compenser sa perte de salaire. Ce qui à mon avis était faux. Je connais Lionel. Il est altruiste. Il a le cœur sur la main.

— Qui s’occupait de son grand-père quand il voyageait pour son travail ?

— Quand il était absent, une élève infirmière en dernière année, envoyée par une association, venait vivre chez Lionel pour garder le grand-père. Ça changeait chaque année quand elles finissaient leurs études. Il y en a une qui est devenue son infirmière attitrée une fois son diplôme en poche.

Avant d’entrer dans la phase terminale de sa maladie, le grand-père avait fait venir discrètement son notaire afin d’établir un testament en présence de son infirmière qui était sommée de garder le secret. Lionel était en voyage ; il n’était donc pas au courant. Le grand-père avait légué sa grande maison et le vaste terrain qu’il possédait dans les Vosges à Lionel en guise de remerciement pour tout ce qu’il avait fait pour lui. Sa sœur et son frère n’avaient eu qu’un petit studio chacun à Saint-Dié-des-Vosges.

Personne d’autre que l’infirmière n’était au courant du testament du grand-père. Ce n’est qu’après sa mort, à la lecture dudit testament que Lionel avait appris, surpris, qu’il était le principal héritier.

Son frère et sa sœur, très mécontents, l’avaient accusé d’avoir influencé la décision de leur grand-père. En effet, ce dernier parlait de Lionel de manière dithyrambiqueetse plaignait de l’abandon de ses deux autres petits-enfants.

La tension est montée d’un cran ces six derniers mois quand Lionel a voulu vendre la maison dont il avait hérité. Son frère et sa sœur lui ont reproché de vouloir effacer la mémoire de la famille après avoir manipulé le grand-père.

— Madame, pensez-vous que cela pourrait avoir un lien avec la disparition ? demanda Denise Monal à Hortense Lembé.

— Tout est possible. Mais restons calmes. Il n’y a aucun élément qui nous pousse à le croire. C’est une piste à exploiter. Il y en aura certainement d’autres. Nous rechercherons son frère et sa sœur dès qu’une enquête sera ouverte, car comme je vous l’ai dit, nous ne pouvons rien faire pour l’instant. Son frère sera plus facile à retrouver. On connaît le nom, le prénom et la ville de résidence. Sa sœur est mariée ? Car si elle l’est, cela pourrait s’avérer compliqué. Il faudrait connaître le nom de son mari.

C’est Denise qui répondit :

— On ne sait pas. Il ne nous parle jamais d’eux. Nous ne les connaissons pas. Les seules fois que nous les avons vus, c’étaient quand ils venaient chez lui le prendre à partie à propos de l’héritage et de la vente de la maison. C’étaient des disputes d’une rare violence !

— Nous sommes convaincus qu’il a un gros problème, reprit Joseph. Nous connaissons ses habitudes. Chaque soir, ou presque, à son retour du travail, il vient nous saluer et discuter avec nous pour nous tenir compagnie. Il nous raconte sa journée ; il nous demande si nous avons besoin de quelque chose. Il est très serviable. Avant de partir en voyage, il nous informe toujours de son déplacement : le lieu, la date de retour. Il fait des courses pour nous pour toute la durée de son absence.

— Et cette fois-ci, il n’a rien fait ?

— Non. Cela veut dire que c’est un départ précipité. Il est à notre avis forcé. S’il avait été volontaire, il nous aurait téléphoné en arrivant à destination. C’est ce qu’il fait. Mais là, rien. Nous commentons ensemble les matches de football de l’ASNL4. Il aime me chambrer quand mon équipe favorite perd. Il avait une bonne occasion de le faire ce week-end, car vendredi dernier 9 décembre, Nancy a perdu 1 – 0 contre Avranches5. Il n’aurait jamais, même pour tout l’or du monde, manqué l’occasion de me taquiner, de fêter la défaite de mon équipe favorite. Mais il n’est pas passé le lendemain à la maison ! C’est inquiétant. Est-ce que vous comprenez maintenant notre inquiétude ?

En son for intérieur, Hortense Lembé avait compris que cette affaire était potentiellement grave. Elle prenait des notes.

Soudain, Denise interrompit son mari.

— Pendant les deux semaines qui ont précédé sa disparition, il nous disait tous les jours qu’il nous annoncerait bientôt une bonne nouvelle. Il avait déjà acheté des bouteilles de champagne pour fêter l’évènement.

— De quoi s’agit-il ?

— Aucune idée. Nous lui avons posé cette question plusieurs fois. Il n’a jamais voulu nous en dire plus, car ça devait être une surprise. Une agréable surprise, insistait-il.

— C’est intéressant ! dit Hortense Lembé en continuant de prendre des notes.

— En tout cas, il était très heureux et très impatient de nous annoncer cette fameuse bonne nouvelle. Pensez-vous qu’elle pourrait avoir un lien avec sa disparition ? C’était pourtant apparemment une bonne nouvelle !

— Vous a-t-il dit si d’autres personnes étaient concernées par cette bonne nouvelle ?

— Non. On n’a pas réussi à lui tirer les vers du nez. Autant quand il nous parle de ses voyages en France et à l’étranger, ses visites de sites touristiques en nous montrant ses photos et ses vidéos, il est loquace, autant sur ce sujet, c’était motus et bouche cousue. Il nous a juste dit qu’il fallait qu’on s’attende à une bonne nouvelle. Nous n’en savons pas plus.

— Il a certainement trouvé l’amour. Il a peut-être fait la connaissance d’une femme. Une femme qui vivrait loin d’ici. Il est allé la chercher et vous ferez la fête quand il reviendra avec elle. Avec les sites de rencontre, on peut entrer en contact avec des femmes qui vivent très loin de chez soi.

— Si c’est ça, dit madame Monal, alors, ça serait vraiment une bonne nouvelle ! Il est tellement gentil, intelligent et beau ! Il mériterait une femme sérieuse. Mais s’il ramène une garce, c’est moi qui la mettrai dehors !

Hortense Lembé éclata de rire.

— À notre époque, enchaîna Denise Monal, les amants se rencontraient au bal du 14 juillet du village. On se voyait avant de s’aimer. Aujourd’hui, c’est sur Internet qu’on se rencontre. On s’aime avant de se voir. Les filles mettent des photos de mannequins filiformes comme des cure-dents pour appâter les garçons. Comment peut-on être amoureux d’une personne qui vit à des centaines voire à des milliers de kilomètres uniquement à travers une photo ?

— Je ne saurais pas vous répondre.

— J’espère qu’il n’est pas tombé dans un guet-apens.

— Je vous propose que nous en restions là pour aujourd’hui. Donnez-moi vos noms et prénoms, votre adresse et votre numéro de téléphone pour que je vous contacte si le besoin se faisait sentir.

Elle leur donna sa carte visite.

— Tenez, appelez-moi s’il y a du nouveau. S’il réapparaissait par exemple.

— Espérons-le, Madame, lui répondit Joseph Monal.

Denise et Joseph Monal se levèrent, saluèrent Hortense Lembé et s’en allèrent.

Ce même jour, Alain Lefloch, le directeur de Naël Mecanic, l’entreprise dans laquelle travaillait Lionel Marchand, se posait lui aussi des questions, car il en était à son troisième jour d’absence inexpliquée à son poste alors qu’il manageait un projet important pour un gros client. Comme Lionel Marchand ne répondait pas aux courriers électroniques ni au téléphone, l’inquiétude gagna aussi son entreprise. Le directeur fit appeler Guy Patrick Schaeffer et Philippe Thouvenin, deux des collègues et grands amis de Lionel, afin de les questionner sur l’absence de leur ami pensant qu’ils en savaient plus que lui. Mais eux non plus n’avaient pas de nouvelles de leur ami.

Guy Patrick Schaeffer, que tout le monde appelait affectueusement GPS, Philippe Thouvenin et Lionel Marchand se connaissaient depuis l’école dont ils étaient diplômés : une école d’ingénieurs de Nancy. Ils étaient de la même promotion.

À la fin de leurs études, GPS avait été le premier des trois à être embauché par la société Naël Mecanic. C’est dans cette entreprise qu’il avait fait son stage de troisième année. C’est sur ses recommandations que Alain Lefloch avait, trois mois plus tard, recruté ses deux compères. Ils étaient, tous les trois, des ingénieurs de très haut niveau, de compétences égales. Ils dirigeaient chacun un service.