L'illusion - Martine Colas - E-Book

L'illusion E-Book

Martine Colas

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Beschreibung

Le temps est-il juste une... illusion ?


Ce soir-là, Lola, pétillante jeune femme de 28 ans, a rendez-vous dans une taverne avec un ami. Sur la route, elle est victime d'un accident de voiture. Heureusement, elle n'a rien de cassé et tout va bien. Enfin... c'est ce qu'elle croit.
À sa sortie de l'hôpital, elle se découvre une étrange faculté : celle de pouvoir arrêter le temps. Son destin prend alors une tournure particulière. Un braquage de banque et un voyage autour du monde feront vivre à Lola des moments intenses ainsi que de belles rencontres.


Un récit contemporain bien ficelé qui prend sa source à Liège et vous emmène aux quatre coins du globe.


À PROPOS DE L'AUTEURE


Auteure, éditrice, scénariste, réalisatrice et productrice, Martine Colas écrit des scénarios, des nouvelles, des romans et a réalisé sept films. Plusieurs films ont déjà remporté des prix et ont été présentés au Short Film Corner du Festival de Cannes et du Festival de Clermont-Ferrand, entre autres.

Elle adore écrire, et de préférence, des intrigues psychologiques. Que ce soit en littérature ou en cinéma, elle manie la plume avec passion. Martine anime, en ligne ou en présentiel, des conférences, des tables rondes sur les thèmes abordés dans ses récits (les pervers narcissiques, la solitude, le harcèlement, la résilience…) et donne également des formations pour les adultes et les adolescents (écrire et publier un livre, réaliser un film…) Toutes ses fonctions, Martine Colas les pratique avec passion et ténacité.

NOUVELLES : 
L'Ange de la Mort - 2013
Secrets... - 2014
L'Ange de la Mort - NOUVELLE + SCENARIO - 2019
La Louvière 2050 - 2022

ROMANS :
Un Mari de trop - 2019
L'Illusion - 2020 

SCENARIOS :
La Nuit des Secrets - 2013
Jeu de Rôle - 2013
L'Ange de la Mort - 2013
Le Rêve - 2017
Patchwork - 2018
Le Cocu - 2018
L'Homme parfait - 2018 

FILMS REALISES :
La Nuit des Secrets - 2014
Jeu de Rôle - 2016
Le Rêve - 2017
Face à Elle - 2017
Mauvaise Fréquentation - 2017
Sang Témoin - 2018
L'Ange de la Mort - 2020

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Seitenzahl: 196

Veröffentlichungsjahr: 2022

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Nouvelles :

2013 L'Ange de la Mort sélectionnée pour le recueil collectif

Les Mots en Héritage aux Éditions Novelas

2014 Secrets… Histoires Courtes

2019 L'Ange de la Mort – Édition spéciale + scénario du film

 

 

Romans :

2018 Un Mari de Trop

2020 L’Illusion

 

 

Scénarios :

2013 La Nuit des Secrets

2013 Jeu de Rôle

2013 L'Ange de la Mort

2017 Le Rêve

2018 Patchwork

2018 Le Cocu

2018 L’Homme parfait

 

 

Films :

2014 La Nuit des Secrets

Prix du Public Festival du Court-Métrage d'Anderlecht en 2016

2016 Jeu de Rôle

2017 Le Rêve

Prix du Public Festival International du Film Policier de Liège en 2017

Présent au Festival de Cannes en 2017

Présent au Festival International de Clermont-Ferrand en 2018

2017 Face à Elle

2017 Mauvaise Fréquentation

2018 Sang Témoin

2019 L’Ange de la Mort Nombreux prix de Festivals Internationaux en 2020

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’ILLUSION

 

Roman

 

Martine COLAS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Toute reproduction, adaptation et traduction, intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l'auteur ou ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Ces représentations ou reproductions, par quelque procédé que ce soit, constitueraient donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

Tous droits réservés.

© Éditions Panthère asbl – Liège/Belgique, 2021

www.editions-panthere.com

 

ISBN : 978-2-9602735-1-9

Couverture : © Philippe Sombreval surune idée originale de Yvette Blaise

 

 

 

 

 

À mon mari, François,

Qui me soutient et m’offre la possibilité de créer en toute liberté et sérénité.

1

 

 

David Bowie est mort.

Deux ans déjà que le Dandy est parti rejoindre les autres grands de la musique.

Confortablement installée contre les gros coussins de mon divan, dans un survêtement léger et souple, un verre de vin à la main, la télécommande dans l'autre, je zappe de chaîne en chaîne. Un reportage sur l’Amazone attire mon attention quelques minutes. Après un ultime changement sur le canal voisin, c'est avec émotion que je regarde la rétrospective de la vie de David Bowie à la télévision.

Mes pensées s’animent : Quelle perte pour le monde de la musique, j’ai toujours été dingue de cet artiste. Tiens… où sont passés les bouquins que j'avais de lui ? Ah, ils doivent être restés dans un carton au grenier…

Un bip se fait entendre, mes pensées s'envolent alors aussitôt à l'arrivée d'un message sur mon téléphone portable.

Alex.

 

Bsr ma belle, j'ai terminé mon boulot, tu viens me rejoindre en ville pour boire un pot ds 30 min ?

 

Je regarde l’heure, il est presque minuit. C’est tard, mais pourquoi pas. Je réponds directement sans réfléchir :

 

Cc Alex, ok vendu ! Rdv à notre taverne habituelle, bizz.

 

Alex, c’est mon ex. Nous sommes restés ensemble cinq ans. C’était une belle histoire, romantique et tendre. Nous nous sommes aimés très fort. Notre relation était intense, remplie de super bons moments.

Alex est un grand sportif et a des amis partout. Très jovial et sociable, il est assez prisé et surtout, souvent parti. Régulièrement, ses connaissances le croisent dans les restaurants, les salles obscures, sur les terrains de tennis, au karting, aux terrasses des cafés ou chez des copains. Moi, je peins. Le besoin de solitude pendant les moments de création est essentiel, je suis une artiste.

Nos vies si différentes nous ont petit à petit éloignés l’un de l’autre. Lui en sortie ou en conférence avec ses collègues, amis, sportifs et moi dans mon atelier, ma bulle. Nous nous sommes quittés en bons termes et à présent, c’est mon ami. Nous partageons des activités, des sorties et nos déboires amoureux aussi.

Je me dirige vers le dressing où j'enfile un pantalon en lin blanc, un top noir, un gilet de la même couleur en voile et mes escarpins assortis à hauts talons. Un regard dans le miroir de la salle de bain reflète des cheveux en bataille. Un petit coup de brosse, une ligne de couleur noire au-dessus des paupières et un rouge à lèvres discret complètent un maquillage léger et efficace. Un jet de parfum poivré, je suis prête. J'agrippe mon sac déposé sur la commode de l'entrée, mes clés et un gilet en laine, au cas où le temps se refroidirait. Un dernier coup d'œil dans le miroir vite fait et… parfait, j'y vais.

J’arrive à hauteur du Carré, cet endroit emblématique de notre bonne vieille Cité Ardente où les moments agréables, les beuveries pour certains, les fous rires pour d’autres et les rencontres se succèdent sans jamais s'arrêter.

Le rendez-vous est fixé dans notre taverne. C’est la nôtre, car avec Alex, c’est là que nous nous sommes rencontrés, que nous avons eu nos premiers émois, notre premier baiser et nos premières disputes. Nos guindailles se terminaient souvent au petit matin. Nous nous y sommes amusés comme des fous. C'est aussi là que notre relation s’est achevée.

Bref, c’est notre endroit.

Je roule sur le boulevard, au centre-ville. Les rues sont désertes à cette heure-ci. Tant mieux, je n'aurai aucun mal à trouver une place. Encore un pont à traverser et je serai arrivée au parking. J'écoute ma chansonfavorite du moment à la radio, en fait je l'adore !

Confiante, je m’engage sur le pont qui traverse le fleuve. C'est bizarre cette voiture stationnée sur le côté, qu'est-ce qu'elle fait là ? Je ralentis à sa hauteur pour vérifier qu’il ne se passe rien de particulier. Derrière le volant, se trouve un homme avec son téléphone portable collé à l’oreille.

Alex m’attend, je me sens d’humeur joyeuse ce soir et la soirée, plutôt la nuit, s’annonce bien.

Une fois le pont derrière moi, je n'ai plus qu'une petite avenue à traverser. Soudain, une étrange sensation m’envahit, quelque chose d’indéfinissable se dirige vers moi. Je me retourne, je cherche, je ne vois rien, mais je la ressens. Je regarde encore une fois dans mon rétroviseur, cet homme est toujours en communication. Je sens toujours cette chose en mouvement. Elle ne provient donc pas de là.

Je continue ma route, je divague, il n’y a rien ! Pourtant, cette désagréable sensation s'amplifie au fur et à mesure que je roule. Je me retourne une dernière fois, c’est agaçant. Là ! Sur ma gauche ! J’aperçois une silhouette : une grosse masse sombre, un truc indescriptible. Il fait noir.

Ça y est ! J'y vois plus clair à présent, on dirait… mais oui… on dirait un pare-chocs de voiture ! Ça continue dans ma direction. Mais… il me fonce dessus ! Ça va si vite que je n’ai pas le temps de réagir. Ce moment me paraît irréel. Il va me percuter ce con !

Le choc est si violent que je suis secouée dans tous les sens, tel un pantin.

Un bruit sourd ! Les carrosseries… Un autre plus sec ! Les airbags…

Ce mélange de sons, d’odeurs, de sensations bizarres, me transporte dans une autre dimension. Je ne comprends rien. Je n’éprouve aucune douleur, je ne sens plus mon corps, d'ailleurs je m’en éloigne, je plane. C’est le vide total de tout et je suis bien. Je ferme les yeux, un dernier souffle, je m’endors, calmement. Je suis sereine. Juste une réflexion qui me traverse l'esprit : Ah, c’est donc cela que l’on ressent quand on perd la vie… ce n’est pas si terrible après tout, c’est comme quand on s’endort, ça ne fait même pas peur. Cela va si vite…

Puis, le silence s’installe. Le néant...

2

 

 

— Madame ! Madame !

Un murmure, une voix.

— Madame ! Vous m’entendez ?

Toc ! Toc ! Toc ! Un bruit lointain de petits coups secs survient.

— Madame, réveillez-vous, s’il vous plaît ! appelle une voix masculine en tambourinant à la vitre de la portière.

Je perçois vaguement des cris et des pleurs. Le silence absolu dans lequel j'étais plongée disparaît peu à peu.

Les appels de cet homme déchirent la nuit, pourtant je les entends à peine de l’intérieur, c’est si lointain.

— Madame ! Madame !

— Oh, j'espère qu'elle vit toujours ! sanglote une voix féminine.

— Vous m'entendez ? s’acharne l’inconnu.

J'ouvre faiblement les paupières. J’aperçois un visage collé contre la fenêtre. C'est un homme au crâne rasé. Ses yeux bleus et ronds me regardent avec inquiétude. À côté de lui, une femme aux cheveux courts et blonds ébouriffés pleure. Sur ses joues, son mascara noir se mélange au sang coulant de son front.

Qui sont ces gens et pourquoi me regardent-ils ? Que le temps paraît long... j'ai du mal à réagir, à parler, à bouger, à comprendre. La radio fonctionne toujours. Je distingue les dernières notes de mon titre préféré, quel beau morceau, vraiment j'adore, c'est divin !

Mes phares éclairent le pont et ma voiture est immobile.

— Madame… vous allez bien ? Pouvez-vous bouger ? Madame, vous m'entendez ?

Je fais un timide signe de la tête.

— Oui, je vous entends, dis-je d'une voix à peine audible.

— Elle a parlé ! Je l'ai vu sur ses lèvres ! Ok, venez ! On va la sortir de là, suggère l'homme soulagé de me voir vivante à sa voisine de pont.

— Vous croyez ? Il vaudrait mieux qu'elle ne bouge pas jusqu'à l'arrivée des secours, on ne sait jamais !

— Oui, vous avez raison madame. J'appelle une ambulance.

Dix bonnes minutes s'écoulent avant d'entendre les sirènes des services de secours : la police et une ambulance sont dépêchées sur place. Rapidement, les secouristes s'approchent de ma voiture et ouvrent la portière côté passager.

— Madame, vous êtes blessée ? Vous avez mal quelque part ?

Je ne sais pas. Je suis complètement sonnée, je reste assise sur mon siège sans bouger. Je les regarde d'un air pantois sans répondre un mot.

— Nous allons vous sortir de là, madame, me disent-ils en chœur.

Enfin extirpée de la voiture et couchée sur le brancard, l'homme au crâne rasé s'approche de moi.

— Il faut prévenir quelqu’un ?

Un brin de lucidité surgit, je me retourne vers lui en lui répondant :

— Oui, Marion, ma mère, dis-je à une vitesse semblable à celle d’un escargot.

— Vous avez un téléphone portable, madame ?

— Oui, dans mon sac, précisé-je toujours aussi mollement.

— Ne vous inquiétez pas madame, je m'occupe de tout. Au fait, moi, c'est Simon.

À peine sa phrase terminée, sa voisine de pont se place devant lui, ce qui m'empêche de lui exprimer ma gratitude.

— Je vous ai fait du mal, pardonnez-moi, je ne vous avais pas vue. J'ai bu quelques verres de vin. Je suis malheureuse, car mon ami m'a quittée, me révèle d'un trait la femme blonde aux joues noires de mascara. Je m'excuse, ô mon Dieu, qu'ai-je fait ?

— Éloignez-vous madame, je vous prie. Nous démarrons ! lui ordonne l'ambulancière sur un ton sec.

Les portes se referment sur la dame sans que je puisse lui répondre quoi que ce soit. Le véhicule de secours s’éloigne.

— Je peux vous dire que vous avez eu beaucoup de chance quand je vois l’état de votre voiture ! me précise l'ambulancière en me mettant une minerve.

Arrivée aux urgences de l'hôpital, je passe toute une série d'examens. Des prises de sang, des radios, une échographie, un IRM1, un EEG2 et des scanners. Les médecins ne prennent aucun risque et ne négligent aucune piste.

 

Les jours passent aussi difficilement que les nuits. Ma voisine de chambre n'est pas spécialement calme, elle pique des crises chaque nuit : elle hurle, elle chante, elle se lève sans cesse. C'est infernal. Cette vieille dame a perdu son mari dans l'incendie de leur maison le mois dernier, elle est particulièrement perturbée de l'avoir vu mourir devant ses yeux. Elle en perd la raison, elle devient agressive avec les siens et ses enfants viennent à peine la voir.

Le médecin entre dans la chambre et se dirige vers moi.

— Bonjour Madame. Voilà, nous avons bien étudié chaque résultat, d’où ces quelques jours de patience et je peux vous rassurer, vous n’avez rien de grave, nulle part. Je vous confirme juste une belle grosse commotion, rien de cassé. Il n'y a pas beaucoup de traitement pour ce genre de pathologie. Nous allons vous conduire dans une chambre seule pour un repos complet. Le problème est qu'il n'y en a plus de disponible avant… il regarde son assistante.

— Deux jours, Docteur.

— Voilà ! Deux jours. Bah, ce n’est pas bien long, vous savez. Les brancardiers viendront bientôt vous chercher. Patience et à demain, je repasserai.

— Merci Docteur, oui à demain.

Le médecin fait demi-tour lorsque je l'arrête.

— Excusez-moi, dites, je sors quand ?

— D'ici une bonne semaine, quand vous serez bien reposée.

L’infirmière sort de la chambre suivie du spécialiste, lorsqu’à nouveau la porte s’entrouvre.

Un grand jeune homme fait irruption, paniqué.

— Salut ma belle ! Eh quoi, qu'est-ce qu'il t'arrive ? me demande Alex en s’approchant de moi, un petit bouquet de fleurs à la main.

— Bonjour madame, ajoute-t-il en s'adressant à ma voisine de lit.

— Alex ! Salut. Une dame qui avait bu a déclassé ma voiture et… moi aussi, par la même occasion. Comment sais-tu que je suis ici ?

— Je t'ai attendue à notre taverne pour notre rendez-vous, tu te souviens ? Ne te voyant pas arriver, j'ai téléphoné sur ton portable et un type, Simon je crois… m'a répondu. Il m'a expliqué ton accident et je t’ai laissé trois jours de repos avant de venir te voir. C’est sympa, non ?

— Ah, oui ! C'est le témoin, brave gars !

— Non, sans rire, je n’ai pas pu venir plus tôt à cause du boulot.

— T'inquiète !

— Tu as mal quelque part ?

— Un rien aux jambes et à la nuque. J’ai des hématomes un peu partout et je ne me sens pas bien. La tête me tourne beaucoup et j'ai une violente commotion cérébrale, déclaré-je d'un air navré en remontant mes sourcils.

— Ah merde !

— Je sors bientôt, lui annoncé-je en souriant.

— Ah déjà ? C'est bien ça, je me réjouis.

— Oui, le neurologue a fait enlever la perfusion et arrêter les antidouleurs. Il a dit que je pourrais sortir d'ici quelques jours, si tout va bien, continué-je ravie.

— Et cette femme ? Raconte-moi comment cela s'est passé, Lola.

— Elle est déjà venue me rendre visite. Elle m'a expliqué qu'elle sortait d'une réunion de travail, des larmes plein les yeux. Qu'elle était effondrée à l’idée de ne plus revoir l’homme qu’elle aime tant, qu'elle refusait de croire que c'était fini... et bla-bla-bla et bla-bla-bla. Elle a foncé à toute allure comme un obus, tout droit, sans même respecter le stop !

— Tu ne l'as pas vue arriver ?

— Non, ses phares étaient éteints.

— Mouais… n'avait-elle pas plutôt l’envie irrésistible d’en finir avec la vie ?

— Bah ! J'en sais rien. De toute façon, l'important c'est que je sois toujours là et que tout va bien, n’est-ce pas Alex ?

La porte s'ouvre et deux infirmiers entrent dans la chambre. Ils s’approchent de l'armoire de ma voisine, prennent ses vêtements et chaussures, remplissent un sac avec ses effets personnels et embarquent la vieille dame bras dessus, bras dessous.

— Que faites-vous ? Elle sort ? Où l'emmenez-vous, messieurs ?

— M'enfin Lola ! Ça ne te regarde pas voyons, proteste tout bas Alex.

— Je suis curieuse et puis j'ai déjà partagé quelques nuits avec elle, ça crée des liens tu sais, lui dis-je avec un petit sourire et un clin d’œil coquin.

— Vous avez raison mademoiselle, répond un des deux infirmiers, nous l'emmenons dans un autre service, en psychiatrie, elle y sera mieux, affirme-t-il en faisant un demi-clin d'œil à Alex.

3

 

 

Dix jours après l’accident, il est temps de quitter cet endroit. Ma mère vient me chercher, j’ai hâte de rentrer chez moi. Dehors, le soleil brille. Ça fait du bien, j’ai l’impression d’être enfermée depuis si longtemps !

La voiture est stationnée devant l’hôpital, du côté gauche de la rue à sens unique. Ma mère m’attrape le bras et m’aide à descendre les escaliers extérieurs de la clinique. Le bruit infernal de la route m’agresse immédiatement, la tête me tourne de plus en plus ; les véhicules roulent à une vitesse folle, les gens me fixent avec un regard appuyé, comme si j’étais bizarre ou difforme. Leurs têtes se déforment, grossissent. Leurs yeux sortent des orbites et leurs oreilles grandissent pour se rejoindre au-dessus du crâne. Puis, dans une hilarité générale, tous vomissent un rire sarcastique qui éclate jusqu’à mes tympans ! C’est horrible, tout tourne autour de moi…

Ma mère se penche sur moi.

— Lola, ma chérie, ça va ? Que se passe-t-il ?

J’arrive à peine à lever les paupières. Je la regarde sans comprendre.

— Relève-toi, Lola, je vais t’aider.

Ma mère m’agrippe le bras et je sens mon corps se relever doucement. Une fois debout, je laisse échapper quelques mots.

— Purée ! Il s’est passé quoi là ?

— Tu es tombée évanouie, Lola. Le médecin m’avait prévenue que cela pourrait arriver. Comment te sens-tu ? Ça ira jusque la voiture ? Nous sommes bientôt arrivées.

— Waouh ! Tu parles beaucoup, j’ai mal à la tête, c’est trop d’un coup. Oui, oui, ça ira maman, merci, lui lancé-je sèchement.

Ma mère esquisse un sourire indulgent. Elle a bien compris que mon agacement était dû à la douleur. Elle s'installe dans la voiture. Je fais le tour de celle-ci pour atteindre le côté passager donnant sur la chaussée lorsqu’une berline, roulant à vive allure, vitre baissée et musique à fond, me frôle dangereusement. Je sursaute en réagissant avec un réflexe de stupeur : je ferme très fort les yeux, mes paupières se plissent, mes joues se relèvent et mes lèvres pincées ne laissent échapper aucun son. Je reste pétrifiée, sans bouger, je respire à peine.

Quelques secondes plus tard, je me rends compte que le danger est passé. J’expire un gros souffle de soulagement d’être toujours vivante. J’ouvre les yeux et cherche d’un regard noir l’abruti qui a failli m’écraser quand… plus rien. Plus aucun bruit ne se fait entendre. La berline du délit est là, à l’endroit même où je l’ai vue passer. Elle ne bouge pas. Il n’y a plus de musique ni de vrombissement des moteurs. Elle est arrêtée au milieu de la route, entourée de trafic, lui aussi immobile. Furieuse, je crie :

— C’est quoi ce con ?

Aucune réponse. D’ailleurs, en y prêtant attention, je n’entends toujours rien. Je me retourne alors vers ma mère qui est également figée. Je remarque avec stupéfaction que les passants subissent le même sort. Tout est figé.

Je suis médusée, j’attends. Je ne bouge pas, je n’ose pas. Le spectacle qui se joue devant moi relève de l'irréel. Je ferme les yeux comme pour me rassurer, en espérant peut-être régler le problème lorsque je les ouvrirai. Au cas où j'aurais mal vu…

Raté. Rien n’a bougé.

J'observe les alentours. Une fois, deux fois, encore et encore, je ne crois pas ce que je vois ! Que se passe-t-il, bon sang ? C'est une caméra cachée ou quoi ? Tout est immobile : un vrai décor de film de science-fiction. Les gens sont comme paralysés, les véhicules aussi, on dirait que des personnages de cire les ont remplacés.

Le temps s’est arrêté.

Je vais me réveiller, je fais un cauchemar ou bien je suis morte. Oui, ça doit être ça, je suis morte. Je n’entends même pas le chant d’un oiseau. Je lève les yeux au ciel et la vision d'un avion fixe m’effraye. J’ai vraiment la sensation qu'il peut nous tomber dessus à n’importe quel moment. Il nous survolait, probablement pour se rendre au soleil et à présent il est coincé entre ciel et terre. Je sens une peur panique m’envahir tout doucement. Je résiste, j’aimerais bien ne pas me laisser submerger par mes émotions. Je respire lentement pour me calmer et laisser retomber la tension.

Je réfléchis. J'observe ce drôle de décor… et quel décor ! Un spectacle hallucinant. Je suis complètement bouleversée, j’éprouve le besoin de m’asseoir. Je monte dans la voiture et laisse la portière ouverte afin d’aérer, il me faut de l’air, j’étouffe.

Ma maman est là, à côté de moi, comme une morte. Quelle horreur ! Je scrute le moindre mouvement de ma mère. Elle est là, installée derrière son volant, une main sur l'attache en plastique rouge de la ceinture de sécurité, l'autre fermée sur le tissu de la bride. Son regard est vide. Je lui fais un signe devant les yeux, mais aucun clignement ne se produit. Elle ne me voit pas.

— Maman ! Maman, tu m’entends ?

Elle ne bouge pas.

— Merde ! Maman, non, ne me fais pas ça ! Ne me laisse pas seule dans cette situation de dingue ! Oh ! Tu m’entends ?

Rien à faire.

— M’enfin, c’est fou ça ! Je suis dans la quatrième dimension.

Le temps s’est arrêté, c’est certain. C’est un paysage digne de la Belle au Bois Dormant. C’est tellement irréel que j’en frissonne.

Les minutes passent assez péniblement. Je ne sais pas quoi faire. Je me sens seule et complètement démunie dans un espace temporel qui m'échappe totalement. Peut-être faut-il prononcer des incantations magiques ? Au point où j'en suis, ça ou rien…

Je frappe des mains, des pieds, je prie, je dis « abracadabra », je crie… Non, rien à faire, l’univers s’est arrêté. Je réfléchis encore, à m’en donner mal au crâne. Brutalement, une idée surgit. Je me souviens avoir contracté mon visage de manière étrange lorsque la situation s’est transformée en paysage mortel. C’était un réflexe. Je décide de refaire la même chose. J'essaie. Je referme les yeux avec force, je replisse les sourcils et je repince mes lèvres. C’est ridicule, toutefois on ne sait jamais ! De toute façon, le contexte n’en est pas moins cocasse.

Waouh ! Quel bruit d’un coup ! La vie se remet en action, les véhicules roulent en trombe, les gens bougent, les oiseaux piaillent, l'avion est parti et ma mère tourne la clé dans le contacteur ! À n’y rien comprendre. Ça venait de moi tout ça ? J’ai le pouvoir d’arrêter le temps ? Non, j’ai du mal à y croire, je ne peux pas faire ça.

— Je ne t’ai pas vue monter dans la voiture Lola, j’ai dû louper un épisode… m'interroge-t-elle.

Je la regarde sans oser dire un mot, d'ailleurs que dire sur ce qu'il vient de se passer. Ma mère démarre, un quart d'heure de route nous sépare de la maison. Mes pensées sont exclusivement happées par ce truc énorme, cette espèce de « pouvoir » qui me tombe dessus.

C'est un cauchemar.

Ma mère se stationne devant chez moi. Sans lui dire un mot, je sors de la voiture toujours absorbée et le regard dans le vide. Je délaisse les quinze marches d’escalier qui me mènent vers mon appartement pour prendre l’ascenseur. Lorsque j’ai visité ce logement, quelques années auparavant, il m’a tout de suite plu, d’autant plus que l’ascenseur était un avantage pour ma petite sœur handicapée. J'entre, je me débarrasse de mon sac et de mes clés que je dépose sur la petite commode de l’entrée. Comme j’ai mal au crâne ! Tout tourbillonne autour de moi. Je m’allonge dans le canapé en repensant à l’aventure inouïe qui venait d’avoir lieu. Le coup que j’ai ramassé sur la tête doit y être pour quelque chose, la commotion était sévère, mais de là à déclencher une telle faculté… ça me dépasse. En tout cas, personne ne s’est rendu compte de rien. Je vais dormir tiens, mes idées seront plus claires demain, mon hospitalisation a été difficile, j’ai vraiment besoin de repos.

 

 

Le lendemain – 10 heures 26.