L'oint teint - Gaëtan Tiers - E-Book

L'oint teint E-Book

Gaëtan Tiers

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Beschreibung

Une rencontre : celle du fond à sa forme, prenant corps aux singularités d’un être. De sa courte vie durant, son existence heurte la supériorité de ses appétences littéraires à ses contrariétés intérieures. L’oint teint est un rendez-vous schizophrénique qui offre un monde de mystères humains, profonds et cultivés. Chut, écoutez plutôt : d’un carnet blanc et noirci sommeillent encore des mots. Lisez-les, donnez-leur vie. Changez donc cet air en eau !


À PROPOS DE L'AUTEUR


Sciences et arts sont deux des domaines intellectuels que Gaëtan Tiers considère comme supérieurs. C’est dans un va-et-vient perpétuel entre ces différents centres d’intérêt que se trouvent ses désirs, plaisirs et activités. Pour lui, L’oint teint est une urgence singulière, sincère et profonde, qui s’inscrit dans les questions modernes du rapport au monde et au suicide assisté.

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Seitenzahl: 131

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Gaëtan Tiers

L’oint teint

Roman

© Lys Bleu Éditions – Gaëtan Tiers

ISBN : 979-10-377-8195-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À Eugène, Jef, Alain, Fabrice, Emma, Tenrose,

MargOcéane, Mareine, Colie et un autre…

Du même auteur

L’or œillé, Le Lys Bleu Éditions, 2023.

Les pages qui suivent sont celles d’un enfant mort ;

Que je n’encombre aucun lecteur de bête espérance.

Qui écrivit ce livre, à qui prête-t-il vie ? Ici, un passeur. Je tiens cela d’un dernier mot, trouvé au sol, à son corps froid.

La chose est complète. Quelques minutes encore, et déjà l’éternité. Qu’aucun ne me blâme, coquin… Le style s’est là heurté à de nouvelles limites conceptuelles. Je fus et suis fort aise.

Adieux à vous, garde centenaire,

Adieux à qui les accepte.

Je m’en irai dès l’aube claire,

Semer d’idées les prairies vertes

À ces choses en demeurent d’autres : deux lettres, d’étranges mots et un carnet, cervœillé.

L’oint teint

À trois ans, il était fin prêt à user sa vie aux découvertes de ce qu’il sut de brefs instants, ainsi vite oubliées. Pour savoir ce que mouvait son cervelet, il dut mettre sa croyance aux genoux des rares maîtres de son histoire. En revanche, éclairer le pourquoi de son être s’avérait bien différent. Ni parents ni proches infligés ne pouvaient dédouaner ce jeune humain de la responsabilité, lourde et consistante, d’apprendre à se survivre. Il était né pour d’autres, et devra avoir à cœur d’en assumer les conséquences. On lui assurait que, malgré l’horreur de son accouchement, il était jusque-là un enfant adorable. Admirable ! Malgré ses jeunes insomnies, il s’astreignait à ne pas déranger autrui de ses cris. Il savait, et se taisait. Un enfant adorable, qu’on lui disait. Jeune, il se grandissait sur la pointe des pieds, traversant les âges et ses journées. Il avait tout, tout du parfait rien. Il avançait sur un tapis de vent, ballotté par les dunes épiées de ses fins yeux bleus. Parfois, il penchait la tête, et trempait ses doigts dans le désert, songeant en rêveur halluciné au chaos de ses pensées. Sa tête avait en son cœur un désordre. Celui des hommes, des bêtes et des cieux. Son cœur, plein de nature, avait en son sein des regards, des histoires et des joies. Mais vidé, comme ça lui arrivait, il n’était plus guerrier. C’était alors un petit gars bêtement alité, tremblant et angoissé… Bienheureuses les contractions cardiaques, hauts sursauts de vie dé ! Dé en boule, et les nombres sont tant !

Le soir, il était mauve. Comme attristé au royaume des joies à fleurir. Il fermait les yeux dans le noir pour y voir, par quelque influx de paupières, des couleurs nouvelles. Du bleu au rouge, les contours violacés, tout indéfinis ainsi qu’une tâche au cahier. Et d’ailleurs, les yeux tâchent-ils ? Les cieux le savent-ils ? Il était adorable, qu’ils disaient.

Il pourrait vous l’assurer s’il vivait encore, ce môme. À l’époque, son maître disait qu’il aimait jouer comme tout enfant de son âge, propre et insouciant. Malgré la parcimonie de ses rapports amicaux, il était épanoui, fort et heureux ! C’est ce qu’il disait. C’était qui il était, pour ces « autres que lui ». Encore fallait-il s’en persuader.

Là régnait, blottie en son cou engoncé, l’angoisse. L’angoisse mortelle. La mortelle angoisse qui ressasse et brasse nouvellement tout ressac, laissant en seul cadeau salé un esprit écumé, sale et… morne. Comme des pattes velues, chacune dirigée en petits pas crus et discrets, elle s’insérait des oculaires cavités pour, enfin livide, s’étaler, amère. C’est dès lors que la raison de l’ère que l’on aime à glorifier faute au seuil des portes closes, fermées aux rêves. Commença l’oraison, froide et jaunie.

« J’ai 9 ans ».

Né trompettant

C’est ainsi qu’il naquit vraiment, d’un long et immense accouchement, sans draps à laver. Quelques revers de manches suffiront à éteindre ses larmes. Sa pensée demeurait confuse, et cela l’éreintait au moins autant que la peur de la découvrir linéaire, à la façon des hommes fiers, ainsi mortifères. Il vivait un appartement, avec un petit chien, de ceux que l’on enterre sans crainte de n’avoir le terrain nécessaire. Ayant le même âge que lui, il songeait parfois à sa mort future. « Et ce chien, le mettrons-nous dans une poubelle ? S’il n’est plus vivant, à quoi bon ? Autrement, il mourrait à mes yeux de plus belle ! Nous le jetterons pour acheter le second ! » s’écria-t-il un jour à ses parents. Selon eux, qui le couvaient d’un amour charnel et matériel, il n’était rien d’un garçon conventionnel. Il n’avait pas intégré les normes que les autres avaient édifiées pour lui, ces chemins de verre bâtis d’idéaux et d’âmes perdues. Ces lourdes structures qui flottent pourtant, que l’on emprunte en serpent croyant son vol, et qui confèrent aux hommes la fierté de leur appartenance à un ordre quelconque, les costumant d’un supérieur exhibé, indispensable aux contrepoids de leurs perversions névrotiques et grandissantes. Fils unique, il héritait ainsi d’une présence naturellement forte à la maison. Ne commandant rien ni personne, il se languissait d’être servi en bonne et due forme. C’était le salaire minimum qu’on lui devait. Ils habitaient un quartier pauvre, jumelé à l’école… ses colles et ses cris. Il y passait des journées pires que ses nuits, les déroulant tous les quarts d’heure à cul-sec de shooters à l’ennui. Alors il rêvait en enfant lunaire, les bras coudés à son bureau bancal et grumeleux. C’est un soir de ces jours qu’il fût à nouveau convoqué. L’été venait à pas lourds, c’était en juin. Dix-sept heures et trente minutes : dans une salle, un bureau, une horloge ô combien reluquée, le professeur et directeur, ses parents, son chien et lui. Il trépignait de fuir, sans but aucun, souhaitant simplement marcher, cavaler, avancer. Il scrutait par la fenêtre les rougeoiements lumineux portés par les vents chauds, tandis que l’homme en face d’eux prenait la parole. Sa voix nasillarde le fit pouffer. Ses propos, il saurait presque les énoncer d’avance. Compliments d’usages, regard appuyé, visage et langage usé. Son costume, bien taillé, prêtait allégeance à sa fonction ô combien méritée. C’est un des hommes sérieux ! C’est un homme ! Son ton empruntait les chemins qu’avaient façonnés des années de société, et il s’en amusait autant que de regarder ses mains, propres et soignées, soutenir un discours ennuyé. Le chien grogna, et par instinct, ce petit garçon lui répondit d’un même raclement de gorge. Consternés, ses parents ne pouvaient croire en l’homme bien habillé. Il proposait un saut de classe pour l’enfant singulier.

Illico

Ses vacances d’été furent riches de soleil, de lecture et d’ennuis. Rien de plus. Sa semaine annuelle de camping en fin de juillet sur la côte basque passa sans embûche particulière. Sur la plage, il s’étonnait des cris d’enfants de son âge, pleins de vie. Ils couraient, perturbant continuellement les dessins tracés au sable du mouvement ambiant. Il avait lu, au détour d’un bouquin de la bibliothèque en face du logement de ses parents, une introduction à l’atomistique. Des électrons gravitent avec désordre autour d’un noyau atomique. Ces enfants n’étaient à ses yeux rien de plus. Son monde se désenchantait déjà des malédictions, fortes et basses, qu’ils pouvaient porter à autrui. Sa pensée diffuse, il baissa la tête, saisit une poignée de sable, s’étonnant du nombre de grains et de leur petitesse. Et il lâcha las ces centaines de choses. Son cerveau se brouilla rapidement, et, alors assis, il tomba à la renverse. Il ne pouvait plus bouger, angoissant comme souvent. Proportions ! Proportions et égarement ! Son regard dur et ses lèvres tremblantes trahissaient son état, que personne n’aperçut. « Mais les autres sont aveugles », se murmurait-il. « Peu m’importe, car rien ne leur importe ». Plus tard, la chose endormie, il se releva sur les genoux. S’époussetant, il sourit et se colla à sa maman. Il prit ses mains dans les siennes, les inspecta, retraçant le chemin de ses veines comparées. Ses dents se découvraient de mélancolie. « Serais-je nostalgique du plus loin ? »

Any versaire

Le 14 avril, date de son anniversaire. Il prit quelques avances pour attendre ce jour, il est vrai, et il se passa à merveille. Tout du moins jusqu’à la fin du repas dédié à ce jour. Les bougies rangées et les cadeaux ouverts, c’était fini. Il comprit alors le pouvoir délirant de l’attente, et destructeur de l’après. Il sentit l’importance des projets et des espérances, conséquences des flammes de la vie. Ces flammes qui, déjà et peu à peu, s’amenuisaient en lui. Cette nuit-là fut longue d’insomnies. Assis sur son lit, dans le noir, des larmes longeaient ses joues pour combler au mieux chaque aspérité cotonnée de sa tenue du soir. Le lendemain, la lumière du jour cueillit son amnésie nuptiale de ses premiers rayons. Il ne restait de ces dernières heures que des sensations volutées d’émotions mal fichues. La fin de l’été, drapée de mystères, accueillait son entrée au collège.

Ces jours en soi

De ses années passées, il ne lui restait rien. Le moins possible tout au plus. Errant hélas non sans inquiétudes pour son entourage en ses gouffres lointains, l’ado-rable décrochait là vie, et nid. Béni d’Éole et certain de lui, il planait sur les hommes, l’œil aiglé, saisissant de mille lieux les senteurs boisées des sols abyssaux, en insondables bribes. Pour en soulager l’étrenne, il murmurait sommeillant de substituer à ce réel quelques écrits de la bible… Pour qu’il en ait l’air ! L’air de la nuit aux étoiles en fruits ! L’ère du Noël et des yeux engourdis. Ses affaires, ses amis, ses photos de classe et ses souvenirs furent jetés de lui, dans les feux de l’oubli. En âme et con-science. Il avait projeté le mal que pourraient lui causer de tels actes. Mais derrière la potence se trouve un cadeau, amer et cher. Un cadeau que peu osent provoquer, quand ceux qui en ont l’esquisse, bien haut, le brandissent !

« C’est que pour en être fier, il faut en voir le derrière ! » Les hommes, d’une écrasante majorité, n’ont au mieux qu’un chiffon trouvé en de sombres rues. Car celui qui devient supérieur à cela côtoie les splendeurs du créateur : il n’est plus homme, et n’en a que le cœur en partage.

Une voix raisonnée de la salle émerge, le tirant ahuri de ses bras coussinets. L’autorité professorale menait en bataille une logorrhée menaçante. Il n’écoutait pas cette femme, mais s’agaçait à l’entendre, rouge et égosillée. Le sursaut passé, il retourna épouvanté dans sa forêt intérieure. Forêt si dense où bas les feuillets, abusés des vents immiscés, y dansent. Oh, paysage intérieur ! Ici règnent ses lois, ses peurs et ses fleurs. S’immisçant peu à peu dans son ombre à songes, gagnant au prix de ses repères les images sorcières, il perçut des pétales inconnus à la cime d’un arbre. Tout autour de sa base resplendissaient de divines bruyères. L’angoisse de façonner autrement un si joli tableau le fit admirer la scène. Mais – « car je ne suis qu’un surhomme, trop humain ! » – il avança des pieds sûrs, écrasant des chaussures le fourmillant tableau. Jonchaient à son chemin ces livres qu’il lut dans les affaires de son père. Certain de son génie porté d’un culotté juvénile, il entreprit de monter la nature, comme il savait dompter les êtres y errant. Les yeux tournés vers le ciel et le regard plus haut encore, il fixait de gigantiques pétales !

Un vertige insensé lui prit le corps, voyant fuir de sa hauteur le fruit de ses efforts prochains. Il suffoquait de rage, et sauta en s’entourant de sa largeur à l’arbre… Piqueur !

Il était tout à fait bloqué, percé de part en part des fines aiguilles protégeant ces bas-cieux. Ses premières pensées allèrent à sa conduite honteuse, honteuse ô combien !

« J’ai chu, déjà si bas ! Me voilà pendu, en macchabée perdu et au sang coulant ! La douleur est tenace et me perfore. Ah ! Douleurs, quittez-moi, je suis mort ! » Après assez de temps lamenté, il tremblait. Se ressaisissant, il comprit. Alors les épines en nombres infinis se retirèrent de lui, lentement, et il sentit. Ses yeux s’ouvraient à la salle évadée par ses camarades. Sa chemise au-dessous de son pull était trempée, et lui montèrent les effluves d’un adolescent frais.

Son corps était endolori. Il était vidé. Lui ! Lui qui pensait tout connaître ! Ne savait-il que croire ? En effleurant d’un doigt les deux interrupteurs, sa professeure éteignit les dernières sources de lumière de cette pièce froide. Elle se dirigea vers lui. D’une globale expression de compassion, il décelait néanmoins en son encontre un mépris cristallin.

— Quand finiras-tu par être sage ? lança-t-elle.

— Et vous, quand cesserez-vous de l’être ? Je ne souffre d’aucun manque de sagesse, je la séquestre, voilà tout.

Lorsqu’elle reprit la parole, il la coupa d’un geste et deux mots :

— Et je vous hais, vous et vos manières.

D’apparence, il n’était alors qu’un sale gosse, sûr de lui. Il osa un sourire du coin de la bouche, perdu. Il sortit en claquant la porte. Cette femme avait eu l’air mourante à son écoute, et ne sut rien lui répondre. L’explosion du bruit de la porte dans le couloir n’étouffa pas ses sanglots impudiques. Il prit l’escalier, les yeux piqués de larmes, et sortit en dehors du collège élégie. Sur le chemin du retour, il lui semblait rester immobile. Il n’avançait pas, seul le paysage défilait sous ses pieds. Au-delà du harcèlement réflexif de sa pensée lui martelant l’inconsistance d’un tel jeu d’esprit, il espérait secrètement découvrir une réalité transcendante, la vraie réalité arrachée au cobaye. Ou cette réelle vérité à jamais attendue. Celle de l’explication du truchement saisissant sens et vie. Se croyant un instant à l’intérieur d’une grande salle noire, baignée d’un fond diffus holographique aux mille artifices immersifs, il marchait dans un autre monde. Ses croyances se substituaient à sa vision faussement tangible du sensible. Son scénario allant, il s’approchait machinalement du bas de son bâtiment. Il peinait à respirer tant son cerveau le tracassait.