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Sefu Mandeba, personnage politique atypique et original, accède au pouvoir grâce à un miraculeux concours de circonstances. Sa victoire au deuxième tour du scrutin présidentiel face à son ancien mentor, Nala Sembé, est une véritable surprise. Il incarne alors l'espoir d'un peuple entier, mais son règne se transforme rapidement en une période de violences et de privation de droits de l'homme sans précédent dans l'histoire du Nyambara. Face à sa tyrannie, un leader politique charismatique émerge, Omiba Sanda. C'est un homme de conviction, qui, malgré son jeune âge et le fait qu'il soit novice en politique, dénonce avec hargne la gestion calamiteuse du Nyambara par Sefu Mandeba et ses alliés de la classe politique traditionnelle. Il s'apprête à s'engager dans un duel politique épique et rempli de rebondissements, qui restera gravé dans l'histoire de ce pays admirable. Qui sortira vainqueur de ce duel entre deux monstres politiques ? Sefu Mandeba, le dirigeant tyrannique et manipulateur de haut vol ? Omiba Sanda, le jeune loup aux dents aiguisées, prêt à tout pour rétablir le Nyambara sur la voie de la démocratie et du développement ? Plongez dans un univers riche en personnages, avec des lieux et des cultures typiques de l'Afrique noire. Une narration haletante, pleine de suspense et de situations à haute tension, vous fera vivre et ressentir les péripéties des différents personnages du roman.
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Seitenzahl: 252
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Je dédie ce livre à tous ceux qui se battent pour la liberté, la démocratie, la justice, à travers le monde, ce au prix de leurs vies. Je le dédie également à tous ces héros qui n’ont pas peur d’affronter des dirigeants autoritaires, tyranniques, avec des penchants pour la dictature, pour libérer leurs peuples et leurs pays de l’injustice, de la corruption et la mal-gouvernance. Un monde meilleur est possible, si la démocratie et la tolérance de l’adversité politique sont de rigueur.
F.F
Prologue
Acte I: L‘ascension et le pouvoir absolu
Chapitre 1: L’enfance du tyran
Chapitre 2: La prise de pouvoir
Chapitre 3: Les premières années de règne
Acte II: L'Oppression et la Résistance
Chapitre 4: Les actes de tyrannie
Chapitre 5: La naissance de la résistance
Chapitre 6: Les épreuves de la résistance
Acte III: Le Point de Non-Retour
Chapitre 7: La montée des tensions
Chapitre 8: La bataille décisive
Chapitre 9: La chute du tyran
Épilogue
Il était une fois sur le continent des grands hommes, un pays nommé le Nyambara. Il avait emprunté son nom au grand Fleuve Nyambara qui le séparait de ses voisins. Le Nyambara était une terre prospère, avec un peuple uni, pacifique et très accueillant. Le pays était connu de tous les étrangers pour l'accueil chaleureux qui leur était réservé à chaque visite. Les étrangers venaient de partout pour visiter le pays.
Le Nyambara était béni des dieux par ses trésors naturels. Le pays se trouvait au bord de la mer ; il était baigné par le soleil presque toute l'année. Les Nyambarois étaient de grands pêcheurs, ils pratiquaient cette activité depuis la nuit des temps. Le poisson qu'ils attrapaient avec leurs pirogues artisanales ornées de dessins artistiques constituait la base du plat principal du pays : le riz au poisson.
Pendant quatre mois, le pays était arrosé d'une pluie abondante qui faisait pousser le mil, le maïs, le riz, l'arachide, et tout ce qui nourrissait le peuple. Ils étaient de très bons agriculteurs, qui savaient tirer parti des ressources naturelles disponibles pour faire de fructueuses récoltes. Le Nyambara était très porté sur ce secteur économique.
Les habitants du Nyambara appartenaient à diverses ethnies, ils pratiquaient diverses religions, mais ils vivaient en parfaite harmonie. La majorité de la population était des musulmans, il y avait également une minorité de chrétiens, et d'animistes qui pratiquaient la religion traditionnelle. Les Oracles de Zangala faisaient partie de cette dernière catégorie, ils pratiquaient la religion traditionnelle. Ils étaient très respectés et craints dans tout le Nyambara. Les gens venaient de partout pour les solliciter afin d'obtenir les faveurs des ancêtres.
Le peuple du Nyambara était divisé en plusieurs ethnies majeures et minoritaires. Chaque ethnie avait ses us et coutumes, qu'elle célébrait au fil du temps. La tradition et les anciens étaient très respectés dans toutes les ethnies. Les chefs coutumiers représentaient chaque ethnie lors des grands évènements, comme les cérémonies religieuses, les fêtes populaires, les cérémonies officielles.
Malgré cette forte diversité religieuse et ethnique, le peuple du Nyambara vivait en parfaite harmonie dans tout le pays, ils cohabitaient pacifiquement, partageait les marchés, les écoles, les services publics, quotidiennement sans heurts. Le Nyambara était cité comme un exemple dans tout le continent des grands hommes.
De puissants royaumes avaient cohabité sur ses terres. De grands rois avaient écrit leurs épopées en lettres d'or. On leur rendait hommage à chaque occasion, on célébrait leur bravoure et leur résistance face à l'envahisseur. Les terres de cette belle contrée du continent des grands hommes avaient été envahies deux siècles auparavant par l'homme blanc, à la quête de ressources naturelles pour nourrir sa machine industrielle. Ils s'accaparèrent de bonnes terres et d'hommes vaillants, les réduisant à l'asservissement. Les Rois et leurs armées s'étaient battus avec leurs armes désuètes jusqu'au bout de leurs vies pour libérer leurs terres de cet envahisseur armé de fusils et de pistolets.
De grands hommes de science, des dignitaires religieux, de grands chefs coutumiers et traditionnels avaient également résisté à l'oppression de l'homme blanc. Après un long combat jalonné de sacrifices, ils finirent par obtenir gain de cause, avec la déclaration de l'indépendance du Nyambara. Ainsi naquit le jeune état. Un président fut désigné par les occupants pour diriger la terre nyambaroise. Il avait la périlleuse mission de jeter les bases d'une nation, de mettre en place les institutions caractéristiques d'une république, de mettre le jeune pays sur les rails du développement.
Ce dernier eut à affronter de nombreuses crises politiques, certaines étant très graves. Il resta au pouvoir pendant une vingtaine d'années avant de démissionner. Son bilan était mitigé, il n'avait pas vraiment réussi à se défaire de la tutelle des anciens oppresseurs. Il n'avait également pas réussi à donner une orientation économique claire au Nyambara qui dépendait beaucoup des aides et subventions de pays étrangers.
Il fut remplacé par son poulain et Premier ministre. Ce dernier gouverna le pays pendant une vingtaine d'années. Il était parti sur les mêmes bases que son prédécesseur avec un immobilisme notoire dans la gestion des affaires de l'État. Il ne faisait que gérer les affaires courantes. Ses priorités consistaient à payer les salaires des fonctionnaires, à assurer la disponibilité des denrées de première nécessité. Il n'y eut aucune politique industrielle, agricole ou infrastructurelle réelle sous son magistère. La majorité des infrastructures du pays dataient de l'époque de l'envahisseur qui les avait construits pour transporter les ressources naturelles qu'il convoitait.
Ce fut sous son mandat qu'un opposant émergea de la scène politique nyambaroise. Il s'agit de Nala Sembé. Un avocat qui s'était lancé dans la politique pour apporter une vraie politique de développement au Nyambara. Il était jeune, combatif, intelligent. Il voulait lutter contre l'immobilisme et la tutelle des anciens oppresseurs. Le Nyambara connut de nombreuses crises politiques qui impliquaient le tonitruant et virevoltant opposant. Il fut emprisonné, puis libéré, mais son engagement et son ambition politique étaient intacts.
Il réussit finalement à battre le successeur du premier président lors d'élections historiques. Il s'agissait de la première alternance démocratique dans le Nyambara après quarante années d'indépendances. Ses longues années d'opposition n'avaient pas été vaines, il avait l'occasion de mettre en pratique son programme qui devait changer radicalement le visage du Nyambara et le propulser dans une nouvelle ère. Il comptait sur les cadres de son parti, qui étaient nombreux, pour le mettre en œuvre. Parmi ces cadres, il y en avait un du nom de Sefu Mandeba.
Il avait adhéré au parti de Nala Sembé une vingtaine d'années auparavant, durant les dures années d'opposition face au successeur du premier président. C'était un responsable de base, qui représentait le village de Zangala et ses environs. C'était un jeune politicien, qui cherchait à se faire une place sur la scène politique du Nyambara. Il avait beaucoup d'ambitions, mais il était patient, mais aussi très discret. Au fil des années, il avait gravi les échelons, il avait intégré le bureau des cadres du parti. Il s'était rapproché de Nala Sembé qui l'appréciait beaucoup.
Dès son accession au pouvoir, Sefu Mandeba avait été plébiscité par son chef de parti. Il avait été nommé Conseiller spécial du nouveau Président Nala Sembé. Ce dernier avait pleine confiance en lui, il le voulait à ses côtés pour gouverner. Il lui confia par la suite plusieurs fauteuils ministériels avec des responsabilités toujours plus grandes, comme le ministère de l'Énergie, ou bien encore celui de l'intérieur. Son ascension dans l'attelage gouvernemental connut son point d'orgue avec sa nomination comme Premier ministre.
Sefu Mandeba s'était complètement dévoué à Nala Sembé, qui était son chef de parti, mais aussi son mentor, son père. Il lui vouait respect et admiration. Il lui était loyal depuis ses débuts en politique malgré les tentations, mais aussi la traversée du désert des années d'opposition. Il avait été largement récompensé pour tout cela, car son ascension dans le parti et dans le gouvernement avait fait beaucoup d'émules. Il avait clairement bénéficié des faveurs de son mentor. Il comptait lui rendre ses faveurs en s'engageant corps et âme pour sa réélection lors des élections présidentielles.
Il fut nommé directeur de campagne par la coalition du président sortant. Il ne ménagea aucun effort lors de la campagne pour assurer la victoire à son chef de parti. La victoire fut éclatante. Nala Sembé était réélu pour un second et dernier mandat. Sefu Mandeba avait encore prouvé sa valeur dans son camp politique. C'était un leader incontesté, qui n'hésitait jamais à se mouiller pour atteindre ses objectifs. Il espérait ainsi poursuivre son ascension politique auprès de son leader, qui venait d'être réélu pour cinq années.
Lors d'une conférence de presse tenue quelque temps après sa réélection, son mentor tint un discours qui changea à jamais le cours des choses. À la question de savoir s'il avait déjà trouvé un potentiel successeur, le nouveau président répondit qu'il n'en voyait pas autour de lui. Pourtant, Sefu Mandeba était dans la salle, à ses côtés, en ce moment-là. Il ne s'attendait pas à une telle déclaration. Il était surpris, il bouillonnait de rage en son for intérieur. Son mentor avait délibérément choisi de l'ignorer en parlant de sa succession, c'était un affront, une humiliation.
Ce fut à partir de ce moment que la relation entre Sefu Mandeba et Nala Sembé commença à se dégrader. Quelque temps après cette conférence de presse, il fut officiellement déchu de ses fonctions de Premier ministre. Pour rester dans les carcans du pouvoir, il était obligé de se rabattre sur le poste de Président de l'Assemblée nationale du Nyambara. Un poste dont il devait se satisfaire après avoir été jeté en pâture par son chef de parti. Mais il n'en avait pas fini avec les ennuis politiques. Il était sur le point de traverser un violent orage politique dont il n'était pas sûr de sortir indemne.
Dans le cadre de sa mission de chef du Parlement du Nyambara, il convoqua le fils du Président Nala Sembé. C'était dans le cadre d'un audit sur des fonds alloués à l'agence nationale qu'il gérait. Sefu Mandeba voulait que le fils du président justifie les dépenses exécutées dans le cadre de différents projets et évènements. Il voulait éclairer la lanterne de l'opinion nyambaroise sur de supposés détournements, malversations et fraudes. Il voulait qu'il énumère toutes les dépenses et leurs justifications devant le parlement.
Ce fut son arrêt de mort politique. Nala Sembé entra dans une colère noire. Comment ce Sefu Mandeba qu'il avait créé de toutes pièces osait-il s'en prendre à son fils ? Comment osait-il le convoquer devant le parlement où son parti était majoritaire ? Il considérait cette convocation comme une insulte de la part de Sefu Mandeba. Cela ne pouvait rester impuni. La guerre était officiellement déclarée entre lui et son poulain. Il allait lui retirer tout ce qu'il lui avait donné.
Le divorce était ainsi consommé entre ces deux figures politiques majeures du Nyambara, qui avaient cheminé durant trois décennies. Ils avaient traversé toutes les épreuves ensemble, mais leur compagnonnage était désormais révolu. Nala Sembé fit réduire, par sa majorité au Parlement, le mandat de président de l'Assemblée nationale de cinq à une année. C'était du jamais vu. Il ne s'arrêta pas en si bon chemin, puisqu'il supprima également son poste au sein du parti qui l'avait formé et l'avait vu éclore sur la scène politique nyambaroise. Désormais, Sefu Mandeba était un paria, livré à lui-même.
Il avait été blessé, humilié, trainé dans la boue par celui à qui il avait tant donné. Il était temps qu'il prenne son propre chemin. Il devait suivre sa propre voie politique et l'affronter. Il démissionna de son poste de président de l'Assemblée nationale, puis entra dans l'opposition politique, en fondant son propre parti politique : Le Parti de la Fraternité républicaine. Il avait réussi à recruter une dizaine de cadres de son ancien parti. Avec eux, il comptait fonder un nouveau parti qui entrerait dans l'histoire du Nyambara. Sefu Mandeba était un homme d'honneur, qui se donnait corps et âme pour atteindre ses objectifs. Il voulait se venger.
Avec les cadres de son parti, il concocta un programme politique axé sur l'accès à l'eau potable, à l'électricité et à des routes praticables dans le monde rural. Son jeune parti remporta toutes les localités de son fief natal du Kilandé, lors des élections locales. Il remporta également douze localités du Nord du Nyambara, d’où ses parents étaient originaires et trois dans le sud. Rusé qu'il fût, il sentit le vent tourner en sa faveur. L'opinion publique le prenait en sympathie à cause de l'injustice qu'il avait subi. Son objectif était maintenant de transformer ce capital de sympathie en voix lors de l'élection présidentielle qui allait se tenir.
Une grande alliance des partis d'opposition vit le jour. Leur objectif principal était de faire bloc contre Nala Sembé. En même temps sous les couleurs de son jeune parti, Sefu Mandeba se mit à sillonner le Nyambara, dans ses localités les plus reculés, pour écouter les doléances de ces populations souvent oubliées du pouvoir central. Il sillonna également les pays du monde, à la rencontre de la forte diaspora nyambaroise. Il sollicita leur soutien financier pour sa future campagne présidentielle. Il n'était guère le favori de cette élection présidentielle qui se profilait lentement. Aucun sondage ne le donnait vainqueur face à Nala Sembé qui se présentait pour un troisième mandat malgré la vindicte populaire.
A la grande surprise de tout le peuple du Nyambara, Sefu Mandeba arriva second lors de l'élection présidentielle, tout juste derrière le président sortant Nala Sembé. Un deuxième tour devait les départager au vu des résultats très serrés. Chacun fit jouer sa coalition pour remporter ce deuxième tour, mais Sefu Mandeba eut le dessus sur son ancien mentor. Il avait remporté la victoire finale. Il allait être le troisième Président du Nyambara.
Ainsi commença l'histoire du tyran le plus célèbre du Nyambara.
Sefu Mandeba naquit dans le village de Zangala, situé dans la province du Kilandé, au centre du Nyambara. Il était issu d'une famille modeste, mais très respectée. Son père était un commis de l'administration locale, sa mère vendait des légumes au petit marché du village. La naissance de Sefu Mandeba était entourée de mystères. Le jour de sa venue au monde, sa mère avait effectué tous les travaux domestiques. Elle avait cuisiné le déjeuner, puis le diner, avant de rentrer dans sa case. Elle portait un enfant dans son ventre. Sa grossesse était très avancée.
C'était une nuit d'orage. Le ciel, déchiré par des éclairs incessants, semblait prêt à s'effondrer sur la terre. Les villageois étaient terrifiés, se barricadant dans leurs huttes, tandis que le vent hurlait à travers les arbres comme une bête enragée. Tous les habitants de la concession s'étaient abrités dans leurs cases après le diner.
La case de Nya Malanga, la mère de Sefu Mandeba, était au centre de la concession. Cette nuit-là, des lumières étranges en émanèrent. Elle était en travail. Mais ce n'était pas un accouchement ordinaire. Toute la nuit, des cris inhumains retentirent depuis la case, des sons qui n'appartenaient ni aux hommes ni aux animaux.
Certains disaient que l’esprit de la montagne, M’Koma, était descendu sur la terre pour assister à cet événement. D’autres murmuraient que les ancêtres eux-mêmes veillaient sur cet enfant à naître, conscients de son importance.
Peu avant l'aube, alors que l'orage atteignait son paroxysme, Sefu Mandeba vint au monde. Mais à peine eut-il poussé son premier cri que le tonnerre cessa brusquement, plongeant le village dans un silence assourdissant. Les éclairs s'éteignirent, et les nuages noirs se dissipèrent aussi soudainement qu'ils étaient apparus, révélant un ciel étoilé d’une clarté surnaturelle.
Les cris du nouveau-né avaient alerté les habitants de la concession. Ils accoururent vers la chambre de Nya Malanga. Ils manquèrent de tomber à la renverse en la voyant tenir un bébé. Elle avait accouché toute seule, durant cette terrible nuit d'orage. C'était une femme brave. Elle était connue de tout le village pour sa gentillesse, et son calme légendaire.
Son accouchement mystérieux suscitait de vifs commentaires dans le village de Zangala. Les rumeurs disaient que son enfant était béni des ancêtres, ils lui prédisaient un destin fabuleux.
Quelques jours avant sa naissance, les Oracles du village s'étaient réunis pour leur séance de divination annuelle. Ils avaient annoncé une nouvelle année marquée par l'abondance, tant pour les pluies que pour les récoltes. Ils avaient également prédit divers événements qui se produiraient. La naissance d'un grand homme, avec un destin hors du commun, avait été évoquée par le chef des Oracles.
Quel destin était promis à Sefu Mandeba, né un soir d'orage ? Était-il l'enfant prodige que les Oracles avaient mentionné ?
Seul le temps pouvait apporter des réponses à ces questions.
Sefu Mandeba connut une enfance heureuse, entouré de sa famille. Il grandit sous la protection de sa mère. Il passait tout son temps entre les champs de son père, les jeux avec ses camarades et la vie familiale. C'était un garçon réservé. Il était courageux, travailleur. Il aidait beaucoup son père dans les champs pendant la période hivernale.
Une fois à la maison, Sefu Mandeba aidait beaucoup sa mère dans les tâches ménagères. Il balayait la cour, il nettoyait les légumes quand Nya Malanga était dans la cuisine. Il allait chercher de l'eau pour elle quand elle lavait les habits. C'était un garçon dévoué et aimant pour sa génitrice qui avait beaucoup d'espoir en lui.
Les villageois n'avaient pas oublié la nuit de sa naissance. Les vieux sages du village l'observaient, ils le scrutaient, ils guettaient les moindres signes qui pourraient confirmer les prédictions des Oracles. Ils pouvaient se rendre compte de leurs propres yeux qu'il était différent. Il se faisait remarquer en premier quand il était avec ses camarades. Il détonait du groupe. Quand il leur parlait, les autres enfants s'asseyaient sagement, ils l'écoutaient avec la plus grande attention. Il avait quelque chose en lui qui faisait qu'il était le plus souvent celui qui décidait des jeux et des équipes.
Sefu Mandeba avait l'âme d'un leader, il était né pour diriger. Arriva le moment pour lui d'intégrer l'école française. Il allait apprendre à lire, écrire et compter, pour aider sa mère dans son commerce. Il était intelligent, et vif d'esprit, c'était les armes dont il avait besoin pour réussir. Tous ses camarades le connaissaient comme un élève atypique, discret, effacé, fermé et réservé.
On le retrouvait souvent sous l'arbre à côté de chez lui avec un livre. Il aimait beaucoup la lecture ; il anima le club de lecture de son école durant des années. Malgré son jeune âge, Sefu Mandeba était entreprenant, créatif, il n'hésitait jamais à fédérer ses camarades pour une cause ou une autre. Tous les enseignants le connaissaient, il leur rendait divers services durant les heures d'écoles.
Cependant, il avait un côté sombre que peu de ses camarades et enseignants avaient décelé. Certains avaient eu le malheur de voir cette autre face de sa personnalité. Une face sombre, qu'il arrivait à garder secrète malgré son jeune âge. Sefu Mandeba avait des penchants autoritaires sur certains de ses camarades de classe. Il devenait également très colérique quand on le contrariait. Un jour, il avait dû recourir à la force pour reprendre un de ses livres à l'un d'eux. Ses yeux étaient rouges de colère. Il tremblait de tout son corps, et marmonnait des mots incompréhensibles. Il avait pris son bras et l'avait violemment secoué. Son camarade avait pris peur, il avait jeté le livre par terre, puis s'était enfui en toute vitesse. Il n'osa plus jamais s'en prendre à Sefu Mandeba.
Il survola son cursus primaire et secondaire avec brio. Au fil de ce périple, son charisme et son désir de commander se renforçaient de plus en plus. Il dirigea des mouvements associatifs au Lycée, mais aussi une association sportive et culturelle dans son village. Il leur permit de se structurer en différents bureaux. Il fit un plaidoyer auprès des plus nantis dans le village pour récolter des fonds.
Ce fut un succès total. Ainsi, il réussit à doter l'équipe de football de maillots et de ballons neufs. Il organisa des événements culturels dans le village, ils rapportèrent beaucoup d'argent à l'association. Tout le monde dans le village était d'accord sur le fait que Sefu Mandeba était promis à un grand destin.
Au lycée, la politique fut également un de ses domaines d'activité extrascolaire. C'était la première fois qu'il fréquentait un mouvement politique. Il fréquentait les maoïstes. Les maoïstes se référaient à un courant du communisme révolutionnaire développé au vingtième siècle par Mao Zedong.
Après le baccalauréat, ce fut la faculté de Soroké qui l'accueillit. Il y poursuivit ses activités politiques. Entretemps, il s'était converti au marxisme-léninisme. Ce fut un bref passage dans ses débuts politiques, puisqu'il ne partageait pas certaines idées du mouvement.
Sefu Mandeba continua son cursus scolaire à l'étranger, il avait bénéficié d'une bourse pour étudier la géologie. À son retour, il allait être un ingénieur-géologue fraichement diplômé. Il serait alors prêt à servir le Nyambara à travers ses compétences.
Quand il rentra après de longues années d’études dans l’hémisphère nord, il fit la connaissance de Nala Sembé, opposant farouche au successeur du premier président. Il venait de rencontrer son mentor, son guide, celui qui allait le propulser dans les plus hautes sphères de la politique nyambaroise.
Le fabuleux, mais aussi sinistre destin de Sefu Mandeba était en marche.
Durant tout son parcours scolaire et politique, Sefu Mandeba avait gardé des liens étroits avec son village d'origine. Il y retournait souvent. Beaucoup avaient oublié l'histoire de sa naissance ; de même que les prédictions des oracles sur son fabuleux destin. Les Oracles suivaient son parcours avec beaucoup d'intérêt. Ils avaient un œil sur lui, scrutant les moindres signes de la prophétie de l'esprit des ancêtres. Quand Sefu Mandeba s'apprêtait à fonder son propre parti après la trahison de Nala Sembé, ils le convoquèrent au village pour une séance d'exorcisme et de divination. Sa participation à cette cérémonie était impérative pour que les ancêtres puissent intercéder en sa faveur. Le but de cette séance était un retour aux sources pour s'ancrer plus profondément dans la pure tradition de Zangala, mais aussi la recherche du soutien des ancêtres dans son combat contre son mentor.
Ce fut Nya Malanga, la mère de Sefu Mandeba, qui l'invita à venir participer à cette cérémonie traditionnelle. Il était réticent au départ avec son esprit cartésien qui prenait le dessus petit à petit, mais Nya sut trouver les bons mots pour le convaincre. Elle l'assura des bienfaits qu'il pouvait tirer de ces us et coutumes du village. Les esprits des ancêtres étaient puissants, ils pouvaient assurer sa protection, ils pouvaient lui donner de la force dans les moments les plus difficiles, ils pouvaient l'aider à vaincre ses adversaires. Tout ce dont il avait besoin pour se lancer dans la politique. Aucun soutien n'était à négliger aux yeux de Sefu Mandeba.
La cérémonie devait se dérouler sur la place centrale du village, là où tout se décidait. Cette place accueillait tous les évènements importants du village, les cérémonies de mariage, de deuil, les réunions des sages, c'était le poumon de Zangala. La séance annuelle de divination des Oracles de Zangala devait se dérouler sur toute une nuit au rythme des tam-tams traditionnels. Tout le village était en effervescence depuis des semaines. Les hommes avaient acheté de nouveaux boubous, les femmes des pagnes neufs aux multiples couleurs. Les enfants n'étaient pas en reste, eux aussi avaient eu droit à de nouveaux habits de leur choix.
Sefu Mandeba, qui avait commencé à gagner en notoriété sur la scène politique du Nyambara, était très attendu. C'était la fierté du village, qu'un de leurs fils rayonne sur le plan national, même si ce dernier n'était pas toujours bavard sur ses origines. Il n'avait également pas encore entrepris quelque chose de concret pour le village et ses habitants, malgré tous les hauts postes qu'il avait occupés quand il était auprès de Nala Sembé. Les villageois ne lui en tenaient guère rigueur, ils le considéraient toujours comme un valeureux fils du Zangala, ils étaient prêts à le soutenir dans sa quête du pouvoir.
Lors de cette cérémonie, les Oracles de Zangala devaient faire des prédictions sur la saison des pluies, mais aussi sur des évènements qui devaient marquer le pays du Nyambara. Ces évènements étaient soit heureux, soit malheureux. Ils prédisaient des naissances, des mariages, de bonnes récoltes, mais aussi des épidémies, des décès chez les personnes les plus importantes et les plus connues du pays, ainsi que des accidents sur la route. Pour prévenir les malheurs, ils faisaient des sacrifices en deuxième partie de cérémonie, puis ils donnaient des recommandations à toute la population du Nyambara. La dernière partie de la cérémonie consistait en des réjouissances, les villageois dansaient au son du tam-tam jusqu'à l'aube.
Enfin la nuit de la cérémonie de divination des Oracles de Zangala arriva. La place du village était remplie de monde. Tous les villageois avaient revêtu leurs plus beaux habits. Ils s'étaient aspergés de parfum. Certains venaient des villages environnants. Les tam-tams battaient déjà des rythmes mystiques que l'on entendait uniquement en cette occasion. La foule, disposée en cercle autour des batteurs de tam-tam, attendait avec impatience l'arrivée des Oracles.
Sefu Mandeba était l'invité d'honneur de la cérémonie de cette année, il occupait une place de choix dans l'assistance, à côté des notables et vieux sages du village. Une partie devait lui être dédiée, pour des incantations en sa faveur. Il était nerveux, suant à grosses gouttes. Il n'y avait plus assisté depuis de nombreuses années. Quand il était enfant, il y venait accompagné de sa mère. Il avait toujours eu peur des Oracles. Ce jour-là, il les attendait avec impatience, il avait espoir en leur intercession auprès des ancêtres pour réussir dans sa quête du pouvoir.
Tout à coup, on entendit des grondements dans la foule. Une clameur parcourut l'assistance. Les Oracles faisaient leur entrée dans le cercle. Le battement des tam-tams se fit encore plus nerveux. La foule était excitée, certains étaient à la limite de l'hystérie. Les petits enfants coururent se cacher dans les pagnes de leurs mères. Les Oracles marchaient en file indienne, en direction du centre du cercle. Ils étaient entourés d'un nuage de poussière, on avait même du mal à les distinguer. Quand la poussière retomba, ils étaient alignés au milieu du cercle.
Les Oracles étaient revêtus de longues robes rouges sur lesquelles étaient disposés des bouts de miroirs, des gris-gris, et des amulettes en tout genre. Ils étaient coiffés de bonnets rouges, ornés d’une queue de vache, de bouts de miroirs, et de cauris. Ils tenaient dans leurs mains des bouteilles remplies de breuvages mystiques qu'ils ingurgitaient, puis recrachaient tout autour d'eux. Ils récitaient par intermittence des incantations, que personne dans la foule n'avait le pouvoir de déchiffrer. Les Oracles de Zangala étaient impressionnants, ils étaient respectés et craints de tous.
Toute l'assistance était absorbée par ce spectacle mystérieux et terrifiant. Ils s'immobilisèrent au milieu du cercle, puis ils saluèrent la foule avec de grands signes de la main. Le programme de la soirée fut annoncé par le chef des Oracles, qui était le seul, habilité à s'adresser à l'assistance. La première partie consisterait à un sacrifice rituel de coqs, pour appeler les ancêtres, avec leur sang. Quand les Oracles auraient réussi à établir un contact avec les esprits des ancêtres, ils seraient en mesure de communiquer avec la foule sur des évènements et faits à venir.
Cinq coqs de différentes couleurs furent sacrifiés. Une partie de leur sang était recueilli dans une petite calebasse, qui contenait déjà un breuvage mystique. Le fameux mélange était ensuite déversé sur la terre, pour appeler les esprits. Petit à petit, le rythme du tam-tam devint endiablé, les Oracles étaient possédés par les esprits des ancêtres. Ils étaient entrés en transe. La communication avec le monde des esprits était établie. La foule retenait son souffle, les femmes et les enfants frissonnaient de peur. Les hommes étaient silencieux, l'heure était grave.
Les tam-tams s'arrêtèrent d'un coup, sur un signe de la main du chef des Oracles. Il s'avança ensuite vers la foule, ses yeux étaient enflammés. Il tenait un objet sacré, avec une queue de vache à son bout. Il le secoua dans tous les sens, puis le dirigea vers la foule. Il se mit alors à parler d'une voix qui n'avait rien d'humain, il était habité par un esprit. Il se présenta comme un lointain ancêtre venu délivrer des prédictions sur le futur de la communauté et de la terre du Zangala, mais aussi du Nyambara. La foule était silencieuse, on pouvait entendre une mouche voler.
Il affirma qu'un hivernage pluvieux et fécond allait arroser la terre du Nyambara cette année-là. Il y aurait des graines en abondance dans les greniers, et de l'herbe à foison pour le bétail. Cette période faste devait durer une année pleine. Il annonça de grands évènements dans le Nyambara, des décès, des catastrophes à venir. Il prédisait également des manifestations politiques qui seraient source de changement dans le pays du Nyambara. Le chef des Oracles annonça qu'il avait vu le prochain président, qu'il le connaissait. La foule s'exclama de stupeur devant des prédictions aussi précises. Les villageois étaient admiratifs de la science des Oracles.
Sefu Mandeba était aux premières loges pour assister aux différents évènements de la soirée. Il avait suivi le discours du chef des Oracles avec beaucoup d'intérêt. Il scrutait ses moindres faits et gestes pour y déceler une révélation sur le devenir de sa carrière politique. Lorsqu'il affirma qu'il y aurait un changement politique au Nyambara, ses yeux avaient brillé d'une lueur étincelante. Il avait souri longuement quand il avait entendu les mots changement et nouveau président de la bouche de l'Oracle en chef.
Il était obsédé par cette idée, cette folle envie qui le consumait depuis que Nala Sembé l'avait trahi. Il voulait être le prochain président du Nyambara. Il voulait battre son ancien mentor, qui l'avait trainé dans la boue, sans aucun scrupule devant tout le peuple. C'était son désir le plus ardent, il allait tout mettre en œuvre pour que cela se réalise.