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La colère et la révolte peuvent-elles surpasser la puissance et la traîtrise? C'est ainsi que vengeance, violence, argent, sentiments se percuteront dans un conflit inégal entre deux famille, dans une Grèce bouillonnante... Peut-on sortir vainqueur et indemne d'un tel combat?
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Seitenzahl: 289
Veröffentlichungsjahr: 2024
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A Ana …
Sur l’auteur
Ancien enseignant spécialisé et référent pour les élèves en situation de handicap dans l’Avesnois, Guy ANDRE a été coureur à pied dans l’ultrafond pendant près de trente ans.
Lors de ses entraînements quotidiens et durant les compétitions, il a dû souvent s’éloigner du réel pour surmonter la fatigue et la douleur, mais également se surpasser. Dans ces moments-là, il a commencé à esquisser la trame de nombreuses histoires qu’il couche désormais sur le papier…
Le premier roman publié en avril 2023 s’intitule :
Mémorial sur ordonnance
facebook Guy ANDRE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
Chapitre 25
Chapitre 26
Chapitre 27
Chapitre 28
Chapitre 29
REMERCIEMENTS
Chapitre 1
Je m’appelle Alexandre, Alex pour les amis… Aujourd’hui est sans doute mon dernier jour sur cette terre !
Je viens de descendre du bus, et je me suis déjà fait frapper, cracher dessus, j’ai reçu une dizaine de coups de pieds, j’en passe et des meilleurs, enfin… façon de parler !
Comment vais-je pouvoir tenir plus d’une journée dans cet enfer ? Comment faire ? Je n’en n’ai aucune idée… Ne serait-ce que réfléchir à cette hypothèse m’effraie !
Plus jeune, je me disais que ce n’était pas la peine d’apprendre à se battre, que discuter valait toujours mieux, que la violence n’était pas une solution, qu’elle ne résolvait rien, qu’elle n’amenait que le chaos ! Si j’avais su ! C’est peut-être judicieux dans un monde baptisé Utopia ! Mais pas ici, ni maintenant…
J’aurais dû apprendre à me défendre, il y avait des cours de self-défense dans mon village natal ! Une tradition séculaire dans cette région où tant de spartiates ont brillé ! Sparte ! L’armée la plus puissante du monde grec… Mais non, je préférais me promener dans les champs, vagabonder dans ma campagne, grimper sur les nombreuses éminences et collines de ce coin du Péloponnèse. Je passais mon temps à admirer ma région, à y humer les bonnes odeurs que la nature y exhale en toutes saisons, les senteurs des oliviers, si fortes et douces à la fois pour mon âme ! J’avais tellement mal à l’âme, tellement de tristesse dans mon cœur, tant de rancœur envers mon destin et le destin de ceux que je chérissais … On me disait d’arrêter de rêver, de m’enfuir de mes pensées solitaires… Pourtant, je m’y complaisais.
Mon dernier jour ! C’est insensé ! C’est incroyable… Déjà ?
Mais qu’a-t-il à me regarder comme cela ce rustre, avec ses yeux exorbités, noirs de colère, d’horreurs vécues et à vivre la barbe sale, sa moustache drue dégueulasse ? Ses cheveux, n’en parlons-pas ! Hirsutes est un euphémisme ! Et sa tenue ! Dégoutante, repoussante, à vomir ! On y voit tous les restes de sa vie ; tout ce qu’il a ingurgité et partout où il a traîné ! Il est tout simplement sale ! Pire que sale, quel est le terme ? Crasseux, crade, crado, pouilleux, dégueulasse… Oui, c’est ça ! Dégueulasse !
J’ose un clin d’œil et un doigt d’honneur à ce gars ! Il est grand comme une montagne ! Il m’énerve à me toiser comme s’il préparait déjà ma tombe, ou si c’est un homme digne, mon cercueil ! Je ne crois pas qu’il soit digne, ce sera donc un vulgaire trou pour moi ! J’ose ce clin d’œil car entre nous s’étale un gigantesque grillage, surmonté de barbelés ! J’ose ce doigt d’honneur car entre nous il y a des gardiens, qui, selon leurs fiches de poste, doivent nous protéger, nous les prisonniers, enfin, moi d’abord, car les autres, je m’en fiche ! Mais ils ne savent peut-être pas lire ces matons au Venezuela ! La plupart des coups, des insultes et des brimades, ce sont eux qui me les ont donnés… Un comble ! J’avance de quelques pas, sous les coups de pied d’un de mes camarades d’infortune, enfin, camarade, façon de parler ! Mais avec les regards qu’il me lance depuis le début de ce transfert en bus pénitentiaire depuis le tribunal de Caracas, il a l’air d’envisager plus qu’une simple camaraderie ! Tenir jusqu’à demain… Si on ne me trucide pas, si je ne finis pas ma vie dans un coin sordide de cette prison, si j’arrive à éviter cette franche camaraderie de douche dont je n’ai pas l’habitude ! Un jour, mon gars, seulement un jour, tiens-toi loin de moi, et tu pourras lorgner sur un autre ! En me retournant, je vois mon crasseux derrière le grillage passer sa lourde langue sur ses lèvres, laissant échapper un filet de bave ! Mais qu’est-ce qu’ils me veulent tous ! Le bruit aurait déjà couru jusqu’ici… Le bruit infamant que l’accusation a lancé, à savoir que je suis un donneur, une balance… Non ! Ce coin sinistre à sept heures de trajet de la capitale m’a fait supposer que j’aurais eu le temps de rétablir la vérité auprès de mes collègues. C’est comme cela que l’on dit ? Je n’en suis pas sûr… Balance et hackeur, il y a une nette différence, les gars ! Faut réfléchir !
Je rentre avec les autres nouveaux détenus dans un long couloir sombre, humide, chaud. Une certaine moiteur exsude de ces murs, spectateurs depuis des décennies des prémices de souffrances de centaines de pauvres gars… des crapules, des dépravés, des pauvres, des riches, des plus que coupables, des coupables… et des innocents… comme moi…
Bienvenus en enfer ! nous a dit le chef de convoi à notre arrivée. Cette prison est la pire du Venezuela, une des pires au monde… Vous savez pourquoi ? Parce qu’elle n’existe pas officiellement ! On y amène tous ceux dont on ne veut plus ! Ah, on ne les tue pas ! Ils ne survivent pas ! C’est tout !
Et moi je suis faible ! Ici, ne vivent que les forts ! Ici les forts fondent leur monde inégalitaire, absolument pas démocratique, pas du tout fraternel… Même les gardiens savent qu’ils ne retourneront jamais travailler en prison ordinaire. Ce ne sont que les matons sanctionnés lourdement que l’on envoie ici, dans le “Trou de l’Enfer”, el “ Agujero del Infierno”… Ok ! C’est glaçant comme nom !
Passage maintenant à l’administratif et au déshabillage-habillage… Pour aller plus vite, on nous ordonne de nous déshabiller entièrement dès notre sortie du tunnel et de répondre aux questions que l’on nous aboie dans cette tenue ! Bien comme premiers moments de socialisation ! Cela permet de voir tout de suite à qui on a affaire ! Sur la dizaine de gars avec moi, nus donc, j’en ai vu au moins quatre qui exhibent de manière proprement scandaleuse une joie phallique d’être en compagnie d’autres hommes dénudés… Pour ma part, le drapeau de mon pays est plutôt en berne !
Ne pas me tromper dans les réponses, prendre mon meilleur accent hispanique, il faut que je me concentre !
A moi ! Je réponds bien fort à mon futur tortionnaire de maton. Mollement assis sur une chaise de bureau hyper stylée, dans une tenue militaire beige impeccable, pantalon et chemisette, avec une cravate rouge éclatante, des chaussures vernies, une casquette vissée sur la tête… Comment peut-il faire pour ne pas défaillir de chaleur ? Dans cette prison au milieu de la jungle ? Lui, j’en suis sûr, c’est un chef ! Il ne faut pas me le mettre à dos. Vigilance…
Avant que je puisse dire un seul mot, un des détenus se précipite sur mon admirateur, celui derrière moi dans la file, et d’un coup sec, lui passe la main sur sa gorge, qu’il tranche en deux secondes ! Une fontaine de sang rougeâtre apparait ! Le bientôt exsangue, s’écroule immédiatement dans mon dos, en manquant de me faire tomber… Je me retiens au bureau de mon inquisiteur, me décale très vite en me retournant. Le criminel (en fait, ici, ils le sont sans doute tous !), le criminel du moment, dirais-je, me donne un coup de poing dans le visage, tout en continuant sa course vers le capitaine assis stoïquement au bureau… ! Je pense que c’est un capitaine, vu le nombre de ses galons… En fait, je n’y connais rien dans les grades ! L’assassin commence à grimper sur l’énorme bureau, mais ne peut aller plus loin, car j’entends au même instant plusieurs coups de feu provenant des armes des quatre gardiens qui nous escortent… Il s’écroule lamentablement. Le capitaine regarde droit devant lui, impassible. Il n’a pas bougé d’un seul centimètre, il n’a pas sourcillé une seule fois ! Il sort un briquet de sa poche de chemisette, prend un cigarillo d’une boîte installée sur le coin de la table, et l’allume tranquillement…
Profitant du fait que les gardiens soient occupés avec le corps sans vie de l’assassin, je distingue au sol ce qui a été sans doute l’arme du crime, un bout de lame de rasoir ensanglantée. Sans réfléchir, je le saisis et le glisse instantanément dans la bouche, le cale avec ma langue le long de ma gencive droite… Même si je me coupe avec, on n’y verra rien, puisque suite à son coup de poing, je saigne déjà abondamment. Je garde la main devant la bouche et me penche pour évacuer le sang qui l’encombre… Tout dégouline sur moi. Je me sens emmené par de lourdes mains en direction d’un autre tunnel… Je jette un coup d’œil en arrière et vois le capitaine, impavide, me regarder m’en aller… Mais où donc me conduit-on ? L’infirmerie ? On me jette sur un lit, dans une petite pièce salle, morbide, blanchâtre, d’à peine deux mètres sur trois, avec un lit, un minuscule lavabo et un seau, que je comprends être mes toilettes !!! Non, ce n’est pas l’infirmerie, c’est ma cellule ! Du moins pour cette nuit, je suppose, ou cette fin de journée, je ne sais plus, épuisé que je suis. Je saigne énormément de la bouche, j’ai froid, je tremble de fatigue mais surtout de peur… !
Je pourrai sans doute survivre à cette nuit, puisque je suis seul… pour l’instant. Je ne pense pas qu’on viendra me border ! On s’en fiche de moi… Mon seul ennemi, c’est moi ! Il ne faut pas que je panique ! Je dois me ressaisir ! La nuit porte conseil ! A Sparte, où je vivais jusqu’il y a encore quelques années, on dit : ne crains pas la nuit, nourris-toi de tes cauchemars ! J’y vais alors…Je m’enfonce, seul avec ma nudité, dans cette vague de cauchemars. Bientôt, elle me submerge…
Je cale bien ma langue sur le bout de lame de rasoir, le long de ma gencive, souhaitant que durant cette nuit qui sera agitée, je ne l’avale pas… Je me concentre car cette minuscule arme est ma seule amie pour l’instant. Solitaire d’habitude, cette nuit j’ai besoin de cette compagne.
Grace à elle, demain sera peut-être un autre jour !
Chapitre 2
Je pousse mon chariot, arpentant les couloirs qui mènent aux cellules des détenus les moins dangereux.
—Hé ! El Greco !
—Oui, Armando !
—Je veux bien un de tes livres !
Je m’approche de la porte de la cellule de ce gentil gars… Enfin… Gentil, si on peut dire comme cela... Il est quand même en prison parce qu’il a tué sa femme qui le trompait, son amant, la femme de son amant et son frère… Un gentil ! Il faut noter qu’en prison, tout est relatif … puisque c’est la prison ! Les degrés ne sont pas identiques à ceux extérieurs. La norme est située à un autre niveau que celui habituel pour chaque société…
—Armando ! Je t’en mets cinq faciles ou un qui est plus difficile ?
—Cinq faciles, comme au début, avec des dessins !
—D’ac, on appelle cela une bande dessinée, Armando…
—D’ac ! Avec au moins trois dessins alors !
Le code était passé… Dans les pages du milieu d’un livre, je glisse rapidement trois feuilles de coca et je le positionne sous la pile des cinq livres. Je ne suis pas dupe. Ils sont trois dans la cellule, chacun en profitera. Une douleur s’estompera un peu, un regain de force réapparaîtra quelques instants, un infime mieux-être se créera.
J’ai bien mené ma barque depuis mon premier jour dans cette tôle ! Le fait d’avoir subtilisé la lame de rasoir avait été remarqué par plusieurs des détenus de la file. Ils l’avaient fait remonter au tôlier, le Parrain de la mafia qui était dans ce pénitencier depuis quelques années, Chavez, Carlos Alberto Chavez. Je ne le sus que pendant mon entrevue avec lui, le lendemain de mon arrivée.
On m’avait alors donné un vieux pantalon et une vieille veste. J’avais été escorté jusqu’à sa cellule par deux gardiens en personne. Je me demandais ce qui pouvait m’arriver… Le couloir de ma mort ? Sa cellule était quatre fois plus grande que la mienne. On avait tout simplement démoli les cloisons de trois autres qui la jouxtaient… Cuisinière frigo, télévision, lit apparemment confortable, canapé… bref ! Le luxe en prison ! Spacieux et hyper propre...selon la norme pénitentiaire ! Deux de ses gardes du corps étaient présents, prêts à me sauter dessus au cas où… Les gardiens nous avaient vite laissé, et j’avais aperçu qu’un des hommes de main de Chavez lui avait glissé quelque chose dans la main.
Chavez est trapu, avec une mâchoire puissante, une moustache, une barbe, et une abondante chevelure, bien peignée, qui lui tombe sur les épaules, la raie de coiffure, située au milieu. La couleur noire de jais rend cet homme ténébreux, inquiétant. Ses mains, tels des battoirs à linge, renforcent cette impression de puissance tranquille. Pas si tranquille, à mon avis !
– Tu t’appelles ? m’apostropha le seigneur de ces lieux.
Je ne répondis pas, exprès. Un des hommes s’approcha de moi. Carlos Chavez fit un signe d’arrêt de la main. L’homme stoppa net. Je cherchais mes mots, je devais lui répondre.
– Je… et je sortis la lame de rasoir de ma bouche, je serai plus habile à parler comme cela ! dis-je dans un espagnol plutôt correct.
Il éclata de rire, un rire glaçant !
– Pour vous, s’il vous plaît ! avais-je continué en lui tendant l’arme de fortune.
– Merci, mais c’est à toi ! Tu pourras en avoir besoin, je te l’autorise ! Tu sais, il n’y en n’a pas beaucoup qui ont le droit d’en avoir une ici… Ton nom, donc ?
– Oh, désolé… Mais en fait, comme vous êtes le chef de cet établissement, je suis persuadé que vous le savez, Monsieur… en revanche, je ne connais pas votre nom… ou surnom ?
Le deuxième homme bougea et arriva juste à ma hauteur, son visage à moins de vingt centimètres du mien. Il regarda son chef.
– Si vous pouviez, Monsieur, lui demander de se bouger, car je ne vous verrai pas quand vous me donnerez votre nom ! dis-je avec un aplomb incroyable qui m’étonna moi-même.
En même temps, je penchais la tête vers le côté droit pour mieux le voir, sans l’obstacle de la tête du molosse… Ce dernier tendit la tête en vis à vis de moi, et aussitôt j’en profitai pour faire passer la lame de ma main droite à ma gauche, et la posai rapidement sur la jugulaire opposée de mon adversaire… manœuvre osée, mais l’attaque n’est-elle pas parfois la meilleure défense ?
– Monsieur, dites-moi ce que je dois faire maintenant ? avais-je dit en remettant ma tête droite. Je le tue ou bien je l’épargne ? En effet, si vous me le permettez, il n’a pas du tout anticipé ma manœuvre ! Vous est-il utile, donc ?
Il éclata de rire, cette fois-ci d’un rire tonitruant, gras, franc en fait !
– Chavez, mais tu peux m’appeler Carlos ! Toi, je t’appellerai El Greco ! Oui, il m’est utile ! C’est mon frère, Ricardo. Tu as donné un nom lors de ton procès, mais il est faux, archi faux, et ton passeport aussi… Je suis sûr que tu en possèdes plein… Ecoute ! J’ai besoin d’un gars comme toi, un hackeur, plein d’audace, de caractère, même si tu es mort de trouille… Regarde, tu as mouillé ton pantalon !
J’avais à ce moment fait l’effort de ne pas baisser la tête, et en avais profité pour lâcher ma proie, qui s’était reculée de plusieurs pas, sous le regard courroucé de son chef ! Sûr qu’il allait se faire remonter les bretelles, même s’il était son frère !
– Ne t’inquiète pas, on ne dira rien de cela en dehors de ma cellule, n’est-ce pas les gars ?
– Carlos, je me permets de te tutoyer ! Sache que je ne me suis pas fait dessus, parce que je n’ai pas peur de toi ou de tes gardes ! On parle, tu parles surtout, d’ailleurs, et tu t’imposes, c’est normal, tu es le chef… mais, pour ta gouverne, je ne m’urine pas dessus, mais toujours dans des toilettes, ou au pire dans un coin de verdure…
Les deux hommes avaient baissé humblement la tête, le visage pointé vers le sol. Ils ne savaient plus quoi faire ou dire...
– Ne t’énerve pas, El Greco, je te taquine...Je vais te donner une tenue qui t’ira bien. Change-toi tout de suite, ne t’inquiète pas, nous les hommes ne nous intéressent pas, on ne te mâtera pas…
Un de ses sbires était allé dans une petite penderie au fond de la pièce et m’en avait ramené un beau pantalon marron, un sweat blanc bien propre et repassé et une casquette rouge.
– Tu as une minuscule poche intérieure au bout de ta manche gauche, c’est pour ta lame…Je sais, tu auras chaud, mais cela dissimulera ton arme ! Les autres ne seront pas dupes, et ils te craindront donc ! Au fait, tu porteras toujours cette casquette pendant quelques jours. On va faire courir la nouvelle, tu fais partie de ma garde rapprochée, et tu es, par conséquent, intouchable. Les gardiens le sauront aussi. Tu n’as qu’un chef maintenant, c’est moi ! Je te laisse quelques jours, je te ferai appeler, et je t’expliquerai ce que j’attends de toi… Ok, El Gringo ?
Je savais qu’il ne fallait pas abuser…
– Ok Carlos ! avais-je dit d’un ton un peu inquiet, en finissant de positionner la casquette.
– Bonne journée ! m’avait répondu Chavez, en retournant près de la télévision.
L’entretien était terminé. On m’avait reconduit dans ma cellule…
C’était véritablement un autre jour… J’étais sûr que les prières de mon père Panayotis avaient été exaucées ! Il me l’avait dit que chaque soir, où que je sois, il prierait pour mon salut...
J’avais donc alors pensé qu’il y aurait beaucoup plus de demains que je ne l’avais estimé…
Ainsi, cet aujourd’hui avait été un jour de plus, et le début d’une période de tranquille mise en place de ma prospérité dans ce Trou de l’Enfer…
Les jours qui suivirent cet entretien m’apportèrent la possibilité d’être constamment accompagné de deux hommes de Carlos. Ils m’expliquaient tout, me présentaient à certains détenus. Ceux-ci me regardaient, ou plus exactement regardaient presque autant ma casquette rouge que mon visage ; cela m’apportait une certaine notoriété, un peu trop rapide à mon goût… Cependant, il faut avouer qu’il était plaisant de voir les personnes qui encombraient par moment les couloirs, s’écarter pour me laisser passer… Quand je passais en leur milieu, je n’oubliais pas qu’ils avaient commis les pires exactions durant certains moments de leur vie, voire toute leur vie… J’en avais parfois la chair de poule. C’était comme si je marchais à pieds nus entre des centaines de scorpions, mygales et serpents, et que ceux-ci, comme les eaux devant Moïse en son temps, s’écartaient pour former un corridor sacré !
J’avais compris qu’un deuxième entretien viendrait rapidement et que Chavez me ferait sa demande... pas en mariage en tout cas ! Ce serait bien le dû de ma part, sinon tous mes privilèges s’écrouleraient, et ma tête sans aucun doute également…
Ce jour vint vite, cinq exactement après la première entrevue… J’avais au moins survécu convenablement jusque-là… Je mangeais bien, je buvais à satiété, et je dormais en sécurité, toujours seul dans ma chambre… heu, ma cellule, mais elle avait été tellement agrémentée de différents objets de la vie courante dont on a du mal à se passer, que j’en oubliais sa vocation première...
Ce jour, c’est aujourd’hui.
A peine suis-je arrivé dans sa cellule, que Chavez va droit au but, sans aucun préambule, sans aucun bonjour…
- El Greco, tu vas faire en sorte que je gagne beaucoup d’argent et que je sois encore plus à l’aise dans ma vie ici ! Puis, dans un second temps, tu réfléchiras au moyen de me faire sortir légalement d’ici ! Compris ?
Je tente une deuxième fois ce que j’avais établi la première fois lors de notre échange : la sûreté et une dose d’impertinence...
– Bonjour Carlos ! Tu ne me dis pas bonjour, tu es en colère contre moi ?
– Pas en colère, mais impatient de voir ce que tu peux m’apporter comme aide ici et dehors… ta vie en dépend, tu le sais ? Si cela peut te soutenir dans ta réflexion que j’espère rapide, je t’adresse un bonjour en espérant que cela ne sera pas le dernier…
– C’est assez simple, avais-je aussitôt répondu avec aplomb ! Je suis un hacker, un des meilleurs au monde. J’ai la capacité de te rendre tout ce que tu as perdu avant que tu ne sois arrêté, et également de t’organiser ici une mini-société dont tu seras le roi. Tu seras craint, mais aussi respecté, car les gens qui vivent ici, gardiens compris, te devront beaucoup ! Ce que je te propose pour résumer c’est t’offrir un empire ici, et un autre empire bien plus puissant à l’extérieur. J’organiserai, si c’est ton souhait, ta sortie légale de ce Trou de l’Enfer. Mais avant, il faudra que tu me fasses sortir d’ici, illégalement, car je ne pense pas que qui que ce soit, quel qu’homme politique que ce soit, quel que juge que ce soit, quel que personnage influent que ce soit, me laisse sortir ! Ils craignent trop que je révèle, une fois dehors, les secrets et magouilles que je connais sur eux, raison pour laquelle je me trouve ici…
Ma gorge est sèche, je n’ai plus une once de salive… je viens de jouer ma vie… ou ma mort…
Carlos me regarde fixement, plissant ses yeux, à un point tel qu’on ne les voit que comme ceux d’un serpent…
Il se lève de son fauteuil, prestement. Au passage, il prend une des tenailles qui traînent sur une table à côté de son fauteuil. Que fait un tel objet à cet endroit ?
Il me toise, m’observant tel un peintre devant son modèle. Il observe sans doute mon allure, plutôt athlétique, ma taille, plutôt grande, mes cheveux, plutôt blonds, mon visage, plutôt fin et bien dessiné, mes mains plutôt fines… Bref, son opposé ! Il se rapproche de moi, à une cinquantaine de centimètres. Il sent la propreté. Il sent le parfum. Il sent le bien être. Mais il sent également la mort, la faucheuse telle que je l’imagine sur l’instant. Il brandit la tenaille devant mes yeux.
– Ecoute, El Greco ! Non, pas El Greco, mais bien Alexandre ! Je t’accorde ce plan ! Il me parait très intéressant pour moi, mais aussi pour toi ! C’est normal, c’est un deal. Mais ta sortie avant moi, n’y compte pas ! Ok !
Il pose les mâchoires de la tenaille sous mon œil droit. Le contact avec cet objet est froid, très froid !
Son ton est devenu glaçant et menaçant.
– Carlos, reprends-je mais avec un ton plus amène, puis-je te parler dans un coin ? C’est très personnel… S’il te plaît ?
Chavez me jauge, fait sortir ses hommes, d’un geste sec et énervé, la tenaille à la main ; il avait vu des signes de désapprobation…
- Dégagez ! On va parler entre grands, et je suis assez grand pour me défendre et l’envoyer “ad patres”… C’est comme cela que l’on dit, Alexandre ?
– Alex pour toi Carlos ! dis-je effrontément…
La porte claque. Nous ne sommes plus qu’à deux dans la cellule.
– Je t’écoute, dit Carlos.
– Voilà, d’abord, il me faudra trois ordinateurs très puissants et accès au réseau, des imprim…
– Hé ! Tu me prends pour un magasinier ou quoi ? Tu me dresseras ta liste et on te ramènera tout ça dans deux jours au maximum. Tu as fait sortir mes hommes pour ça ? Tu me déçois…
– Non, pour autre chose. Quand j’étais en affaire, il y a quelques semaines, avec une partie du gouvernement du pays, j’ai eu accès à quelques dossiers sensibles lors de mes recherches informatiques. Quand j’ai entendu votre nom lors de votre première invitation, ma mémoire a joué et je me suis souvenu que vous aviez perdu beaucoup d’entreprises avant votre incarcération. Je ne m’étais pas penché sur votre personne, parce que l’on ne me l’avait pas demandé, mais je suis certain que ces entreprises, achetées avec de l’argent sale, permettaient largement par la suite d’en blanchir d’autres… Je ne me trompe pas ?
– Continue ! rétorque Carlos. Tu m’intéresses … Tu peux me tutoyer, si tu veux…
– Difficile Chavez…dis-je en continuant à le vouvoyer encore. Votre business extérieur, je n’y connais rien. Je vois le plan comme cela : vous remettez en place un début de business extérieur, c’est déjà fait peut-être ?
Il ne répond pas.
– Moi, à l’intérieur, j’en organise un, en faisant en sorte que beaucoup de personnes vous doivent quelque chose. Ici, ils vous faciliteront encore plus votre condition quotidienne, mais eux en profiteront aussi. On utilisera leurs familles, à l’extérieur, leurs amis, leurs complices. Nous réorganiserons une troupe à l’extérieur. Je me chargerai en plus, d’un point de vue informatique, de faire tout ce qu’il faut pour reconquérir légalement, ou presque, votre empire d’antan, voire plus, beaucoup plus ; je peux le faire, je l’ai déjà fait avec des Russes, des Japonais, et des Indous, entre autres. C’était à grande échelle ! Vous, ce sera quasi identique, donc je suis chaud. Mais mes clients n’étaient pas en prison, ou pas encore… Vous, si !
– C’est pour cela que tu veux que je te fasse sortir à un moment donné, c’est cela ?
– Oui Carlos ! Exactement ! Il faudra que je sorte pour utiliser mes connaissances sur le terrain et des autres amis hackeurs, qui n’interviendront jamais si je reste en prison… C’est la règle. On craint que le prisonnier soit très influencé, vous voyez ce que je veux dire, et que par la suite il balance tout le monde sous la torture. Ici, même en me maltraitant, je ne vous dirai rien, car je sais que toutes mes connaissances ont déjà changé toutes leurs données. Je ne peux plus les contacter… Il n’y a plus qu’eux qui le peuvent, mais pas avec moi en prison…
– Dis Alex, tu es malin toi, et tu as des couilles ! Tu vas faire tout ce que tu as dit, je te fais entièrement confiance ; je t’octroie dix hommes débrouillards qui te trouveront tout ce que tu veux, qui te faciliteront la vie et ton travail ! Tu as trois mois, tu me tiens au courant une fois par semaine. Tu es désormais mon bras droit ! Mais… tu sais ce qui t’arrivera si tu essaies de me tromper… Toi et ta famille y passeront ! dit-il en me remontrant les tenailles.
– Moi, ça suffira ! Je n’ai pas de famille, mes parents sont morts il y a longtemps…
– Attends, dit-il en se dirigeant vers son bureau ….
Il feuillète un des dossiers posés et me rétorque :
– Et ce Panayotis Nikolopoulos ? Je pensais que c’était ton père ? Ah non, la personne qui t’a recueilli à la mort de tes parents… Un accident de voiture…. Et ce Panayotis, en fait, il t’a adopté, car il connaissait bien ta famille…. Des bons amis, c’est bien exact ? dit-il en me regardant avec un sourire narquois...
Je suis ébranlé… Il en connait tellement sur ma vie… Je décide de baisser un peu le pavillon dans ma réponse…. De toute façon, il m’a tant touché au cœur que je ne peux sans doute pas faire autrement.
– Oui, Carlos, dis-je en baissant la tête…. C’est vrai, Pana, c’est son surnom, c’est mon père adoptif, mais c’est mon père ! Je n’avais que deux ans quand il m’a adopté ! Je vous promets que je ne vous ferai pas de crasses car je tiens trop à lui….
– Bien ! Voilà ce que je veux entendre…
—Bien sûr, c’est vraiment ce que je pense… Je vous supplie Chavez de me faire confiance !
Un temps de silence total s’installe. Je n’entends plus que les bruits quotidiens de ce Trou de l’Enfer. Ici, des bruits de lutte, là-bas au fond, doucement une prière sur un chapelet qu’on égrène, de l’autre côté, un musulman sans doute qui fait la prière de cet horaire, tourné vers la Mecque, et à genoux. Encore en face, sans doute, un couple qui s’adonne à quelques plaisirs consentis ou non… A côté, des petits tapotements d’outils qui s’expliquent par la confection d’un objet… Et mon cœur qui bat la chamade, intensément, fortement, mortellement peut-être…
—Allez, tu peux retourner dans ta cellule, gringo ! J’organise ta petite troupe dans quelques minutes. Tu auras du monde qui va débouler chez toi dans moins d’une heure. Ok ?
- Oui, mais les gardiens, et les chefs, le capitaine notamment ?
- Bien vu Alex ! Tu m’impressionnes avec ta vivacité d’esprit. Tu vas devoir l’inclure dans notre business intérieur. Je vais lui demander de te recevoir demain après-midi.
- Bien, c’est ok ! J’aurai eu le temps de structurer l’organisation et le plan.
- Je n’en doute pas, tu as carte blanche ! Bonne journée, Monsieur !!! Finit-il en éclatant de rire...
Je retourne donc dans ma cellule, dubitatif sur ce moment passé...
Positif ou négatif ? Telle est la question !
………………….
Je me retrouve maintenant à la veille de la dernière entrevue avec Carlos Alberto Chavez, plus que jamais le chef dans cette prison, trois mois au jour près après notre deal. Je finis mon tour avec les livres dans quelques secondes. Je filerai dans ma cellule me changer car je sue trop en cet été dans ma tenue élégante en lin blanc... Les temps changent. Je vais m’habiller en tenue sportive car je vais aller voir les entraîneurs de sports sur le terrain, des détenus hyper baraqués, mais socialement stables… Je vais écouter leurs doléances et demandes de matériels, de feuilles de coca, de cocaïne, d’amphétamines, etc… mais aussi de téléphones, de nourritures, de matériel pour leurs cellules ou celles de leurs “élèves” ou protégés… Le commerce se fera, l’argent circulera, et les objets aussi. Les matons participeront en tant que consommateurs aveugles à cette farandole de trocs, d’achats et de ventes. Qui ne peut payer devra un service, plus ou moins grand en fonction de la demande. Tout service sexuel est exclu…. Désormais la sexualité est consentie… Ce fut une révolution que j’avais mise en place, avec l’accord, à ma grande surprise, de Chavez ! Nous avions mis en place un service genre juridique de plaintes à recevoir. Les sanctions étaient extrêmes : amputations d’un membre, énucléation, langue coupée, j’en passe et des meilleurs, ... Si j’ose dire… En clair, pratiquement la mort sous une autre forme dans cet univers insalubre ! Après une dizaine de sentences décidées sous la houlette du “juge” Maximo, ancien tueur professionnel, avec, disait-on, plus de cent morts à son compteur, les consentements réciproques furent la règle. Il y eut très peu d’entorses à ce règlement. Tout le monde savait que j’en étais l’instigateur, et je fus respecté, mais, dois-je le dire ? Aimé, je pense…. Nous avions, à la demande de Carlos, instauré un système de prostitution à l’intérieur, deux fois par semaine. Ces services sexuels, tarifés, d’hommes à l’interne ou de femmes consentantes, venues de l’extérieur, permettaient de maintenir un ordre relatif à ce niveau. Nous payions un supplément sur notre trésor commercial à chaque acte afin que le service soit au top. Tout le monde y trouvait son content. Les souteneurs extérieurs étaient exclus, c’étaient des gars à l’intérieur, triés sur le volet pour leur “honnêteté”, qui s’y collaient. Ils vérifiaient que tout se passe au mieux, avec un minimum de respect... La testostérone pouvait se dissiper régulièrement… La mini-société formée n’en étaient que plus aise !
Le capitaine avait respecté la proposition de Carlos d’entrer dans ce jeu de commerce de matériels, de matériaux, de substances diverses, et d’avantages. Il nous faisait confiance, il me faisait confiance plutôt. Il y gagnait beaucoup en monnaie sonnante et trébuchante. Il avait été très touché, je crois que le mot est juste, par la mise en place de cette révolution sexuelle… J’avais réussi là où il avait essayé et échoué, il y a plusieurs années. La sérénité, relative bien sûr, avait été retrouvée dans les cellules, les douches, les couloirs, les espaces extérieurs…
Mais ce Trou de l’Enfer n’était quand même pas devenu un coin de Paradis !!!
En tout point, il faut savoir raison garder...
Chapitre 3
J’entre dans la cellule de Carlos. Celui-ci est seul, tapotant les doigts de sa main gauche sur le bord de son fauteuil…. Il me salue d’un hochement de tête et m’invite à m’asseoir en face de lui, de l’autre côté de son bureau. J’ai dans la main un de mes ordinateurs portables, le master. Je le trouve tendu, fermé, et à la fois prêt à bondir sur moi… Cela va être compliqué !
On se croirait à un audit trimestriel de résultats dans une grosse entreprise entre le PDG et le responsable commercial, le directeur des ressources humaines étant présent, concentrés en une seule personne ! Il y a de la testostérone dans l’air !
– Carlos, je suis content d’être là aujourd’hui devant vous, car je sais que vous allez être content. En ef…
– Oh ! Tout doux mon beau ! Alex, ne soit pas si sûr de toi ! Tu as peut-être fait du bon travail, mais les échos que j’obtiens de l’extérieur de cette prison, au sein de la plupart de mes entreprises, je reprends ton vocabulaire, me laissent penser qu’elles ne sont pas à moi… rien n’y a bougé ! Rien n’y bouge, en fait ! Même nom, même personnel, même logistique commerciale, financière… C’est quoi ça ! Tu me mens avec tous ces chiffres que tu me montres chaque semaine, c’est bien ça, traître ? Immonde traître, je vais te faire souffrir, je v…
– Carlos !!! Carlos !!! Je suis là pour vous expliquer…. Cinq minutes à m’accorder, pas plus, et je vous démontre comment cela se passe et surtout comment nous allons finaliser le tout en quelques jours ! La fusée n’a pas encore décollé, les moteurs sont en train de chauffer ! Mais quand je vais appuyer sur le bouton “On” à votre demande, cela ne prendra que quelques jours et vous serez un Empereur ! Vous verrez… je suis content de savoir que vous avez pris des renseignements… Oui, parce que, vous voyez, on a l’impression que rien n’a changé, … et pourtant !
Carlos me regarde, avec un air à la fois féroce et un autre questionnant… Il veut savoir, mais il est inquiet, et l’inquiétude dans le milieu carcéral ne mène à rien de bon…
—Tu vas voir, si ce n’est pas clair, où elle va atterrir ta fusée !