Mémorial sur Ordonnance - Guy André - E-Book

Mémorial sur Ordonnance E-Book

Guy André

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Beschreibung

Au prétexte de soigner quelqu'un, peut -on tuer? Tapi dans l'ombre de notre société bien ordonnancée quoiqu' imparfaite, un implacable prédateur, s'affranchissant de toute règle, va s'attaquer massivement à un de nos principes fondamentaux, le respect de la personne et de son intégrité. Un groupe de défenseurs de cet idéal moral va s'y opposer. Qui vaincra dans cette bataille entre le bien et le mal? Un affrontement où tous les coups sont permis...

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Seitenzahl: 307

Veröffentlichungsjahr: 2023

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A Ana pour son indéfectible soutien…

Sur l’auteur

Ancien enseignant spécialisé et référent pour les élèves en situation de handicap dans l’Avesnois, Guy ANDRE a été coureur à pied dans l’ultrafond pendant près de trente ans.

Lors de ses entraînements quotidiens et durant les compétitions, il a dû souvent s’éloigner du réel pour surmonter la fatigue et la douleur, mais également se surpasser. Dans ces moments-là, il a commencé à esquisser la trame de nombreuses histoires qu’il couche désormais sur le papier…

Sommaire

Prologue

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Chapitre 40

Chapitre 41

Chapitre 42

Epilogue

Prologue

6 mois auparavant, quelque part en France.

- On fait quoi chef ? On entre ou pas ?

Il fallait prendre une décision… C’était très risqué, je le savais… Même si j’avais de l’expérience, cette situation était extrême… Je ne sentais pas bien la suite…

Il y avait déjà eu Liam qui s’était fait descendre dès notre arrivée. Tir de sniper, embusqué dans cette forêt qu’il fallait traverser pour arriver à notre cible ! On se doutait qu’un tireur isolé était présent, mais personne ne l’avait aperçu…

La météo n’était pas non plus avec nous en ce mois de février, neige et verglas, avec un vent d’est glaçant !

Enrique avait cependant vu l’angle de tir qui avait permis au tireur de toucher mortellement notre camarade. Dans la foulée, sûr de lui, il avait riposté. L’homme était tombé d’un arbre…

Nous venions de passer avec nos deux 4x4 devant sa dépouille. Enrique récupéra l’arme et la donna à Youssef, qui l’accepta, impavide. C’était également un très bon tireur ; il regarda l’état du fusil à lunette, ôta la lunette qui avait sans doute était faussée lors de la chute, et fit un signe de la tête positif !

A la sortie de la forêt, nous vîmes une énorme bâtisse qui ressemblait à une forteresse.

- Les gars, on va réussir ! dis-je, galvanisé par l’adrénaline Vous passez sur les côtés, je fonce devant, seul, et j’entre ! Il faut que vous occupiez les hommes de chaque côté ! Feu nourri, et visez juste ! S’ils prennent les filles en bouclier devant eux, on ne les lâche pas ! Pas d’incertitude, dès qu’il y a une faille ! Vous tirez ! Vous êtes les meilleurs, les gars ! Enrique, tu te débrouilles, tu montes sur le toit pendant la fusillade ! Tu découpes le toit, s’il le faut, mais tu entres, je m’en fiche de savoir comment tu fais ! Je te veux à l’étage quand j’entre, et tu les prends à revers ! Ok ? Je vous rappelle qu’on a sept filles à faire sortir de là ! Ces lâches les ont capturées ! Ne leur laissons pas, elles doivent retourner toutes vivantes chez elles ! Ok ?

Ensemble, mes sept hommes firent un signe de la tête… Je savais qu’ils se donneraient entièrement pour la mission… Pour libérer ces otages innocents, ces femmes ou filles de personnes en vue au plus haut niveau… Une mission capitale ! Ce groupe de narco trafiquants ne s’en tirerait pas comme cela !

Le plan était risqué… Mon supérieur me disait souvent que ce n’est pas parce les plans sont dangereux qu’il ne faut pas les tenter... Il n’avait pas tors… Dans nos missions, le risque est présent, nous le savons… En revanche, on se doit de préserver les otages… C’est notre but !

A mon signal, trois de mes hommes partirent à droite, et deux à gauche. Enrique, comme un fantôme, partit avec ceux de droite. Au bout de quelques secondes, je ne le vis plus. Avec lui, nous nous étions donnés quatre minutes avant mon intervention… C’est long, et court à la fois !

A droite et à gauche, cela faisait feu à volonté, provoquant un bruit assourdissant dans ce coin perdu de la montagne, avec des réverbérations entre ces collines. La tombée de la nuit compliquait les tirs de chaque camp, mais nous permettait d’être moins visibles. A droite, nous semblions prendre le dessus, à la radio on m’indiqua déjà six adversaires à terre. A gauche, on en avait eu quatre semblaitil ! Nous ne connaissions pas le nombre de trafiquants, mais nous savions qu’ils étaient largement plus nombreux que nous. Leur chef s’appelait Miguel, un trafiquant connu et notoirement un assassin odieux, n’hésitant pas à torturer et à tuer de sang-froid, probablement juste pour le plaisir… Ses effectifs baissaient, une bonne chose pour nous ! Ils ne prenaient pas les otages en bouclier, tellement accaparés dans l’échange de tirs…

Je devais y aller maintenant ! Une centaine de mètres… Une grosse dizaine de secondes… Mon MR73 en main, je savais que ce serait sans filet quand je serai à l’intérieur… Mais il y aurait l’arme secrète : Enrique !

Je soufflai, pris une grande inspiration et filai vers la porte ! Mes hommes, en me voyant, redoublèrent leurs tirs. Je bousculai la porte qui ne résista pas, elle était trop fragile, comme l’ancien propriétaire que nous avions contacté, m’en avait informé…

Deux coups de pistolet à droite, je ne regardai même pas, je savais que je les avais mortellement touchés ! Deux à gauche, deux gars au tapis également ! J’avais le don selon mes camarades et mes entraîneurs de tir… En fait, je ne m’entraînais pas… Je savais faire mouche !

Je stoppai, car, face à moi, se trouvait Miguel avec deux filles à ses côtés. Les autres étaient probablement dans une pièce arrière. Dans mon oreillette, j’entendis d’ailleurs Isaac qui m’informa et me clarifia donc la situation :

- Sommes dans la salle arrière ! Cinq filles récupérées, saines et sauves ! Un ordre, et on fonce chef ! On attend !

J’aperçus Enrique à l’étage qui avait fini en même temps que moi le travail commencé et avait abattu les trois derniers hommes du gang… Arrivé sur la mezzanine, il avait posé son fusil sur la rambarde, et il le pointa alors sur le cou de Miguel qu’il voyait de dos… Le petit point rouge de mire y était bien accroché ! Mais celui-ci avait un couteau dans chaque main, posé lourdement sur la trachée de chacune des deux jeunes femmes. Assises sur une chaise de chaque côté de leur tortionnaire, ligotées, elles ne cessaient de pleurer, à chaudes larmes, ne voyant pas qu’à chaque tressautement, elles se faisaient entamer peu à peu la peau !

- Miguel ! Non ! Entre nous deux cette histoire ! Laisse-les ! - C’est ça, dit Miguel avec un fort accent sud-américain, c’est ça ! Et ton snipper derrière moi me flingue ? Tu te fiches de moi, mon gars ! Tu sais que je vais les tuer ces deux filles ??? Une dernière pression et elles se vident, comme des gorets !!! Lâche ton arme et le gars derrière aussi ! Je veux l’entendre tomber près de moi cette arme ! Gringo, tu as entendu ? - Ok, balance l’arme, dis-je !

Enrique s’exécuta immédiatement, mais avec ruse ! L’arme tomba avec fracas au sol, à moins d’un mètre de Miguel. Celui-ci ne put s’empêcher de regarder une seconde à peine l’arme…

Aucune question ne se posait à moi ! La mission était claire : récupérer toutes les filles indemnes ! Tuer Miguel passait par là donc ! Je profitai de son coup d’œil à l’arme d’Enrique et tirai deux coups, un en plein milieu du front, l’autre en plein cœur…

Mais le mafieux avait tranché la gorge des deux femmes, simultanément à son regard au sol… Il savait que, de toute façon, il était perdu, qu’il ne finirait pas vivant… Il avait donc décidé de partir de ce monde comme un être abject, un véritable salaud…

Miguel s’écroula, lamentable, sur ses genoux, la tête affalée sur son torse…

Les deux femmes tombèrent avec leur chaise sur le côté. Je courus m’agenouiller près d’une des deux, mettant ma main sur sa gorge, pendant que Enrique et mes hommes me rejoignaient et tentèrent de faire la même chose à l’autre. Nous essayâmes d’arrêter le sang qui giclait de ces deux artères, mais nous savions que c’était peine perdue, et que la vie s’en était déjà allée chez ces deux martyres…

Bip ! Bip ! Bip ! Bip ! Bip ! Bip ! Bip !

Je me réveillai en sursaut, et appuyai sur la touche de mon portable pour interrompre la sonnerie du réveil… !!!

Bon sang !!! Encore ce cauchemar ! J’étais en sueur, mais je frissonnais… Je me levai et me rendis dans la cuisine pour boire un peu d’eau, ma bouche était sèche…

Trois jours que j’étais revenu dans mon appartement à Tours après cette mission, et trois nuits durant lesquelles je la revivais en cauchemar …

Sûr que ce ne serait pas la dernière fois que je la revivrai…

Mais je devais assumer, car je suis un des chefs de Kypsélie !

Chapitre 1

J - 3.

Tours.

Mon visage était collé à la vitre de la fenêtre de la cuisine. J’étais assis sur un haut tabouret de bar, assez inconfortable... et une douleur à la cuisse droite réveilla au plus haut point mon état de demi-conscience. J’étais capable de rester en position de guet très longtemps. Le temps n’avait guère d’emprise sur moi, et je savais faire abstraction d’éléments tels que les douleurs, les températures basses ou élevées, les bruits ou le silence absolu... Bref, j’avais été entraîné. J’avais vécu des situations beaucoup plus extrêmes ! Ceci n’était rien !

Malgré tout, aujourd’hui, ma nuit difficile, remplie de cauchemars, ne me rendait pas la tâche facile… Je ne savais pas l’heure, mais je me faisais un malin plaisir à ne pas consulter ma montre. Trop facile ! Combien de temps à avoir ce regard perdu vers cette officine ? Deux heures ? Ou trois ? Non, je le savais : deux heures trente-cinq environ… L’entraînement disait mon instructeur, l’entraînement… !

Quand j’avais mis ma tête contre la fenêtre de la cuisine, pour mieux voir, il était 16h45. J’avais observé, il y a quelques instants, soyons précis, je dirais trois minutes, les deux employées sortir de l’officine, la préparatrice et la deuxième pharmacienne. En général, le propriétaire ne traînait pas, et sortait deux minutes après elles, mais partait dans la direction opposée après avoir fermé à double tour la porte, et fait descendre en appuyant sur une télécommande le gros volet métallique qui protégeait l’entrée. Alors, l’enseigne lumineuse s’éteignait quelques secondes plus tard.

L’appartement, dans lequel je me trouvais, était bien situé dans la ville de Tours. Du 3ème étage, il me permettait, légèrement de côté, de voir la porte d’entrée. Le bâtiment qui accueillait la pharmacie était à l’angle de cette grande rue en périphérie de la ville. Hélas, mon angle de vision était situé à un endroit tel que je ne pouvais apercevoir l’enseigne qui se trouvait dans l’autre rue. D’habitude, l’enseigne se reflétait un peu dans une vitrine en face, côté ombre, et me permettait, en me penchant de côté, de voir si elle était ou non allumée. L’était-elle encore ? Je n’en étais pas sûr, mais le pharmacien n’était pas encore passé devant moi… Une petite inquiétude en découlait…

J’essayais de me concentrer plus. Voyons, voyons ! Du calme ! J’avais bien estimé le temps passé à observer, j’étais entraîné pour… L’instructeur disait que chacun devait trouver sa connexion avec l’horloge interne. Dans ce cas précis, donc, il devait être pratiquement 19h25, à une minute près… Il me semblait que l’enseigne était éteinte, et comme d’habitude, ils avaient fermé les volets de façade de mon côté depuis quelques temps. Ce n’était donc pas un indice s’il venait à travailler quelque peu à l’intérieur…

Je ne distinguai rien… De nouveau un petit tiraillement d’inquiétude…

Je me levai d’un bond de la chaise, et filai dans la salle à manger, la pièce juste à côté. J’y avais un peu plus d’angle de vue. C’était une baie vitrée qui constituait le mur extérieur, donc je pouvais aisément être aperçu. De ce fait, j’avais choisi la cuisine comme poste stratégique. Bonté divine ! Tout de suite je perçus que tout devait être éteint, je ne distinguai rien de plus, mais mon instinct me le dicta : la pharmacie était fermée depuis que la préparatrice Sophie et la jeune pharmacienne Isabelle étaient parties. Mais qu’en était-il du pharmacien ? Était-il finalement parti ? Une inquiétude réelle prenait place en moi…

Marc Lacointres s’était endetté pour acheter cette vieille pharmacie et engager de nombreux travaux de rénovation et d’aménagement intérieur. La pharmacie était, de façade, désormais coquette, dans un style moderne apprêté, avec ce petit chic dans les ornements architecturaux qui rappelaient la ville au passé prestigieux dans laquelle elle se trouvait… Où était-il donc passé ? Cet individu finissait par m’agacer !

Bien sûr, j’étais arrivé en retard ce matin. Cela n’avait pas été ma faute, mais bien celle de Marie, ma sœur, que j’hébergeais depuis deux bonnes semaines ; hélas, mes retards étaient assez fréquents ces derniers temps…

Mes pensées revinrent vers le pharmacien… et sur mon retard matinal… Le lien était presque évident : et si, en fait, il n’était pas venu ce matin ? Stress…

Ceci expliquerait le fait de ne pas le voir sortir de l’officine à l’heure habituelle ! Si j’avais pu être présent au poste d’observation à l’heure exacte, ce matin, j’en aurais eu la confirmation… par anticipation…

Je n’aimais pas être en retard. Je pensais que la ponctualité était, lorsque l’on avait un rendez-vous avec quelqu’un, une marque de respect ; bien sûr, souvent l’autre personne n’était pas à l’heure au rendez-vous fixé ! C’était l’époque qui voulait cela, mais ce n’était pas une raison pour que je sois en retard ! Pour le travail, c’était le même raisonnement, mais avec la notion de l’engagement pris auprès de mon chef, de mon supérieur, pour la mission que je menais... Cette personne comptait sur moi pour accomplir une mission et celle-ci impliquait une stratégie, un plan précis. Les horaires, les durées estimées, la chronologie ne rimaient pas avec l’improvisation !

La preuve aujourd’hui : le retard crée l’incertitude. J’aurais dû anticiper au lever, et être à l’heure !

Ma mission… On m’avait dit qu’elle était capitale, que l’enjeu était de taille. C’était une situation qui pouvait déboucher sur une crise, exceptionnellement grave… avait ajouté mon supérieur…

Mon engagement, mon abnégation seraient mes armes les plus fortes ! Ma vie privée ne devait pas me faire dévier du plan. J’avais eu carte blanche pour l’organiser, pour établir les différentes étapes, les différentes hypothèses. Je me doutais que ce serait une gageure de mener de front ma vie actuellement compliquée et mon travail. J’avais persuadé mon chef que dans la première étape de surveillance, cela ne serait pas un problème. C’était la première fois qu’on me confiait une mission dans ma ville. Je rencontrais des difficultés à me remettre de ma mission précédente, en fait de ce que je considérais comme un échec… Une mission dans mon secteur pouvait m’aider à me stabiliser. Mes supérieurs avaient malgré tout hésité, puis s’en étaient rangés à l’argument que je connaissais très bien la ville... Cela se passerait certainement ici, avaient-ils prédit, et si ce n’était pas le cas, je savais bouger vite et m’adapter. Je vivais à Tours depuis quarante ans… Un sacré atout ! Mais la proximité de Marie semblait, alors que je ne le pensais pas auparavant, être un inconvénient…

Donc, si Marc (je l’appelais par son prénom, même si ce n’était pas un copain ou un ami ou une connaissance… mais depuis que je l’observais, une quinzaine de jours, c’était tout comme… !), n’était pas venu à l’officine, c’est que peut-être il n’était pas sorti de chez lui…

Mais alors ? Stéphane, mon collègue limier qui surveillait son domicile, m’aurait prévenu, non ?! Donc…Il était sorti de chez lui, mais ne s’était pas rendu à la pharmacie. Ce n’est pas vrai !!! Gros stress là ! S’il n’était pas parti de chez lui dans la direction habituelle, Stéphane avait ordre de m’appeler. Or… Je n’avais pas reçu d’appel ! Là, ça craint !!!

Où était-il donc parti ???

J’avais insisté pour qu’on le suive sur le trajet, mais mon chef m’avait rétorqué que ce n’était pas la peine, que la surveillance effectuée jusqu’alors débouchait sur un constat clair : il n’avait jamais dévié d’un pas de son chemin habituel.

- Et alors, avais-je protesté. Qu’est-ce que cela prouve ???

Mais on me considérait comme trop inflexible dans mes raisonnements, dans ma façon d’appréhender les événements… En fait, d’être psychorigide, et d’être plus un homme de terrain qu’un organisateur ! Bref, malgré tout, j’avais raison : ce n’est pas l’habitude qui crée la règle, mais c’est l’exception qui met dans l’embarras !!!

J’aurais dû appeler le chef pour lui signifier que le pharmacien ne s’était pas présenté à l’officine ce jour, et que…

Mince, alors ! Et s’il était venu mais était sorti par une autre porte ??? Mais par où ??? Les fouineurs du service avaient déduit de leurs observations qu’il n’y avait que la petite porte de derrière comme autre sortie, celle au fond du jardinet. Il était impossible de l’ouvrir, semblait-il, elle avait si peu servi ! D’après les photos qui m’avaient été fournies, elle était entièrement rouillée, ceinte de multiples chaînes, à tel point qu’il aurait fallu des heures pour les démêler ; les murs faisaient déjà plus de deux mètres de haut de chaque côté de cette grille, et des tessons de bouteilles l’ornaient, tels des baïonnettes ! « On » m’énerve, « on » est un idiot, « on » est un incapable !!! Je pestais ! J’aurais dû tout vérifier, comme d’habitude, mais je ne l’avais pas fait… Marie m’avait trop accaparé !

Il fallait que j’aille voir l’arrière de la pharmacie… Je ne voulais pas prévenir mon chef direct, Yves Déchien, de ce contretemps, je ne voulais pas qu’il s’énerve une fois encore, et qu’il en arrive même à critiquer Marie, et dire que c’était une fois de plus à cause d’elle… Je ne l’aurais pas supporté ! Ma sœur était très fragile, physiquement et mentalement. Elle était venue me rejoindre, me demander en quelque sorte asile, depuis qu’elle avait appris qu’elle était très malade… Qui sait donc ce que j’aurais dit ou fait !!! Sur ce point également, j’étais entraîné !

Je saisis mon MR-73 en passant par la cuisine. Il m’attendait bien sagement sur l’appui de la fenêtre. Le « curedents » comme on le surnomme… Certes, un six coups seulement, mais pour un excellent tireur, une ou deux balles doivent suffire à neutraliser l’adversaire… Au-delà, on ne le mérite pas et on n’a rien à faire dans notre groupe… J’étais un excellent tireur, le meilleur du groupe à ce jour. Dans mes missions les plus périlleuses, le MR a toujours été fiable, et efficace. J’ai trop confiance en cette arme pour m’en séparer. C’était un honneur que l’on m’ait permis d’en détenir un… Il était d’habitude réservé à des corps constitués auxquels je n’appartenais pas. Mais, j’en détenais un ! Mon MR… !!!

Ernst est mon prénom. En fait, c’est Ernest…Mais ce prénom, je ne l’assumais pas…

Je suis sans parents… En effet, mes parents m’avaient abandonné avec ma sœur jumelle à la naissance… De père et mère inconnus ! Un bon début dans la vie !!! J’avais été déposé devant un institut catholique fortement dévolu à St Jean-Baptiste, le jour de la St Ernest, le 7 novembre. On me nomma donc, selon la tradition des pères fondateurs de cette Institution, Ernest Baptiste…Tous les documents officiels dont j’avais eu besoin avaient été faits selon ces données, contre toute officialisation administrative sérieuse… Mais, l’Administration fut sourde et aveugle à la vérité, fut ignorante sur une quelconque recherche de parentalité, mais très bienveillante avec la Sainte Parole…On m’avait désigné à l’institution comme Ernest Baptiste, ainsi serai-je nommé jusqu’à la fin de ma vie !

J’ai dû subir ce prénom pendant toute une partie de ma scolarité. Cependant, au collège, mes copains, très empathiques, m’avaient trouvé ce diminutif de Ernst qui avait du style pour la suite de ma vie, du moins me semblait-il ! Je m’imaginais faire battre le cœur des filles plus facilement si je m’appelais Ernst !!! En toute modestie, ce fut le cas... J’étais déjà plutôt musclé, assez grand, les cheveux châtain clair et les yeux bleus… On me disait fin d’esprit, et plutôt sociable… Cependant, honnêtement, je ne pense pas que la quatrième lettre de mon prénom originel jouât pour beaucoup dans ma vie, ou dans un sens ou dans l’autre ! Mon côté mystérieux semblait inquiéter, avec toujours cette lueur froide dans le regard, m’avait-on glissé à l’oreille plus d’une fois… De fait, j’étais donc à 42 ans, un célibataire contraint… Hélas…

On m’appelait donc Ernst !

Pour ma sœur jumelle, le « procédé » fut identique… Elle avait été déposée devant la grande porte également de St Jean Baptiste, en revanche, pour des raisons de mixité, elle fut transférée immédiatement dans une autre Institution réservée aux filles. On l’appela, pour des raisons qui m’échappent, Marie Sabine… Très joli ! J’adore !

Je fis jouer la culasse de mon MR et vérifiai qu’il était bien chargé. Cette vérification était inutile, mais j’étais incapable de m’en passer. Une superstition ??? Une foi indéfectible en un objet…Brrr ! Un animisme contraint à une crainte… ?

Fermant prestement la porte de l’appartement après avoir enfilé mon blouson, je descendis quatre à quatre les escaliers non sans avoir fait attention à être le plus silencieux possible. Je sautai aisément, comme un félin, les deux dernières marches car je savais qu’elles grinçaient. Il n’aurait plus manqué qu’un voisin ou une voisine surgisse… ! J’ouvris la porte d’entrée et veillai à ce qu’elle ne se referme pas bruyamment. Je m’appuyai contre le mur proche de la porte et attendis quelques secondes. Aucune réaction venant des appartements, ni d’en face d’ailleurs.

Je relevai mon col, même s’il faisait chaud, et remontai doucement la rue. Passant sur le trottoir de la pharmacie, je m’arrêtai quelques instants pour m’agenouiller et relacer ma chaussure, enfin, faire semblant... Rien… Aucun bruit… Un rapide coup d’œil m’informa que tous les volets de l’officine étaient fermés jusqu’en bas, et que celui près de la porte, qui était légèrement en biais comme à l’habitude, ne laissait percer aucune rai de lumière…

Je m’engageai, inquiet de ce que j’allais constater, dans la rue qui menait à l’arrière de la pharmacie. J’avançai tranquillement, sortant un mouchoir, et me mouchant discrètement, afin de retourner la tête vers la grille arrière. Tout était identique aux photos prises pour l’album préparatoire à la planque… !!! Personne n’était passé par là. Le pharmacien aurait été bien incapable de toute façon d’escalader le mur et de retomber du côté de la rue !!! Zut, zut et zut !!!

Je courus alors vers le centre-ville, et m’arrêtai cinq minutes plus tard entre deux immeubles dans une minuscule impasse. Une petite brume de chaleur et l’ombre de ce lieu m’offrirent la meilleure des cachettes pour appeler Stéphane… Il fallait que j’en passe par là !

Au moment où j’allais composer le numéro de Stéphane, ce fut celui-ci qui m’appela… Heureuse coïncidence !

Je décrochai :

- Oui !? Qu’y a-t-il ? soufflai-je. - Il n’est pas là !!! - Qui ??? - Le pharmacien, Ernst ! Il n’est pas rentré chez lui, ce n’est pas normal ! Cela fait une bonne demi-heure qu’il aurait dû être là ! Il n’est jamais en retard ! Toujours à l’heure pour nourrir ses perroquets ! (C’est vrai que Lacointres était hyper pointilleux avec la nourriture de ses oiseaux, comme indiqué sur les fiches de surveillance établies par mes collègues…) - Il est bien parti ce matin ? - Bien sûr ! à 7h30 précises comme d’habitude, et puis, il …. - Stéph !!! le coupai-je, on a un problème !!! Il n’a pas dû se rendre à la pharmacie depuis ce matin…

S’en suivit une explication franche avec Stéphane sur mon début de matinée, le guet certainement pour rien toute la journée, puisque le pharmacien n’était nulle part à l’heure de la sortie ! Stéphane, en bon camarade de combat, ne me fit aucune remarque sur mon retard du matin… Un excellent ami ce Stéph ! Il m’énervait parfois, mais je l’aimais bien !

- Et alors ? dit Stéphane, où est-il donc ???

- Il nous a échappé ! Il est en fuite ! Stéphane !!! Il faut le retrouver, il le faut ! Prévenons Déchien ! - Oui, il faut l’empêcher de commettre le pire… Déchien dit que c’est un cinglé ! Qu’il peut provoquer une catastrophe !

… Prions ! pensai-je… On peut en avoir besoin…

Chapitre 2

J – 3, fin d’après-midi.

En direction de Nancy.

Marc Lacointres était dans le train qui l’amenait à Nancy. C’était un long parcours de plus de quatre heures avec des changements de TER et de courtes attentes en gare puis il finirait son périple en prenant un TGV jusqu’à cette ville royale. Il arriverait vers 22h.

Le rendez-vous qu’il avait programmé était essentiel pour la suite de l’opération… Il devait être lucide. Il devait également être serein et implacable. La vie lui avait donné de multiples raisons de l’être… Il ne fallait pas qu’il baisse la garde ou qu’il laisse le doute s’installer, car il était très près du but. Le but suprême de sa vie, un pas de géant pour l’homme, il en était certain…

Il avait quitté très vite le milieu familial, vraiment peu aimant, indubitablement peu protecteur, sûrement peu adéquat à son épanouissement ! Sa famille était un poids mort qu’il traînait depuis sa toute petite enfance… Ainsi le concevait-il ! Il en avait fait abstraction depuis longtemps et ne souhaitait plus en parler. Un trait définitif sur le passé. Issu de rien, il s’était fait tout seul…

Petit, carré d’épaules, un visage coupé à la serpe, et une calvitie naissante, il avait eu peu d’aventures amoureuses. En fait, on ne lui en prêtait aucune d’ailleurs…Pas qu’il fut repoussant, loin de là, mais parce qu’il manquait de confiance en lui, hormis dans le domaine des études… Il n’avait pas de copains non plus...

Dès ses 18 ans, il était parti de son Auvergne natale, le baccalauréat en poche. Il avait vécu une année de petits boulots, hébergé au gré de ses rencontres par des personnes bienveillantes, tout en suivant les études de pharmacie. Il n’avait pas de temps à perdre à s’amuser… Il avait conservé ce style de vie qui l’occupait et lui évitait de penser à sa solitude, tout au long de son cursus universitaire. Six années laborieuses... Il dormait peu, au vu de ses emplois précaires qui lui permettaient de vivre et de subvenir à ses besoins, et des cours qu’il devait ingurgiter… Les périodes de stages furent les périodes les plus heureuses de sa vie… Le contact avec le public de malades et la toute-puissance naissante qu’il en ressentait étaient un délice… Il distillait son savoir, analysait la situation et en dégageait les bienfaits ou méfaits des médicaments délivrés par les médecins prescripteurs. Ses maîtres de stage lui avaient fait remarquer à plusieurs reprises qu’il n’était pas encore diplômé, qu’il devait respecter les prescriptions faites par les médecins en titre et surtout qu’il devait se plier à leur tutorat. Il ne devait pas émettre des doutes devant le client. Tout devait passer par eux, par leur approbation et leur expertise… Il le comprit. Ce fut un peu compliqué pour Marc Lacointres, mais il accepta de mauvaise grâce de s’y plier, bien qu’il n’en pensât pas moins !!! Il n’avait guère le choix !

Il était un étudiant dans la moyenne, mais remarqué par certains professeurs comme « interpelant » parfois. Ses remarques, ses théories sur la pharmacopée quelque peu à contre-courant, voire déroutantes, questionnaient… Les idées de départ étaient plutôt intéressantes, mais la poursuite des raisonnements, des expériences à mettre en place, des essais cliniques, et surtout de la déontologie, flirtait assez souvent avec l’inacceptable ! Cela faillit lui coûter des blocages ou des oppositions au passage en année supérieure, mais ce fut toujours son sérieux et son acharnement à la tâche qui firent pencher la balance en sa faveur. Il ne serait de toute façon pas un chercheur… ! Il serait pharmacien, propriétaire au plus vite de son officine. Il le disait tellement souvent que cela en devenait une évidence pour qui voulait bien l’écouter… Peu à peu, sa fougue expérimentale s’éteindrait au profit des tracas et vicissitudes liés au système de santé et à son administration… Il aurait bien assez à faire avec la paperasse et les dossiers !

Philippe Troupier, directeur de thèse, avait été le seul à accepter de suivre son écrit de dernière année, car il était apparu à tous les autres qu’il adoptait un comportement scientifique plutôt déviant. L’étudiant l’avait compris et donc avait opté stratégiquement pour un sujet classique. Il concernait son activité pendant un des stages professionnels. Cependant, il en avait profité pour proposer de manière officieuse à M. Troupier de l’aider sur un autre sujet de recherche beaucoup moins classique : « Les agents neurotoxiques et les moyens médicamenteux pour en guérir ou s’en protéger ».

Ce Philippe Troupier, éminent professeur en pharmacologie, avait une éthique irréprochable. Bien qu’il approchât de la retraite, il avait des idées novatrices et notamment sur la déontologie de son métier, sur le respect des valeurs sociétales, et tout simplement le respect de l’humain…

Lorsque son stagiaire lui proposa de collaborer à ses recherches officieuses, M. Troupier, à la première explication du protocole, comprit qu’on s’éloignerait très vite de l’humainement correct… Cependant, il feint d’être intéressé au plus haut point. Il en saurait plus et verrait peut-être ce qui pourrait permettre d’influencer Lacointres vers une autre voie. Il collabora donc pendant un temps, puis prétextant des problèmes de santé, il demanda à Marc de continuer seul. Très vite, cependant, il avait contacté différentes personnes « bien placées », qui transmirent cette information à des services dits « secrets », et d’autres, un peu plus obscurs… dont celui auquel j’appartiens.

Il s’agit de Kypsélie, (au sein de laquelle notre agence secrète, la Ruche, est sise). Elle s’intéresse de près à des individus aux idées irraisonnables… Hors des services gouvernementaux, Kypsélie navigue en sous-marin, financée par des fonds privés de riches mécènes philanthropiques, mais pragmatiques. Le but premier est de mettre tout en œuvre pour préserver l’ordonnancement du Monde, notamment dans l’hexagone. Ni vus, ni connus, tous les coups étant permis pour le « Bien » … Nous naviguons entre les administrations, les administrés et les administrateurs…

Nous évoluons avec « une couverture » dans la vie, tant sur le plan privé que sur le plan social.

Pour ma part, officiellement, je fais partie du service commercial de Kypsélie, entreprise de logistique, à la vue de tous et toutes. Un grand bâtiment, avec pignon sur rue, mais qui est situé dans la campagne tourangelle. Deux parties distinctes le composent : une manifestement composée de bureaux, l’autre dédiée au stockage de matériel et matériaux divers, tels que des engins de chantier, des camions, des 4x4 à foison, des matériaux de constructions, etc… De tout… Mais en fait, je suis un agent secret de Kypsélie, un chef de groupe, plus exactement le chef du groupe d’intervention de haute sécurité… Tout ce qu’il y a comme mission des plus dangereuses est réservé à mon groupe… J’ai dix hommes à ma disposition, tous experts en zone de combat… Toutes les compétences utiles, ils les ont, ils les maîtrisent. Ils ont tous été des militaires ou des agents secrets de haute volée… et moi également ! L’action, le dévouement pour les autres, pour le bien… Notre came !!!

Les bâtiments secrets de La Ruche sont situés dans les sous-sols de Kypsélie, du -2 au -10, avec des ascenseurs sécurisés pour y accéder, et des sécurités de plus en plus importantes au fur et à mesure qu’on descend dans le cœur de la Ruche ! Les décideurs, les Apôtres, comme nous les nommons, sont au dernier sous-sol, au -10 !

Je suis au -9…

Des experts informatiques, d’autres en stratégie de crises, en stratégies militaires, des agents de renseignements, des ingénieurs patentés en communication, des experts en explosifs et en armes de tout genre, des spécialistes en géo politique, bref, la fine fleur de ce dont on a besoin lorsque la sécurité d’un groupe d’hommes, d’une région, ou d’un pays est menacée, composent La Ruche !

L’entreprise Kypsélie, elle, possède des secrétaires, des manutentionnaires, des commerciaux, etc… qui ont pour tâche de faire fonctionner l’entreprise afin de procurer une couverture à La Ruche et à ses « habitants ». Cela est plutôt efficace… Nous nous en sortons bien, et dans les coulisses politiques, nous sommes connus par quelques-uns, mais très peu, en fait… Mais, en tout cas, nous ne sommes pas reconnus aux yeux du plus grand nombre…Une entreprise souterraine au service de tous, mais qu’on ne nomme pas, et qui n’existe pas…en théorie …

Chapitre 3

J – 3 semaines.

Tours.

Mes collègues de la Section « Renseignement » avaient collecté de nombreuses informations sur Marc Lacointres, et ce jeune homme avait été suivi régulièrement pendant quelques temps… Il avait été conclu que rien ne sortait de la norme dans ses attitudes professionnelles et sociales. Puis il s’installa dans la pharmacie qu’il avait achetée, et, semble-t-il, faisait prospérer…

Dernièrement, il y avait eu cette interview d’un journaliste local, Yann Dormier, journaliste prometteur… C’était un article pour l’inauguration de la fin des derniers travaux intérieurs faits dans la pharmacie, selon un nouveau concept de marketing. Marc Lacointres s’était laissé aller en off de l’entretien à des propos qui avaient interpelé quelque peu le journaliste :

- Monsieur Lacointres, si nous voulions résumer votre action auprès de nos concitoyens tourangeaux, que pourriez-vous nous amener comme éléments ?

- J’ai toujours voulu faire évoluer la pharmacie, et tout ce qui l’entoure. J’ai fait beaucoup de recherches en ce sens, et de nombreuses théories me permettent de dire que je peux dans un avenir proche faire évoluer la région, et même, je n’ai pas peur de vous le confier, le pays… Mais !? Ce n’est pas si simple, il y a des freins, Monsieur Dormier…

- Ah oui ! Et lesquels ? Qu’est-ce qui ne vous permet pas de concrétiser… vos recherches, si j’ai bien compris ? Et de quels ordres sont ces freins ?

- J’ai eu de nombreux freins de la part de mes collègues, de mes pairs, mais également des professionnels qui évoluent dans les hautes sphères… Bon sang, jamais, vous m’entendez ! Jamais, jamais, mais jamais, je n’ai pu trouver un soutien dans mes recherches, à part mon tuteur de thèse en dernière année d’études… !!! s’énerva Lacointres. J’ai compris bien vite qu’il fallait, comment dire… ? jouer avec le système, sinon le système vous écrase… Changer le système de l’intérieur, c’est cela qui dicte désormais ma vie, et dans quelques temps, je l’écraserai et je le dominerai ! » s’exclama-t-il encore…

- Pouvez-vous développer Monsieur Lacointres ? Ces propos sont, comment dire… ? Forts… ! Nos lecteurs voudront des explications !

- Non, non ! haleta Lacointres, perlant de sueur, je m’emporte, mais…en fait…je plaisante bien sûr… ! J’exagère ! Tout cela n’est pas à écrire, Monsieur Dormier, n’est-ce pas ? Ce n’est pas ce que vous croyez, non, non… ! Je ne suis pas… Enfin, vous comprenez ? Votre article doit être uniquement basé sur le début de l’interview, sur les locaux et l’aménagement intérieur, ce que je disais tout à l’heure… On est d’accord ??? poursuivit-il, manifestement inquiet.

- Oui, oui ! Monsieur Lacointres… ! Ne vous en faites-pas ! dit Dormier pour le calmer… Bon ! Oh… ! fit le journaliste, en regardant sa montre, il faut que je file ! J’ai une petite réception pour le départ d’un collègue, au journal… Je dois finir un article avant… et j’ai juste le temps… !

- Vous êtes sûr Monsieur Dormier ? J’aurais aimé qu’on reparle tranquillement de tout ça… - Pas le temps ! Désolé… ! Un autre jour peut-être ! Mais, ne vous inquiétez-pas ! On fait comme vous avez dit ! Bonne fin de journée et merci !

Et le journaliste partit ce jour-là, vite fait, comme s’il avait vu en personne la peste… et le choléra !!!

Dormier, en fin d’après-midi, lors du fameux pot de départ, avait confié en anecdote cette aventure à plusieurs collègues, dont la femme de Stéphane, Cécile Doucet, elle-même journaliste dans ce journal local… Preuve que, parfois, le hasard fait bien les choses… La femme de mon collègue !

- C’est un sacré illuminé ! avait dit Dormier. Il se croit le Maître du monde, le mec !!! Mais, même son concept révolutionnaire n’est qu’un empilage imparfait de boîtes de médicaments, et ça ne casse pas trois pattes à un canard … !!! Oh, le mauvais !

Cécile Doucet avait raconté cette histoire le soir-même à son mari. Stéphane avait senti « le bon coup », la grosse info, servie sur un plateau par sa chère et tendre qui ne saurait jamais rien de ce qu’il en ferait.

Le lendemain matin, il me téléphona :

- Ernst ? - Oui, Stéphane. Comment vas-tu ? Qu’y a-t-il, dis-moi ?

Stéphane me raconta tout par le détail. Nous sûmes très vite, en utilisant nos serveurs spéciaux, quelle était la pharmacie. J’avais fait remonter immédiatement l’information au service dédié aux filatures. Nous avions également consulté l’ancien dossier le concernant, maigre dossier d’ailleurs puisque rien de tangiblement néfaste n’en ressortait…J’en avais parlé à Déchien, en demandant à être mis sur l’affaire, cela me permettrait de pouvoir rester auprès de ma sœur.