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Écrite aux États-Unis, alors que T. W. Adorno (1903-1969) et Max Horkheimer (1895-1973) ont fui le nazisme, achevée en 1944 et publiée en 1947, à Amsterdam,
La Dialectique de la raison.
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur La Dialectique de la raison de Marx Horkheimer
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
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Seitenzahl: 49
Veröffentlichungsjahr: 2015
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ISBN : 9782341000338
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Écrite aux États-Unis, alors que T. W. Adorno (1903-1969) et Max Horkheimer (1895-1973) ont fui le nazisme, achevée en 1944 et publiée en 1947, à Amsterdam, La Dialectique de la raison. Fragments philosophiques constitue une œuvre charnière, qui ne rencontrera une réelle audience qu’à partir des années 1960. Le livre constitue une véritable déconstruction des concepts et des valeurs sur lesquels s’est fondé notre monde depuis l’âge des Lumières. Raison, progrès, civilisation : quel sens donner à ces mots, alors que deux guerres mondiales, l’apparition des régimes totalitaires, la métamorphose du capitalisme en « monde administré » sont autant de signes que l’émancipation de l’homme ne s’est accomplie que conjointement à la violence et à la domination. Courageusement, Adorno et Horkheimer explorent cette logique, sans renoncer aux instruments qui sont les leurs. Battue en brèche de toutes parts sur les plans social, politique, historique, théorique, la rationalité doit en effet être maintenue : « la liberté est inséparable du penser éclairé ». L’exercice est malaisé. Il oblige à de subtiles analyses, difficilement compatibles avec les anciens schémas toujours en cours. Selon le geste kantien qui fondait la critique, il s’agit de juger la raison à son propre tribunal, de lui montrer ses propres limites, de la rappeler aux tâches qu’elle doit instaurer et auxquelles, par nature, elle a tendance à renoncer. Par exemple, s’il apparaît que c’est grâce à la raison que l’homme s’affranchit de la nature et des nécessités qu’elle lui impose, cette même raison n’en contribue pas moins à son asservissement à la rationalité économique qui lui aura permis de se libérer. « Tandis que l’individu disparaît devant l’appareil qu’il sert, il est pris en charge mieux que jamais par cet appareil même. » Ce sont ces contradictions que Horkheimer et Adorno, en penseurs d’une grande lucidité critique, vont s’efforcer de mettre au jour.
Theodor Adorno. Theodor Wiesengrund Adorno (1903-1969) en compagnie de l'écrivain Heinrich Böll (à gauche) lors d'une conférence à Francfort le 28 mai 1968. (AKG)
La première partie de ces études, « Le Concept d’Aufklärung », fournit les bases théoriques du livre : « le mythe lui-même est déjà Raison et la Raison se retourne en mythologie ». En se sécularisant, la raison conserve les traits de ce dont elle semblait vouloir se séparer : « l’animisme avait donné une âme à la chose, l’industrialisme transforme l’âme de l’homme en chose ». Un tel retournement dialectique a pour effet de « désenchanter » les espoirs qu’avaient pu faire naître les Lumières. « L’égalité répressive », « l’égalité dans le droit à l’injustice », qui culminera dans le nazisme, réduit les individualités à une mesure commune que la raison des modernes a théorisée. La domination du réel s’avère corrélative de l’insurrection d’une raison devenue purement instrumentale, et qui se met au service des forces répressives les plus archaïques. « Se croyant à l’abri du mythe », la raison se transforme en « rituel » soumettant tout, y compris les pratiques a priori les plus rebelles à sa domination. « Organe de la finalité », la raison devient moyen, « instrument universel » et non plus fin, vérité, comme les philosophes des Lumières pouvaient encore en avoir l’illusion. Les deux digressions ajoutées au premier chapitre (« Ulysse, ou mythe et Raison » et « Juliette, ou Raison et morale ») radicalisent et illustrent, de façon paradoxale, les thèses des auteurs sur la domination rationnelle de la nature, qui aboutit à niveler « toutes les antinomies de la pensée bourgeoise, surtout celle entre rigueur morale et amoralité absolue ».
Le deuxième chapitre, plus fragmentaire, traite de « la production industrielle des biens culturels ». Sont visés avant tout la radio et le cinéma (la télévision ne régnait pas encore), qui « confirment la victoire de la raison technologique sur la vérité ». Instruments régressifs de domination, ces médias ne cessent de frustrer les spectateurs de cela même qu’ils sont censés leur apporter. « Les œuvres d’art sont ascétiques et sans pudeur, l’industrie culturelle est pornographique et prude. » L’autodestruction de la raison est thématisée dans le dernier chapitre « Éléments de l’antisémitisme. Limites de la raison ». Le racisme y devient « auto-affirmation de l’individu bourgeois intégré dans la collectivité barbare ». L’irrationalisme qu’il professe n’est qu’un des avatars de la « dialectique de la raison » qui s’est retournée contre elle-même en niant « l’homme en tant que personne, en tant que représentant de la raison ». Enfin, les « Notes et esquisses » qui concluent le livre sont à rapprocher des textes écrits à la même époque par Adorno et publiés en 1951 sous le titre Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée. Le recours au fragment, qui tend à l’aphorisme, devient expression d’une passion anti-systématique du système. Il marque la radicalisation d’une pensée exacerbée par la cruauté des temps, les mensonges, la soumission à l’inacceptable : « Même l’arbre en fleur ment, dès l’instant où on le regarde fleurir en oubliant l’ombre du Mal. »
Francis WYBRANDS