La disparition des quadruplés - Philippe Delamare - E-Book

La disparition des quadruplés E-Book

Philippe Delamare

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Beschreibung

Dans le Périgord pittoresque, un mystère se trame : des quadruplés disparaissent le jour de leur naissance, tandis que leur mère est tragiquement assassinée. Qui est derrière ces actes atroces ? Où sont les enfants ? Pouroresque, un mystère se trame : des quadruplés disparaissent le jour de leur naissance, tandis que leur mère est tragiquement assassinée. Qui est derrière ces actes atroces ? Où sont les enfants ? Pourquoi cet enlèvement et ce meurtre ? Sont-ils encore en vie ? Voilà des questions qui vont pousser le détective privé réputé, Arnaud Philmon, à se lancer dans une enquête haletante et complexe. Suivons-le dans cette intrigue captivante et découvrons avec lui la vérité cachée derrière ce drame.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Après son premier roman, "Je me vengerai", Philippe Delamare nous enchante avec son second livre, "La disparition des quadruplés", mettant ainsi à profit son talent littéraire développé au fil de ses cinq premières années de retraite. Enthousiasmé par la lecture des romans policiers et de science-fiction, il laisse libre cours à son imagination pour créer de nouvelles histoires.

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Seitenzahl: 527

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Philippe Delamare

La disparition des quadruplés

Roman

© Lys Bleu Éditions – Philippe Delamare

ISBN : 979-10-422-1274-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Ce livre est une pure fiction sortie tout droit de mon imagination. Toutes ressemblances avec des faits existants ou ayant existé seraient une pure coïncidence. Seuls les noms des villes et certains lieux sont réels.

1

Montalenvert

Avril 1985

Niché au fin fond de la campagne périgourdine, un magnifique château du 19e siècle trône fièrement au milieu d’une forêt d’arbres de toutes essences.

Ce parc était la fierté de son premier propriétaire qui avait fait planter tous ces arbres pour en faire un endroit unique aux alentours de 1890.

Le château était un lieu magique à l’époque. Le comte de Montalenvert avait dépensé une fortune pour réaliser son grand rêve. Avoir le plus beau château de toute la région et en faire saliver de désir tous les snobs de la contrée.

Le château restera dans la famille des Montalenvert jusqu’en 1985, date à laquelle Pierre-Henri de Montalenvert décida de le vendre après le décès de son épouse.

Celle-ci décéda à la suite de l’accouchement de ses enfants.

Mais avant d’en venir à l’accouchement, il est bon de revenir quelques mois en arrière. Lorsqu’Anne-Sophie tomba enceinte, son mari, Pierre-Henri, fut très contrarié au moment de cette annonce. Il ne voulait absolument pas d’enfant, contrairement à son épouse qui ne vivait que pour ça. Pierre-Henri se mordait les doigts de s’être laissé aller un soir où il avait trop bu. Il le regrettait énormément. Il fit venir un médecin de Sarlat, qu’il connaissait bien pour l’avoir rencontré maintes fois au cours des fêtes données par les notables de la région. Il savait pouvoir lui faire confiance. Malgré le fait qu’il soit assez éloigné, le docteur Lapierre accepta de se déplacer. Après tout, le comte payait bien et ne chercha pas plus loin le pourquoi du comment. Pierre-Henri voulait garder le secret de cette grossesse. Il ne voulait absolument pas que quelqu’un sache que son épouse était enceinte. Anne-Sophie demanda à son époux pour quelle raison ne voulait-il pas que cela se sache. Il resta très évasif sur sa réponse et en femme soumise et obéissante, elle le laissa faire. Le médecin examina Anne-Sophie qui était à peine à son deuxième mois de grossesse et déclara que tout allait bien pour le moment. Il rentra chez lui en promettant de revenir le mois suivant. Lorsqu’il revint, elle avait beaucoup grossi, ce qui inquiéta le médecin. Il l’ausculta et lui dit que tout allait bien, mais qu’elle devait se reposer le plus possible. En sortant de la chambre à coucher, il prit Pierre-Henri à part et lui expliqua que selon lui, il devait y avoir au moins deux fœtus et qu’il allait falloir faire des examens plus poussés à l’hôpital. Pierre-Henri refusa et prévint le médecin que s’il n’était pas capable de s’occuper de son épouse, il trouverait quelqu’un d’autre. Le docteur Lapierre le rassura et lui dit qu’il s’occuperait d’Anne-Sophie jusqu’au bout de sa grossesse. Au fur et à mesure de cette grossesse, celle-ci se sentait de plus en plus mal. Des maux de ventre à répétition, des envies de vomir perpétuelles. Pierre-Henri appela le docteur Lapierre en catastrophe trois mois plus tard. Anne-Sophie en était à son cinquième mois et était très fatiguée. Le médecin essaya de convaincre Pierre-Henri qu’il fallait absolument faire des examens gynécologiques, mais celui-ci refusa catégoriquement. Personne ne devait savoir que son épouse était enceinte. Le docteur Lapierre battit une nouvelle fois en retraite en se posant beaucoup de questions à propos de Pierre-Henri. Pourquoi cet entêtement à ne pas vouloir déclarer la grossesse de son épouse ?

Le 6 avril 1985, arrivé au terme de sa grossesse, le docteur Lapierre, accompagné d’une infirmière de son cabinet, accoucha Anne-Sophie. Là, quelle ne fut pas leur surprise ! La pauvre femme donna naissance à des quadruplés. Chose incroyable, car elle n’avait pas été suivie comme il faut. Pierre-Henri était blême et dans une fureur contenue. Qu’est-ce qu’il allait faire avec quatre gosses ? Il avait tout fait pour que personne ne soit au courant et maintenant il se retrouvait avec quatre problèmes, car pour lui chaque enfant était un vrai souci.

Anne-Sophie était à bout de force. Le médecin lui donna des remontants et demanda à son infirmière de rester avec elle pour la nuit. Pierre-Henri ne put rien dire et resta dans son coin à marmonner. Le médecin reprit la route en les laissant se débrouiller avec les nouveau-nés.

Pierre-Henri sortit du château et courut chez son jardinier. Un homme solide, paysan du coin qui en avait vu d’autres depuis sa naissance. Pierre-Henri lui expliqua la naissance des quatre petits.

— Mathieu, vous seul pouvez me sauver.

— Vous sauver de quoi ?

— Je ne veux pas de ces gosses. Il faut m’en débarrasser tout de suite.

— Vous n’y pensez pas, monsieur le comte.

— Si, je ne fais que ça. Trouvez-moi une solution et je vous récompenserai.

— Comme ça, tout de suite, je ne sais pas.

— Réfléchissez vite et donnez-moi une réponse avant la nuit.

Sur ce, il repartit au château en courant.

Mathieu ne savait pas quoi faire. Il appela Simone, son épouse et après lui avoir expliqué ce que le comte voulait, ils s’assirent à la table de la cuisine tout en réfléchissant.

Au bout d’un moment, et après avoir bien pesé le pour et le contre, il fit appel à une de ses connaissances. Son ami, Marcel, lui donna rendez-vous dans l’heure suivante.

Ce fameux copain arriva pile au bout d’une heure.

— Bon, Mathieu, je t’ai trouvé une solution. Tu sais que j’ai des relations un peu partout en France et je connais quelqu’un qui peut te débarrasser de ces mioches, moyennant finances.

— Tu ne veux pas les tuer quand même ?

— Non, ne t’inquiète pas, je m’occupe de tout.

— Tu es sûr de toi ?

— Absolument, pas de problème. Préviens ton comte et s’il est d’accord, je les emmène dès demain matin.

Lorsque Pierre-Henri fût mis au courant, il accepta tout de suite. L’infirmière les quitta le lendemain en laissant la jeune maman complètement épuisée.

Mathieu vint avec Simone et emmena les quatre enfants, profitant d’un moment où Anne-Sophie était profondément endormie. Ceux-ci furent installés dans la voiture de Marcel, qui encaissa une jolie somme et se dépêcha de partir.

Une fois dans sa voiture, Marcel se posa la question de savoir d’où sortaient ces gosses. Il ignorait que la comtesse était enceinte. Étaient-ils les enfants du comte ou était-ce des mômes de ses connaissances ? Il s’interrogeait malgré tout. L’argent qu’il avait encaissé lui ôtait sa mauvaise conscience. D’après lui, les gens faisaient ce qu’ils voulaient de leur fric. Il n’avait pas à se poser de questions quant à la provenance. Il saurait bien comment dépenser celui-ci.

Pierre-Henri rejoignit son épouse, qui essayait de se lever.

— Je n’entends plus les enfants, où sont-ils ?

— Partis.

— Comment ça, partis ?

— Tu ne les reverras plus jamais et tu vas me faire le plaisir de les oublier.

Anne-Sophie se mit à hurler tout ce qu’elle pouvait en pleurant toutes les larmes de son corps, en injuriant Pierre-Henri et en lui promettant de se venger. Celui-ci, à bout de nerf, prit l’oreiller et lui mit sur le visage en appuyant le plus fort possible pour ne plus l’entendre hurler. Au bout d’un moment, Anne-Sophie ne bougea plus et Pierre-Henri releva le coussin. Son épouse était morte asphyxiée.

Il resta là, l’oreiller dans les mains, ne sachant plus quoi faire.

Il réagit enfin et remit l’oreiller sous la tête de sa femme, arrangea un peu les couvertures et se mit à hurler comme s’il venait de découvrir son épouse.

Mathieu, qui n’était pas encore parti, était remonté à l’étage pour demander des explications au comte. Après avoir réfléchi, il se demandait pourquoi Pierre-Henri ne voulait pas garder ses enfants. C’est pourquoi, remontant l’escalier monumental, il fut intrigué par les cris de la comtesse. Il se glissa sans bruit jusqu’à la porte de la chambre pour voir ce qui se passait. Lorsqu’il y arriva, il vit le comte en train d’étouffer son épouse. Il ne bougeât pas et attendit que le comte ait terminé son œuvre, recula doucement vers l’escalier et fit semblant d’arriver au moment où Pierre-Henri arrangeait les couvertures et se mettait à hurler.

Il resta au pied du lit jusqu’à ce que le comte lui demande la raison de sa présence. Malheureusement pour lui, Pierre-Henri l’avait aperçu pendant qu’il étouffait Anne-Sophie, mais il fit semblant de rien.

Il fit le nécessaire auprès du médecin pour qu’il vienne faire les constatations du décès de son épouse. Celui-ci remplit les papiers, mais avait bien vu que la mort n’était pas naturelle. Pierre-Henri vit que le médecin se doutait de quelque chose, mais ne dit rien. Le docteur Lapierre, tout surpris de ne pas voir les enfants s’en inquiéta auprès de Pierre-Henri. Celui-ci lui répondit qu’ils étaient chez son jardinier pour laisser le temps à Anne-Sophie de reprendre des forces. Cela lui parut très étonnant, mais n’insista pas. Le soir venu, le comte, seul dans son lit, se demandait pourquoi il avait étouffé sa femme et s’était séparé de ses gosses. Il se disait qu’il aurait pu les garder pour que son épouse s’en occupe. Mais lui ne voulait pas d’enfants. Un dilemme cornélien se jouait dans son esprit. Avait-il bien fait ? Un problème, cependant, existait. Il était persuadé que Mathieu l’avait vu étouffer Anne-Sophie. Il allait devoir le faire taire ainsi que le docteur Lapierre et son infirmière. Au petit matin, un plan machiavélique était apparu aussi net qu’une seule vérité. Il s’en réjouit, rien que d’y penser. Il était sûr que cela marcherait et que personne ne s’apercevrait de rien. Le secret de la naissance des quadruplés serait bien gardé après la réalisation de ce projet.

Cependant, en y réfléchissant à deux fois, il se posa quand même une question cruciale. Qui était l’homme à qui il avait « vendu » les enfants ? D’autres questions primordiales le taraudaient.

QU’ÉTAIENT DEVENUS LES ENFANTS ? ÉTAIENT-ILS MORTS OU VIVANTS ? QU’EN AVAIT FAIT L’HOMME QU’IL AVAIT PAYÉ POUR S’EN DÉBARRASSER ?

L’enterrement eu lieu trois jours plus tard. Le docteur Lapierre était présent et cherchait du regard les quatre enfants, d’autant plus que le jardinier et son épouse assistaient à la cérémonie. Il se promit d’en parler à son ami, le commandant de gendarmerie de Sarlat.

Après la cérémonie, un vin d’honneur fut servi dans le salon du château. Pierre-Henri s’excusa et s’éclipsa un moment. Il revint cinq minutes plus tard et reprit une conversation avec ses invités.

Le docteur Lapierre alla le saluer avant son départ. Il monta dans sa voiture, prit la route de Sarlat. Vingt kilomètres plus loin, il y avait une descente très raide avec beaucoup de virages. Au quatrième virage, la voiture du docteur Lapierre, comme par hasard, fila tout droit dans le précipice où il perdit la vie. Étrange, me direz-vous, n’est-ce pas. Personne ne soupçonna quoique ce soit, la voiture ayant explosé au fond du ravin. Ce fut grâce à cette explosion et au feu qui s’en suivit qu’une automobiliste qui passait par là pût avertir les secours. L’enquête de la gendarmerie ne donna rien. Les experts ne trouvèrent aucun indice susceptible de conclure à autre chose qu’un simple accident de la route. L’affaire fut classée au bout d’un certain temps.

Quelques jours plus tard, alors que le froid s’était installé et qu’il fallait allumer la cheminée, la maison du jardinier prit feu avec le couple endormi. Ils n’eurent pas le temps de sortir de la maison lorsqu’ils s’aperçurent de l’incendie. Les pompiers arrivés rapidement sur les lieux ne purent rien faire pour sauver les malheureux. Lorsque tout danger fut écarté, les experts fouillèrent ce qui restait de la maison, mais ne trouvèrent pas le point de départ de l’incendie et conclurent que le feu était dû au chargement trop important de la cheminée.

À la suite de ce malheureux accident, il ne restait plus comme témoin de l’accouchement de la comtesse que l’infirmière. Celle-ci fut renversée par un chauffard qui ne s’arrêta pas et s’enfuit sans laisser d’adresse, la semaine suivante.

Tous les témoins de l’accouchement d’Anne-Sophie avaient disparu. Plus rien ni personne ne pouvait dire quoique ce soit, sauf l’homme qui avait emmené les enfants.

Qu’étaient-ils devenus ?

Pierre-Henri commença à s’en inquiéter quand il eut fini de faire le ménage autour de lui.

Mais comment les retrouver ?

Impossible. Il ne connaissait pas l’identité de l’homme qui les avait emmenés. Il ne l’avait pas vu, car Mathieu s’était chargé de tout.

Après avoir réfléchi, Pierre-Henri se dit que c’était mieux comme ça et qu’il pouvait continuer à vivre sans s’inquiéter.

À la suite du décès d’Anne-Sophie, Pierre-Henri jouant la comédie de l’époux complètement bouleversé décida de vendre le château. Il trouva rapidement un acheteur et déménagea à Paris où il mena la grande vie grâce à la vente du château et des biens en fermage qu’il avait un peu partout dans le Périgord.

Il essaya pendant un temps de retrouver la trace du contact de Mathieu, mais sans résultat. Les années passèrent et rien ni personne ne le dérangea.

OÙ SONT PASSÉS LES ENFANTS ?

QUE SONT-ILS DEVENUS ?

2

L’inconnu

15 avril 2021

1. Le patient

Un soleil radieux filtrait au travers des volets entr’ouverts. Il réchauffait la pièce de ses rayons ardents.

Au milieu de la pièce, un lit était installé avec, allongé sur le dos, un homme endormi.

De son bras droit, un tuyau relié à une potence déversait, goutte à goutte, un liquide transparent.

L’homme dormait, serein, et donnait l’impression d’être mort, si ce n’était que sa respiration régulière soulevait à peine le drap.

Des fils partaient de plusieurs appareils reliés les uns aux autres, vérifiant le rythme cardiaque, la tension et bien d’autres fonctions.

Une infirmière entra dans la chambre, vérifia que tout se passait bien, remit le drap comme il faut sur le corps du malade. Celui-ci ne bougea pas et donna l’impression de ne rien sentir.

Un homme, grand, la cinquantaine passée, entra à son tour.

— Comment va-t-il ?

— Bien, toujours aucune amélioration.

— Continuez de le surveiller et prévenez-moi dès qu’il ouvrira un œil.

— Entendu docteur.

Le médecin sortit de la chambre, laissant l’infirmière qui s’appelait Céline, seule avec son patient.

— Quand vas-tu te réveiller, lui demanda-t-elle tout haut, comme s’il pouvait lui répondre. Tu dors depuis quinze jours sans discontinuer. Il faut y mettre du tien un petit peu. Allons, mon petit, on se réveille.

Céline en avait vu d’autres depuis dix ans qu’elle était dans ce service et elle aimait bien discuter avec ses patients, surtout quand ils étaient dans le coma ou dans les vapes. Cela lui évitait d’entamer une conversation, car elle préférait parler toute seule, sans avoir à répliquer quoique ce soit avec un interlocuteur. Depuis cinq ans qu’elle avait perdu son mari dans un accident de voiture, alors qu’il n’avait que trente ans, elle s’était renfermée et préférait la solitude. Elle prenait son service chaque matin, faisait son petit train-train et rentrait chez elle à pied, habitant à moins d’un kilomètre de l’hôpital. Elle s’assit sur le bord du lit, prit la main de l’homme et la caressa tout en continuant de lui parler. Que ne donnerait-elle pas pour avoir un si bel homme à la maison, se dit-elle. Il est vrai qu’il devait avoir son âge. Une quarantaine d’années. Il était musclé, légèrement bronzé, blond avec un début de calvitie, les yeux bleus. Une barbe de quinze jours lui couvrait le visage et lui donnait un air sérieux. Une marque juste sous l’oreille gauche en forme de croissant de lune, devait être une tache de naissance et donnait à son visage un air jouvenceau. Qui était-il ? D’où venait-il ? Que faisait-il dans la vie ? Autant de questions que tout le monde se posait, depuis qu’il était hospitalisé.

Sans s’en rendre compte, elle avait posé ces questions à voix haute et n’avait pas vu, absorbée par ce corps si tentant, que Martine, une de ses collègues était entrée dans la chambre.

— Tu ne vas pas lui sauter dessus, quand même ?

Surprise, elle lâcha la main de l’homme et se retourna brusquement, manquant de tomber du lit.

— Tu m’as fait peur, je ne t’ai pas entendue arriver.

— Normal, tu étais partie tellement loin en train de rêver de ton malade.

— Je ne rêvai pas, je lui parlai. Tu sais bien qu’il faut leur parler, cela les fait revenir plus vite, paraît-il.

— Oui, peut-être, mais le manuel ne nous demande pas de tomber amoureuse de nos patients.

— Je ne suis pas amoureuse de lui, répondit-elle en rougissant.

— Je pense que si, ma pauvre Céline.

Elles se regardèrent et furent prises l’une et l’autre d’un fou rire incontrôlable.

D’un seul coup, une alarme s’alluma dans leur dos. En se retournant, elles virent que le malade commençait à se réveiller.

— Appelle le docteur Brun, vite.

Martine partit en courant, bousculant son chariot de soins qui se répandit dans le couloir. Elle n’y fit pas attention, tout occupée à courir après le médecin.

Pendant ce temps, Céline fit le tour du lit et arrêta l’alarme. Elle prit son patient par la main et lui parla doucement comme à un bébé.

Celui-ci la regarda d’un drôle d’air, complètement désorienté.

Le docteur Brun arriva en catastrophe, essoufflé. Il regarda l’homme qui était à peine éveillé, encore dans un demi-coma et demanda à Céline de le lâcher pour le moment, puis il demanda au patient comment il se sentait.

L’homme le regarda comme s’il avait vu un extraterrestre, ferma les yeux et se rendormit aussitôt.

Ils le regardèrent sans bouger quelques secondes et le médecin décréta que c’était bon signe.

— Il revient à lui tout doucement. Il faut lui laisser le temps et le surveiller comme le lait sur le feu.

— Je m’en occupe, docteur.

— Vous avez fini votre service, il me semble.

— Ce n’est pas grave, je reste près de lui, personne ne m’attend à la maison.

— Vous savez que je ne peux pas vous payer d’heures supplémentaires.

— Je ne vous en demande pas. Je reste, un point c’est tout.

— Comme vous voudrez, mais ne venez pas vous plaindre après.

— Pas de risque.

— Bon, je vous fais monter de quoi manger et boire et surtout tenez-moi au courant de jour comme de nuit.

— Pas de problème, docteur.

Il sortit de la chambre tout en se demandant pourquoi Céline tenait absolument à rester au chevet de ce malade.

Martine rangea son chariot et Céline récupéra son livre qui était resté sur ce chariot de soins. Elle s’assit dans le fauteuil près du lit.

Les heures passèrent et Céline, bien que motivée, finit par s’endormir. À son réveil, vers trois heures du matin, elle se demanda ce qu’elle faisait là et petit à petit la mémoire lui revint. Elle se leva et regarda son malade. Elle avait l’impression qu’il souriait.

— Tu deviens folle, ma pauvre petite, tu sais bien qu’il est dans un demi-coma et qu’il ne peut pas sourire. Mais en regardant de plus près, une fois la lampe de chevet allumée, elle fut bien obligée de constater qu’elle n’avait pas rêvé. Son patient était en train de se réveiller une nouvelle fois. Elle ne bougea pas et attendit un peu avant de prévenir qui que ce soit. Au bout d’un moment, elle dut se rendre à l’évidence, il revenait à lui. Elle appuya sur la sonnette d’alarme et prit le patient par la main et recommença à lui parler tendrement et calmement pour le faire revenir dans la réalité sans brusquerie.

Martine qui était de garde arriva en courant et voyant ce qui se passait, alla appeler immédiatement le docteur Brun.

Celui-ci n’étant pas de service, prévint qu’il arriverait d’ici trente minutes et en attendant, il fallait prévenir le médecin de garde.

L’homme, pendant ce temps-là, commençait à émerger. Céline lui tenait toujours la main et lui parlait tout doucement. Il la regardait avec une surprise grandissante, cela se voyait à ses yeux.

Le médecin de garde arriva et prit le pouls du patient, sa tension, sa température. Tout allait bien, toutes ses fonctions vitales étaient en ordre. Le malade avait du mal à garder les yeux ouverts. Céline ne le lâchait pas et continuait à lui parler, encouragée par le médecin.

— Continuez comme ça, c’est très bien, lui dit-il en lui tapant sur l’épaule.

Céline lui répondit par un sourire et se remit au travail.

L’homme était maintenant tout à fait réveillé lorsque le docteur Brun arriva. Il l’ausculta également et comme tout allait bien, il s’adressa à son malade.

— Bonjour, vous nous avez fait une peur bleue, vous savez.

L’homme le regarda sans dire un mot en ayant l’air de ne rien comprendre.

—  Vous comprenez ce que je dis ?

Il le regarda sans montrer le moindre geste de compréhension.

— Pouvez-vous me dire quel est votre nom ?

Pas de réponse.

— Où habitez-vous ?

Pas de réponse.

— Que faites-vous dans la vie ?

Pas de réponse.

Le médecin décida de le laisser tranquille, le temps qu’il reprenne ses esprits.

— Je repasserai dans la matinée. Céline, vous devriez rentrer chez vous et dormir un peu. Je vais vous faire remplacer pour la journée.

— Non, docteur, je reste ici, je ne vais pas le quitter maintenant qu’il est revenu parmi nous, pas question.

— Il me semble que c’est moi qui commande ici.

— Oui docteur, mais je vous en supplie, laissez-moi, le surveiller encore au moins aujourd’hui, jusqu’à ce qu’il soit en état de répondre à nos questions.

— Soit, comme vous voulez, mais vous prenez cette journée comme une journée de congé.

— J’ai assez de RTT en retard pour me permettre de prendre une semaine si je veux, donc je reste.

— Décidément, vous avez une tête de mule.

— Je sais, tout le monde me le dit, mais c’est ce qui fait mon charme.

Le médecin n’insista pas plus et laissa ses subordonnés s’occuper du patient.

2. Les questions

Le patient les regardait sans paraître comprendre ce qu’ils se disaient.

Céline lâcha la main du malade et à l’aide de sa collègue entreprirent de l’asseoir dans le lit plutôt que le laisser en position allongée. L’infirmière de garde fut appelée et elle laissa Céline avec son patient. Celui-ci la regardait d’un air distrait et au bout d’un moment, il lui sourit. Céline lui sourit en retour et s’assit au bord du lit, tout près de l’homme.

Il la détailla et levant la main, il lui caressa le visage. Céline, surprise, eut un mouvement de recul instinctif, mais se laissa faire. Tout en souriant, il lui caressa plusieurs fois les joues puis le menton et enfin, il reposa sa main sur le drap. Céline ne savait pas trop quoi faire.

Au bout d’un moment, l’homme demanda difficilement à boire. Céline s’empressa de lui donner un verre d’eau qu’il laissa échapper et tomba par terre, évitant de justesse d’inonder le lit. Céline lui servit un autre verre, mais en le faisant boire elle-même. Après avoir avalé son verre, il referma les yeux et parut s’endormir. Céline s’apprêtait à le rallonger, lorsqu’il les rouvrit et essaya de parler.

— Où suis-je ?

— Vous êtes à l’hôpital de Dax.

— À Dax ?

— Oui, à l’hôpital.

— C’est où Dax ?

— Vous ne connaissez pas Dax ?

— Non, c’est en France ?

— Bien sûr, c’est dans les Landes.

— Les Landes, c’est quoi ?

— Vous ne vous en souvenez pas ?

— Mais qu’est-ce que je fais ici ?

— Je ne sais pas, à vous de me le dire.

— Je n’en sais rien du tout. Mais qui suis-je ?

— Comment ça qui suis-je ?

— Je ne vous connais pas et je n’arrive pas à me rappeler de mon nom.

— Vous ne savez pas comment vous vous appelez ?

— Non, je vous dis, qu’est-ce que je fais ici ?

— Je n’en sais pas plus que vous. On vous a transporté ici il y a quinze jours maintenant et installé dans cette chambre depuis, je n’en sais pas plus.

— Quinze jours ?

— Oui.

— Mais comment cela se fait-il ?

— Je ne sais pas. Vous ne vous souvenez vraiment de rien ?

— Puisque je vous le dis répondit-il péniblement.

Ses yeux papillotaient et il commençait à se rendormir. Céline le laissa se reposer et attendit un peu, toujours assise près de lui en lui tenant la main. Mais l’homme était reparti dans les bras de morphée. Elle se leva et sortit de la chambre. Dans le couloir, elle croisa Martine qui lui dit qu’elle venait pour faire la toilette de cet homme. Céline la laissa entrer dans la chambre. Elle était épuisée et avait besoin d’une bonne sieste. Elle alla aux toilettes puis revint au chevet de son patient. Elle aida sa collègue pour la toilette du malade et s’assit dans le fauteuil, où elle s’endormit rapidement malgré sa volonté de rester éveillée. Elle ne s’aperçut même pas que le sommeil avait gagné.

3. Le réveil

Une alarme réveilla Céline qui se demanda où elle était sur le coup. La petite sieste qu’elle avait faite avait été si profonde, qu’elle eut du mal à réagir.

— Et alors, tu es autant dans les vapes que ton malade, lui demanda Martine qui était accourue dès la sonnette.

— Hein ? Ah non, je me suis juste un peu endormie.

— Un peu. Ça fait trois heures au moins que tu dors. Je suis venue déjà deux fois sans que tu m’entendes.

— Ce n’est pas vrai.

— Eh si, ma pauvre Céline. Il va falloir que tu rentres chez toi te reposer.

— Non pas maintenant.

Elles se retournèrent d’un bloc en entendant parler derrière elles. Le patient les regardait comme deux Ovnis en ouvrant de grands yeux.

— Comment vous sentez-vous ?

— Je ne sais pas, j’ai l’impression d’avoir mal partout.

— C’est normal après ce qui vous est arrivé.

— Quoi ?

— Le docteur Brun vous le dira lui-même.

— Pou… pourquoi vous ne me le dites pas ?

— Ce n’est pas à nous de vous le dire. Le docteur va arriver d’une minute à l’autre.

Au même moment, la porte de la chambre s’ouvrit pour faire place au médecin, tout sourire devant ce patient qui revenait à la vie.

— Bonjour, cher ami, comment allons-nous aujourd’hui ?

— Je vous connais ?

— Non.

— Pourquoi vous m’appelez votre ami, alors ?

— Juste une expression.

— Ah bon.

— Comment vous sentez-vous ?

— Mal, j’ai mal partout.

— C’est normal après ce qui vous est arrivé.

— Qu’est-ce qui m’est arrivé ?

— Vous ne vous souvenez de rien, vraiment ?

— Combien de fois dois-je le dire ?

— Bien, c’est tout à fait normal, vous souffrez d’amnésie partielle à cause de votre coup sur le crâne.

— Quel coup, je ne m’en souviens pas !

— Justement, c’est ce qui me fait penser à une amnésie partielle. Vos souvenirs vont revenir petit à petit, avec du temps, peut-être plus ou moins long.

— Où suis-je ?

— À l’hôpital de Dax.

— Qu’est-ce que je fais là ?

— Nous n’en savons rien pour le moment. Vous avez été trouvé au fond d’une barque de pêcheur, aux abords du bois de Boulogne, nu comme un ver, les mains attachées par un serflex, les pieds en sang, et pour couronner le tout, avec une balle dans l’épaule gauche, d’où vos douleurs.

— Qu’est-ce qui m’est arrivé ? Qui m’a fait ça ?

— Mystère, mon ami, mystère.

— Je ne suis pas votre ami.

— Comment vous appelez-vous ?

L’homme fronça les sourcils, ferma les yeux et se concentra. Malheureusement rien ne lui vint à l’esprit.

— Je ne sais pas, je ne sais plus.

— Prenez votre temps, nous allons vous laisser vous reposer et réfléchir, nous verrons cela plus tard. Avez-vous besoin de quelque chose ?

— Quel jour sommes-nous ?

— Nous sommes le 15 avril.

— Le 15 avril, ah bon. On est en quelle année ?

— En 2021 et vous êtes dans le coma depuis quinze jours. Nous ne savons rien de plus vous concernant, malheureusement. Comme je vous l’ai dit, on vous a retrouvé dans le coma, c’est tout, je ne peux pas vous en dire plus.

— Ce n’est pas vrai.

— Que voulez-vous que je vous dise ? Avez-vous besoin de quelque chose ?

— Oui, qu’on me laisse tranquille.

Sur ces mots, le docteur Brun exécuta un demi-tour droit, emmenant les deux infirmières qui étaient venues avec lui. Céline resta à le regarder sans rien dire.

— Je voudrai rester seul, s’il vous plaît.

— Vous ne vous souvenez pas de moi ? Je suis restée à votre chevet depuis deux jours complets.

— Je crois, je n’en sais rien. Laissez-moi tranquille. Merci.

Céline sortit de la chambre, malheureuse que ce patient ne soit pas plus reconnaissant.

Dans le couloir, le docteur Brun était en conversation avec les deux infirmières. Céline l’entendit dire que ce patient n’était pas du genre sympathique. Elle se mêla de la conversation en disant qu’il fallait lui laisser du temps et que c’était normal.

— Vous allez peut-être m’apprendre mon métier, mademoiselle, rétorqua-t-il à l’adresse de Céline.

— Madame, s’il vous plaît, merci.

— Comme vous voulez.

— Et non, docteur, pour répondre à votre question, mais je pense connaître le mien depuis le temps et je dis qu’il faut lui laisser du temps après ce qu’il vient de vivre.

— Écoutez, Céline, c’est très bien de votre part d’avoir agi comme vous l’avez fait, seulement ce monsieur n’est pas le seul malade ici et il serait bon que vous repreniez votre service correctement.

Céline devint rouge écarlate sous l’affront de cette remarque et faillit riposter, mais le regard que lui fit sa collègue derrière le dos du médecin l’en dissuada.

— Très bien, docteur.

— Prenez votre journée et allez-vous reposer, vous me paressez exténuée.

— Merci docteur, mais ça va aller.

— Parfait, alors tout le monde au travail, s’il vous plaît, mesdames.

4. La mémoire

L’homme, resté seul, ferma les yeux et se concentra sur ce qu’il espérait être sa mémoire. Rien ne venait.

— Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? dit-il tout haut. Qu’est-ce que je fous là ?

Il voulut se lever, mais les tuyaux partant de ses bras l’en empêchèrent.

Il essaya de s’asseoir, mais cela aussi fut impossible. Il dut se résoudre à appuyer sur la sonnette d’alarme.

Une infirmière arriva en courant pour voir ce qui se passait.

En voyant la tête de son patient, elle se demanda s’il n’allait pas tout arracher.

— Je voudrai m’asseoir, s’il vous plaît.

Devant cette demande polie, elle sourit au malade et l’aida tant bien que mal à se redresser. Il la remercia et tourna la tête vers la fenêtre pour couper court à toute discussion. L’infirmière le regarda, soupira en le laissant seul avec ses pensées. L’homme resta pensif pendant longtemps, essayant de faire remonter le moindre souvenir, mais rien ne venait. Dépité, il s’endormit. Il fut réveillé par Céline qui venait voir comment il allait avant de rentrer chez elle comme lui avait ordonné le médecin. Il l’a reconnue et s’excusa pour l’avoir éconduite un peu plus tôt.

— Je suis désolé pour ma conduite, mais je ne sais plus où j’en suis.

— Ce n’est pas grave, rassurez-vous, vous n’êtes pas le seul dans ce cas. Bon nombre de personnes, sortant d’un coma aussi profond soit-il, réagissent de la même manière.

— Merci pour votre dévouement. Je vous en suis extrêmement reconnaissant.

— C’est normal, cela fait partie de mon travail. Je vous laisse avant que le docteur Brun ne me voie en votre compagnie. À demain.

— À demain. Comment vous appelez-vous au fait ? Vous me l’avez sûrement dit, mais je n’ai pas retenu votre prénom.

— Céline, pour vous servir.

— Eh bien merci beaucoup Céline. À demain.

Sur ces bonnes paroles, elle sortit de la chambre et se dirigea vers la sortie juste à temps pour ne pas croiser le médecin qui revenait voir comment se passait le réveil de son patient.

— Alors, vous avez récupéré un peu ?

— On ne peut pas dire ça, pour l’instant. Je suis complètement perdu. Vous m’avez bien dit que l’on m’a retrouvé au fond d’une barque.

— Oui, c’est exact. Nu comme un ver, les pieds en sang, les mains attachées par un serflex et une balle dans l’épaule.

— Je ne vois absolument pas qui aurait pu me faire ça.

— Ne vous inquiétez pas, la mémoire va vous revenir petit à petit.

— J’espère bien, mais est-ce que j’ai besoin de tous ces appareils et ces fils reliés à mes bras ?

— Pour le moment, il vaut mieux les garder pour contrôler tous vos organes vitaux. Nous vous les enlèverons demain matin, si tout va bien.

— Je vais passer la nuit avec tout ce bazar ?

— Oui, nous ne pouvons pas faire autrement. Bien, je vous laisse vous reposer tranquillement, si vous avez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à vous servir de la sonnette pour appeler une infirmière. Bonne journée, monsieur.

Le médecin sortit de la chambre, le laissant seul avec ses questions…

La journée passa avec une lenteur exaspérante. Il n’y avait pas de télévision dans la chambre ni de radio.

En milieu de journée, Martine vint pour lui changer le pansement de son épaule. Il se laissa dorloter et tout en regardant l’infirmière travailler, il essaya de voir à quoi ressemblait sa blessure. Elle était pratiquement guérie depuis quinze jours qu’il était soigné. On lui installa également un poste de télévision.

À l’heure du repas, on lui apporta un bol de soupe et un yaourt, qu’il regarda d’un œil torve. C’est tout ce que l’on me donne, se dit-il, ce n’est pas avec ça que je vais reprendre des forces.

Le soir venu, il réussit, malgré l’inaction de la journée, à s’endormir rapidement. Les médicaments et la morphine en intraveineuse devaient en être les responsables.

3

Montalenvert

1985

Lorsque le comte de Montalenvert mit son château en vente, il n’eut aucun mal à trouver un acheteur. Une importante société de Marseille était très intéressée et vint rapidement visiter le domaine. Celui-ci leur plut immédiatement, les papiers de vente furent remplis très vite et le prix de vente ne fut même pas discuté. Le comte était très heureux, car il le vendait plus cher qu’il ne l’espérait réellement.

La société qui achetait ce château devait s’en servir pour recevoir leurs bons clients loin de la ville. La distance était grande entre leur maison mère et le domaine, mais cela les arrangeait, car ils possédaient une entreprise d’import-export et ils n’avaient pas besoin que certaines personnes mettent le nez dans leurs affaires.

Des affaires, en fait, que toutes les polices de France et de Navarre auraient bien aimé pouvoir y jeter un œil. Cette société s’appelait EURÊKA. Les trois associés, EUgène, REné et KAleb avaient monté cette affaire pour blanchir de l’argent sale en provenance de la drogue. Ils étaient des trafiquants notoires et connus des services des stups sans jamais avoir été arrêtés, faute de preuves.

En réalité, ils connaissaient déjà le domaine sans y avoir mis les pieds. Mathieu, le jardinier du comte, faisait partie de leur cartel. Il cultivait à l’insu de tous de l’herbe au milieu de la forêt du comte. Celle-ci était tellement dense que l’on ne pouvait pas voir ses trois champs de cannabis avec des drones et il fallait vraiment bien connaître la forêt pour les trouver. Le comte de Montalenvert ne les trouva jamais et ne s’en douta pas non plus. Au décès de Mathieu, le cartel fut bien en peine de trouver un moyen pour récupérer leur marchandise. Aussi, dès que les protagonistes eurent vent de la vente du château, ils se précipitèrent sur l’occasion à n’importe quel prix. Ils installèrent un soi-disant directeur immédiatement pour ne pas laisser le château à l’abandon. Le comte ne voulant plus vivre dans la place. Les papiers n’étant pas encore signés, le comte accepta malgré tout, car le dessous de table donné par les trois associés suffit à le convaincre que c’étaient des acheteurs de premier ordre. Ils purent ainsi, après avoir fouillé la forêt de fond en comble sans être dérangés, trouver les champs de cannabis de Mathieu et reprendre leur illicite activité.

Le service des fraudes, qui les surveillait, fut surpris de cet achat, mais les papiers étaient en règle et ils ne purent rien faire pour les empêcher d’acheter le domaine. Les trois associés démarrèrent donc leur activité d’hôtel-restaurant de luxe et embauchèrent du personnel professionnel. Le château fut rénové de fond en comble avec des chambres de luxe, un bar au design moderne. Une piscine olympique intérieure creusée dans les caves, des spas installés. L’argent sale était lavé dans leurs remous. Grâce à leur réseau de prostituées, ils mirent en place des call-girls pour agrémenter les soirées des célibataires et autres hommes mariés.

Les trois associés venaient souvent le dimanche pour jouer aux pachas et donner des fêtes splendides. Le champagne coulait à flots, et les truands de la méditerranée venaient en profiter. Des affaires louches étaient traitées dans les salons sans que personne ne soupçonne quoi que ce soit. Au sein de ce personnel, un homme réussit à se faire embaucher en tant que maître d’hôtel. Celui-ci était un policier infiltré qui connaissait son travail sur le bout des doigts. À force de se faire bien voir, il obtint le droit de servir tous ces messieurs pendant leurs petites réunions secrètes, faisant semblant d’être du côté de ces bandits. Des plans étaient tirés sur la comète, d’autres étaient réalisés, comme l’écoulement de la drogue à Marseille et un peu partout en France. Un jour, un caïd de Toulouse se présenta et des négociations âpres se disputèrent. Il n’était pas d’accord avec les taux consentis par ses interlocuteurs. Après bien des palabres et une partie de la nuit, ils se mirent enfin d’accord et pour arroser cela les truands firent venir les plus belles filles de leur organisation pour le lendemain. Une orgie de sexe et d’alcool se déroula sous l’œil attentif de notre policier qui ne manquait rien. Il avait relevé les noms des truands toulousains et les transmit à ses supérieurs qui attendaient le bon moment pour coffrer tout ce joli monde. Il surveilla les allées et venues de tous les protagonistes pendant presque deux ans, accumulant des preuves contre les propriétaires. Son service savait qu’il y avait des champs de cannabis dans la forêt, mais ne les trouvait pas. Tout était bien cloisonné. En 1988, un feu de forêt se déclara à cause de trois jeunes qui voulaient camper et avaient allumé un feu de camp qui pris de l’ampleur si rapidement qu’ils ne purent l’éteindre à temps. Une grosse partie de la forêt brûla et on découvrit les champs de cannabis. Arrêtés immédiatement, les trois associés furent conduits en prison manu militari où on les interrogea pendant des heures. C’est René qui craqua le premier et qui balança tout le réseau. Ils se retrouvèrent enfermés pour vingt ans.

Le comte de Montalenvert qui venait souvent au château où il était reçu comme un prince eut du mal à digérer ces mauvaises nouvelles. N’ayant pas les moyens de racheter le château, celui-ci fut fermé et mis en vente. Malheureusement, personne ne se présenta pour le racheter et il resta à l’abandon pendant des années.

Le comte désappointé et désabusé se retira dans son appartement parisien et ne remit plus les pieds dans son ancien domaine.

*

Une fois installé à Paris, il essaya de revivre tout ce qui s’était passé depuis qu’il avait assassiné son épouse et les autres témoins de l’accouchement. Il avait beau réfléchir, il était certain que personne ne pourrait le soupçonner sauf cet homme qui était parti avec les enfants. Normalement, il n’était au courant de rien et n’était qu’un intermédiaire anonyme. Pourquoi s’en faire ? Il ne pouvait rien contre lui.

Malgré tout, il gardait un œil sur tout ce qui se passait dans le village et sur le château, au cas où quelqu’un aurait voulu le racheter pour en faire un je ne sais quoi. Heureusement pour lui, personne ne se présenta. Les soirs de déprime, lorsqu’il n’avait pas de réception ou de conquête à séduire, il se morfondait malgré tout. Il se posait des tas de questions qui restaient sans réponses.

OÙ SONT PASSÉS LES ENFANTS ?

QUE SONT-ILS DEVENUS ?

MYSTÈRE.

4

L’inconnu

4 avril 2021

Le quotidien « La dépêche du midi » annonçait en gros titre :

DISPARITION DU CÉLÈBRE DÉTECTIVE PRIVÉ DE CAHORS

Nous sommes toujours sans nouvelles de notre célèbre détective privé, Arnaud Philmon de Cahors.

Ses associés n’ont plus aucun contact avec lui depuis le 31 mars et sont de plus en plus inquiets. Arnaud était sur une enquête difficile de détournement d’argent et était, d’après eux, sur le point de découvrir le pot aux roses.

Est-ce qu’il s’est approché trop près de la vérité et qu’il a été mis hors service en étant assassiné ou est-il tout simplement toujours en train de continuer son enquête sans pouvoir donner de nouvelles. Que lui est-il arrivé ? La question est sur toutes les lèvres. On sait par le biais de ses associés qu’Arnaud est un homme solitaire et qu’il aime bien travailler seul le plus possible lorsqu’une enquête ne nécessite pas l’intervention de plusieurs enquêteurs. Est-ce à cause de cela que personne ne sait ce qu’il est devenu ?

Nous imprimons une photo de lui en gros plan en espérant que quelqu’un le reconnaisse. Si vous avez des renseignements, si vous l’avez vu ou aperçu depuis le premier avril, contactez le journal ou ses associés au numéro vert mis en place depuis deux jours.

Suivait un article sur la vie d’Arnaud et de son activité en page quatre du journal.

Les associés d’Arnaud avaient beau être de très bons détectives, ils n’avaient aucune piste sérieuse à suivre pour le retrouver, ce qui était rare de sa part, car, même en étant un solitaire dans l’âme, il s’arrangeait toujours pour laisser un message ou des indices. Mais là, rien, rien de rien, ce qui leur laissait penser qu’il devait y avoir un grave problème. Résolus de retrouver leur collègue le plus vite possible, ils laissèrent tomber leurs enquêtes respectives et se mirent à la recherche de leur patron.

Ils reprirent les notes qu’il avait laissées sur son ordinateur de bureau. L’ordi portable ayant disparu avec lui. Malheureusement Arnaud n’avait pas entré toutes les preuves qu’il avait recueillies et devait les avoir sur le portable. Avec le peu de renseignements qu’ils avaient, ils se mirent en quête de pistes possibles.

Au bout de quatre jours, n’ayant rien trouvé, ils firent appel aux journaux quotidiens.

Les jours passèrent et rien ne vint leur donner de l’espoir.

Résignés, ils décidèrent d’alerter les médias et publièrent sa photo sur toutes les chaînes d’infos en espérant que quelqu’un pourrait leur donner des nouvelles.

16 avril en début de soirée

Nous étions déjà le 16 avril et personne ne semblait l’avoir reconnu, quand un appel de l’hôpital de Dax, dans les Landes, leur redonnèrent espoir. Ils avaient dans leur service un homme qui ressemblait au portrait, mais qui ne se souvenait plus de rien. Il était presque vingt-deux heures quand ils eurent cet appel. Après avoir pris les coordonnées de l’hôpital, ils partirent immédiatement pour Dax.

5

L’agression

16 avril vingt-trois heures

Alors qu’il dormait du sommeil du juste, une ombre furtive se matérialisa dans un couloir de l’hôpital. Rasant les murs, toute de noir vêtu de la tête aux pieds avec une cagoule sur la tête, l’ombre s’avançait silencieusement dans le service de réanimation.

Arrivée devant la porte de la chambre 56, elle entra sans bruit. L’homme allongé sur le lit était endormi. L’ombre qui, à cause de la veilleuse de la chambre, s’avéra être un homme, s’approcha du lit et levant le bras bien haut s’apprêtait à abattre le poignard qu’il tenait dans la main. Au moment de frapper, son pied heurta le verre d’eau qui était tombé par terre et le bruit réveilla notre homme. Mû par un réflexe naturel, il voulut se lever, mais étant attaché aux fils des machines, il se retrouva moitié couché, moitié assis. Ce qui lui sauva la vie. Il évita de justesse le coup mortel, mais ne put empêcher le tueur d’abattre son poignard. Au lieu de prendre le coup en plein cœur, il le reçut en pleine épaule. Il se mit à hurler. Le tueur se saisit du vase qui trônait sur la table de chevet avec un joli bouquet que Céline avait amené pour donner un peu de gaieté dans la chambre et asséna un terrible coup sur la tête de notre homme qui s’effondra. Sur le coup, le vase se brisa, répandant les fleurs partout sur le lit et noyant notre malade. Alertées par les cris du patient, deux infirmières de garde arrivèrent en courant. Le tueur, en les voyant entrer dans la chambre, prit peur et sortit précipitamment de la chambre en les bousculant toutes les deux et en les renversant. Il prit ses jambes à son cou et disparu dans les couloirs. Le temps que les deux femmes se relèvent et donnent l’alerte, notre tueur s’était évaporé dans la nuit.

Elles s’occupèrent de notre malade, qui avait du sang partout et était trempé comme une soupe. Alerté, le médecin de garde arriva à son tour et ne put que constater les dégâts. L’homme avait une partie de l’épaule ouverte, une grosse estafilade sur le crâne. L’épaule saignait abondamment et il était urgent de cautériser. Ils emmenèrent le blessé en salle d’opération immédiatement où il fût recousu de partout. Un autre problème se posa aux médecins. Le patient était retombé dans le coma. Ils le remirent en salle de réanimation, le rebranchèrent à tous les appareils qu’ils avaient arrêtés pour opérer, et le mirent en observation constante.

17 avril deux heures du matin

Après avoir roulé comme des fous tout le long de la route, sans s’occuper des éventuels radars, nos deux associés arrivèrent à l’hôpital où ils découvrirent un branle-bas de combat incroyable. Quatre voitures de gendarmerie étaient garées un peu n’importe comment sur le parking. Deux gendarmes empêchaient quiconque de pénétrer dans l’hôpital. À cette heure-là, ils n’avaient rien à faire. Ce n’est pas à deux heures du matin qu’il y a affluence. Des ordres arrivaient d’un peu partout sur les radios des véhicules en stationnement. Les deux enquêteurs se présentèrent aux forces de l’ordre en expliquant pourquoi ils étaient là. Les gendarmes les écoutèrent, mais les empêchèrent de pénétrer dans l’enceinte. Devant leur insistance, ils appelèrent le commandant de gendarmerie qui était dans l’hôpital. Celui-ci vint à la porte, écouter les doléances de ces deux fous qui voulaient absolument entrer. Il leur expliqua que pour le moment, il n’était pas question qu’ils restent là étant donné qu’ils n’avaient rien à y faire et les pria de bien vouloir circuler sous peine d’emprisonnement pour entrave à la justice. Ne pouvant rien faire devant ce refus, ils opérèrent un demi-tour et attendirent dans la voiture que le jour se lève. Ils réussirent à s’endormir d’un œil et dès que l’hôpital commença à respirer, se présentèrent à l’accueil.

17 avril 8 heures du matin

Ils expliquèrent leur problème à l’infirmière de garde qui ne comprenait rien à leur charabia. Elle appela son chef de service à la rescousse. Celui-ci les conduisit auprès des deux gendarmes restés sur place en surveillance.

Ceux-ci les écoutèrent et leur conseillèrent d’aller à la gendarmerie où ils seraient reçus par le commandant. Ils repartirent sans plus de résultat pour la deuxième fois en quelques heures, énervés, fatigués et incrédules devant les refus des autorités. Ils arrivèrent à la brigade, anxieux et déterminés à en avoir le cœur net. S’agissait-il de leur collègue ou pas et qu’est-ce qu’une agression nocturne avait avoir avec leur problème ?

Le commandant les reçut dans son bureau et après avoir écouté calmement leur histoire, leur apprit que l’agression de la nuit concernait justement leur supposé collègue et que, pour le moment, il n’était absolument pas question qu’ils puissent le voir.

— Que s’est-il passé exactement ?

— Nous ne savons pas trop pour le moment. D’après les premières constatations, votre collègue aurait été attaqué à l’arme blanche et reçu un coup de couteau à l’épaule. Il a ensuite été assommé avec un vase et depuis, il se retrouve une fois de plus dans le coma.

— Comment ça une fois de plus ?

— Si c’est bien votre collègue, et ceci reste à démontrer, l’homme qui vient d’être attaqué venait juste de sortir du coma dans lequel il était plongé depuis quinze jours. Il s’est réveillé hier matin, sans savoir qui il est, d’où il vient, etc., etc.

— À tous les coups c’est bien lui, cela fait quinze jours qu’il ne donne plus de nouvelles et une personne de l’hôpital l’a reconnu aux informations.

— Doucement, madame, monsieur, on n’est sûr de rien, c’est pourquoi je vais vous demander de prendre votre mal en patience et de nous laisser effectuer notre travail. Nous vous tiendrons au courant de l’avancée de l’enquête. En attendant, rentrez chez vous.

— Il n’est pas question que nous rentrions à Cahors, sans le voir.

— Vous ne le verrez pas pour le moment, pas tant qu’il sera en salle de réanimation et qu’il n’aura pas repris connaissance.

— Cela peut durer des jours, voire des mois.

— Je sais, mais je n’y peux rien. C’est comme ça, c’est la loi… Si vous êtes détectives, vous devez le savoir. Au fait, je ne vous ai pas demandé vos cartes d’accréditation.

Il tendit la main et attendit qu’ils sortent leurs cartes. Après y avoir jeté un œil, il leur redonna en disant que tout était OK.

— On nous les avait déjà demandées à l’entrée.

— Heureusement, il me semble. Nous n’allions pas vous donner des renseignements sans savoir qui vous étiez. Bien, maintenant je vous prie de bien vouloir me laisser travailler. Il les raccompagna à la porte de son bureau.

— Une dernière question, commandant. Où pouvons-nous trouver un hôtel pas trop cher et pas loin de l’hôpital ?

— Vous avez l’hôtel du centre qui est très bien.

— Merci, commandant, au plaisir de vous revoir.

Ils sortirent de la gendarmerie très énervés. Pourquoi ne voulaient-ils pas qu’ils le voient ? Qu’avait-il fait pour se faire poignarder ? Comment avait-il atterri à Dax, loin de Cahors ?

Autant de questions auxquelles il était impossible de répondre pour le moment.

Ils allèrent à l’hôtel du centre où ils prirent une chambre et surtout avant tout, un solide petit déjeuner au bar de l’hôtel.

17 avril onze heures du matin

Après avoir pris une bonne douche, nos deux détectives retournèrent à l’hôpital pour voir cet inconnu. Ils étaient persuadés que cet homme devait être leur collègue.

Arrivés à l’entrée, ils furent arrêtés par les deux plantons et conduits dans un bureau vide. On leur intima l’ordre de s’asseoir et de ne pas bouger de là. Ils obéirent, se demandant pourquoi ils étaient traités de la sorte. Le commandant de la brigade vint les voir en s’excusant de la façon un peu cavalière dont ils avaient fait l’objet, mais ses subordonnés étaient fatigués de leur nuit blanche et avaient du mal à discerner le bien du mal. Après ces excuses, il leur demanda ce qu’ils faisaient là et quelles étaient leurs intentions.

— Cela fait plus de quinze jours que notre collègue a disparu comme nous vous l’avons expliqué hier soir. D’après les photos parues dans la presse, comme à la télévision, il semblerait que ce soit lui que vous reteniez prisonnier dans cet hôpital.

—  Je vous arrête tout de suite, il n’est pas retenu prisonnier et nous n’avons rien contre lui. De plus on ne sait toujours pas qui il est, puisqu’il est amnésique et qu’il a été agressé, semble-t-il, une seconde fois hier soir.

— Une seconde fois ?

— Oui, quand nous l’avons retrouvé il y a quinze jours, il était inconscient, au fond d’une barque de pêcheur, les mains attachées par un serflex, les pieds en sang et une balle dans l’épaule.

— C’est tout, vous n’en avez pas plus ?

— Je ne rigole pas, mademoiselle.

— Madame.

— Madame, si vous voulez.

— Sûrement que je veux, vous voyez ceci en lui montrant son alliance, il me semble que cela doit suffire à vous convaincre et mon mari ici présent ne me contredira pas.

— Excusez-moi, madame, je n’avais pas vu votre alliance ni fait le rapprochement. Il est très rare de voir des détectives privés travailler en couple.

— Nous sommes l’exception qui confirme la règle.

— Bien, revenons à nos moutons. Comment connaissez-vous cet homme ?

— C’est notre patron et associé.

— C’est votre patron ou votre associé ?

— Les deux, mon commandant. C’est lui le patron de la société, mais nous sommes associés malgré tout.

— OK, je vous crois. J’ai vu vos cartes hier et ça me suffit.

— Que s’est-il passé, hier soir ?

— Votre associé a été agressé à coup de couteau, puis assommé avec un vase.

— Pour quelle raison ?

— Nous n’en savons strictement rien. Je vous rappelle qu’il était dans le coma depuis quinze jours. Il venait juste de se réveiller l’après-midi même et il n’a pas eu le temps de nous dire quoique ce soit qui puisse nous être utile.

— Vous pensez que les agresseurs sont revenus achever le travail ?

— C’est fort possible, mais il n’y a rien de sûr.

— Pourquoi et par qui aurait-il pu être agressé une nouvelle fois, si ce n’est que par la même personne ?

— Nous n’en savons rien, pour l’instant, ce ne sont que des hypothèses.

— Hypothèses ou pas, nous voulons le voir.

— Il est en salle de réanimation pour le moment. Je ne peux pas vous autoriser à le voir.

— Nous pouvons au moins rester ici et attendre son réveil.

— Ça risque d’être long, vous savez.

— Je sais, mais je tiens à être là quand il se réveillera.

— Il n’a pas une épouse ou des enfants à prévenir ?

— Non, il est veuf et sans enfant. Nous sommes sa seule famille, à part sa mère qui habite à Figeac, dans le Lot.

— Je sais où se trouve Figeac, figurez-vous. Pourquoi vous ne la prévenez pas ?

— Tant que nous ne serons pas sûrs, nous préférons ne rien lui dire. Elle n’a plus que lui comme famille et je n’ai pas envie qu’elle se retrouve malade.

— Très bien, je ne peux pas vous interdire d’attendre ici, mais je pense que vous allez attendre longtemps avant qu’il ne revienne parmi nous.

— Il est solide, il va se réveiller vite fait.

— Je n’en suis pas si sûr.

— Bon, on peut y aller maintenant ?

— C’est bon allez-y, mais je ne veux pas de bazar dans les locaux.

— Nous serons sages comme des images.

Ils sortirent du bureau et montèrent au deuxième étage où se situait la salle de réanimation.

Ils furent conduits devant celle-ci, fermée par une grande vitre qui leur laissait voir l’intérieur de la pièce. Ils reconnurent tout de suite leur collègue. Le commandant qui les avait accompagnés fut soulagé par cette réponse à la question qui le taraudait depuis quinze jours.

Nos deux détectives restaient là devant cette fenêtre qui les empêchait de s’approcher de leur collègue.

Le commandant les laissa à leur problème et s’éclipsa. Une infirmière vint les voir.

— Bonjour, madame, monsieur, je suis Céline. Je me suis occupée de ce monsieur depuis son arrivée. C’est moi qui lui ai refait ses pansements tous les jours, qui lui remettait son repas en intraveineuse et qui le surveillait au quotidien. J’ai même passé quelque nuit à son chevet, à lui tenir la main et surtout à lui parler.

— Pourquoi avez-vous fait cela ? Vous n’étiez pas obligée.

— Il m’a fait pitié et surtout il me rappelle mon petit frère qui a fini sa vie dans les mêmes conditions.

— Comment ça ?

— Il a été agressé à la sortie d’une boîte de nuit, roué de coups et laissé pour mort derrière cette boîte. Après tout ce qu’il a subi, il est tombé dans le coma et ne s’est jamais réveillé. Il est décédé trois semaines plus tard sans pouvoir nous dire au revoir.

— Nous sommes désolés.

— Ne le soyez pas. Il est mieux là où il est maintenant. On lui avait diagnostiqué un traumatisme crânien sévère et il ne serait jamais redevenu comme avant. Il n’aurait été qu’un légume.

— Vous savez qui a fait ça ?

— Oui, ils ont été arrêtés deux jours plus tard. Aujourd’hui, ils purgent une peine de dix ans et j’en suis bien contente. Cela fait maintenant trois ans et j’attends avec impatience qu’ils sortent pour me venger.

— Vous ne devriez pas dire ça.

— Cela m’est égal, je l’ai toujours dit et je le ferai. Plus rien d’autre que cette vengeance me retient à la vie. C’est pour ça que je me suis occupé de votre collègue de cette façon. Une manière pour moi de faire revivre mon frère bien aimé.

— Vous savez ce qui vous attend si vous vous vengez.

— Je sais, mais je ne crains pas la prison. De toute façon, je n’irai pas en taule, car je me donnerai la mort avant.

— Vous ne pouvez pas faire ça. Vous allez gâcher votre vie pour rien. Vous êtes encore jeune, il faut profiter de la vie.

— Vous ne connaissez rien de ma vie et je ferais ce que bon me semblera. En attendant, votre collègue a besoin de soins. Excusez-moi, mais je dois vous demander d’attendre dans le couloir, le temps que je m’occupe de lui.

Ils sortirent dans le couloir où ils croisèrent le médecin qui avait opéré leur collègue.

— Comment va-t-il docteur ? Est-ce qu’il va s’en sortir ?

— Je ne peux pas vous répondre pour le moment. Il faut attendre qu’il se réveille et ça risque d’être long.

— Long comment ?

— Peut-être quelques jours, voire des semaines. Il venait à peine de se réveiller quand il a été agressé de nouveau. Je ne peux pas me prononcer pour le moment.

— Merci docteur. Que pouvons-nous faire ?

— Prier et espérer un miracle.

— À ce point.

— Avec le cerveau, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Je n’ai qu’un conseil à vous donner, c’est de rentrer chez vous et d’attendre patiemment qu’il se réveille.

— Oui, mais nous habitons Cahors, ce n’est pas la porte à côté.

— Ce n’est pas si loin, et de toute façon on ne peut rien faire d’autre pour le moment. Excusez-moi, mais j’ai des malades à voir. Au revoir, on vous tient au courant dès qu’il se réveille.

— Merci docteur.

Céline sortit de la chambre et les laissa sur place sans dire un mot de plus.

Ils quittèrent l’hôpital et retournèrent à l’hôtel.