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Eien est au cœur d’une ancienne prophétie. Pour conquérir le monde obscur, Irina, la reine vampire du clan de la Lune noire a besoin d’elle. Manipulée et contrainte, Eien se retrouve piégée dans un univers de violence et de sang. Assoiffée de liberté, elle se rebelle et s’exile accompagnée de son fidèle ami, le louveteau Okami.
Durant son périple, sa route croisera celle de la meute du Croissant de lune, mais surtout, Ethan, un séduisant et énigmatique loup-garou. Une étrange connexion, mystérieuse et incompréhensible, se nouera entre eux.
Ethan, fasciné par la force intérieure d’Eien, apprendra à connaître le passé tragique d’Eien et s’engagera à l’aider afin de déjouer les plans d’Irina.
Pour accomplir son véritable destin, Eien devra affronter son passé, ses propres démons et surtout faire face à sa propre histoire. Pourra-t-elle se sauver ? Sauver l’avenir du monde obscur, et ainsi tous ceux qu’elle aime ?
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Seitenzahl: 272
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Couverture par Ecoffet Scarlett
Maquette intérieure par Ecoffet Scarlett
Correction par Sophie Eloy
© 2024 Imaginary Edge Éditions
© 2024 Nelly Lacombe
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.
Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
ISBN : 9782385723569
« Quand les ténèbres envahiront l'innocence, les sons s’évanouiront. Mais, quand la Lune et le Soleil seront réunis et que l’étoile apparaîtra, le chemin s'éclairera de lui-même. Alors, les ténèbres pourront disparaître et l’innocence renaîtra. »
20 ans plus tôt
Cela fait des jours que je marche. Les paysages s’enchaînent, parfois urbains, mais j’essaie d’éviter autant que possible les villes. Je ne suis pas très à l’aise quand je suis entourée d’humains.
Pourtant, lorsque je suis partie, j’étais tout de même curieuse de découvrir de nouveaux lieux et de rencontrer tant de personnes différentes. Mon voyage a commencé par une petite commune où se fondait discrètement la population locale et magique. J’ai aimé me promener dans ses rues étroites, observant de loin les habitants vaquer à leurs occupations quotidiennes.
Ensuite, j’ai traversé de grandes métropoles animées. J’ai été fascinée par les lumières éblouissantes et l’effervescence de la vie citadine. Je me suis mélangée à la foule, me nourrissant subtilement de l’énergie extraordinaire des personnes qui m’entouraient.
J’ai également découvert, pendant mon périple, des villes emblématiques, où se mêlaient des bâtiments anciens et des monuments chargés d’histoire. Je me suis promenée dans les ruelles pavées, imaginant les événements passés qui s’étaient déroulés à cet endroit et où s’étaient sans nul doute affrontés des êtres de la nuit, sorciers et loups.
Au fil de mon voyage, j’ai pu faire la rencontre de personnes de toutes sortes. Certaines étaient curieuses et intriguées par mon apparence mystérieuse, tandis que d’autres étaient davantage méfiantes et se tenaient à distance. Cela m’a aidée à découvrir comment faire face à ces différentes personnalités et à me fondre dans la masse pour ne pas me retrouver au centre de l’attention. Je n’ai jamais aimé être la cible de tous les regards.
Ce voyage m’a également permis de me familiariser avec de nouvelles cultures, de rencontrer des individus intéressants et de satisfaire ma soif d’aventure. J’ai par ailleurs appris à m’adapter à différents environnements et à apprécier la diversité du monde qui m’entoure. Je suis libre, pour la première fois de ma vie.
Mais, ce que je préfère, ce sont les grandes étendues verdoyantes.
Je prends tellement de plaisir à marcher silencieusement entre les arbres majestueux et les sentiers sombres qui se fondent parfaitement dans l’obscurité. J’aime sentir la lueur du soleil éclairer faiblement mon visage pâle.
Quand je parcours les bois, je ressens une connexion profonde avec la nature qui m’entoure. Elle semble me murmurer d’anciens secrets. Les animaux nocturnes se taisent en ma présence. Je deviens à la fois une créature de la nuit et une habitante de la forêt, en harmonie avec cet univers sauvage.
J’aime me faufiler habilement entre les arbres, utilisant parfois ma vitesse et mon agilité surnaturelle pour chasser mes proies. J’admire la force et la résilience de ce monde, la symphonie des bruits, et la sérénité qui émane de cet environnement.
La solitude et la tranquillité que me procure cet espace m’apaisent, comme un refuge. Les bois m’offrent un sanctuaire, un endroit où je peux être moi-même sans être jugée.
Je me suis condamnée à errer seule pour l’éternité, à jamais séparée de la vie que j’ai connue autrefois. Les arbres et les ombres me rappellent les siècles passés, mes amours perdus et de lointains souvenirs.
Je suis partie au lever du soleil, et je ne me suis jamais retournée. La solitude est parfois salutaire lorsque l’on désire faire le point sur soi-même et à ce moment précis de mon existence, une multitude de questions m’assaillent.
Qui suis-je vraiment ?
Ai-je un rôle à jouer dans cette vie ? Et, si oui, lequel ? Et, surtout, pourquoi moi ?
Ai-je le pouvoir de changer le cours des événements ?
Ma mère me disait toujours que tout arrive pour une raison. Notre mission est de comprendre pourquoi et de faire de notre mieux pour faire honneur à notre destinée.
Moi, je hais le destin. J’aimerais pouvoir le rencontrer et lui dire ma façon de voir les choses. Je doute qu’elle serait restée si philosophe si elle avait su quel serait son propre destin ou celui de mon père. Mais, ce sera une histoire pour un autre jour, car je n’ai pas le cœur d’y repenser maintenant.
En revanche, il y a peu, j’ai fait un choix qui ne plaira pas à la fatalité et je n’ai pas l’intention de revenir dessus. Jamais. Cet avenir ne sera pas le mien, je refuse.
C’est pour cela que je vis avec mon loup, Okami. Plus qu’un animal de compagnie, mon ami, mon confident, ma famille. C’est pour cela que j’ai décidé de veiller sur lui, même si cela va à l’encontre de ma nature profonde.
J’avance désormais le cœur battant. Les arbres majestueux se dressent autour de moi et dégagent une atmosphère à la fois envoûtante et intimidante. Enfin, j’aperçois une lumière étrange au loin. Elle attire mon attention et attise vivement ma curiosité. À mesure que je me rapproche, la lueur, provenant d’une clairière cachée au cœur de la forêt, grandit. Je m’avance donc avec précaution, mes sens en éveil.
Lorsque j’atteins cette clairière, la beauté du lieu me charme. Le Soleil brille intensément dans le ciel dégagé, l’illuminant d’un agréable halo. Je respire la douceur de la brise se mêler aux senteurs de la nature environnante.
Arrivant à l’orée des arbres, je m’imprègne de cette atmosphère enivrante quand, soudain, j’entends des bruits étranges plus loin. Des grognements sourds et des hurlements déchirants résonnent dans l’air.
Mon cœur s’emballe, alliant la curiosité et l’excitation. J’observe un instant avec fascination des loups-garous qui se déplacent avec grâce dans la clairière. Leurs yeux brillent d’une lueur sauvage et leurs crocs acérés étincellent sous le soleil.
Je reste immobile, captivée par la présence majestueuse de ces créatures. Les lieux vibrent d’une énergie intense, mêlant la puissance brute et la magie envoûtante des lycans. Mon ami à quatre pattes, lui, se fige et je me prépare, juste au cas où.
J’avance alors pour voir ce qu’il se passe et je découvre un groupe de combattants de la meute locale en train de se faire battre à plate couture par des sans meute. Des rebelles.
Les odeurs entêtantes que je perçois ne me trompent pas et je ne peux rester là à les regarder succomber sans réagir. Contrairement à eux, je ne peux pas me transformer, mais j’ai la chance d’avoir d’autres atouts dans ma manche, comme on dit chez les humains. Ma rapidité et ma force me permettent de surpasser nombre d’adversaires.
Instinctivement, je me déplace vers eux et grâce à l’effet de surprise, j’arrive facilement à venir à bout de deux rebelles. Les quatre prochains m’opposent ensuite un peu plus de résistance.
Ils savent se battre et se défendent avec hargne, mais ils sont trop désordonnés et trop indisciplinés pour pouvoir avoir le dessus sur moi. Après quelques minutes, ils rejoignent leurs amis à terre.
Une fois tout danger écarté, je m’approche des chasseurs de la meute et les aide à se relever. Heureusement, il n’y a pas de victimes ou de blessés graves, en revanche, ils semblent avoir peur de moi et je ne leur en veux pas. Leur rythme cardiaque s’accélère encore, leurs yeux sont écarquillés et leur regard est fuyant.
L’un d’eux, une femme, paraît un instant absent. Je sais déjà qu’elle doit être en train de relier mentalement son Alpha. Cette capacité est vraiment commode, car cela permet de contacter un autre membre de la meute à tout moment.
Et moi qui ne suis ni un métamorphe ni une connaissance, je suis en territoire ennemi, j’en suis consciente. Pour eux, je suis tout aussi indésirable que ces rebelles que je viens d’affronter. Je vais devoir reprendre la route rapidement. Je ne veux pas d’ennuis.
J’ai à peine fini d’examiner les blessés de la meute que des bruits retentissent. Une dizaine d’entre eux surgissent de derrière les arbres. Des bruns, des noirs, des roux.
À leur tête, un animal énorme au pelage ébène. Sous l’effet des rayons du soleil, des reflets bleutés apparaissent et le rendent magique, presque mystique. L’Alpha, sans aucun doute.
Ils s’approchent tous, tout en maintenant une distance de quelques mètres derrière lui. La domination qui se dégage de cet Alpha est surprenante et cela m’impressionne un peu, bien que j’aie du mal à l’admettre.
Cependant, c’est une puissance douce et bienfaisante. Son regard chaleureux, franc et direct me confirme que c’est un homme d’honneur. Quand il reprend sa forme humaine, je baisse la tête en signe de respect. Mais aussi, car il se révèle nu. Si cela ne le dérange pas, moi, je ne suis pas vraiment à l’aise avec la nudité.
— Bonjour, je suis l’Alpha de la meute du croissant de Lune. Conrad. Je ne sais pas qui tu es, mais Natalia m’a expliqué que, si son groupe est encore en vie, c’est grâce à toi, alors pour cela, je te remercie, dit-il d’une voix grave, calme et profonde tout en jetant un coup d’œil autour de nous afin d’évaluer par lui-même la situation. Cette équipe était, à l’évidence, trop inexpérimentée pour se lancer seule sur les traces de ces rebelles qui sèment le trouble sur mon territoire. Je souhaiterais cependant savoir ce que tu fais ici, si loin de chez toi.
Étant incapable de lui répondre avec des mots, je commence à signer en espérant que cet homme, qui paraît être sans âge, me comprenne.
Bonjour, Alpha, je m’appelle Eien et je parcours le monde à la recherche d’un endroit paisible où m’installer. J’ai quitté mon clan et je ne veux pas d’ennuis, bien au contraire.
Il me regarde avec un air étrange, indéchiffrable. Je reste déférente et humble, mais toujours sûre de moi. Être sur son territoire et lui montrer du respect ne signifie pas que je lui sois inférieure de quelques manières que ce soient, et je compte bien le lui faire entendre.
Je vois dans ses yeux, dans sa gestuelle, qu’il m’a comprise. En revanche, il n’a nullement l’air surpris. C’est plutôt comme s’il savait que ce jour arriverait et qu’il était en train de décider ce qu’il ferait.
Alors que je pense prendre congé, il s’éclaircit la gorge avant de me répondre :
— Si cela t’intéresse, j’aimerais te faire une proposition.
Étonnée, je lève les yeux, fronce les sourcils, méfiante, et je le fixe, attendant son retour.
— Il y a sur mon domaine un chalet en bois inhabité. Tu peux y emménager si tu le désires, personne ne viendra t’importuner. Toutefois, si nous avons, un jour, besoin d’un coup de main, tu accepteras de nous aider. Qu’en dis-tu ?
Tu souhaites que moi, je m’installe sur ton territoire ? Sachant qui je suis et ce que je suis ? Tu ne crains pas qu’un monstre tel que moi vive à proximité de ta meute ? demandé-je en continuant à signer.
— C’est un marché honnête, un échange de bons procédés, à mon avis. Et puis, si tu étais réellement une menace, tu n’aurais pas pris mes hommes en pitié et tu ne les aurais pas sauvés. Je pense que tes actes ont parlé pour toi aujourd’hui, et que le « monstre » n’est pas toujours celui que l’on croit.
À ces mots, il me tend la main et attend que je la serre pour sceller notre accord.
Je continue à le fixer, incertaine. Pendant ce temps, les loups se sont regroupés quelques pas derrière lui et paraissent encore plus désappointés que moi par ses mots. Lui ne bouge pas et guette ma décision.
J’entends le son berçant, doux et apaisant de la brise légère dans les feuilles des arbres qui nous entourent. Celles-ci fluctuent délicatement, laissant échapper un chuchotement qui change en fonction de la force du vent. Les oiseaux, eux, ajoutent leur propre mélodie à la symphonie de la nature. En plus de la brise et des oiseaux, une grande variété d’autres bruits s’élèvent et me parlent alors que Conrad attend patiemment ma réponse. C’est une chance tellement inattendue. Jamais je n’aurais pu imaginer qu’un jour, un Alpha me demanderait de rester sur son territoire contre une éventuelle aide. Il m’est redevable d’avoir sauvé ses hommes, pourtant de là à accueillir une ennemie jurée ? Nos deux espèces ne s’opposent-elles pas depuis leur création ?
Mais, l’occasion est trop belle pour la laisser passer. La région est magnifique, cette meute ne devrait pas être un problème et Okami sera en sécurité.
J’accepte avec un mouvement de tête et une poignée de main ferme. L’Alpha se retourne, demande à ses hommes de s’occuper des rebelles et de rentrer sans lui, et me fait signe de le suivre alors qu’il reprend sa forme animale.
Il s’élance ainsi en direction du sud, et je le suis. J’émets un long sifflement pour avertir Okami afin qu’il nous emboîte le pas également. Il est encore jeune et je refuse de le perdre de vue tant qu’il est sans défense.
Au bout d’un certain temps, nous arrivons dans une petite clairière au milieu de laquelle se dresse un chalet. Il est, à l’évidence, abandonné depuis longtemps, mais cela ne me gêne pas. L’endroit est isolé et c’est juste idéal pour moi.
L’espace dégagé laisse entrer la lumière. Les doux rayons du soleil jouent avec les branches d’un grand chêne situé à proximité de la maisonnée. L’ambiance naturelle et paisible en fait un lieu idyllique pour se ressourcer et se détendre. Parfait.
Perdue dans ma contemplation, je ne me suis pas aperçue que Conrad a repris sa forme humaine et qu’il se tient à mes côtés.
— Voici le chalet dont je t’ai parlé. Il y a beaucoup de travail pour le remettre sur pied, mais si tu as besoin, n’hésite pas à me contacter et je t’enverrai du renfort.
Sa voix est toujours aussi grave et posée, et me réchauffe le cœur.
Merci, Alpha, ça ira très bien.
Il acquiesce et lève un doigt vers un chemin de terre.
— Si tu suis cette route, tu finiras par tomber sur Nightall, la ville voisine. Tu y trouveras tout ce qu’il te faut. Vers le nord, en coupant à travers la forêt, tu arriveras à ma meute.
Nous nous approchons de la cabane et je me dirige naturellement vers un grand arbre qui m’attire. Une sensation douce et bienfaisante m’envahit quand je pose la main sur son écorce irrégulière et rugueuse. Cette sensation est difficile à expliquer. C’est comme s’il me disait que je suis enfin chez moi.
Je continue et le suis, et nous finissons par entrer. Une fois la porte passée, l’Alpha me laisse le dépasser et j’avance pour découvrir ma nouvelle maison.
Certes, le chalet semble abandonné depuis longtemps, mais il est en bon état.
L’air à l’intérieur est lourd et rempli d’histoire. Le plancher grinçant résonne sous mes pieds, renforçant l’ambiance déjà mystérieuse de cet endroit. Mes sens aiguisés me permettent de voir les faibles vestiges d’une vie révolue. Il y a eu de la joie et du bonheur ici. Par contre, je ne perçois aucune vibration négative.
Je me déplace d’une pièce mal éclairée à une autre. Mes yeux s’adaptent facilement à l’obscurité. C’est l’avantage d’être une créature de la nuit. De la poussière danse dans les rayons du soleil qui filtrent à travers les fenêtres. Les murs eux-mêmes semblent me chuchoter des histoires heureuses de souvenirs oubliés. Je ne peux pas m’empêcher de ressentir une étrange connexion avec cet endroit.
Une fois un bon coup de balai passé, et un peu de bricolage, ce sera une maison très agréable et accueillante.
Enfin, ma route s’arrête là.
Aujourd’hui
La chaleur de l’après-midi m’a menée jusqu’à la rivière et la fraîcheur des flots qui glisse sur ma peau me procure une sensation de bien-être, de liberté et me ressource idéalement.
L’onde est translucide et quelque peu froide, alimentée par des sources souterraines. De nombreux rochers et galets bordent les rives et permettent aux animaux de se désaltérer comme je le fais en cet instant.
Autour de moi, aulnes, chênes, frênes s’élèvent de toute leur hauteur. Des joncs, des fougères ou encore des nénuphars profitent sereinement de cet endroit et constituent une végétation luxuriante nécessaire au développement de la faune.
La rivière serpente gracieusement à travers la forêt. Ses étendues limpides et scintillantes reflètent les rayons du soleil qui jouent avec les feuilles et les longues branches. Elle est bordée de hautes herbes et d’arbres majestueux qui se penchent vers moi. Je peux ainsi jouir d’une atmosphère paisible et ombragée.
Le murmure du courant qui s’écoule crée une mélodie agréable à mes oreilles. Des poissons colorés nagent gracieusement dans les profondeurs, alors que des libellules dansent au-dessus de la surface juste à côté de moi. De nombreux rochers lisses et polis me permettent, quand l’envie me prend, de m’asseoir et de me détendre, tandis que l’onde m’invite à un moment vivifiant dès que la température est, comme maintenant, trop oppressante.
L’eau fraîche est un pur délice pour mon corps. Aujourd’hui, la moiteur est tellement étouffante que je n’ai jamais autant apprécié de me baigner. Les premières grosses chaleurs de l’été ont toujours été difficiles à supporter pour moi.
Grâce à un bijou ancien, une bague appartenant jadis à une magicienne, j’ai la chance de pouvoir marcher sous les doux rayons de l’astre brûlant. C’est un magnifique anneau orné d’un lapis-lazuli. Il a été enchanté par sa propriétaire spécialement pour moi.
Cette sorcière me l’a offerte en remerciements pour avoir accepté de lui rendre service. C’est un talisman ayant de grands pouvoirs, surtout dans mon cas. Il me permet ainsi de vivre presque normalement.
Parce que oui, je suis une vampire, même si je ne l’ai pas toujours été.
Lorsque je résidais avec mon clan, l’un des plus puissants du royaume, j’étais la tueuse. Celle que l’on envoyait pour exécuter, pour punir, pour exterminer l’ennemi. Le plus souvent des lycans. Des sorciers et des sorcières parfois.
J’ai systématiquement été plus rapide, plus forte et plus intelligente que ceux de ma nouvelle espèce. C’est pourquoi j’ai gravi les échelons militaires en un rien de temps. Pendant un siècle, j’ai servi de bras armé. J’ai tué plus d’individus que je ne saurais en compter. Mon quotidien était fait de mort et de sang. C’était mon destin. Ma malédiction.
Ensuite, je suis partie. Sans remords.
Quand, alors que j’étais en mission, Kiara, la personne qui faisait de ma maison mon havre de paix et d’amour m’a été enlevée, j’ai tout quitté. Sans un mot. Sans un regard en arrière.
Kiara était la fille de la sorcière qui m’a confié ma bague. Elle n’était qu’une enfant innocente et mon devoir était de veiller sur elle.
La souffrance que j’ai ressentie ce jour-là était si grande. Rien à voir avec une quelconque douleur physique, un membre arraché ou encore la privation de nourriture. Le cœur qui ne bat plus en moi s’est brisé et m’a rappelé combien l’amour et les sentiments sont dangereux. Puis, la tristesse a été rapidement remplacée par la colère contre ceux de mon clan, ma prétendue famille, et la culpabilité de l’avoir laissée alors que je devais veiller à sa sécurité.
Alors, je me suis exilée. Loin. Très loin de chez moi. À mille lieues de toute civilisation, quelle que soit son origine ethnique.
J’ai marché droit devant moi sans me retourner, livrée à la solitude. Mais, je ne suis pas si seule puisque je partage désormais ma vie avec Okami.
J’ai croisé la route du louveteau quand celui-ci était à peine sevré. Sa mère avait été tuée, déchiquetée.
Quand je l’ai découvert, il pleurait à côté du corps ensanglanté de la louve. Le blanc de son pelage était pourpre et cramoisi. Son cœur ne battait plus. Sur son flanc se trouvait une large blessure béante. L’animal s’était défendu vaillamment d’après les dégâts faits à la végétation à proximité. L’écorce des arbres était rouge, l’herbe aux alentours était piétinée. Il n’y avait plus une fleur à cueillir. Comme moi, un jour prochain, elle avait simplement succombé à plus forte qu’elle.
J’aurais dû en finir avec le louveteau, mais je n’ai pas pu. Ou pas voulu. Je ne me suis jamais vraiment interrogée à ce sujet.
Comme moi, il était rentré d’une quelconque promenade, sûrement moins meurtrière que la mienne, et en un instant, sa vie avait basculé.
Nous étions tous deux seuls au monde.
Nous serions désormais seuls au monde… ensemble.
Depuis ce jour-là, nous nous tenons compagnie.
Okami est un loup blanc. Son œil bleu et son œil or m’ont immédiatement séduite, presque envoûtée. J’y ai vu l’innocence que l’on m’avait enlevée en me prenant Kiara et je n’ai pu me résoudre à l’abandonner à un sort pire que la mort.
Kiara était la petite fille que j’avais prise sous mon aile, contre la volonté de mon clan. Il faut dire que je ne leur avais pas réellement demandé l’autorisation. Pourquoi ? Parce qu’ils auraient été tous contre. Ils n’ont pas su immédiatement que je vivais avec elle, car ma maison était en périphérie de notre territoire. En revanche, quand ils l’ont appris, ils ont fait en sorte que je paie très cher mon insubordination. Ils m’ont traitée de faible, de traître à mon sang. Ils m’ont accusée de vouloir mettre en danger mon clan en y introduisant une ennemie. À présent, ils doivent le regretter. Ils ne pensaient probablement pas que je choisirais le bannissement. Je suis, depuis lors, devenue une exilée volontaire, une enfant de la nuit solitaire.
Okami est aujourd’hui un mâle magnifique, fort et indépendant. Je lui ai appris à chasser et il assure mes arrières. Non pas que j’ai besoin d’être secondée, mais, finalement, ne pas être totalement seule a ses avantages.
Okami profite de ce moment pour se promener.
Depuis combien de temps suis-je là ? Je ne sais pas. Longtemps. Trop longtemps ? Non. Je suis si bien. Le bruit de la cascade située un peu plus haut m’apaise. Il me fait oublier, l’espace d’un instant, les horreurs que j’ai commises par le passé, au nom de mon clan.
Ici, il y a des endroits où la profondeur est suffisante pour nager sans peine. Les flots se déversent en chute jusqu’à ce petit coin de paradis.
Je profite de ce moment pour faire quelques brasses, longues et puissantes. J’ai peut-être abandonné ma vie de guerrière, mais je n’en reste pas moins fine et musclée et je ressens quotidiennement le besoin de faire de l’exercice.
J’aime la sensation de mes cheveux dans cette immensité aqueuse. Leur couleur noir corbeau devient bleue sous l’effet de la lumière. Comme moi, ils sont, à ce moment-là, libres de toutes entraves.
Je lève la tête et m’aperçois que le soleil décline, faisant descendre la température. Il fait toujours aussi doux, toutefois la chaleur est moins pesante.
Lorsque je sors, en arrivant sur la placette de sable, j’ai le sentiment d’être observée. Je ne détecte pourtant aucune odeur suspecte. J’ai seulement cette impression étrange, comme si une personne m’épiait, là, juste derrière mon épaule.
Je sens simplement le parfum bienfaisant des sous-bois, musqué, et celui des fleurs, sucré. Rien d’autre.
Il n’y a ni vent dans les arbres hauts ni mouvement sur la mousse ou dans les fougères.
Mon imagination me joue probablement des tours. Je suis seule ici. Le premier village se trouve à deux heures de route en voiture et jamais, jamais, je n’ai rencontré qui que ce soit auparavant.
Sortant lentement de l’eau, mon corps se met à briller sous le soleil. Je suis nue, hormis l’anneau à ma main droite, et je me sens si bien. Je décide alors de rester un peu plus, car je souhaite jouir davantage de ce moment, m’allongeant sur un rocher plat. J’aime profiter de ce calme naturel. Et puis, peut-être qu’Okami sera revenu d’ici là.
Je n’en crois pas mes yeux. Je chasse les kidnappeurs de la fille de mon Alpha depuis deux jours et, alors que j’arrive en haut d’une falaise surplombant une rivière, je l’aperçois. Elle est magnifique !
Les gouttelettes ruissellent sur son corps galbé. Sa chevelure noire contraste avec sa peau blanche. La lumière joue avec les perles qui parsèment sa silhouette… Et, elle est nue. De là où je me trouve, je ne distingue qu’à peine les traits de son visage, mais je devine que c’est la plus belle femme que j’ai jamais vue. Je suis également incapable de distinguer la moindre odeur. Fait-elle partie de la meute ?
Le soleil fait scintiller ses formes généreuses, mais toniques. Elle doit être une chasseuse expérimentée pour être si musclée !
Que fait-elle seule en pleine nature, à la merci de n’importe quel être ou animal sauvage ? Je vérifie en observant attentivement la zone, mais il n’y a personne d’autre. De là où je suis, elle ne peut pas s’apercevoir de ma présence.
Je la vois s’allonger sur un rocher, laissant sa peau à la merci des rayons du soleil.
Oh, Lune, retiens-moi. Des images de moi caressant ses seins fermes, embrassant son cou et saisissant son mamelon dans ma bouche m’envahissent. Je la sens se tordre et gémir mon nom. Je la sens mouiller pour moi, alors que je trouve mon chemin jusqu’à son centre humide et chaud.
Oh, ma Déesse ! Je dois partir. Je dois poursuivre ma chasse et réussir ma mission. Le sort d’Élisabeth est entre mes mains.
La fatalité est si troublante, si exaspérante. Pourquoi avoir placé cette femme sur ma route en sachant que je n’ai pas le temps pour une quelconque distraction et encore moins des plaisirs charnels ?
Je dois me raisonner. Mon devoir est ma priorité depuis longtemps et pour toujours, quoi qu’il en coûte.
La fille de mon Alpha, Élisabeth, est en danger. Un loup rebelle s’est emparé d’elle, espérant qu’elle deviendrait sa Luna. Elle est peut-être maltraitée en ce moment même, et moi, je reste là, caché comme un adolescent en rut, à l’espionner.
Il y a quelque chose d’inhabituel dans l’air. Une odeur, peut-être. Mais, je ne m’en préoccupe pas. Je décide de continuer mon chemin sans me poser davantage de questions.
Ma meute avant tout. Toujours, me rappelé-je intérieurement.
Tandis que je me retourne silencieusement pour partir, un magnifique animal blanc apparaît. Devant moi, il se met à l’arrêt. Un grognement sourd s’échappe alors de sa poitrine et me parvient. Doucement d’abord, puis il se transforme vite en un véritable danger. Je sens mes yeux changer de couleur à mesure que mon loup, Idriss, essaie de prendre le contrôle, ne supportant pas de se faire menacer par un sale cabot inférieur.
— Laisse-le-moi, Ethan, me dit-il.
— Qu’est-ce qui te prend, Idriss ? Reste à ta place. Ce n’est pas le moment, lui réponds-je. Non, ce n’est vraiment pas le moment.
Heureusement, Idriss et moi-même sommes sur la même longueur d’onde la plupart du temps. Nous sommes à l’écoute l’un de l’autre, en symbiose même. Je n’ai jamais eu à me battre contre lui ou ce genre de chose, et nous sommes rarement en désaccord, contrairement à d’autres. Nous nous comprenons, nous nous respectons.
Chaque métamorphe loup-garou possède un alter ego animal, envoyé par la déesse de la lune Séléné pour nous permettre de faire face à nos ennemis : les vampires. Chaque loup possède sa propre personnalité et nous essayons de cohabiter. Parfois, comme pour Idriss et moi, cela se passe bien, toutefois il arrive que ce ne soit pas le cas. Cela peut alors entraîner une lutte interne qui peut mener à l’autodestruction, la folie ou pire, la mort.
À mesure que je reprends le contrôle de mon corps, empêchant la transformation, je vois l’animal, devant moi, se détendre. Bientôt, il s’approche de moi et se laisse docilement caresser. C’est comme s’il m’avait observé avant de décider si, oui ou non, j’étais digne de confiance. Cet animal est magnifique, d’une beauté presque irréelle. Ses yeux sont hypnotisants. Son pelage blanc scintille comme… comme la peau de cette femme au soleil. Mon esprit me ramène vers elle. Qui est-elle ? Est-elle une fée ? Une divinité ? Je n’en ai jamais vu, mais dans mes rêves les plus fous, je les imagine de cette façon. Elle pourrait incarner la Déesse de la Guerre ou de la Lune elle-même à cause de la puissance qu’elle dégage. Ou celle de la sagesse, au vu du calme et de la sérénité qui l’entourent.
Mon nouvel ami blanc s’écarte finalement et l’entendre bouger me ramène à la réalité.
Il faut vraiment que je me reprenne. Élisabeth a besoin de moi. Alors qu’il s’en va, je tourne la tête pour apercevoir une dernière fois cette magnifique créature. J’aurais tellement aimé pouvoir graver chacun de ses traits dans ma mémoire, mais je suis trop loin. Son corps est sec désormais et ne luit plus sous le soleil, mais elle est toujours aussi belle. Je sens Idriss attiré par elle également. Cela me fait hésiter, car ce n’est jamais arrivé. J’ai eu plus de femmes dans mon lit que je ne pourrais les compter, et pourtant, jamais Idriss n’a ressenti ne serait-ce qu’une once de quoi que ce soit pour elles, si ce n’est de l’indifférence. Alors que j’écarte toute pensée supplémentaire, je laisse Idriss prendre le contrôle.
Allons chercher Élisabeth. Suis la piste tant que tu le peux encore, lui dis-je. Il hoche la tête, acquiesce, manifestement à contrecœur, et s’élance vers le nord.
Je commence à avoir faim. Ma soif me tiraille et une sensation de manque s’insinue lentement dans chaque cellule de mon être. Cela fait des jours que je n’ai pas bu de sang frais. Je peux manger de tout, mais j’en ai tout de même besoin de temps à autre. Cela me permet notamment de mieux contrôler mes instincts et de me remettre plus rapidement en cas de blessure importante. Cela augmente aussi ma force ainsi que mes dons vampiriques.
Cela fait longtemps que je ne suis pas allée chez mon fournisseur. Il tient une boucherie dans le village voisin et accepte que je récupère le sang des bêtes qu’il tue. Il me le vend contre un bon prix et sans poser de questions.
Il faudra que je m’y rende demain, pensé-je.
Je ferme les yeux un instant, cherchant à ressentir le monde dans les environs. J’ai appris depuis que je suis ici, grâce à la méditation notamment, à sentir chaque arbre, chaque fleur, chaque brin d’herbe, chaque animal qui vit autour de moi. Cette discipline m’a sauvée plus d’une fois de la folie ainsi que de la vengeance. Elle reste mon refuge quand je sens que je me perds. Je ne veux plus jamais faire de mal à des innocents.
À cet instant, j’entends les chants des oiseaux, harmonieux et angéliques. Le bruit de la cascade qui se déverse dans la rivière, un peu plus loin, me parvient. Je perçois la pierre chaude sous mon corps. C’est un véritable enchantement.
Okami arrive soudain gaiement, visiblement satisfait de lui. Qu’a-t-il bien pu faire pour être si heureux ? Je me redresse au moment où il passe près de moi. Il s’approche, avance lentement son museau sur ma joue, me caresse et me lèche le visage. J’éclate de rire à cause des chatouillis qu’il provoque. Je pose mes mains autour de son encolure, mes doigts dans sa fourrure, le grattant partout où il adore. Sa chaleur et la douceur de ses poils créent une sensation merveilleuse dont je ne me lasse jamais. Nous restons là un moment, profitant de ce moment de tendresse et de complicité.
Je ne peux plus communiquer avec ma voix depuis que je suis devenue une immortelle nocturne, alors Okami et moi avons développé un langage qui nous est propre.
— Eh bien, mon beau, tu sembles content de toi, lui dis-je.
En réponse, il frotte son museau contre mon visage.
— Si seulement nous pouvions parler, tu pourrais me dire ce que tu as fait pendant que j’étais ici.