La Fluve Brigade Fluviale - Galéane Leclerc - E-Book

La Fluve Brigade Fluviale E-Book

Galéane Leclerc

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Beschreibung

Ils ont de la merde devant les yeux ? La commissaire Eva Monnet fulmine contre sa hiérarchie, un sentiment qu'elle partage avec le commissaire de la brigade fluviale, Louis Laurens et l'équipe d'Iceberg, une cellule secrète pas tout à fait comme les autres. Selon Monnet, une menace terroriste plane de nouveau sur Paris, et la cible se précise: Les Jeux Olympiques de Paris 2024. Avec ses : Millions de touristes et de spectateurs. 12 kilomètres de quais de Seine à sécuriser. 26 sites officiels placés sous haute surveillance. Sans oublier que les yeux du monde entier seront braqués sur l'évènement. L'enjeu sécuritaire est de taille, et ils ne sont pas les seuls à s'inquiéter. A dix-huit mois de l'inauguration des Jeux, l'expert en criminologie et responsable du pôle de sécurité des renseignements a déjà tiré la sonnette d'alarme: la cérémonie d'ouverture des JO 2024 risque fort de se transformer en un désastre criminel annoncé. A quoi s'ajoute une autre menace, celle d'Ecowar, groupe de militants éco-terroristes, de retour sur le devant de la scène : Nous vous condamnons, non pas à la fin du monde, mais à la fin d'un monde ! Le VOTRE !

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EPUB

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Avertissement des auteurs

Cette œuvre est un roman, une création de fiction.

A partir de sources variées, les auteurs ont composé des personnages, des lieux, et des évènements qui ne peuvent en aucun cas être interprétés comme autre chose qu’une création littéraire relevant exclusivement de la fiction.

Toute ressemblance avec des personnes réelles est purement fortuite. L’objectif de cette œuvre est de divertir et d’explorer des thèmes fictifs, et en aucun cas de diffamer, de calomnier ou de porter atteinte à la réputation de quiconque.

Sommaire

PROLOGUE

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Chapitre 30

Chapitre 31

Chapitre 32

Chapitre 33

Chapitre 34

Chapitre 35

Chapitre 36

Chapitre 37

Chapitre 38

Chapitre 39

Épilogue

PROLOGUE

Alors que la ville dormait encore, on pouvait entendre le passage d’un camion poubelle qui résonnait dans une ruelle, le grincement des pneus dans un parking, et des pas qui résonnaient dans les profondeurs d’un garage souterrain où se trouvait un groupe de jeunes. Âgés de seize à trente ans, écharpes, bonnets et cagoules sur la tête, ils s’affairaient à transporter des paquets qu’ils disposaient méthodiquement dans des camionnettes. Tout se déroulait avec une précision millimétrée dans une atmosphère feutrée. Une fois les fourgonnettes remplis de leurs précieux chargements, les individus verrouillèrent les portes avec des cadenas et frappèrent trois coups avant de prononcer invariablement la phrase rituelle :

— Aidons l’hydre à vider son brouillard !

L’aube commençait à éclairer Paris et ses banlieues. Les camionnettes démarraient une par une pour s’évanouir dans une brume hivernale.

1

J - 540 jours

4 février 2023

Il y avait facilement une cinquantaine de mètres entre moi, perché au sommet d’un des dômes, et le sol de la basilique du Sacré cœur de Montmartre.

La nuit, qui m’avait appartenue tout entière, comme une amante charitable, s’apprêtait à lever les rideaux. Bien emmitouflé dans une polaire, j’observais en bas mes semblables s’agitant comme des fourmis et méditais sur le fait que nous avions bâti des civilisations, déchiffré les étoiles, décortiqué les lois de la nature, et érigé des empires de connaissances. Pourtant, dans notre quête effrénée de vouloir tout comprendre, maitriser et contrôler, nous étions en train de perdre l’information fondamentale. Elle nous échappait. Nous étions tels des chercheurs d’eau creusant dans le désert, à la poursuite d’une source inatteignable, oubliant que chaque découverte ne nous plongeait que plus profondément dans un océan d’interrogations sans fins.

Le mystère était enraciné dans un univers complexe, tissé de connexions subtiles, dissimulé derrière l’épais voile d’une énigme. Le soulever était tentant, tout comme à cet instant, au cœur de mon expédition nocturne. Je cherchais une information, celle qui concernait mes origines. Cependant, elle se dérobait, résistant à ma tentative de la capturer intégralement. J’avais l’impression de participer à une danse cosmique, à une symphonie complexe où chaque note s’ajoutait à la mélodie sans pour autant révéler la partition entière. Finalement, ne serait-il pas plus sage d’accepter que ma quête ne consistât pas à tout savoir, mais plutôt de tendre la main vers l’inconnu, explorer derrières les frontières ? Et peut-être que c’étaient précisément cette partie inexplorée qui me permettrait d’accepter l’évasion de l’information, d’embrasser le mystère qui perdure, et de trouver ma place dans l’univers ?

En d’autres termes, nulle part, me dis-je en contemplant la brume s’étendre sur la capitale. Ou, pour être plus précis, là où j’étais attendu dans moins de six heures, au 5 quai Saint Bernard dans le 5e arrondissement de Paris, à la Brigade Fluviale, dont j’étais devenu le commandant.

. . .

L’urgence rugissait dans la voix du sapeur-pompier, perçant l’atmosphère paisible des locaux de la Brigade Fluviale où le commandant Louis Laurens se trouvait.

— Nous avons besoin de vous ! Il y a peut-être quelque chose à sauver, enfin, je crois, mais là, nous n’y arrivons pas !

Il était 11H30, et l’appel désespéré de l’homme à l’autre bout du fil était poignant. Sans la moindre hésitation, Laurens interpella son commandant-adjoint, Nathan Monroe, qui émergeait de la douche, enveloppé d’un nuage d’aftershave.

— Monroe, inutile de vous habiller, nous repartons immédiatement ! lança Laurens en hâte, lui pointant une combinaison avant de se diriger d’un pas pressé vers le couloir. A l’extrémité, le brigadier Lionel Bastiani rangeait les bouteilles de plongées, aidé du Major Nadia Ait Menna, qui ne put réprimer une grimaça.

— Bastiani, toujours aussi maladroit, tu es en train d’écraser mon orteil, maugréa-elle.

— Tu t’inquiètes pour ton vernis à ongle maintenant ?

— Gardes tes commentaires médiocres pour toi, rétorqua-telle, tout en rêvant d’une tasse de café fumant. Il faut dire qu’elle était frigorifiée. Ils revenaient d’une plongée éreintante de trois heures visant à retirer la souche d’un arbre coincée à l’embouchure du bras de la Monnaie, au Petit-Pont, juste en dessous de la cathédrale de Paris. Manœuvrer à cet endroit était toujours un vrai casse-tête en raison de l’étroitesse du canal et de la force du courant. Ils avaient passé la matinée sous les yeux curieux des passants. L’un d’eux, un retraité, espérait sans doute la découverte d’un cadavre, une histoire sinistre à raconter à son retour de promenade avec son caniche Frisette. Mais non, il s’agissait simplement de la souche centenaire d’un platane. A ce stade d’épuisement, un grand café chaud était devenu indispensable pour Menna. Cependant, son rêve fut brusquement interrompu en apercevant le commandant. Avant qu’il n’ouvrît la bouche, elle comprit.

— Vous deux, on réembarque ! ordonna-t-il.

— Mais on vient tout juste de terminer une mission ? protesta Bastiani.

— C’est un ordre, répliqua Laurens d’un ton impérieux.

En quelques minutes seulement, Laurens, accompagné de Monroe, Bastiani et Menna, navigua à bord de leur Zodiac le long de l’île de la Cité pour rejoindre les sapeurs-pompiers sur les lieux, voie Georges Pompidou. Deux voitures s’étaient violemment percutées, s’éjectant toutes deux dans les eaux de la Seine. Les sauveteurs étaient déjà engagés dans une course contre la montre pour sauver les trois occupants d’une voiture échouées sur les cailloux de la rive. Cependant, dès le premier regard, la réalité frappa Laurens. Avec son expérience, il savait qu’ils étaient arrivés trop tard pour la seconde voiture. Le capot de l’utilitaire était totalement submergé et l’habitacle avait dû se remplir en quelques minutes à peine. Un sentiment d’amertume envahit Laurens, conscient que leur intervention ne pourrait rien changer à cette tragédie.

— Commandant, la voiture s’est encastrée dans un enchevêtrement de tubes en acier, et l’homme est coincé à l’intérieur. Il est mort, informa le chef des sapeurs-pompiers.

— Le quai fait plus de cinq mètres, j’espère que le pauvre bougre s’est assommé dans la chute avant de mourir noyé, espéra Laurens, mais rien n’était moins sûr.

— Je ne crois pas, il a essayé de casser la vitre. Il faut quand même se dépêcher, ajouta le chef des sapeurs-pompiers.

— Ben, il est un peu mort quand même, commenta Bastiani.

— T’es con ! lança Menna.

Laurens préféra ne pas relever le commentaire abrupt. Il fallait être efficace, même si, comme l’avait souligné Bastiani, le conducteur était mort.

— Avez-vous repéré quelque chose d’anormal ? demanda Laurens au chef des sapeurs-pompiers.

— Pas qu’un peu. Il faut plonger, vous verrez, réplica le chef.

Laurens remonta la fermeture éclair de sa combinaison noire et, avec son équipe, s’enfonça dans les eaux sombres de la Seine, où la profondeur variait entre trois et six mètres. Tous étaient attachés à une ligne de vie.

En ce mois de février, l’eau était glaciale, indiquant sept degrés au thermomètre. Un froid qui ralentissait les battements du cœur malgré la combinaison. Dans la descente, au fil de sa progression, la scène de l’accident hantait l’esprit de Laurens tandis qu’il se frayait un chemin à travers les plastiques et autres objets polluants qui encombraient le fleuve. Est-ce que l’homme au volant de l’utilitaire s’était assommé en tombant ? ou avait-il été incapable d’accomplir les gestes adéquates pour sauver sa vie ? Ces questions tournaient sans répit dans l’esprit du commandant alors qu’il poursuivait son exploration sousmarine.

Laurens imaginait les précieuses minutes dont avait disposé le malheureux pour tenter de sauver sa peau, conscient que l’on ignore bien souvent la manière de s’extraire d’une voiture engloutie par les flots. Tout se joue en deux à trois minutes tout au plus, avant que le véhicule ne soit entièrement immergé. Chaque seconde est précieuse. D’abord, il faut garder son calme, rester concentré, et ne pas perdre de temps à appeler les secours, ils arriveront toujours trop tard. Après la chute, retirer sa ceinture de sécurité et essayer d’ouvrir la portière le plus rapidement est quasi impossible, car la pression de l’eau la bloquera en quelques secondes. Si la portière est condamnée, il faut activer très vite les vitres. Le système peut encore fonctionner quelques secondes si la batterie n’est pas HS. Sinon, il faut chercher à briser la vitre, atteindre le point faible, les angles et les bords, et utiliser le métal des appuie-têtes pour y parvenir. Enfin, en dernier recours, attendre que l’habitacle soit rempli d’eau, garder sa respiration et, une fois que la pression se sera équilibrée, ouvrir la portière.

Tant de gestes que le pauvre conducteur n’avait pas pu, ni su accomplir. Le chef des sapeurs-pompiers avait signalé quelque chose d’anormal, un élément qui avait attiré son attention. Au même moment, des frissons parcoururent l’échine de Laurens en découvrant l’utilitaire englouti et le chauffeur prisonnier à l’avant, sans vie. Aucune chance de le sauver. Mais alors qu’il se tenait là, absorbé par la tragédie, une pensée le frappa : et si l’homme n’avait pas été seul dans cet accident ?

Aussitôt, les gestes précis qu’il échangea avec son équipe suffirent pour qu’ils comprennent. Bastiani, Menna et Monroe se mirent à contourner l’utilitaire pour vérifier qu’à l’arrière, il n’y avait pas une autre personne prisonnière. Laurens, lui, se chargea du conducteur.

Ses mains glissaient sur le pare-brise à travers lequel, Laurens commençait à distinguer le corps inerte de l’homme. Ce dernier n’avait même pas eu le temps de détacher sa ceinture, suggérant une mort instantanée. Cependant, le chef des sapeurs-pompiers avait raison, quelque chose ici semblait étrange, perturbant. La peau du visage de l’homme était en train de se désagréger, elle partait en lambeaux, formant une sorte de soupe répugnante dans l’habitacle. Ce n’était pas l’effet de la décomposition, bien trop précoce pour cela, mais plutôt l’idée que l’homme aurait été en contact avec un élément, une substance agressive. Une idée germa dans son esprit, serait-ce… Ses yeux s’écarquillèrent. Il devait avertir son équipe, les prévenir avant qu’il ne soit trop tard, avant qu’ils n’ouvrent le coffre.

Trois coups de palmes puissants le propulsèrent vers l’arrière du véhicule, les portes à peine ouvertes. Et c’est là que Laurens assista à la catastrophe. Une profusion de bidons éventrés s’éjecta sur ses collègues, libérant au passage une eau massivement contaminée. Au contact de cette eau, ils se mirent à s’agiter comme des asticots. Laurens leur fit signe de remonter à la surface immédiatement.

Quelques minutes plus tard sur le quai, la scène était chaotique. Au milieu des secouristes qui emmenaient le dernier accidenté à l’hôpital, des compresses trainaient à terre, des couvertures de survie s’envolaient du sol, et les combinaisons avec l’équipement des plongeurs gisaient comme des cadavres, bouffées par une sorte d’acide.

— Ne bougez pas madame, intima une secouriste penchée audessus de Menna.

Elle versa quelque goutte d’un liquide apaisant sur ses yeux rougis et bouffis.

— Et mes mains ? demanda Menna, sanglotant. La douleur était si vive.

— On s’en occupera juste après, je vous le promets, la rassura la secouriste.

— Grouillez, ça brûle ! grognait Bastiani en se frottant le cou meurtri.

Le secouriste l’aspergeait d’eau douce pour décontaminer son corps. Il commençait par sa nuque. Mais les brûlures étaient tellement insupportables, que Bastiani, n’y tenant plus, choppa une bouteille d’eau et la versa sur son visage couvert de plaques rouge sang, laissant échapper un long soupir de soulagement.

Quant à Nathan Monroe, il gisait dans le silence, allongé au milieu de la dernière équipe de secouristes.

— Il a perdu connaissance ? demanda Laurens à l’urgentiste.

— Je crois que oui, et il vaut mieux, ce genre de brûlure est simplement insoutenable.

— Vous pensez que… hésita Laurens.

— Je ne pense rien ! interrompit le médecin d’un ton tranchant.

Il se redressa.

— Les gars, on file à l’hôpital.

La situation était critique, l’urgence de sauver ces hommes était absolue. Laurens observait l’étiquette d’un des bidons remonter à la surface de l’eau, flottant tel un sinistre présage.

Ses yeux se fixèrent sur trois lettres HCI, puis deux mots glaçants : ACIDE CHLORHYDRIQUE.

Les conséquences allaient être dévastatrices, autant pour son équipe que pour le fleuve. Demain, les berges de la Seine pourraient bien être jonchées de poissons morts. Mais pour l’heure, sa préoccupation principale était de protéger les habitants de Paris, notamment les propriétaires des péniches.

Il chargea le reste de son équipe de prévenir les habitants de ne pas boire leur eau filtrée. DOS SANTOS, l’une de ses officiers, terminait de sécuriser le périmètre autour de l’utilitaire qui était en train d’être sorti de l’eau. Laurens se tourna vers elle.

— Dos Santos, pensez à prévenir les sans-abris.

Dos Santos soupira, consciente du poids de cette responsabilité et des canettes de bières qu’elle allait se recevoir en pleine figure, ainsi que d’autres déchets plus ou moins tolérables.

— Hélas, il faudra aussi prévenir les journalistes, dit une voix féminine.

Laurens se tourna.

— Commissaire Monnet ! Bonjour.

La commissaire de la PJ qui venait de faire son apparition, soulignait cette réalité inévitable : prévenir la presse et les médias.

— Dure journée pour votre équipe, enchaîna-t-elle.

En effet, les secours emmenaient trois des officiers de la Brigade Fluviale aux urgences, sirènes hurlantes.

— Y a des jours avec et des jours sans, répondit Laurens d’un ton résigné.

Depuis qu’elle avait chevauché mon frère jumeaux, pensant que c’était moi, ce n’étaient plus mes yeux qu’elle regardait, mais ses pompes - (réf tome 1) – Il faudra bien qu’un jour je lui avoue qu’elle n’était pas la première à avoir été dupée, et que j’étais passé à autre chose. Mais en vrai, une rancœur sourde persistait en moi, je fulminais toujours en silence, sans rien montrer. Mon frère …

— Combien de bidons avez-vous repêchés ? demanda Monnet.

— Pour l’instant, un peu plus d’une cinquantaine, nous cherchons les autres.

— Excusez-moi de vous déranger !

— Oui, répondirent à l’unisson Laurens et Monnet.

— Pardon, vous, commandant, précisa le jeune Salomon en direction de Laurens.

— Je vous écoute.

— Vous avons terminé.

L’utilitaire venait d’être déposé sur le quai, dégoulinant d’eau.

— Il est à vous, Monnet.

— L’immatriculation est étrange, encore un caïd qui a bricolé une fausse plaque, un 75, commenta Salomon.

— En effet, réalisa Laurens d’un air dubitatif, drôle de couleur pour une plaque.

— Messieurs, erreur, c’est une plaque du corps diplomatique, et le 75, se trouve être le numéro de l’ambassade du Mali.

— Le Mali ? Laurens était perplexe. Mais que pouvait bien faire un utilitaire de l’ambassade du Mali avec plus de cinquante bidons d’acide chlorhydrique.

— A part des explosifs, ironisa Monnet.

— Ou un cadavre à faire disparaitre, frissonna Salomon, vous savez, comme en Turquie. C’était quelle ambassade déjà ?

— Émirats Arabes, répondit Monnet.

— Oui, c’est ça ! dit Salomon, parti dans ses délires, imaginant un grand nettoyage des services secrets dans la baignoire de l’ambassade.

— Vous pensez à quoi Monnet ? sonda Laurens qui vit une lueur d’inquiétude dans le regard de la commissaire.

— A des emmerdes futures, rétorqua-t-elle.

C’était comme si des ombres s’épaississaient et se déployaient autour de nous. Je partageais son inquiétude, et comme elle, je ne pouvais me défaire de cette petite phrase, des mots bien ciselés qui avait surgi sur nos smartphones il y a quelques années (réf : tome 1)

« Tremblez, la partie ne fait que commencer ! » avait menacé Sodoku, le cerveau d’Ecowar. Depuis cette sombre annonce le ministère de l’Intérieur s’était félicité d’avoir démantelé ce groupuscule d’écoterroristes, et rien ne s’était produit depuis. Mais chaque nouvelle et étrange affaire nous replongeait dans la terreur d’une attaque terroriste venant par l’eau, pouvant provoquer des millions de morts.

Nous pensions à eux, à cette menace qui pouvait surgir à tout moment. L’empreinte d’Ecowar était indélébile. En cela, ils avaient bien réussi leur coup : nous étions traumatisés.

Un officier ouvrit la portière pour extraire le corps inerte du chauffeur ; de son gilet tomba un livre plié en deux.

Laurens ramassa le livre mouillé, sur la page de garde deux initiales EP, et dans le corps du libre, une phrase y était soulignée.

— Une goutte d’eau puissante suffit pour créer un monde et pour dissoudre la nuit. C’était de qui ? se demanda Laurens en dépliant le livre.

Mais avant même de lire …

— C’est de Bachelard Laurens ! répondit Monnet comme si elle avait deviné ses pensées. L’eau et les rêves …

Par curiosité, Laurens poursuivit sa lecture : Pour rêver la puissance, il n’est besoin que d’une goutte imaginée en profondeur.

L’eau ainsi dynamisée est un germe ; elle donne à la vie un essor inépuisable.

Joli, me dis-je, appréciant l’étrangeté poétique de cette phrase, lorsque mon téléphone vibra. Une réalité brutale fit intrusion, réveillant mon instinct. Quel nouveau problème venait de surgir cette fois-ci ? La tension monta d’un cran. A l’autre bout du fil se trouvait mon capitaine de Brigade, Bruno Lavialle.

— Commandant qu’est-ce que vous fichez, on vous attend depuis dix minutes ! Vous n’avez pas eu l’information ?

Une demi-heure plus tard, l’information tomba en une cascade de mots, révélant les missions cruciales qui attendaient la police fluviale. Un jeune secrétaire d’État ressemblant à un écolier bien peigné, une raie sur le côté, le col repassé, et les dents brossées, levait le menton pour s’assurer que l’assemblée le prendraient au sérieux. Laurens se demanda quel âge pouvait bien avoir ce jeune homme ? Sans attendre, le secrétaire attaqua son discours dans un débit fulgurant. Mais qu’avait-il pris au petit déjeuner ? se demanda Laurens. Pas de la cocaïne quand même ?

Depuis que la justice avait condamné gentiment un ancien conseillé d’État pour avoir droguée ses collaboratrices en tentant de les violer, plus rien ne semblait impossible dans les hautes sphères du pouvoir.

— Commandant Laurens, vous m’écoutez ? recadra le jeune secrétaire.

— Parfaitement monsieur, répondit Laurens.

— Bien, je poursuis et prenez des notes. Vous tous d’ailleurs ! ordonna-t-il d’un ton sec.

Le commandant Laurens, le capitaine Lavialle, deux représentants du ministère de l’Intérieur place Beauvau, dont l’irrésistible Sacha Boyer conseillère du ministre de l’Intérieur, deux officiers de l’état-major, trois individus probablement envoyés par l’Élysée, quatre employés d’une société privée, et enfin trois responsables de la sécurité de l’organisation sportive, tous saisirent en même temps stylos et blocs-notes.

— Commandant Laurens, pendant les Jeux Olympiques, vous devrez surveiller la circulation fluviale de près de 116 bateaux sur la Seine. Cela inclut de veiller au respect des règles de navigations, assurer la sécurité des athlètes et des spectateurs, et prendre des mesures appropriées pour prévenir les collisions ou les incidents sur le fleuve. Cela peut impliquer la diffusion d’informations sur les règles de navigation, les zones restreintes, les mesures et les bonnes pratiques de sécurité.

Il est important que la police fluviale soit facilement indentifiable et qu’elle maintienne une présence visible. Cela peut dissuader les comportements dangereux et rassurer les personnes présentes. Assurez-vous que les bateaux de police soient clairement marqués et que les agents portent des uniformes reconnaissables.

La police fluviale doit être préparée à répondre rapidement et efficacement à des situations d’urgences sur la Seine, telles que des accidents de bateaux, des blessures, des actes terroristes ou d’autres incidents. Les agents doivent être formés aux premiers secours et aux protocoles d’intervention d’urgence.

Lors des compétions ou évènements qui ont lieu sur des sites olympiques fluviaux, la police fluviale devra renforcer la sécurité. Cela signifie des contrôles de sécurité, des patrouilles régulières et des mesures de prévention pour éviter des actes de malveillance. Nous envisageons d’ajouter une unité de Police Fluviale musclée, nous en reparlerons dans les semaines à venir. Il vous faudra coopérer avec d’autres forces de sécurité, telles que la police maritime, la gendarmerie, les sapeurs-pompiers et les services de secours, pour assurer une coordination efficace de la sécurité sur la Seine. Il est important d’établir des protocoles de communication et de coordination clairs. Vous devrez également sensibiliser le public, que nous estimons à 600 000 spectateurs. Vous devez jouer un rôle actif à cet égard.

Jusque-là, je me pensais que cela pouvait aller, que c’était déjà dans notre ADN, notre routine. Bruno Lavialle bailla autour de la table ovale. La fameuse. Pas celle de la Maison Blanche aux États-Unis, mais celle qui occupe le bureau des réunions de haut niveau qui peuvent se tenir à L’Élysée dans le cadre des activités présidentielles.

Nous n’étions pas au ministère de l’Intérieur, place Beauvau, ni à l’état-major comme il aurait été convenu. Pour qu’elle raison ce changement ? Je l’ignorais.

Le secrétaire poursuivit en tournant sa vingt-septième page. Si si, je m’étais amusé à compter. Mais la liste ne s’arrêtait pas là.

Une jeune femme aux jambes à faire tomber, nous refourgua une fournée de cafés allongés alors que le secrétaire fermait son dossier pour en ouvrir un autre.

Page 1. SECURITE JEUX OLYMPIQUES 2024.

— Merci mademoiselle. Nous avons pensé qu’en se préparant de manière proactive, la brigade fluviale pourrait jouer un rôle essentiel dans la sécurisation des JO. Pour cela, nous avons une liste.

Et c’était reparti de plus belle.

— Formation spécifique en préparation des JO. Nous parlons de séances de formations sur les règles de navigation et de la sécurité des sites olympiques. Cela inclut la nécessité de vous familiariser avec les différents sites situés le long de la Seine.

Cela comprend la connaissance des zones restreintes, des voies de circulation fluviale spécifiques et des points d’accès pour les athlètes, les officiels et les spectateurs. Il est essentiel d’établir une planification opérationnelle détaillée pour les JO, notamment la répartition des ressources et la définition des zones de patrouille.

L’accroissement du nombre de personne présentes le long de la Seine nécessitera un renforcement les effectifs. Assurez-vous d’avoir suffisamment de personnel formé et préparé.

Des équipements améliorés seront également nécessaires, des bateaux supplémentaires, des dispositifs de surveillance et de sécurité, ainsi que des fournitures médicales pour les interventions d’urgence. Nous ne pouvons pas nous permettre de reproduire l’incident survenu au Stade de France lors de la finale de la Ligue des champions. C’était un très mauvais signal pour le reste du monde.

Le terme incident, était d’ailleurs bien trop faible, songeais-je en mon for intérieur Laurens.

— Je vous rappelle qu’un rapport accablant épinglait la police, la qualifiant d’inutile et de passive, selon les journalistes du Monde.

Trop facile ! me dis-je.

— Bien mesdames, messieurs, ce sera tout pour le moment.

Une fois le monologue terminé, je voyais les euros s’envoler… Tout cela pour en arriver à la conclusion suivante : comment annoncer à mon équipe la tonne d’instructions données qu’ils devaient avaler en si peu de mois, sucrer les vacances et ajouter à leur quotidien des formations supplémentaires ? Pouvaient-ils espérer des primes ? Et côté budget, est-ce que l’écolier en parlerait, et si oui, quand ?

— Des questions ?

Un silence pesant régna. Les personnes semblaient perplexes, quelque peu sur la retenue.

— Personne ? s’étonna le secrétaire.

— Côté budget ? Avez-vous une idée du montant de l’enveloppe ? me risquais-je à demander.

— Cela fait l’objet d’une étude, nous reviendrons vers vous.

D’autres questions ?

— Oui moi ! s’écria un homme élégant qui fit irruption à

travers la porte dorée. Désolé pour le retard. La circulation.

— Bonjour, merci de nous rejoindre. Trouver-une place, nous vous écoutons. Pardon, laissez-moi vous présenter monsieur Carli, Professeur au CNAM, responsable du pôle de sécurité des renseignements et auteurs de plusieurs livres sur le sujet.

Qui ne connaissait pas monsieur Carli, grand spécialiste de la sécurité en France, visage médiatisé, auteur de nombreux ouvrages que j’avais dévorés. J’étais fan et très intimidé par l’arrivée de cette pointure que j’allais écouter tout ouïe.

Monsieur Carli posa sa mallette avec désinvolture sur la table en marbre blanc.

— Bien, j’imagine que vous venez de terminer la liste des dispositifs de sécurité ? dit-il avec une pointe d’ironie.

— En effet, confirma le secrétaire.

Laurens pouvait sentir que le jeune homme appréhendait quelque chose.

— Alors permettez-moi d’ajouter ceci, poursuivit monsieur Carli tout en lissant sa moustache.

— Je vous en prie, faites. Le secrétaire reprit sa place.

— Je n’en aurai pas pour longtemps et je n’irai pas par quatre chemins. Pour faire court, la cérémonie d’ouverture des JO

2024, dans le dispositif proposé, est un désastre annoncé.

Il s’arrêta net, laissant place à un silence brisé par quelques grognements de mécontentements.

Monsieur Carli fixa la quinzaine de personnes présentent autour de la table, avant de poursuivre.

— Vous imaginez une ouverture sur la Seine, avec douze kilomètres incompressibles, insécurisables. C’est de la pure folie. Si quelqu’un sait sécuriser des berges avec une ouverture en bateaux, j’en ai compté plus de cinquante rien que pour la délégation, et des spectateurs agglutinés sur les quais avec un risque de noyade, il faut me le présenter.

— Justement, le voici, répondit le secrétaire, Commandant Louis Laurens, de la brigade fluviale.

La tension était palpable dans la pièce alors que les regards convergèrent vers Laurens. Monsieur Carli sortit de sa mallette un rapport qu’il fit glisser sur la table.

— Monsieur le Commandant, les yeux dans les yeux, je vous le prédis. Nous sommes le 4 février 2023, soit, un an et demi avant l’évènement, pour que cela soit bien noté, une fois pour toutes. J’espère avoir tort, mais, je le répète, l’ouverture des JO

sur la Seine est une catastrophe criminelle annoncée, de la pure folie !

Cela avait le mérite d’être clair. Tout comme cette silhouette que Laurens surprit en sortant du bureau ovale. A l’autre bout du couloir, il aperçut deux hommes de dos qui s’éloignaient.

— Monsieur le Président, encore une fois, Carli n’a pas fait dans la dentelle. Il annonce une catastrophe, s’alarma le secrétaire.

— Respirez mon cher ami, vous connaissez Carli, je vous le dis, ses prévisions et son catastrophisme feront « pschitt » ! répondit le Président. Ayez confiance.

— Pardon ? s’étonna le secrétaire.

Le Président de la République disparut derrière une énième porte dorée, plantant le jeune écolier, perplexe.

— Pschitt ?? se dit-il.

— Messieurs, par ici s’il vous plaît.

La jeune femme aux jolies jambes indiquait la sortie aux participants. Laurent et Lavialle suivirent le mouvement, longeant le couloir vers la sortie. Laurens comprit que le Président avait dû assister à la réunion clandestinement, d’où le choix de la pièce ovale.

Lavialle s’approcha de Laurens, inquiet. Il lui chuchota à l’oreille.

— Ça va mon commandant ? Vous êtes pâlot.

Je soupirai, dépassé par la tourmente, quoi lui répondre.

Sur le chemin du retour, j’avais la tête comme une pastèque, submergé par les ordres. Trop d’informations, tue l’information.

Mais parmi le flot d’éléments, une certitude s’imposait : nous étions mal barrés !

Les enjeux étaient énormes et Monsieur Carli avait cent fois raisons, mille fois même. Comment allait-il sécuriser 12 km de quai au cœur de Paris, sans parler des autres sites en banlieue, comme l’île Saint-Denis ? La responsabilité était énorme. Cela allait entrainer de nombreuses insomnies. Alors, par où commencer ?

— Circulation de merde ! maugréa la commissaire Monnet, plus d’une heure et demie dans les embouteillages pour rejoindre son commissariat. Depuis que les quais étaient aux mains, ou plutôt aux pédales des cyclistes et des bobos à rollers, Paris était devenu un enfer.

Aurait-elle le temps, se demanda-t-elle en franchissant l’entrée de son bureau. Sa montre affichait 18h30.

Ces cinquante bidons d’acide chlorhydrique étaient une information à ne pas prendre à la légère. Un petit tour du côté

de l’ambassade du Mali serait judicieux. Mais pas n’importe comment. Aurait-elle besoin d’une autorisation pour mener une enquête ?

— Monnet, je te le confirme, selon les conventions de Viennes de 1961, sur les relations diplomatiques auxquelles la France est signataire, les ambassades sont inviolables. Les agents du pays hôte n’ont pas le droit d’y pénétrer sauf avec le consentement du chef de la mission, expliqua Arnaud Blanchard, l’adjoint de Monnet.

— Le chef de mission ?

— L’ambassadeur lui-même. Les locaux sont inviolables, ils ne peuvent faire l’objet d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution, article 22.

— Merci Blanchard, tu réponds à ma question. En attendant, as-tu récupéré quelques informations sur le conducteur ?

— Soumaré Sidibe, vingt-huit ans, double nationalité, française et malienne. Il fait partie du personnel technique de l’ambassade, chauffeur, technicien de maintenance, livreur.

Pas de casier judiciaire. Il est clean.

— Tu m’étonnes, avec cinquante bidons d’acide… L’ambassade devra quand même se justifier pour cet achat. Tu as relevé le code-barres ?

— Il est intact.

Monnet regarda sa montre.

— Un peu tard pour sonner aux portes, on reprendra demain.

— Et si nous poursuivions la soirée tous les deux en tête-à-tête chez Paris-Bamako, j’ai déniché un petit resto africain dans le 10e, juste à côté de la résidence de monsieur Soumaré Sidibe.

— Judicieux, mon cher adjoint.

— C’est ce qui s’appelle joindre l’utile à l’agréable.

— Vendu ! lança Monnet en attrapant la veste que lui tendait Blanchard.

— Et après, chez toi ou chez moi ? demanda-t-il.

— Tout dépend si les plats seront suffisamment épicés.

— J’y veillerai, dit-il en chuchotant sensuellement ces quelques mots à l’oreille de Monnet. Personnellement d’ailleurs …

Elle se mit à sourire.

Ils sortirent du commissariat main dans la main, ne cherchant plus à cacher leur relation, puisque depuis un an, c’était officiel, ils étaient en couple.

Monnet garda secret sa petite escapade avec le frère jumeaux de Laurens, une terrible erreur dont elle avait honte, car l’étreinte avait été torride. Blanchard se doutait d’un petit quelque chose, mais elle éludait à chaque fois qu’il posait des questions.

Dehors, les lampadaires s’allumèrent.

Blanchard fit vrombir sa Ducati, une manière d’exprimer sa virilité.

— Vas-y, monte ! lança-t-il à Monnet qui s’installa à l’arrière, tout contre lui.

La moto démarra sur les chapeaux de roues.

L’éclairage de la Brigade Fluviale s’alluma à quelques secondes d’intervalle de la capitale. Les quais bénéficiaient toujours d’un autre régime, le fameux 21e arrondissement.

De retour, Laurens se prit les pattes dans celles d’une petite boule de poil, un bébé beauceron, mâchouillant une chaussure.

— Mais c’est la mienne ! gémit l’officier Paolo Telezio, son sang italien ne fit qu’un tour. Putain, trois cents sacs de bouffés !

— Tu n’as qu’à ranger tes affaires ! ironisa Christian Hay, le secrétaire de la brigade.

— On pourrait en dire autant avec tes dossiers, ajouta Balthazar qui transportait une planche en bois. Mon commandant, voici la nouvelle porte des chiottes ! Regardez, j’ai mélangé deux essences pour faire joli.

— Des toilettes Balthazar, pas des « chiottes », reprit Laurens avant de poursuivre. Hay, pouvez-vous me faire une photocopie de ce dossier s’il vous plaît ? Il posa le fameux rapport de Carli sur le comptoir. Et ajoutez cent copies de ce document ?

— Tout de suite commandant. Un café ?

— Mon dieu non. Mais réunissez tout le monde, réunion d’urgence dans vingt minutes.

— Vous avez des nouvelles de Bastiani, Menna et Monroe ?

— Ils sont sortis d‘affaires, mais ils vont devoir respecter une longue convalescence pour éviter toutes complications.

— Souhaitez-vous que je prévienne les familles ? Le petit ami de Menna et la fille de Bastiani.

— La fille de Bastiani ? Je n’étais pas au courant !?

— Et pour Monroe ? On prévient sa mère, la Gorgone ? poursuivit Hay, tout en déglutissant.

Laurens ne put retenir un sourire au coin de la bouche.

— Ne vous inquiétez pas, je m’en occupe.

Tout en se dirigeant vers son bureau.

— Vous charriez Hay… la Gorgone…

Mais au fond de moi, je trouvais la comparaison assez juste. La gorgone dans la mythologie était une créature malfaisante, dont le regard avait le pouvoir de pétrifier ceux qui la regardaient. Ancienne commandante de la Police Fluviale, plus d’un officier s’était senti bien démuni en sa présence. Personne ne regrettait l’ancienne commandante, mordante comme un pit-bull terrier aux poils rudes, courte sur pattes et au gros cul.

Une heure plus tard, au QG de la Brigade Fluviale de Paris, surnommée le Paquebot, composée de soixante-quinze officiers sur l’île de France, était réunie au nombre de trente sur cette base centrale. Ils étaient presque au complet dans la salle de réunion. Il y avait :

Balthazar, le menuisier, monsieur les bons tuyaux, celui qui entretient les bateaux.

Christian Hay, le secrétaire toujours débordé.

Major Marie Dos Santos, brigadière sexy, soupe au lait : lorsque Honolulu s’invite à la Fluve.

Michaël Salomon, jeune brigadier, le bellâtre, qui prétendait avoir tout vécu et tout vu, le tout empaqueté dans une attitude faussement cool.

Paolo Telezio, brigadier, d’origine italienne, toujours râleur, grand fan de courses d’offshore et de Formule 1. Grosse gueule.

Bruno Lavialle, brigadier, ami de longue date de Laurens, scaphandrier, à l’éducation bourgeoises. Il était plutôt rigide et intello.

André Letor, le mécano, surnommé le « vieux » par les jeunes de la brigade, parce qu’il était le plus ancien de la Fluve et un syndicaliste chevronné très politisé.

Manquaient à l’appel :

L’équipe de nuit et…

Nadia Ait Menna, brigadière, rigoureuse et sérieuse.

Lionel Bastiani, adjoint au commandant, brigadier efficace sur le terrain, très réactif, parfois un peu trop.

Nathan Monroe, le capitaine, un jeune homme à la fibre écologique.

Et enfin, celui qui s’invita sans l’avoir été, la boule de poils de quatre mois, baptisé « Google ». Fallait vivre avec son temps.

Et puis « va chercher Google » cela avait du sens, argumentait Michaël Salomon, qui l’avait adopté. En attendant, le chiot cherchait les emmerdes, que ce soit en bouffant les pompes, en vidant les pots de confitures, en arrachant les prises et les câbles comme des friandises à la réglisse, ou encore en s’enroulant dans les soutiens gorges des filles, comme en ce moment d’ailleurs.

— Google ! Fais chier ! hurla Dos Santos qui surgit des vestiaires en agitant un bout de bonnet avec son armature pendouillant. J’en suis à mon quinzième La Perla. La prochaine fois, commandant, je vous fais passer une note de frais pour rembourser les dégâts. Vraiment !

Les mecs rigolaient.

— C’est toi qui vas payer Salomon ? lança-t-elle avec un regard noir.

— Je suis comme Google, je déteste les soutifs, je préfère les enlever. Besoin d’aide ? ricana Salomon.

— P’tit con ! Même pas en rêve ! répliqua-t-elle.

— Ouh, ça chauffe entre ces deux-là, plaisanta Letor.

— Ça commence toujours à monter en température et ça finit au plumard ! ajouta Telezio.

— Bon, un peu de sérieux s’il vous plaît, coupa court Laurens.

Nous avons un évènement important à couvrir, les Jeux Olympiques 2024.

Une heure plus tard, au restaurant le Paris-Bamako, le pied déchaussé de Monnet remontait avec sensualité le long de la jambe de Blanchard, jusqu’à atteindre son entrejambe. Les yeux de Monnet brillaient.

— Je constate que le Mafé de poulet était assez épicé, commenta Blanchard.

— En doutes-tu ?

— Non, cela me semble assez direct. Passons au dessert.

— Oublis. Si on allait plutôt chez toi ? suggéra Monnet.

— Encore plus direct. L’addition, s’il vous plaît.

Le serveur apporta la note.

— Nous cherchons un ami, Soumaré Sidibe, demanda Monnet tout en agitant une photo, vous reconnaissez ?

— Non, répondit le serveur qui disparut aussi sec derrière le comptoir.

— Nerveux le p’tit gars, commenta Blanchard.

— Donc Soumaré est un habitué, confirma Monnet, son adresse est la bonne.

— On sonde un peu plus en demandant à parler au gérant ?

— Non, je l’ai vu déguerpir dès que le serveur l’a prévenu que des flics cherchaient un client. On reviendra plus tard, répondit Monnet.

Une fois dans la rue, Blanchard ne put s’empêcher de coller Monnet contre le mur pour la dévorer de baisers brûlants.

— Attends, attends, lâcha Monnet qui sentit son téléphone vibrer dans sa poche.

— Pas la peine de jouer avec ça, je suis déjà chaud bouillant.

— Non, non je t’assure…

— Quoi ? dit-il en relâchant son emprise animale et lubrique.

— C’est le boulot. L’IML.

Monnet le repoussa gentiment et répondit à l’appel.

— Allo ? Non, non, vous ne me dérangez pas ! dit-elle tout en réajustant ses vêtements froissés par l’étreinte.

Blanchard leva les yeux au ciel.

— J’y crois pas, lâcha-t-il dans un souffle.

Le pantalon ouvert, son désir était retombé aussi sec.

— Docteur Von Cong Tri, je vous écoute, prononça-t-elle d’une voix qui se voulait claire.

Blanchard remit sa ceinture.

— Tu es gonflée, chuchota-t-il.

— Pardon, un tatouage ? J’arrive !

Elle raccrocha.

— Tu viens ?

— C’est quoi cette histoire de tatouage ?

— Tu verras sur place.

A L’Institut Médico-Légal (IML), situé au 2 voie Mazas dans le 12e arrondissement, la porte de service s’ouvrit, dévoilant le visage rond aux yeux ridés d’un homme d’origine vietnamienne.

— Vous travaillez tard, docteur.

— Comme vous je suppose, répondit Dr Van Cong Tri.

Monnet et Blanchard échangèrent un regard gêné. Le légiste tendit un mouchoir. Il venait de comprendre.

— Tenez, le rouge à lèvres … à … euh…

Monnet s’apprêta à prendre le mouchoir.

— Non pas vous madame, … plutôt Monsieur, sur votre joue…

Ils réalisèrent que Blanchard avait le visage marqué par le rouge à lèvres. C’était bien elle qui l’avait dévoré ce soir-là.

Blanchard effaça aussitôt les marques.

— Venez, vous me direz ce que vous en pensez. Peut-être que je me trompe, mais dans le doute, j’ai préféré vous appeler.

— Vous avez bien fait.

Il devait être 21 heures, lorsque Laurens arriva à la fin de son briefing.

— Le 26 juillet 2024, c’est demain alors plus une minute à perdre, annonça Louis Laurens, détestant le ton qu’il venait d’utiliser. Cela lui rappelait l’ex commandante, la fameuse … gorgone. (réf : tome 1)

D’ailleurs, il n’était pas le seul à le penser.

— Dis-moi, la grosse, elle n’a pas déteint sur lui ? chuchota André Letor à l’oreille de Télézio qui regarda sa montre.

— T’as raison, et puis demain, c’est dans très exactement dixsept mois, deux jours, vingt minutes et trois secondes. Bon, j’espère que c’est terminé, parce que moi, j’ai la F1 dans cinq minutes, avec le décalage horaire.

— Mercedes, Red Bull ?

— Maaaa ! Ferrari ! Crétin ! Un Italien ne renie jamais ses origines, forza Ita …

— Taisez-vous, vous deux. Au lieu de faire salon … souffla Salomon, concentrez-vous, parce qu’il va y avoir une chier de boulot.

— Et toi, tu ne peux pas parler correctement ? Regarde-moi ces jeunes. En voilà des manières, faut apprendre à ne pas couper la parole et à s’exprimer correctement mon petit gars. On dit une montagne de travail et s’il vous plaît monsieur, lorsque tu viendras me demander un service ou de la graisse pour tes portes, enchaîna Letor.

— Regardez comment le vieux monte au créneau !

— Le vieux ? répéta Letor, c’est comme ça que tu parles de moi ? Tu sais, je suis encore en âge de te donner une bonne rouste.

— Je suis curieux de voir ça ! fanfaronna Salomon.

— Dites-moi, je ne vous dérange pas, vous trois-là bas, au fond ? lança Laurens.

Au même instant, une porte s’ouvrit. A travers l’entrebâillement, Laurens vit surgir son frère jumeau, le professeur Adrien Laurens.

— C’est vraiment flippant ! commenta discrètement Hay à

Salomon. Je ne m’y ferai jamais.

— C’est vrai, ils se ressemblent tellement. Ils ont dû s’amuser avec les nanas, commenta Salomon.

— Pardon, vous disiez ? lui demanda Adrien Laurens.

Les deux officiers de police regardèrent leurs pompes.

— Commandant, je vous dérange en pleine réunion, mais la commissaire Eva Monnet de la PJ nous a contactés et nous demande de les rejoindre à l’Institut Médico-Légal. C’est au sujet du chauffeur que vous avez repêché. Nous sommes attendus dans moins de quarante-cinq minutes.

— J’arrive, répondit le commandant Laurens. Hay, distribuez la liste des objectifs à atteindre, et si vous avez des questions, n’hésitez pas à venir frapper à la porte de mon bureau. A