La folle bande du manoir - Romain Esquerre - E-Book

La folle bande du manoir E-Book

Romain Esquerre

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Beschreibung

Il existe en France un domaine très mystérieux avec un incroyable manoir hanté et de nombreuses créatures, l'agitation règne en permanence dans ce lieu. Mais la bande de créatures vivant au manoir va aussi connaître beaucoup d'aventures au cours de ses voyages. Ce livre contient trois histoires. C'est une trilogie drôle et loufoque sur les étranges habitants d'un manoir hanté.

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Seitenzahl: 355

Veröffentlichungsjahr: 2023

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TABLE DES MATIÈRES

La folle bande du manoir

Carte du domaine Menhir

Chapitre 1. L’histoire des Menhir

Chapitre 2. La bande au grand complet

Chapitre 3. Un accueil très chaleureux

Chapitre 4. Un dîner fort appétissant

Chapitre 5. Le jeu de minuit

Chapitre 6. Une très mauvaise nouvelle

Chapitre 7. La dévastation de Chaumont

Chapitre 8. Un plan vraiment parfait

La folle bande du manoir 2. MonstroParc

Carte de MonstroParc

Chapitre 1. L’invitation surprise

Chapitre 2. Arrivée à MonstroParc

Chapitre 3. Un séjour formidable

Chapitre 4. Premières folles attractions

Chapitre 5. Dernières folles attractions

Chapitre 6. Une étrange nuit

Chapitre 7. Le début du chaos

Chapitre 8. La bataille de MonstroParc

Chapitre 9. Une merveilleuse fête

La folle bande du manoir 3. Le Spectre Englouti

Carte de la mer Obscure

Chapitre 1. Une déprime déprimante

Chapitre 2. Rencontres inattendues

Chapitre 3. Entrée sur la mer Obscure

Chapitre 4. L’exploration des trois îles

Chapitre 5. Les épreuves des trois boulets

Chapitre 6. Le chemin vers la dernière île

Chapitre 7. Un véritable cauchemar

Chapitre 8. Bataille pour le trésor

Chapitre 9. L’aventure ne s’arrête jamais

L’auteur

Remerciements

LA FOLLE BANDE DU MANOIR

À mon oncle, David, qui avait beaucoup aimé la première version de cette histoire et qui aurait adoré cette trilogie.

CHAPITRE 1 L’HISTOIRE DES MENHIR

L’été venait de commencer et la nuit tombait doucement sur Chaumont, une petite ville située dans le nord-est de la France. Le nombre d’habitants de Chaumont ne cessait de diminuer et la cause évidente de ce phénomène était le départ de nombreux jeunes vers des villes plus grandes, mais il existait aussi une autre raison : un vieux manoir qui se dressait au sud de la ville. Dans le passé, les habitants de Chaumont avaient affirmé qu’il était peuplé de créatures terrifiantes et que la ville subissait des visites régulières de ces créatures depuis très longtemps. Ces rumeurs persistantes rendirent Chaumont un peu célèbre, même si presque tout le monde considérait ces histoires comme de mauvaises plaisanteries. Des recherches avaient été menées et certains documents affirmaient que le manoir et le terrain tout autour appartenaient aux Menhir, une vieille famille qui n’existait plus. Personne d’autre n’avait acheté le domaine depuis et l’on avait fini par croire qu’une bande de plaisantins se cachait au manoir dans le but de semer la peur aux alentours. Et bien que personne n’ait eu le courage de se rendre au manoir ou à Chaumont le soir pour confirmer ou non cette théorie, tout le monde considéra alors les Chaumontais comme des gens peureux et naïfs.

La situation se mit cependant à évoluer considérablement quelques années avant le début de cette histoire, car le manoir et ses alentours s’animèrent brusquement. Une grande activité y régna pendant plusieurs semaines après lesquelles on finit par constater des changements. Un haut et très long grillage avait été construit tout autour de la zone, empêchant ainsi de pouvoir y accéder par la voie terrestre. Mais ce grillage ne représentait rien comparé à un étrange phénomène qui avait semé la terreur sur Chaumont : des nuages noirs s’étaient brusquement levés au-dessus du terrain un beau jour d’été, formant comme un trou noir au milieu du ciel bleu. Ces nuages n’avaient pas disparu depuis et se contentaient juste de tourner en rond au-dessus de l’endroit, déversant quelquefois des pluies et des orages. Curieusement, ils diminuaient d’intensité uniquement lors des pleines lunes et s’étendaient au contraire jusque sur Chaumont à chaque visite des créatures dans la ville, ne reprenant leur taille de départ qu’une fois le chaos passé.

Les visites constituaient un autre changement, car elles se déroulaient toujours une soirée par mois, mais les monstres semblaient plus nombreux qu’avant, tout comme les dégâts occasionnés. Les créatures farceuses ne tuaient jamais personne mais causaient malgré tout une immense frayeur à chaque fois. Et pour ne rien arranger, un autre phénomène climatique très étrange avait fait son apparition près du manoir : une énorme quantité de brouillard violet qui s’était levée sur tout le terrain et même quelques mètres au-delà du grillage. Ce brouillard, tout comme les nuages, diminuait parfois mais ne disparaissait jamais complètement.

Face à ces phénomènes, plus personne ne pouvait nier que le manoir était bel et bien hanté. Les plus hautes autorités du pays se penchèrent donc enfin sur le problème sans parvenir toutefois à trouver une solution. L’intervention militaire décidée par le président de la République en personne fut un désastre, tous les soldats envoyés sur le terrain se perdirent dans le brouillard violet durant trois heures. Et sans savoir comment, ils se réveillèrent en dehors de la zone, juste devant le grillage. On tenta alors de contacter les monstres pour négocier avec eux, mais il n’y eut aucune réponse de leur part. Le problème fut donc ignoré et l’on ne se soucia plus du sort de la ville.

Un choix simple s’imposa aux Chaumontais : rester dans la ville et subir les visites des créatures ou bien partir. Beaucoup firent leurs valises et ceux qui restèrent évitaient de trop sortir le soir. Hélas pour eux, ils devaient non seulement subir les dégâts des farces, mais aussi certains touristes qui avaient le culot de prendre les monstres pour une attraction de la ville et de s’attarder la nuit dans l’espoir de les rencontrer. Les créatures choisissaient les dates au hasard chaque mois pour qu’il soit impossible de prévoir leurs visites, on pouvait souffler seulement quand la visite du mois était passée.

C’était dans cet état d’esprit que se trouvait Chaumont en ce début de soirée, la dernière visite datait de la veille et la prochaine serait donc pour le mois de juillet. La nuit tomba pour de bon et une petite ombre se mit à bouger, elle se déplaça rapidement vers le sud de la ville et passa dans une ruelle sombre avant de se retrouver sur une place beaucoup plus grande, une lumière l’éclaira alors et révéla sa nature : c’était une chauve-souris noire avec des yeux verts. Elle tenait une enveloppe blanche et on pouvait remarquer en l’observant de près qu’elle portait une veste noire. Un homme croisa sa route et éternua avec énergie, ce qui la fit rire. L’homme regarda partout autour pour chercher l’origine de ce rire étrange, mais il ne vit rien et reprit son chemin tout en se mouchant.

La chauve-souris était déjà très loin, elle sortit de la ville puis se dirigea vers une grande masse de nuages noirs. Elle survola des routes de campagne, des bois et des champs avant d’arriver sous les nuages. L’endroit était étrange, car un épais brouillard violet se dressait, étendu au point de recouvrir toute la zone hantée qui se trouvait devant. La chauve-souris y pénétra en dépassant un haut grillage noir, puis elle arriva vite à sa destination finale : un grand manoir perché sur une haute colline.

Le bâtiment était lugubre et les lumières qui éclairaient de l’intérieur les fenêtres ne rassuraient pas le moins du monde, il y en avait de toutes les couleurs et elles semblaient bouger en permanence, car la plupart provenaient de torches enflammées. La chauve-souris arrêta sa course devant une fenêtre située au dernier étage et donna immédiatement quelques coups d’aile dessus. La fenêtre s’ouvrit toute seule et se referma après le passage de la chauve-souris qui se posa au plafond d’une vaste chambre. Sous elle se trouvait un fantôme humain qui jouait du piano avec talent, la lumière de l’extérieur éclairait l’instrument, car les torches fixées au mur étaient éteintes, tout comme les bougies du lustre. La seule autre source de lumière provenait du fantôme dont la couleur blanche brillait dans l’obscurité. Il s’arrêta de jouer et leva la tête vers la chauve-souris.

— Salut, ma petite Chauvénigme, dit-il d’un ton lugubre.

— Salut ! répondit-elle avec un grand sourire. Voilà le courrier du soir !

Elle laissa tomber l’enveloppe qu’il attrapa au vol, avant de l’ouvrir pour lire la lettre qu’elle contenait. Chauvénigme patienta un moment en observant le fantôme qui avait été de son vivant un humain nommé Pierre Menhir. Il était revenu après sa mort et se faisait désormais appeler le Menhir. Il tenait beaucoup à ce qu’on prononce correctement son nom : il n’y avait pas de liaison entre le Men et le hir, sans compter que le Men de Menhir se prononçait comme le men de mensonge et pas comme le men de menhir. Le fantôme détestait d’ailleurs les menhirs, mais pour une autre raison que la simple ressemblance de ce mot avec son nom de famille. Il portait comme vêtement un drap blanc qui pendait sous lui et permettait d’allonger sa silhouette, afin de masquer légèrement la petite taille de son corps qui ne possédait ni jambes ni pieds. Son visage était sinistre et bizarre puisqu’il n’avait pas d’oreilles, pas de sourcils et pas de cheveux. Mais il lui restait tout de même une bouche, un nez et des yeux marron.

— Encore une lettre de menaces du maire, dit-il soudain avec un sourire. Il n’a pas apprécié notre visite d’hier, comme toujours.

— Et comme toujours, il ne mettra pas ses menaces à exécution vu qu’il ne peut absolument rien faire contre nous, ajouta la chauve-souris.

Ils rigolèrent quelques secondes, puis le Menhir poussa un grand soupir.

— Je suis bien content d’avoir lu ça, car je n’ai pas trop le moral, ce soir…

Le sourire de Chauvénigme s’effaça, elle savait que le fantôme se montrait parfois un peu déprimé et qu’il ne pouvait s’empêcher de repenser à son triste passé. Cela lui arrivait beaucoup moins depuis qu’il s’était entouré de joyeux compagnons, mais il avait encore tendance à faire de sérieuses rechutes.

— Ah ! s’écria-t-il soudain. Quel triste destin que celui de ma famille !

Il jeta l’enveloppe et la lettre par terre avant de jouer une musique affreusement sinistre au piano, La Symphonie du Désespoir, qui rendait déprimées et défaitistes toutes les personnes qui avaient le malheur de l’entendre. Le visage de Chauvénigme devint tout triste, mais elle se secoua pour chasser les idées sombres qui se glissaient dans son esprit.

— Bon, dit-elle avec un air décidé. Je vais aller voir ce que font les autres, tu descendras nous rejoindre bientôt, d’accord ?

— Oui… je vais rester un peu dans ma chambre pour me lamenter et puis j’irai me balader dans les couloirs.

Chauvénigme parut un peu rassurée, elle s’envola à l’extérieur et la fenêtre se referma une nouvelle fois. Le Menhir continua de jouer tout en replongeant dans ses pensées et le souvenir de sa longue existence. Sa famille avait été victime d’une horrible malédiction donnant une malchance incroyable jusqu’à la mort. Une fin terrible et souvent ridicule frappait tous les Menhir après une vie qui n’était qu’une succession de catastrophes.

Tout ce malheur s’arrêta seulement quand Pierre Menhir trouva la mort à son tour, faisant ainsi disparaître avec lui sa famille et la malédiction. Il revint en tant que fantôme dans l’intention de venger les siens, ridiculisés pendant des siècles. Ayant trouvé la mort au cours d’un voyage, il retourna donc d’abord à la propriété familiale qui lui appartenait toujours, avant de semer la peur dans la ville voisine où vivaient encore un grand nombre de ceux qui s’étaient moqués de sa famille. Le fantôme se prit aussi d’affection pour une créature terrifiante nommée la Giga-Mite. Durant son absence, elle avait pris refuge au manoir et semblait beaucoup s’y plaire.

Pendant des siècles, le Menhir continua avec la Giga-Mite de faire des farces à Chaumont par simple habitude, mais arriva un jour où il se lassa d’effrayer la ville. Le XXIᵉ siècle commença et le fantôme se rendit enfin compte que son véritable problème était la solitude. Il voyagea donc pendant un moment pour rencontrer d’autres créatures et leur proposa de venir habiter dans son vaste manoir. Neuf créatures acceptèrent et formèrent finalement avec la Giga-Mite et lui une redoutable bande de monstres. Le Menhir rénova complètement le domaine Menhir avec l’aide de ses nouveaux amis, redonnant ainsi au manoir Menhir sa splendeur d’antan et au fantôme le goût de vivre ainsi que le plaisir de faire des farces dans la ville.

En repensant à ses compagnons, le Menhir cessa de jouer du piano et se sentit beaucoup mieux. Il flotta dans les airs et se dirigea vers l’unique porte de sa chambre, il passa au travers après être devenu tout transparent et reprit sa couleur blanche en avançant le long d’un couloir éclairé par des torches enflammées. Des tableaux étranges étaient accrochés aux murs, ils ne représentaient pas un décor fixe mais toute une série de scènes qui se succédaient les unes après les autres pour former une histoire repassant à l’infini. Le fantôme leur avait donné le nom de tableaux vidéo et il commença à les regarder. Chaque tableau montrait la mort d’un membre de sa famille et sous chacun d’eux était inscrit le nom de la personne, la date de sa mort ainsi qu’une phrase assez sinistre :

La famille Menhir, maudite jusqu’à la mort !

L’un des tableaux représentait une jeune femme nommée Hortense Menhir qui se faisait jeter à la mer, avant de couler très rapidement à cause du poids d’un boulet enchaîné à sa cheville. Elle se noyait puis le tableau revenait à nouveau au moment où elle était jetée à l’eau.

Un autre tableau montrait un certain Henri Menhir sur le point de se faire couper la tête. Un homme courait en arrière-plan et criait par l’intermédiaire d’une bulle, comme dans une bande dessinée, que le condamné était innocent. Mais il arrivait trop tard et la hache du bourreau s’abattait moins d’une seconde après.

Un troisième tableau suivait la marche de Gertrude Menhir au beau milieu d’une vaste foule alors que le ciel se couvrait, un éclair frappait soudain le sol et causait une seule victime qui était évidemment Gertrude Menhir.

Il y en avait encore beaucoup d’autres et le Menhir se décida finalement à poser son regard sur le sien : il indiquait la mort de Pierre Menhir le 6 juin 1666 et on pouvait y voir un humain encore assez jeune se balader dans la nature. Pierre Menhir faisait un voyage pour son anniversaire, dans une région isolée quelque part en Bretagne. Soudain, une violente tempête se levait autour de lui. Cherchant un abri, il se réfugiait finalement sous un dolmen. Mais très vite, un tremblement retentissait autour de lui et il quittait son abri juste avant l’effondrement du dolmen. Stupéfait d’avoir eu de la chance pour la première fois de sa vie, il se mettait à rire bêtement sous la pluie, puis ramassait une pierre et la jetait sur un menhir en signe de défi. Malheureusement, la pierre rebondissait sur son visage et le faisait tomber à terre, il posait ses mains sur sa figure et sentait au même moment un nouveau tremblement. Il écartait alors les doigts juste à temps pour voir le menhir lui tomber dessus et l’aplatir, causant sa perte.

Le Menhir se sentit de nouveau complètement démoralisé en revoyant encore et encore la scène de ce jour funeste, il s’apprêtait à retourner jouer du piano dans sa chambre quand un grand bruit retentit à l’étage du dessous. Se rappelant une fois de plus ses compagnons, le fantôme afficha un large sourire et passa aussitôt au travers du plancher pour les retrouver.

CHAPITRE 2 LA BANDE AU GRAND COMPLET

Le manoir Menhir était constitué d’un rez-de-chaussée et de quatre étages ainsi que d’un sous-sol, il y avait à l’intérieur du bâtiment énormément de couloirs et de salles. Des majestueux tapis rouges aux motifs dorés décoraient le sol à beaucoup d’endroits et l’éclairage provenait uniquement de torches enflammées ou de lustres, vu que le manoir ne possédait ni le gaz ni l’électricité. Les tableaux accrochés aux murs étaient très nombreux et représentaient des gens vivants, mais également des objets ou des paysages actifs. Et il y avait désormais quelques habitants en plus de la bande, en grande majorité des fantômes et des armures.

Chauvénigme se trouvait de nouveau à l’intérieur du manoir et traversait le deuxième étage. Elle finit par croiser une étrange créature avec un corps de plante et une tête de citrouille. Cette dernière lui adressa aussitôt la parole :

— Mais c’est Chauvénigme ! On va pouvoir causer un peu toutes les deux.

— Avec plaisir, Citraplanta.

La chauve-souris suivit la citrouille dans une pièce qui avait l’aspect d’un jardin. Elles s’installèrent confortablement sur l’herbe au milieu de plantes exotiques assez dangereuses, certaines mesuraient plus de deux mètres. Tout comme Citraplanta qui avait un corps vert très volumineux avec deux bras longs et épineux ainsi que deux jambes. Elle portait des bottines noires à talons, des bas violets, une jupe noire et un tee-shirt rose un peu court, laissant à découvert son nombril rose qui dégageait une petite fumée de la même couleur. Sa gigantesque tête de citrouille orange avait des trous jaunes formant deux yeux, un nez et une bouche avec du rouge à lèvres rose. Enfin, un grand chapeau violet était posé sur ses longs cheveux verts. Citraplanta adorait la mode et les plantes qu’elle pouvait d’ailleurs contrôler alors que Chauvénigme se passionnait pour son métier de factrice. Un mystérieux pouvoir semblait la relier au courrier et elle savait toujours quand elle devait aller en chercher, ce qui lui permettait d’être très efficace et de l’apporter en un temps record. Elle se passionnait également pour les énigmes et elle lança soudainement à la citrouille :

— J’ai une nouvelle énigme, tu veux l’entendre ?

— Volontiers, répondit Citraplanta avec un air amusé.

— Génial ! Tu as un peu de temps pour réfléchir et tenter une seule réponse, voici l’énigme !

Chauvénigme s’assura que Citraplanta était prête avant de réciter lentement son énigme :

On peut m’entendre alors que je ne parle jamais.

Ma terrible puissance détruit de nombreuses vies.

Ma force peut empêcher ce qui bouge d’avancer,

Et se révèle pour certains la meilleure alliée ou la pire ennemie.

La citrouille se mit à réfléchir, mais sans parvenir à trouver la réponse alors que le temps passait terriblement vite. Elle commença à murmurer pour elle-même :

— Une chose est certaine, ce n’est pas une citrouille. Mais qu’est-ce qui peut bien se faire entendre sans parler et avoir en même temps une aussi terrible puissance ?

— Attention, il ne reste plus beaucoup de temps ! lança Chauvénigme au bout d’un moment. Il va falloir donner une réponse.

— Je ne trouve pas ! Ah, mais si ! Le vent ! cria Citraplanta avec un grand soulagement.

— Bravo ! C’est bien le vent ! Eh oui, le vent ne parle pas, mais on l’entend souffler. Les tempêtes tuent beaucoup de gens partout dans le monde. La force du vent peut nous empêcher d’avancer et devenir, selon sa direction, la meilleure alliée ou la pire ennemie pour les marins.

— Je me demande si beaucoup de personnes trouveront la réponse à cette énigme, dit Citraplanta avec un sourire rusé.

Elles continuèrent de discuter tranquillement et ignorèrent les plantes qui se livraient à des duels féroces en s’envoyant des jets de liquides empoisonnés.

Au premier étage du manoir se trouvait la salle casino, une pièce très colorée et remplie de jeux comme un baby-foot, une table de billard, une cible pour jouer aux fléchettes, des flippers, des machines à sous et des tables de jeu. L’une des tables servait uniquement pour le poker et un croupier fantôme y distribuait des cartes pour cinq joueurs : trois armures argentées, un vampire et un caméléon assis sur une chaise faite sur mesure pour lui afin d’être à la bonne hauteur.

Le vampire était assez grand et sa tenue avait beaucoup de classe : il portait des chaussures et des vêtements noirs, un nœud papillon rouge ainsi qu’une cape rouge et noir. Il avait des dents pointues, des cernes sous ses yeux noirs et des cheveux noirs. Quant au caméléon, seul son petit corps vert semblait ordinaire. Il portait un tee-shirt aux couleurs de l’arc-en-ciel qui recouvrait presque tout son corps et ses yeux noirs étaient bien cachés derrière des lunettes de la même couleur. Pour compléter le tout, il tenait un cigare marron dont l’extrémité produisait une fumée verte qui sentait la menthe. Il partageait avec le vampire une grande amitié, car ils étaient aussi perfides l’un que l’autre. Le vampire avait une petite dépendance au jeu depuis très longtemps et aimait particulièrement les jeux de cartes, il enchaînait donc les parties de poker avec le caméléon qui se passionnait pour ce jeu. Le caméléon adorait tromper les gens et pouvait faire preuve d’une incroyable ruse pour y parvenir, ce qui le rendait presque imbattable au poker. Et malgré son tee-shirt très coloré, il avait la faculté de se fondre dans l’environnement au point de devenir invisible.

— Alors, Caméléomorph, tu es satisfait de ton jeu ? lui lança le vampire en souriant.

— C’est une possibilité à ne pas exclure, Guinblood, répondit le caméléon avec malice tout en observant les cartes que le fantôme venait de lui distribuer.

Guinblood ne laissa rien paraître et misa quelques jetons, les armures et Caméléomorph suivirent le mouvement sans hésiter. Le vampire passa alors à la vitesse supérieure et poussa sur la table la moitié de ses jetons. Les trois armures abandonnèrent aussitôt, mais pas le caméléon.

— Ne sois pas fou, mon ami, dit Guinblood en regardant ses cartes. Il vaudrait mieux t’arrêter avant qu’il soit trop tard, tu ne crois pas ?

— Avec ce que j’ai en réserve ? Jamais de la vie !

— Très bien, répliqua le vampire. Tu ne t’en sortiras pas, cette fois !

Mais après un tour supplémentaire, Caméléomorph resta tout aussi décidé et la détermination de Guinblood vacilla dangereusement. Le vampire jeta un nouveau coup d’œil à ses cartes, à son carré de dix et à son adversaire qui affichait un sourire éclatant. Cependant, le sourire avait disparu très vite et Guinblood n’était même plus certain de l’avoir réellement vu. Perdu dans un affreux doute, il abandonna finalement avec fureur et laissa tomber ses cartes sur la table.

— Quel dommage ! s’exclama le caméléon en montrant les siennes. Je n’avais qu’une paire de deux !

— NON ! hurla le vampire en s’arrachant les cheveux tandis que Caméléomorph pouffait de rire. Pourquoi est-ce que ça finit toujours comme ça ?

Il régnait un silence absolu dans un couloir sombre du premier étage, jusqu’à ce qu’une créature effrayante surgisse soudain d’entre les ombres en poussant un cri affreux :

— Criiick !

La créature volait et avait l’aspect d’un papillon de nuit géant. C’était la Giga-Mite, parfois surnommée la reine des mites antiques. Elle pouvait dévorer n’importe quoi avec sa bouche énorme et ses longues dents pointues, sa gourmandise en faisait donc une terrible menace. Son corps tout entier avait une horrible couleur marron grisâtre, elle mesurait environ un mètre et pesait très lourd. Ses deux ailes gigantesques battaient à toute vitesse et ses yeux noirs en forme de bille regardaient partout à la recherche d’une bonne nourriture. Elle se dirigea vers un tableau qui représentait une tempête en pleine mer et l’observa avec appétit, prête à le dévorer. Un bruit retentit alors dans son dos, quelqu’un montait un escalier et s’approchait. Elle se retourna et vit une silhouette s’avancer dans le couloir.

— Criiiick ?

Après son cri, la Giga-Mite se contenta de fixer la créature qui lui faisait face : un zombie humain du nom de Van der Bobo. Il était Hollandais et parlait parfaitement français, mais avait parfois une curieuse tendance à allonger les mots. Sa tenue se composait de chaussures et de vêtements marron, déchirés par endroit. Leur très mauvais état s’expliquait par le fait qu’il passait un peu de temps sous terre. Van der Bobo était assez costaud et de taille moyenne. Il avait une peau gris clair, des yeux bleus et de longs cheveux blonds, ou plutôt jaunes, entièrement constitués de fromage pourri avec de nombreuses taches vertes. Ils pouvaient s’allonger très loin et prendre n’importe quelle forme.

— Et biiien, qu’est-ce que tuuu fais iciiiiiiiii ?

— Crick ?

— Hé ! C’est leeeee tableau tempête, ne reste paaas à côté de luiii !

Le zombie attrapa la Giga-Mite et la tira de toutes ses forces, mais elle ne bougea pas d’un millimètre.

— Alleeeez, vite ! Sinon, il vaaa y avoir duuuuuu dégât !

Une tempête se leva soudain autour d’eux et une grande vague surgit du tableau, elle les emporta en arrosant abondamment le couloir, avant de se déverser sur l’escalier et de terminer sa course au rez-de-chaussée. Van der Bobo et la Giga-Mite restèrent au sol quelques secondes dans la mare d’eau au pied de l’escalier, avant de se redresser.

— Aïe ! Je t’avaiiiis pourtant prévenuuue, lança le zombie d’un ton agacé en tentant d’essuyer ses cheveux gorgés d’eau.

La Giga-Mite s’envola avec un air attristé et secoua ses ailes pour se débarrasser de l’eau, ce qui trempa encore plus le zombie.

— Criick !

Il y avait parmi les pièces du rez-de-chaussée un grand salon très confortable avec des sièges, des canapés ainsi qu’un immense tapis gris. Un rideau rouge cachait les fenêtres, mais l’endroit était éclairé par des torches et par le feu d’une cheminée qui réchauffait l’atmosphère. Quelques tableaux occupaient les murs, l’un d’entre eux s’agitait beaucoup et représentait un clown qui ne cessait de jongler avec des balles de toutes les couleurs. Il s’arrêta toutefois quand deux créatures entrèrent dans le salon pour s’installer sur un long canapé afin de discuter : un squelette humain suivi de près par un épouvantail, tous deux très grands et minces.

L’épouvantail se nommait Fléo Lafaux et avait un corps ainsi que des cheveux en paille jaune, avec des chaussures orange et des vêtements de la même couleur qui ressemblaient à ceux des épouvantails. Il portait un large chapeau rouge sur sa tête grise et ses yeux entièrement rouges brillaient, surtout dans l’obscurité. Fléo avait un langage un peu particulier et un air très sympathique. Il tenait une longue faux qu’il ne quittait presque jamais, elle disposait d’un manche noir et d’une lame argentée très pointue.

Quant au squelette, il s’appelait Don Skull et était espagnol. Il parlait parfaitement français même s’il lui arrivait souvent de placer un mot de sa langue dans ses phrases. Son corps était vraiment très léger, car il ne lui restait plus que les os et les dents, ce qui ne l’empêchait pas de vivre normalement et même d’avoir la vue. Il portait une tenue élégante : des chaussures noires, un pantalon noir ainsi qu’une magnifique veste rouge. Un fourreau jaune et rouge contenant une épée bleue se trouvait accroché à sa ceinture marron, du côté droit puisque Don Skull était gaucher.

— Je me demande ce que fait le Menhir, dit Fléo. On ne l’a point vu depuis un moment, que je dis ! Il t’a parlé de quelque chose ?

— No, pas du tout. Il prépare peut-être le manoir pour les invités de demain.

— Il faudra que je fasse attention à l’heure, remarqua Fléo. C’est à moi de les emmener jusqu’ici, vouais.

Après avoir quitté le couloir des tableaux vidéo en traversant le plancher, le Menhir se retrouva dans un couloir du troisième étage. Il entendait une musique étrange qui provenait de derrière une porte, mais il n’y prêta aucune attention et jeta plutôt un œil autour de lui. Il vit alors une très grande armure dorée qui rampait par terre.

— Salut, ma chère Techno Armada, dit-il en souriant.

— Oh ! fit l’armure tout en s’arrêtant. Salut ! Je suis en train de nager.

— Je vois ça, répondit le fantôme d’un air sceptique. C’est toi qui as fait ce grand bruit, il y a quelques secondes ?

— J’essayais de marcher sur la tête, ça n’a pas été un grand succès…

Elle se releva brusquement et s’étira. C’était une armure joyeuse, impulsive et loufoque qui adoptait souvent un comportement dénué de toute logique. Son corps contenait des armes dangereuses et deux objets très différents étaient suspendus dans son dos : un grand Yo-Yo et un fléau. Le bas de son casque doré s’ouvrait chaque fois qu’elle parlait et le haut de son casque se terminait par une pointe.

— Les autres armures ne sont pas avec toi ? demanda le Menhir.

— Pas du tout, certaines se promènent dans les couloirs et les autres jouent au poker avec Guinblood et Caméléomorph à la salle casino.

— Tu veux m’accompagner au premier étage ? J’ai envie de voir tout le monde.

— D’accord ! Allons-y de ce pas !

Ils se tournèrent vers l’escalier au bout du couloir mais ne bougèrent pas, car quelqu’un était en train de le monter. La personne se rapprochait lentement, tout en chantant d’une voix affreusement sinistre :

Je suis un ouragan qui pleure dans les catalogues.

Vive le temps qui m’apporte un orgue.

Regardez qui voilà sur un tigre confortable,

C’est le rat qui loue les cartables.

Je n’aime guère ta tenue du soir,

Petite colère qui passe dans la foire.

Mange donc des moutons pour pâlir de stupéfaction.

Attrape des boutons et admire les répétitions.

Le Menhir et Techno Armada virent alors le chanteur, ce dernier ne montait pas l’escalier mais marchait au plafond et tout son corps se trouvait donc à l’envers. Il se mit à rire en remarquant qu’il n’était plus seul et descendit le long d’un mur pour finalement se retrouver à l’endroit sur le sol.

— Bien le bonsoir, mes joyeux amis !

— Bonsoir, Chanteur Dansant, dit le Menhir. Je suis heureux de voir que tu es toujours autant en forme.

— Salut, mon pote ! ajouta l’armure en donnant sur l’épaule du musicien une tape qui lui fit à moitié perdre l’équilibre.

Le Chanteur Dansant avait une apparence humaine, mais c’était en vérité un esprit frappeur. Passionné de danse et de musique, il avait un très grand talent artistique mais l’utilisait souvent d’une drôle de manière, que ce soit pour danser ou pour chanter. Cette étrangeté s’accentuait encore lorsqu’il se mettait dans un état qu’il nommait la déconnexion astrale, cet état d’esprit lui permettait de trouver encore plus facilement l’inspiration. Il était très grand, mince et entièrement vêtu d’un mélange de rose et de jaune : des chaussures jaunes, un pantalon rose, un manteau jaune, des gants roses et un grand chapeau rose. Il avait des cheveux blonds et un visage dissimulé par une sorte d’ombre noire qui laissait juste apparaître une bouche souriante jaune, un nez de la même couleur ainsi que des yeux entièrement rouges qui brillaient, comme ceux de Fléo. Mais contrairement au regard bienveillant de l’épouvantail, celui de l’esprit frappeur était rusé et faisait froid dans le dos.

— Vous descendez ? demanda-t-il. Dans ce cas, je vous suis.

Il se mit à danser n’importe comment tout en marchant. Le groupe croisa rapidement Chauvénigme et Citraplanta au deuxième étage.

— Alors ? s’exclama la chauve-souris en s’adressant au fantôme. Ça va mieux ?

— Beaucoup mieux ! Merci beaucoup à vous, mes chers amis. Allons tout de suite nous amuser avec les autres !

Ils descendirent les étages dans la joie et retrouvèrent rapidement le reste de la bande.

CHAPITRE 3 UN ACCUEIL TRÈS CHALEUREUX

Le lendemain matin, une forte impatience s’était emparée des créatures dans l’attente des invités qui devaient arriver vers 19 heures, avant de dîner et de passer la nuit au manoir Menhir. Chaque fois que le Menhir voulait recevoir des humains, il envoyait Chauvénigme à la recherche de personnes pour leur donner une lettre d’invitation. La sélection était faite uniquement parmi celles et ceux qui aimaient le surnaturel et qui ne tremblaient pas à l’idée de rencontrer la célèbre bande de monstres. Pouvoir aller dans un manoir hanté leur apparaissait comme une occasion géniale et unique dans une vie, un évènement qui laissait forcément des souvenirs inoubliables. Les invités n’étaient pas la seule distraction de la bande qui avait également l’habitude, en plus de ses activités quotidiennes, d’organiser de grandes fêtes et de somptueux dîners au manoir pour les nuits de pleine lune et d’Halloween ainsi que pour les anniversaires.

Le Menhir inspectait la chambre des invités située au deuxième étage pendant que d’autres fantômes s’activaient dans la grande cuisine au rez-de-chaussée, afin de préparer le gigantesque dîner qui devait avoir lieu le soir même entre la bande et les invités. Ils passaient dans la réserve voisine pour prendre tous les ingrédients nécessaires, avant de les poser sur de grandes tables pour pouvoir les travailler. Le Menhir avait choisi un menu grandiose et les cuisiniers fantômes ne devaient rien rater pour faire honneur à sa table. Ils ne restèrent pas seuls pour accomplir cette délicate mission, car Don Skull arriva pour accélérer le travail.

— Ah ! Monsieur Skull, dit l’un des fantômes avec soulagement. Vous voulez bien découper la viande avec votre splendide épée ?

— C’est comme si c’était fait, amigo, répondit le squelette en élevant son épée bleue à lame dorée au-dessus de la viande.

Les invités arrivèrent finalement en voiture, il s’agissait d’une famille composée de quatre personnes. La mère conduisait et suivait les instructions de la dernière lettre de Pierre Menhir en cherchant le petit chemin pouvant les mener sous les gigantesques nuages noirs. Elle avait les cheveux bruns et les yeux bleus tout comme son mari assis à côté d’elle. Leurs deux enfants s’agitaient derrière : une fille de 13 ans qui était le portrait miniature de sa mère et un garçon de 11 ans qui ressemblait beaucoup à son père. La mère aperçut enfin le chemin qui conduisait droit vers les nuages noirs et elle s’y engagea tout en remarquant qu’il passait entre de nombreux arbres, ils étaient tellement épais et rapprochés les uns des autres qu’ils cachaient entièrement le ciel. Malgré les phares de la voiture, les quatre humains ne virent quasiment rien devant eux et le brouillard violet qui apparut soudainement n’arrangea pas la situation.

— On est bientôt arrivés ? demanda le jeune garçon pour la quinzième fois au moins.

— Je ne sais pas, répondit le père avec un petit soupir. On va avoir du mal à trouver le manoir dans ces conditions.

Un grand grillage se dressa sur la route et la mère arrêta la voiture devant. Il n’y avait plus d’arbres au-delà, ils attendirent un peu et virent apparaître au loin une lumière flottante jaune qui se rapprocha rapidement, avant de s’arrêter de l’autre côté de la grille. Ils s’aperçurent alors qu’elle provenait d’une lanterne bleue portée par un étrange monstre aux yeux rouges. Ce dernier tenait dans son autre main une faux.

— En voilà un ! s’écria le petit garçon avec joie.

Ils sortirent de la voiture et virent que la créature était un épouvantail. Il s’adressa aussitôt à eux :

— Salut, chtiots amis ! Touchez point au grillage, je vais ouvrir la grille vite fait, que c’est vrai !

L’épouvantail déverrouilla la serrure avec une clé et la grille s’ouvrit immédiatement vers l’intérieur.

— Je serai votre guide, prenez vos chtiotes affaires et suivez-moi.

Ils prirent chacun une valise puis se dirigèrent vers l’entrée du domaine en frissonnant à cause de la température très fraîche, l’épouvantail referma la grille avant de ranger sa clé et de s’apercevoir avec surprise que les quatre invités avaient les yeux fixés sur lui.

— Bienvenue au domaine Menhir, mes chtiots ! lança-t-il avec joie. Je suis Fléo Lafaux, mais faut m’appeler Fléo, que je dis !

— D’accord, Fléo, que je dis ! s’exclama le petit garçon.

— Non, chtiot, juste Fléo.

La mère s’avança pour faire les présentations.

— Bonjour, Fléo. Voici mes enfants, Fleur et Hugo. Mon mari Damien, et je suis Claire. Nous avions envie de venir ici depuis des années !

— C’est chouette ! s’écria Fléo. Vous n’allez point être déçus, oh vouais ! On va se mettre en route tout de suite, le chtiot manoir est au nord et il n’y a qu’une seule route pour y aller à pied, que c’est vrai !

Une feuille passa près de l’épouvantail et toucha le grillage qui s’illumina brusquement en émettant un petit bruit.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Fleur en s’éloignant du grillage.

— Oh, c’est rien du tout, dit Fléo. Le grillage est entièrement électrifié, voilà pourquoi il ne faut point y toucher, que je dis ! Allons-y maintenant et ne quittez point la route Menhir, sinon vous serez perdus dans les chtiotes zones brumeuses.

Il se mit à marcher et les invités jetèrent un dernier coup d’œil à la voiture avant de le suivre, mais le brouillard était si épais qu’on ne pouvait déjà plus la voir. Pourtant, il y en avait moins sur la route qu’autour, dans les vastes endroits déserts du domaine qui se nommaient les zones brumeuses.

— On ne peut point aller jusqu’au manoir en voiture, par contre c’est possible en volant ou avec le chtiot train fantôme, reprit l’épouvantail tout en marchant. Mais aucun de nous ne sait voler et le train ne roule que la nuit, vouais.

Les invités levèrent la tête, mais il leur fut impossible de voir le ciel, car il régnait une obscurité quasi totale dans le domaine, seule la lanterne de Fléo leur permettait de rester sur le chemin, il était donc difficile de croire qu’il faisait encore jour. Ils virent rapidement un pont en bois qui passait au-dessus d’une curieuse rivière en forme de cercle, le courant était rapide et l’eau y tournait en rond à l’infini.

— Voici le pont des âmes et la chtiote rivière Follet, dit Fléo en ralentissant.

Des feux follets de toutes les couleurs apparurent soudainement dans les airs autour d’eux, il y en avait plus d’une centaine. Ils s’approchèrent et certains finirent même par toucher les quatre humains.

— C’est chaud ! s’écria Damien en tentant de repousser un feu follet rouge qui s’était posé contre sa joue.

— Non, c’est froid ! dit Fleur tout en chassant un feu follet bleu de son front.

— Vous inquiétez point, lança Fléo d’un air distrait. Ils sont assez curieux avec les visiteurs, que c’est vrai !

Les feux follets les laissèrent finalement tranquilles quand ils s’éloignèrent de la rivière, l’épouvantail s’arrêta peu de temps après au bord de la route.

— Regardez, mes chtiots ! C’est ici que j’habite.

Il quitta la route et sa lanterne éclaira un champ puis une cabane située un peu plus loin. Les autres observaient le champ et restèrent bouche bée.

— Fléo, dit Damien. Qu’est-ce qu’il y a sur ce champ ?

L’épouvantail posa sa lanterne sur le champ et se pencha sur ce qui poussait dessus.

— Ma nourriture, expliqua-t-il en leur montrant une bouteille contenant un liquide noir et une barre de chocolat dans un emballage. Du Foca-Fola et des barres Finder, on peut aussi en trouver dans vos chtiots magasins, mais ici c’est un peu différent. C’est naturel et bien meilleur, que je dis ! Je ne bois et ne mange que ça, faut dire que c’est les seuls aliments comestibles pour moi, oh vouais !

Les quatre humains observaient toujours les bouteilles plantées dans le sol et les nombreuses rangées de barres chocolatées alignées devant eux. Fléo reprit sa lanterne et les guida de nouveau sur le chemin. En s’approchant du deuxième pont en bois permettant de franchir la rivière, ils croisèrent encore des feux follets. Ces derniers ne se contentèrent plus de se poser sur les invités mais volèrent en grand nombre devant leurs visages et les aveuglèrent.

— Ces trucs sont vraiment bizarres ! s’exclama Fleur.

— Ils sont en forme aujourd’hui, remarqua Fléo qui n’était pas gêné par un seul d’entre eux. Nous arrivons au pont des ténèbres, mes chtiots.

Les feux follets se mirent soudainement à rire, ou plutôt à ricaner :

— Hi hi ouh hi hi ! Hi hi ouh hi hi !

Leurs voix étaient affreusement aiguës et résonnaient fortement aux alentours.

— Lâchez-nous, sales pestes ! cria Claire qui ne voyait plus rien.

Elle tenta de les repousser avec de grands gestes mais finit par se donner un coup en plein sur le nez.

— Point d’inquiétude ! intervint Fléo. Nous sommes passés.

Les feux follets les abandonnèrent effectivement pour retourner vers la rivière. Au grand étonnement des invités, ils s’assemblèrent tous pour former une bouche géante multicolore qui leur tira la langue avec énergie.

Après une courte pause, Fléo et les quatre humains reprirent leur marche. Des arbres commençaient à se dresser de chaque côté de la route.

— Regardez, mes chtiots, nous arrivons dans le bois enchanté.

— Il y a des bêtes, là-dedans ? demanda Fleur avec une petite appréhension.

— Vouais, chtiote, il y en a plein ! Des arbres, des chouettes, des hiboux, des plantes, des loups. Et beaucoup d’autres, que je dis !

Les invités pénétrèrent dans le bois en échangeant des regards inquiets et l’obscurité encore plus totale du lieu n’arrangea rien. Ils entendaient à présent, ou avaient l’impression d’entendre, toutes sortes de bruits étranges. Il ne leur fallut pas longtemps pour se convaincre que quelque chose ou quelqu’un les suivait. Le chemin tourna brusquement vers la gauche et les plongea dans le cœur du bois, des hululements sinistres retentirent près d’eux et l’horreur saisit les quatre humains quand ils remarquèrent la présence d’une gigantesque meute de loups aux alentours. Après quelques secondes, Claire se rendit compte que les autres regardaient aussi quelque chose qui se trouvait juste derrière elle. Se préparant au pire, elle se retourna et fit un grand bond en arrière : deux immenses yeux jaunes et brillants étaient fixés sur elle. Ils appartenaient à un arbre vivant qui tenait une cigarette dans sa bouche, il parla à Claire avec une voix grave et lente :

— Enchanté, petite humaine. J’ai besoin de feu pour ma cigarette, tu as un briquet sur toi ?

— Non, répondit Claire en reculant lentement. Je suis désolée, monsieur…

— Dommage…

Fléo s’approcha et se servit de sa lanterne pour allumer la cigarette, l’arbre se mit à fumer avec un grand sourire.

— Merci, vieux !

— De rien, chtiot !

L’épouvantail et les invités se remirent en chemin et entendirent de nombreux chuchotements, à présent des yeux s’allumaient un peu partout sur leur passage. Après quelques minutes de marche, une créature volante très étrange fit son apparition : elle avait l’apparence d’une gigantesque guêpe, mais sa tête était celle d’une hyène.

— C’est quoi ? demanda Hugo en entendant la créature ricaner.

— Une guêpyène, répondit Fléo en s’arrêtant. C’est une espèce commune ici, vouais ! Comme les tortruches et les girapillons. En voilà justement, que je dis !