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Les Gourmets de Lettres

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Beschreibung

Introduction à "La guerre au Coronavirus" A la suite de la situation inédite que nous avons vécue lors du premier confinement, les gens de plume de l'association littéraire "Les Gourmets de Lettres", étaient appelés par leur Président Pierre Léoutre à participer au concours de nouvelles ouvert à tous, organisé jusqu'au 30 juin 2020. Elles devaient commencer par la phrase suivante : « Aujourd'hui, 16 mars 2020, le Président de la République vient de déclarer La guerre au Coronavirus. » et ne pas dépasser 9 pages. Les meilleures sélectionnées par le comité de lecture devant être publiées dans un recueil de nouvelles édité par l'association « Les Gourmets de Lettres », en voici les résultats avec les meilleurs textes reçus. Pierre Léoutre Président de l'association « Les Gourmets de Lettres » 06 51 08 36 90 [email protected] www.facebook.com/lesgourmetsdelettres www.gourmetsdelettres.com

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Les Gourmets de Lettres

Créée en 2005 à Toulouse, à l’initiative de Yanne Rebeschini-Descaire, cette association a pour mission de promouvoir la lecture, la création littéraire émanant d’auteurs affirmés ou de jeunes talents. Tout au long de l’année, Les Gourmets de Lettres organisent plusieurs événements ouverts au grand public. Le premier mardi de chaque mois, l’un de ses membres présente un écrivain et son livre au cours d’un dîner. S’ensuivent un débat et une séance dédicaces accompagnée de la vente de l’ouvrage. Deux fois par an également, l’association convie les passionnés à deux soirées poésie. En octobre, place au salon du Livre à l’Hôtel d’Assezat ; une manifestation qui s’étoffe avec la présence désormais d’une soixantaine d’auteurs.

Les Gourmets de Lettres - 160, avenue de Grande Bretagne 31300 Toulouse.

www.facebook.com/lesgourmetsdelettres

www.gourmetsdelettres.com

Sommaire

Les Gourmets de Lettres

Introduction à « La guerre au coronavirus »

Où l’on verra que le pire n’est pas toujours le sûr.

Coronalisa et le confinement

Une allocution mémorable

Hydroxychloroquine

Joyeuses Pâques

La guerre du Covid-19 !

La valeur du sang

Journal de confinement de Léopold Decoll

La liberté est de l’autre côté

Phaedra

Introduction à « La guerre au coronavirus »

À la suite de la situation inédite que nous avons vécue lors du premier confinement, les gens de plume de l’association littéraire « Les Gourmets de Lettres », étaient appelés par leur Président Pierre Léoutre à participer au concours de nouvelles ouvert à tous, organisé jusqu’au 30 juin 2020.

Elles devaient commencer par la phrase suivante : « Aujourd'hui, 16 mars 2020, le Président de la République vient de déclarer la guerre au coronavirus. » et ne pas dépasser 9 pages.

Les meilleures sélectionnées par le comité de lecture devant être publiées dans un recueil de nouvelles édité par l'association « Les Gourmets de Lettres », en voici les résultats avec les meilleurs textes reçus.

Pierre Léoutre

Président de l'association « Les Gourmets de Lettres »

(2019-2020)

06 51 08 36 90

[email protected]

www.facebook.com/lesgourmetsdelettres

www.gourmetsdelettres.com

Où l’on verra que le pire n’est pas toujours le sûr.

« Aujourd’hui 16 mars 2020 le Président de la République vient de déclarer la guerre au coronavirus. »

« Diable, diable, » dit-il en se frottant le crâne, quand le 17 mars ce gros titre lui sauta aux yeux dans le journal, ce journal qu’il lisait, comme souvent, avec un temps de retard, non par oubli ou négligence, mais délibérément. Ne fallait-il pas faire mentir ce substantif, « journal », qui laisse entendre que chaque jour il se passe quelque chose et que chaque jour on est à même d’en parler judicieusement, et que d’ailleurs chaque jour, quoi qu’il arrive on est en état de publier et de diffuser le quotidien, certitude présomptueuse que les événements se font parfois un malicieux plaisir de mettre à mal ?

Que révélaient ce geste et cette interjection d’un autre temps, par lesquels il se donnait le plaisir, goûté de lui seul, en esthète, de parodier Victor Hugo ? Qu’il ne se laissait pas troubler par l’annonce, et qu’il allait y penser. Puis la pensée se mit en route, et il se dit qu’après tout il n’était pas bon de penser trop vite, qu’il était temps d’attendre pour réagir, et qu’il lui fallait digérer la nouvelle et prendre la mesure de la situation.

C’était un homme réfléchi, qui croyait aux vertus de la lenteur, qui prenait le temps de soupeser les choses et les gens, un cérébral peu enclin aux émotions, qui avec constance sollicitait ses « petites cellules grises » et veillait à prendre « le bon bout de la raison » : plus proche toutefois de Poirot que de Rouletabille, par son âge et sa pondération, et ce crâne d’œuf qu’il avait coutume de caresser en face de tout problème, reproduisant plus ou moins consciemment, le geste rituel d’imploration dédié aux représentations des divinités ou des saints…

Il sortait peu, depuis sa retraite, évitait les mondanités et les voisins, toujours poli mais à distance et sans plus, se faisant peu d’illusion sur l’espèce humaine, qu’il observait quasi cliniquement, dardant sous ses sourcils broussailleux un regard froid et pénétrant : il connaissait la légèreté des hommes, l’inconstance de leurs décisions, la vanité des protestations d’amitié ou des marques d’intérêt…

Il regardait peu la télévision, refusant l’envahissement d’une actualité à laquelle il était bon, selon lui, de toujours laisser le temps de refroidir. D’ailleurs plus brûlante était cette actualité, plus il différait le moment d’y entrer, estimant qu’il est souvent urgent d’attendre, préférant d’ailleurs à l’instantanéité de la télévision le journal qu’il recevait par la poste, les hebdomadaires, et certaines émissions de fond à la radio… Il était de ceux, espèce anachronique sans doute, qui auraient pu, comme ce vieux secrétaire qu’il se rappelait vaguement avoir croisé en lisant les Thibaut, se cantonner à la lecture de vieux journaux : après tout, les comportements humains ne sont-ils pas toujours les mêmes, et les événements une répétition obstinée ? Il avait toutefois le bon sens de se tenir suffisamment au courant, afin d’adapter au mieux sa conduite.

La nouvelle digérée, la première pensée clairement formulée qui lui vint à l’esprit, héritage d’une longue tradition familiale puisqu’il tenait la formule de son père et celui-là de son propre père fut : « On n’est pas sorti de l’auberge », formule par laquelle il marquait sa distance par rapport à l’événement, et toutefois, en l’occurrence, parfaitement congruente aux circonstances, puisqu’en effet, pour une certaine durée, à définir au fur et à mesure, en fonction de l’évolution de l’épidémie, on ne risquait pas de sortir d’une auberge dans laquelle depuis quelques jours déjà il n’était plus possible d’entrer.

Puis la pensée se développa et se ramifia, où se mêlaient aux considérations pratiques des idées de toutes sortes, qu’on aurait pu voir flotter comme de petits panaches de fumée ou des bulles de BD au-dessus de sa tête, ou que parfois il marmonnait, livrant dans ses soliloques jugements et critiques tandis qu’il organisait le quotidien. Étrange personnage, qui ne demandait rien à personne, un solitaire, un peu grincheux, qu’on aurait été tenté de moquer, mais qu’on craignait un peu…

Tandis que scrupuleusement il renseignait l’attestation qui devait accompagner et justifier toute sortie en ces temps où chacun était invité fermement et plusieurs fois par jour, menaces d’amendes à l’appui, à rester chez lui pour éviter de propager le virus, on aurait pu entendre, ou lire dans la bulle qui flottait au-dessus de sa tête, le doute et la contestation. « Déclarer la guerre à un virus, quelle idée ! ». « J’imagine le ton martial et l’œil fixé sur la ligne bleue des Vosges : il faut avoir le physique de l’emploi et mieux vaut maîtriser le parcours du combattant ! ». « Comme si on pouvait attaquer un virus microscopique à la mitrailleuse ou au lance-roquettes ! Va-t-on comme le Caïn de La Légende des Siècles lancer le soir « des flèches aux étoiles » pour essayer d’atteindre cet ennemi invisible ? ». « D’ailleurs n’est-ce pas ce satané virus qui a déclaré la guerre ? Tâchons au moins d’assurer au mieux la défense ! ».

S’il était réservé sur cette « déclaration de guerre », il ne contestait pas les dispositions prises, dont les chinois, chez qui il admirait le sens de l’organisation, avaient donné l’exemple : ce confinement imposé qui arrêtait la vie lui paraissait nécessaire, et il s’adapta sans difficulté. D’ailleurs que la vie se figeât soudain ne changeait pas grand-chose à ses habitudes : il se mêlait si peu à la vie du dehors !

Les rares fois où il était amené à sortir il prenait grand soin de se tenir à bonne distance des gens, autant pour appliquer la règle que pour suivre sa pente naturelle, n’ayant pas de propension aux embrassades : le contact physique l’avait toujours mis mal à l’aise… « Mais où a-t-on déniché cette « distanciation sociale » ? À qui la devons-nous ? À quelque pédant de service, sans doute ! Heureusement qu’on prend la peine de traduire régulièrement cette formule sibylline ! ». Et tout en respectant scrupuleusement la distance minimum d’un mètre, il imaginait d’étranges cosmonautes, des corps graciles surmontés d’un énorme globe de deux mètres de diamètre où flottaient d’invisibles gouttelettes chargées de coronavirus…

Retraité depuis peu, exempt donc de soucis professionnels ou pécuniaires, il pouvait réfléchir tranquillement aux mesures à prendre : d’intendance d’abord, car si on a parfois soutenu que « l’intendance suivrait », l’expérience apprend qu’on a intérêt souvent à ce qu’elle prenne les devants.

Il découvrit alors sans réelle surprise les queues devant les supermarchés, le pillage des rayons, les chariots débordant de provisions et le « chacun pour soi ». Sans illusions sur les conduites humaines, il reconnaissait là les excès auxquels peuvent conduire la panique et les mouvements de foule, et il se rappelait, goguenard, les conserves de petits pois accumulées par ses grands-parents lors des événements de 1968, ces petits pois du dimanche dont la consommation répétitive et forcée l’avait dégoûté à jamais, malgré son intérêt tout intellectuel pour la double appartenance de ce légume, qui retrouve sa catégorie de légumineuse à l’âge adulte…

« Finalement, je ne sais pas où en sont les opérations sur le terrain, et ce qu’il en est des « déclarations de guerre » mais on est bel est bien en « état de guerre » ! Ces queues qui s’allongent devant les supermarchés sont celles qu’on voyait devant les magasins d’alimentation au temps de l’Occupation… ».

Bientôt vinrent les dénonciations, qui affluèrent, pour désigner aux autorités des voisins qui sortaient sans nécessité et transgressaient les règles du confinement, ou des gens qui fuyaient la grande ville, menaçant de transmettre leurs virus à des localités tranquilles qu’ils exposaient en outre à la pénurie alimentaire. Panique, exode, consignes multipliées, méfiance, peur de l’autre, tous les ingrédients de l’état de guerre… Ces dénonciations ne l’étonnaient pas. « Pour le coup nous voilà revenus au beau temps des lettres anonymes qui inondaient la police de Vichy ! ».

Il avait l’habitude de la solitude, il se voyait exempté par le confinement imposé des quelques obligations sociales auxquelles en temps normal sa philosophie misanthrope ne pouvait se soustraire. « La généralisation du télétravail m’aurait bien convenu, dans la vie active ! Dommage ! ». Il disposait d’une bibliothèque bien fournie, d’une tête apte à raisonner, de temps pour de longues discussions avec lui-même, rien ne lui manquait de ce qui était nécessaire à sa vie frugale. Il se suffisait… Dans sa vie parfaitement organisée aucun vide, aucune faille où puissent s’insinuer l’ennui ou l’inquiétude. Ce confinement lui allait comme un gant !

Il n’allait pas chanter, sinon peut-être sur le mode ironique, « Ah Dieu ! Que la guerre est jolie », conscient tout de même que trop de gens mouraient de cette maladie inconnue, et que se profilait une grave crise économique et sociale, mais il échappait à la panique ambiante, suspendu dans son « pensoir » au-dessus de l’agitation générale, tel le Socrate des Nuées d’Aristophane, jouissant d’une parfaite tranquillité.

C’est du moins ce qu’il éprouva d’abord dans ses journées bien réglées, où tous les instants étaient occupés par des activités variées depuis les exercices physiques du matin, qu’il n’avait jamais négligés, jusqu’au coucher, toujours à la même heure, et au glissement dans un sommeil réparateur. « Des journées bien réglées et bien remplies, occuper le corps et l’esprit, discipline, voilà le secret ! On résiste à tout, même à l’enfermement ! ». Il se rappelait Xavier de Maistre écrivant le Voyage autour de ma chambre pendant ses quarante-deux jours aux arrêts…

Insidieusement des fissures très fines, presque imperceptibles, se firent dans ce cocon parfait, et bizarrement le gant si bien ajusté se mit à le gêner. C’est qu’il se voyait à présent interdit l’accès à ce monde extérieur auquel auparavant il interdisait l’accès jusqu’à lui ! Il n’était plus le maître ! Absurdement, il éprouva un vague sentiment de privation… Comble de malchance, lui qui avait des dents parfaites sentit un soir une sensibilité inhabituelle au froid ; allait-il avoir besoin de consulter un dentiste ? « Mais justement les dentistes ont fermé leur cabinet ! ». Heureusement la sensation désagréable ne revint pas, mais il garda de l’épisode une irritation latente, la pensée que le monde extérieur pouvait venir à lui manquer au moment du besoin.

Les nouvelles du monde qu’il tenait auparavant à distance raisonnable ne lui étaient plus apportées par son journal, que la Poste, qui avait cessé de fonctionner, ne lui distribuait plus. Quelle tranquillité eût été auparavant cette absence de journal ! Il la ressentit bientôt comme un désagrément, puis comme un manque, il fut pris par le désir de savoir, et il se laissa aller à regarder les informations télévisées, puis à les regarder régulièrement, puis à éprouver le besoin de plus d’informations. Il se mit peu à peu à s’attarder devant les chaînes d’information en continu, gagné insidieusement par le besoin de connaître l’issue des batailles quotidiennes.

Voici qu’il veillait le soir devant le sinistre décompte des morts, qu’il se découvrait concerné par cette mort qui emportait des personnalités connues du monde des arts ou de la politique. Il voyait l’agitation des soignants, braves petits soldats cernés de toutes parts, défendant pied à pied, menacés d’être débordés par les attaques incessantes ; comme les femmes sur les remparts de Troie il suivait, le cœur palpitant, les phases du combat.

Il assistait à des débats passionnés sur les manquements de tel ou tel responsable des manœuvres, sur une absence d’anticipation, sur des tactiques sans vision, sur des approvisionnements mal gérés, débats sans fin où d’aucuns, se faisant accusateurs, contestaient le général en chef, et se voyaient bien à sa place ; il entendait les noms étranges d’armes qu’on disait efficaces, comme l’hydroxychloroquine ; il voyait s’empoigner sur l’emploi de ces armes des scientifiques éminents, lui qui avait toujours cru à la rigueur de la science… Il tremblait pour l’issue d’une bataille menée dans la désunion…

Terminée à jamais la belle organisation de ses journées ! L’inquiétude la bouleversait, il s’était désuni, et ne parvenait pas à retrouver le rythme de sa vie.

L’image du coronavirus, omniprésente sur les écrans, finit par l’obséder : malgré sa répugnance il ne pouvait détourner les yeux de ce globe à l’enveloppe bleuâtre et squameuse et aux étranges inflorescences rougeâtres. Il le voyait rôder, sournois, visant les yeux, le nez, la bouche, ce par quoi nous voyons, nous respirons, nous mangeons et parlons, ce par quoi nous vivons… Une angoisse inattendue rendait inopérante la compagnie des livres et stérile la pensée.

Il se prenait à penser à tous ces inconnus que l’ennemi abattait, qui souffraient, qui mouraient loin des leurs : qui étaient-ils ? Quelle était leur vie ? Qu’advenait-il de leur famille, de leurs proches, qui ne pouvaient les accompagner ? Que devenaient leurs chiens, ou leurs chats, s’ils avaient la compagnie d’un animal familier ? C’était bien la première fois qu’il se souciait de chiens ou de chats ! Il ne se reconnaissait plus lui-même !

Il se mit à ressentir un besoin de proximité avec ces frères humains qu’il tenait naguère à bonne distance, un besoin de quelqu’un à qui parler, avec qui partager ce qu’il éprouvait. Il aurait même eu plaisir à échanger quelques mots avec ce voisin peu aimable qu’avant cette guerre on voyait passer le matin le nez dans son journal, absorbé en apparence par une lecture qui lui permettait de ne pas voir son chien poser culotte juste devant une porte, ou encore avec cette voisine au sourire permanent et à l’amabilité intrusive.