Recueil des meilleures nouvelles des jeunes - Les Gourmets de Lettres - E-Book

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Les Gourmets de Lettres

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L'association "Les Gourmets de Lettres" organise, chaque début du mois d'octobre, son salon du livre placé sous l'égide de l'Académie des Jeux Floraux à l'Hôtel d'Assézat, rue de Metz à Toulouse. Toujours soucieux d'encourager la création littéraire, les "Gourmets de Lettres lancent préalablement un Concours de la Nouvelle pour les jeunes de 14 à 22 ans de la Région. Il est ouvert soit à une classe, soit à titre individuel. L'organisation de ce concours a été confiée à l'auteur de livres d'humour et jeunesse Guy Mothe, sous la présidence de Yanne Rebeschini ; Jacqueline Carassus est longtemps restée Présidente de ce Jury. L'association "Les Gourmets de Lettres" souhaite ainsi encourager les jeunes plumes et leur donner le goût de la littérature. Pierre Léoutre Président de l'association "Les Gourmets de Lettres"

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TABLE DES MATIÈRES

Introduction

Préface de Jacques Arlet

Meilleures Nouvelles reçues en 2018

Adieu Temps et autres concepts

Princesse des Abysses

Nuit Trouble

C’était une fin d’après-midi

Dans le bleu d’une Nuit d’Antan…

Meilleures Nouvelles reçues en 2017

Pour que l’on rêve encore

C’étaient eux les étrangers…

Un inquiétant passager

Meilleures Nouvelles reçues en 2016

Souvenir d'enfance

Elle m’a choisie

Sur les pas d’une autre

Meilleures Nouvelles reçues en 2015

M. P.

Peur de la peur

Meilleures Nouvelles reçues en 2014

La face cachée de la Lune

Statut : Trompée

Meilleures Nouvelles reçues en 2013

Une délicieuse tempête

Le vent l’emportera…

Meilleure Nouvelle reçue en 2012

Au bord du luxe

Dépôt légal : mars 2019

Introduction

L'association « Les Gourmets de Lettres » organise, chaque début octobre, son salon du livre placé sous l'égide de l'Académie des Jeux Floraux à l'Hôtel d'Assézat, rue de Metz à Toulouse.

Toujours soucieux d'encourager la création littéraire, les « Gourmets de Lettres » organisent préalablement un Concours de la Nouvelle pour les jeunes de 14 à 22 ans de la Région. Il est ouvert soit à une classe, soit à titre individuel. L'organisation de ce concours a été confiée à l'auteur de livres d'humour et jeunesse Guy Mothe sous la présidence de Yanne Rebeschini ; Jacqueline Carassus est longtemps restée Présidente de ce Jury.

L'association « Les Gourmets de Lettres » souhaite ainsi encourager les jeunes plumes et leur donner le goût de la littérature.

Pierre Léoutre Président de l'association « Les Gourmets de Lettres »

Remise du prix de la nouvelle à Françoise Bercot lors du salon du livre des Gourmets de Lettres 2016, à Saint Pierre des cuisines, par Jacqueline Carassus, présidente du Jury de la Nouvelle.

Préface

Il y a quelques années l’Association « Les Gourmets de Lettres » a créé, à l’occasion du salon du livre, un nouveau prix destiné aux adolescents ; le Prix de la Nouvelle pour les Jeunes.

C’est une remarquable réussite que l’on doit à Yanne Rebeschini-Descaire fondatrice de l’association, et Jacqueline Carassus, longtemps restée Présidente du Jury. Il semble que cette forme littéraire plaise aux adolescents français plus que le roman, forme plus lourde et plus complexe, qui est la préférée des adultes chez nous où la nouvelle est « l’enfant rebelle de la littérature française ».

Cela n‘est pas le cas chez nos voisins anglo-saxons qui, depuis le XIXe siècle se plaisent dans cette forme de récit qu’ils appellent Short Story qu’aimaient Edgard Poe et Henri James et qui valut un Prix Nobel à Alice Munro en 2013.

Le Jury, heureux de l’intérêt des réponses de ces collégiens depuis 2012, décida de faire un livret des nouvelles les plus réussies et de l’imprimer. Ces nouvelles ne manquent ni d’imagination ni de poésie ; leur seul lien est fourni par le thème choisi chaque année :

2018 : Il y a de l’orage dans l’air

2017 : L’étrange étranger (ère)

2016 : Pour un premier voyage, ce fut un sacré

dépaysement…

2015 : Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier…

(clin d’œil au livre de Patrick Modiano.)

2014 : Quels drôles d’amis sur Facebook !

2013 : Le vent

2012 : La Garonne

Les auteurs les plus nombreux n’ont que quatorze et quinze ans, d’autres sont des étudiants de vingt et un ou vingt-deux ans ; c’est la preuve que les jeunes auteurs aiment bien écrire. Ils méritent qu’on les aide pour que leurs qualités s’épanouissent, peut-être dans des ateliers d’écriture et en leur conseillant de suivre les propositions anglo-saxonnes : ni trop court ni trop long, moins de sept mille mots, une histoire centrée sur un événement, avec un petit nombre de personnages et une fin inattendue !

Jacques Arlet

Académie des Jeux Floraux de Toulouse

Meilleures Nouvelles reçues en 2018

Thème de l’année : Il y a de l’orage dans l’air…

- Vincent HATEM (15 ans) pour « Adieu Temps et autres concepts ». Élève au Collège des Ponts-Jumeaux à Toulouse (31).

- Manon SELLIER (17 ans) avec « Princesse des Abysses » Élève au Lycée Bellevue à Toulouse (31).

- Marie SAUVIAC (17 ans) avec « Nuit trouble » au Lycée Bellevue à Toulouse (31).

- Anna PEIX (14 ans) pour « C’était une fin d’aprèsmidi » en 2e générale et technologique au Lycée Germaine Tillion de Castelnaudary (11).

- Christophe LOZANO (18 ans) avec « Dans le bleu d’une nuit d’antan » Élève au Lycée Sainte Marie de Nevers à Toulouse (31).

Adieu Temps et autres concepts

Les ruelles sinueuses de la vie brûlante paraissaient comme les fonds fumants du Styx. Derrière les vitres fondantes sur les barreaux ardents du balconnet, les trottoirs et les réverbères criaient à l’unisson, dans leurs souffrances quotidiennes. Les bâtiments semblaient se mouvoir dans une respiration asthmatique, comme une truie toute faite de béton et débordante de parasites, agonisante sous mes yeux.

Le ciel suait dans ses chaleurs, étouffant la cité pourpre entre ses mains moites. Les masques blancs, bonheur des fourmis endimanchées, gouttaient dans les flaques d’asphalte. L’organe sanguinolent qu’était cette ville, pleine de pus et de coupures, semblait attendre sa fin ; attendre le tout dernier coup d’épée dans ses chairs, emportant l’honneur avec la vie. Le dehors était un amas de viandes suffocantes et de rêves en putréfaction.

Je m’adonnais à mon seul plaisir en ce monde : le vomissement d’une haine généralisée.

La vue de derrière mes carreaux était parfaite. En effet, je pouvais observer tout ce qui me dégoûtait, y compris les couleurs urines et jaunâtres qu’adoptait le ciel, un soir d’avant-orage. Enfiévrée et mourante, la vie de la termitière allait s’achever dans les larmes célestes.

Rien ne valait la peine d’être vu, ni même vécu. Le dehors était vomitif, et l’intérieur insalubre. Des mouchoirs de remords sur le sol, des posters de regrets sur les murs et des flacons de malheurs sur la table. La petite rose dans son vase me regardait avec mépris depuis trop longtemps. Pourtant il y avait encore une flamme, une flamme alimentée par l’huile des pilules blanches et des prescriptions trop faibles.

Le barrage malade qu’était cette chambre ne résisterait plus longtemps. Le dégoût qu’il contenait, mêlé à la haine et à la tristesse ne tiendrait pas l’orage supercellulaire qui fonçait sur la ville.

Mon cœur était empli de pétrole en fusion et mon corps, de lave crasseuse. Lorsque les mots arrivaient à passer le portail grinçant de mes lèvres, une bouillie noire et visqueuse en émergeait. Elle allait s’écraser sur le sol, le sofa et les amitiés. À vrai dire, il ne restait rien en mon sein d’humain. Mon être n’était plus qu’un fin linceul blanchâtre et translucide, ramassant ses pieds contre le parquet et les ombres. La réalité au goût de grisaille s’était installée au fond de ma gorge, comme un parasite marin. La résolution de ma vie s’était tout d’abord assombrie, puis brouillée, et maintenant je nageais dans un océan de pixels uniforme. Était venu le temps où j’oubliais les heures, les semaines et mes années d’existence.

Ma cervelle était similaire à la représentation que je me faisais de la métropole. Mon crâne était devenu mégalopole.

Mes méninges bouillonnaient ; elles couraient dans tous les sens, comme une colonie de cafards dans une boîte de conserve. Ils grouillaient entre mes fonctions motrices et dévoraient mon cerveau.

Le soleil avait décliné, l’orage recouvrait désormais la cité cadavérique. Il était massif, écrasant, comme une épaisse couche de nuit essayant de masquer l’en-dessous. Un cache-misère qui avait pour but de la détruire, de la purifier par les eaux.

C’est alors que tout se met à gronder. La meute affamée qui rôde dans le ciel se réveille. Mes mains automatisées ouvrent grand les portes automatisées ouvrent grand les portes-fenêtres, laissant le poids assourdissant de la rue s’ajouter à celui de mes ombres.

Une lame s’enfonce soudainement dans mon cœur. Je tremble comme un drapeau sous les vents. Je renverse les pilules dans mon œsophage, trop peut-être ; ma bouche devient banquise. Les grondements explosent au-dehors ; il pleut. Ma langue commence à s’échauffer et mes yeux se mettent à fondre. Je regrette, et souris.

Des milliers d’ombres me frappent. Elles pleurent, se déchaînent, m’anéantissent. Je me meus en bouillie informe, glissant sur les pavés d’argent de mon université. J’avance vers les portes et une nuée de talons m’enfonce et m’arrête. Deux ombres tout sourire me regardent et…

Le ciel s’extasie de me voir ainsi. Il m’arrache le poids mort qui logeait dans ma poitrine, le souffle et devient poussières d’étoiles. Les pavés sont océan et m’envoient par le fond. Je sombre dans le puits de ténèbres ; une rose pleure sur la chose informe que je suis devenu.

Mon esprit s’effrite en château médiéval. Assez loin pour me perdre dans l’inexploré et trop haut pour voir Icare. Mes ailes baveuses ne sont que rêves. Mes pensées se déconstruisent et s’amoncellent dans la grande benne à ordures de mon existence. Prêt à être recyclé, je deviens journal sous la pluie.

La tête par-dessus le balcon, sous le rideau impénétrable de la pluie, je vomis le dernier globule rouge de mon vivant.

Je me suis. Tu avais. Il était temps de. Nous nous sommes. Vous étiez. Elles ont. Merci l’orage ; pardon l’eau, bravo la rage. Ne sais plus. N’ai jamais su. Ne saurai plus jamais. Yeux pleuvent. Esprit fond. Adieu Temps et autres concepts.

La pluie, la nuit avaient cessé. L’orage n’était plus dans l’air mais sur terre. La chambre dénombrait ses blessés. Le vase à rose, la table en verre, la vie de chair.

Le ciel s’éclaircissait déjà un peu depuis qu’il était parti… l’orage.

Vincent HATEM. (15 ans)

« Adieu Temps et autres concepts »

Princesse des Abysses

Ô lumière de ma vie, ô ange de mes nuits, je me souviens de vos beaux yeux, noirs, tels les reflets de l’océan dans ses plus obscurs soirs. Il est des jours, il est des nuits, il est parfois même des moments hors du temps, à l’infini, où je m’y noie à nouveau. Rêvant, éveillée, de sentir une fois encore les larmes de vos sombres yeux tomber sur mon épaule, pluie de rêveries et de peines que j’aimais à soulager de mes baisers sur vos joues mouillées, de mes mots d’amour les plus sincères au creux de vos oreilles, de mes mains qui serraient les vôtres, ne vous laissant jamais partir, au grand jamais. Je me souviens de vous, mais de moi, vous en souvenez-vous ? J’aime à me remémorer chaque instant en votre présence, mais le plus beau d’entre tous me reste le plus douloureux, et pour rien au monde je ne voudrais l’oublier, pour rien au monde je ne voudrais vous oublier. Vous souvenez-vous de ceci :

Nous marchions sur la plage d’une crique, pieds nus, main dans la main, au bord de l’océan un beau soir d’été. Les vagues caressaient doucement nos pieds. La ville était bien loin, et nos soucis évaporés dans la brise fraîche de la soirée. Nos tourments s’en étaient allés avec le soleil qui déclinait à l’horizon, se couchant sur le lit de l’océan, y reflétant un sublime reflet d’or qui laissait à penser que la profondeur de ces eaux recélait plus de richesses que le monde terrestre ne pouvait en compter. Seuls quelques nuages commençaient à doucement s’amonceler dans le ciel de cette nouvelle nuit qui tombait, encore une autre à vos côtés. Ils ne pouvaient troubler mon bonheur, ne pouvaient assombrir ma nuit, laquelle, par votre seule présence, vous illuminiez. Bien que le ciel soit devenu de plus en plus sombre, que ces nuages se soient avérés plus menaçants qu’ils n’avaient semblé au premier abord, quand ils avaient laissé échapper quelques fines gouttes de pluie, nous ne nous inquiétions guère.

Je sentais les larmes des nuages ruisseler sur ma peau, sur mon visage, et je les voyais se poser avec une douce violence sur vos épaules et vos bras nus. Que vous étiez belle, dans votre robe noire, ornée de dentelle ! Vous étiez pour moi telle une princesse des ténèbres. Magnifique, sombre, mystérieuse. Vous me parliez de vous, de vos rêves, de vos passions, de vos secrets, de vos pêchés inavoués et inavouables, et je vous écoutais avec attention, buvant chacune des paroles avec délectation ; votre voix mélodieuse était si douce à mes oreilles que jamais je n’ai pu m’en lasser.

La musique enchanteresse de vos paroles fut tout à coup troublée par un lointain bruit de tonnerre, comme si les dieux là-bas s’étaient brusquement mis en colère. Vous sembliez ne pas y prêter la moindre attention, vous continuiez à vous confier, à vous confesser. Moi, je n’osais vous interrompre pour vous demander de rentrer ; jamais je n’aurais voulu qu’un instant si magique s’arrête pour si peu de chose. Le vent s’était levé, présage de l’orage. Votre longue robe noire volait au vent, ondulait telles les vagues qui, peu à peu, grandissaient. Nous nous sommes arrêtés de marcher, vous vous êtes arrêtée de parler. Je vous ai regardée longtemps, tendrement. Lorsque je regardais vos grands yeux noirs, même dans l’obscurité de la nuit, je ne pouvais m’empêcher de retomber, indéfiniment, amoureux de vous. J’oubliais alors tout ce qui nous entourait. J’oubliais le vent, j’oubliais la pluie, j’oubliais le tonnerre et la colère des dieux. J’oubliais tout pour vos beaux yeux. À nouveau, j’ai eu envie de vous dire de rentrer. Mais je ne l’ai pas fait. Aurais-je dû ? Je n’ai pas su. Alors je me suis contenté de prendre vos mains dans les miennes, restant enfermé dans un silence qui voulait dire tant de choses que je n’ai jamais vraiment su vous dire.

La pluie se faisait de plus en plus forte, et nous étions là, seuls mais à deux, immobiles mais bel et bien vivants. J’aurais pu prendre peur devant ces allures de fin du monde, j’aurais pu vouloir être partout ailleurs, partout sauf ici. Mais à quoi bon être ailleurs, si ça n’avait pas été avec vous ? Ainsi, lorsque le vent soulevait de hautes vagues, que la pluie nous inondait, que le tonnerre grondait, je vous embrassais. Les éclairs qui déchiraient les cieux illuminaient votre visage le temps d’une fraction de seconde et votre peau pâle rayonnait alors de mille feux, de mille lumières, qui m’éblouissaient tant !... qui m’éblouissent encore. Mais d’un coup, sans crier gare, vous avez enfoui votre doux visage au creux de mon épaule, et j’entendis vos sanglots étouffés à travers le bruit assourdissant des torrents de pluie qui s’abattaient sur nous. Je pouvais sentir la chaleur de vos larmes, et les tremblements de votre corps parcouru de frissons de tristesse et de froid contre le mien. J’ai passé mes bras autour de votre taille et je vous ai murmuré que tout se passerait bien. Je ne savais pas encore ce que signifiait ce « tout », je ne savais même pas la raison de votre peine survenue en quelques secondes seulement. Pour tout vous dire, je ne savais pas grand-chose, si ce n’est que je vous aimais tant ! Et, lorsque vous vous êtes retirée de mon étreinte, la lueur des éclairs laissa apparaître la peur sur votre visage. Vos yeux, ô quelle n’est pas ma peine de le dire !... vos yeux semblaient ne pas me reconnaître. Un rideau de pluie séparait nos deux corps ; nos deux âmes si unies autrefois paraissaient ainsi se séparer. N’ajoutant aucune parole, vous m’avez tourné le dos pour vous en aller. La forme de votre longue robe noire s’effaçait peu à peu à mesure que vous avanciez dans les ténèbres pluvieuses, jusqu’à ce que je ne puisse plus discerner aucune couleur qui vous ait appartenu. Je suis resté là, immobile, seul, véritablement seul. Il me fallut de longues secondes pour recouvrer mes esprits, et comprendre que vous étiez partie sans jamais avoir l’intention de revenir un jour, un soir ou une nuit. Ne pouvant accepter cela, je partis à votre recherche à travers ces mêmes ténèbres pluvieuses que vous aviez empruntées. J’aurais pu demander à chaque goutte d’eau si elle vous avait aperçue, tant mon désir de vous revoir était grand. Mais en avais-je vraiment le temps ? Au lieu de mener cet interrogatoire à l’infini, je courais à travers les torrents de pluie et les violentes bourrasques de vent qui ralentissaient chacun de mes pas, désespérant de vous retrouver. J’ai pensé un instant que vous aviez disparu pour toujours, comme ces déesses qui ne restent jamais longtemps sur Terre et repartent bien trop vite pour les cieux. Vous en aviez la beauté, vous en aviez la bonté. La chance, peut-être, a bien voulu me venir en aide, lorsque, tout à coup, un éclair d’une rare intensité irradia de sa puissante lumière bleutée. C’est alors que je vous ai aperçue. Vous vous teniez debout, à quelques mètres de moi. Vous admiriez l’épave d’une embarcation échouée sur la plage. D’un pas rapide, décidé et affirmé, je me suis avancé vers vous et j’ai posé ma main sur votre bras. Je vous ai ordonné de rentrer, car cela suffisait. Je vous ai dit que vous aviez perdu la raison, je vous ai implorée de m’écouter, je vous ai suppliée de me suivre. Mais vous n’avez rien fait de cela. Votre esprit, déjà, était parti ailleurs, bien loin d’ici, dans un endroit que sans doute je ne connaissais pas et que je ne connaîtrai jamais. Toutes mes paroles se perdaient dans les airs, et se voyaient plaquées au sol par chaque goutte de pluie, ou bien s’envolaient avec le vent avant d’être réduites en cendres par la foudre. Vos yeux restaient rivés sur la carcasse du navire. Mes doigts glissèrent le long de votre bras pour vous prendre la main et je fus rassuré de sentir que vous ne me la refusiez pas. Nous sommes restés un moment comme cela, à nouveau main dans la main, mais cette fois vous ne disiez rien. Je vous ai dit que je vous aimais, vous n’avez rien répondu. Simplement, vous avez détaché votre regard de ce vieux bateau, et vous avez tourné votre visage blême vers moi. Il n’exprimait aucune émotion, aucun amour, comme si vous teniez la main d’un parfait inconnu. Puis vos doigts, les uns après les autres, ont délaissé les miens. Je vous ai retenue, je ne voulais pas vous laisser partir une seconde fois. C’est à ce moment seulement que vous avez daigné me parler, me suppliant de vous laisser partir, me disant que vous deviez rentrer. Vous vous êtes emportée, d’une colère plus effrayante et plus foudroyante que celle que tous les dieux et tous les orages auraient pu provoquer en unissant leurs forces. J’ai cédé, à contrecœur. Je vous ai vue monter, marche après marche, pénétrant dans l’embarcation échouée. C’est alors que j’ai vu sortir, par la porte d’une cabine, un homme qui devait avoir votre âge, sinon un peu plus, et qui est venu vous attendre en haut des marches.

Il ne semblait pas surpris d’être ici, ni d’avoir échoué son navire, et encore moins de vous voir en gravir les marches. Il vous a prise dans ses bras lorsque vous êtes parvenue à sa hauteur. J’ai alors senti mon cœur s’arrêter, de vous voir dans les bras d’un autre, de vous voir aimée d’un autre que moi, cet autre qui de suite parvenait à faire apparaître sur votre doux visage un sourire qui semblait si sincère. Vous n’avez point songé à vous tourner vers moi, vous noyant d’ores et déjà dans les yeux de votre marin sorti des profondeurs de l’océan. Il vous a prise doucement par la main, et vous a entraînée à l’intérieur de la cabine de ce bateau à l’apparence lamentable. Et, presque aussi rapidement que le tonnerre éclate et que l’éclair déchire le ciel, l’embarcation a disparu, glissant et s’engouffrant dans les abysses. À la surface de l’océan, il n’y avait rien de plus que le mouvement violent des vagues, rien de plus que la pluie qui s’abattait bruyamment annihilant tout autre bruit, rien de plus que rien, pas même un signe de vous. Pas un signe de la carcasse du navire, et moins encore du marin qui vous arrachait à moi pour toujours.

Dorénavant, lorsque je contemple l’océan, j’observe le mouvement répétitif et envoûtant des vagues, espérant vous voir revenir avec l’une d’entre elles, vous imaginant apparaître dans leur écume. Lorsque j’aperçois un bateau échoué sur une plage, j’espère de toute mon âme vous y voir. Mais l’espérance ne suffit pas ; et vous n’êtes pas là. Lorsque l’orage gronde, je m’assois face à l’océan, et je vous attends. Dans cette attente de chaque seconde, de chaque minute, de chaque jour, je pense à vous. Je pense à nous. Mais parfois, vous savez, je me pose tant de questions, questions sans réponses et qui torturent mon esprit amoureux et désespéré face à cet espoir infini… Notre amour a-t-il seulement un jour été vrai, ou tout ce temps votre esprit voyageait-il déjà ailleurs ? Je cherche encore et toujours la réponse, dans le tumulte des vagues, dans les reflets de l’eau, dans les profondeurs qu’on ne voit pas, vers les abysses emplis de mystères.

Manon SELLIER (17 ans)

(Terminale L, Lycée Bellevue, Toulouse)

Nuit Trouble

Le tonnerre grondant me réveilla d'un coup. Mes yeux s'ouvrirent brusquement et découvrirent le visage de Mania encore à moitié endormie. Dehors, l'horizon nocturne s'était encore plus assombri et se faisait menaçant.

- Je ne me souviens pas d'hier soir, lui annonçai-je d'une voix pâteuse.

- Vraiment pas ? répondit-elle en se redressant sur le lit. Je tentai alors de revenir à la soirée d'hier mais je ne voyais rien. Le noir, le vide. Me voyant mener un combat intérieur et comprenant ce qu’il se passait, Mania abrégea mes recherches inutiles.

- Encore un de tes trous de mémoire, Sophie ? Ne t'en fais pas, ce n'est rien de bien important ! Nous avons juste regardé un film d'horreur - par ailleurs j'aurais cru que sa violence t'aurait marquée - et puis, nous sommes allées nous coucher.

- Quelques images me reviennent ! Du sang… Tant de sang… Partout sur le sol… Partout sur la fille… Partout sur sa victime… Quelle folle !

Mon amie acquiesça avant de reposer sa tête sur l'oreiller. Je restai assise, essayant en vain de faire émerger d'autres détails de la veille. Un bruit indistinct parvint du salon. Ma mère était donc rentrée ? Un autre son, plus lourd, plus fort.

- Que se passe-t-il ? demanda Mania.

- Je n'en ai aucune idée, répondis-je, intriguée.

- Il faudrait aller voir, non ?

- Je suppose.

Je saisis la main de mon amie et la tirai hors du lit. Discrètement, nous nous sommes glissées dans le couloir, puis, à pas de velours, dans le salon, sans un bruit, telles deux voleuses. Il faisait noir, il n'y avait plus de bruit. Convaincues qu'il ne fallait pas s'inquiéter, nous allions retourner dans ma chambre quand un éclair parcourut la campagne aux alentours de la maison et éclaira splendidement la scène d'horreur. La mare rouge refléta furtivement la brillance des rayons, la soudaine clarté nous laissa apprécier les contours chaotiques de la crevasse qui s'était dessinée sur le crâne béant de l'homme gisant au sol, et ses yeux, encore ouverts et tachés de sang sec, nous fixaient d'un regard terrifiant.

L'émotion me prit si fort à la gorge qu'aucun son ne put en sortir. Ma bouche s'agitait de manière insensée devant ce spectacle atroce, essayant en vain de sortir une phrase, un mot, un son qui pourraient exprimer tout ce que je ressentais au fond de moi. Je tentais de nier les faits mais ils se présentaient juste devant ma figure.

- Mon Dieu… murmura Mania. Je pensais avoir rêvé.

- Comment ça ? ai-je réussi à articuler.

- J'ai entendu ta mère rentrer tout à l'heure, mais elle n'était pas seule, il y avait un homme avec elle. Ils se parlaient de manière si froide et véhémente que je me suis levée, curieuse. J'ai passé la tête dans le couloir et j'ai vu les ombres agitées qui provenaient du salon. L'homme a crié, et tout est redevenu calme. L'ombre de ta mère s'est rétrécie, alors je me suis également faite discrète, et je suis revenue me blottir dans le lit. Mais j'étais à peine réveillée, les yeux et l'esprit encore brouillés. Je pensai avoir rêvé.

- Tu n'aurais pas pu me le dire plus tôt ? me suis-je exclamée.

- Mais… je… je pensais avoir rêvé !

Mania me regardait d'un air désespéré et désolé. Un autre éclair fissura l'horizon. Je ne pouvais pas détourner mon regard du cadavre qui gisait dans mon salon. La lumière se déclencha pour de bon, ma mère apparut. Elle avait le regard perdu, hagard, comme si elle s'était détachée de ce qu'elle avait fait. Ses mains étaient enduites de sang séché, ses vêtements maculés de rouge puissant, ses bras emplis de linge blanc. Sans prêter attention à ma présence, sans ressentir aucune honte, aucun embarras, aucune panique, elle se mit à genoux et commença à balayer le sol avec ses serviettes propres. Ses mouvements étaient lents, machinaux, comme si elle avait l'habitude de s'occuper d'une besogne pareille.

- Maman… ai-je prononcé d'une voix étranglée.

Elle ne me regarda même pas.