La Guerrière - Malcolm Archibald - E-Book

La Guerrière E-Book

Malcolm Archibald

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Beschreibung

Découvrez l’âge sombre de l’Écosse qui n'a jamais existé.

Melcorka, fille des îles, apprend que sa terre natale, Alba, est attaquée par une horde d’envahisseurs.

Délaissant une vie de luxure et de paresse, elle choisit d’emprunter la voie des guerriers et part libérer son pays du fléau nordique. Avec l’aide de ses compagnons, elle doit rejoindre le sud pour unir les clans et faire face à un ennemi redoutable.

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La Guerrière

LA GUERRIÈRE LIVRE 1

MALCOLM ARCHIBALD

Traduction parCAMILLE BAHEUX

© Malcolm Archibald, 2016

Conception de la mise en page © Next Chapter, 2023

Publié en 2023 par Next Chapter

Couverture illustrée par CoverMint

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existant ou ayant existé n’est que pure coïncidence.

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris la photocopie, l’enregistrement, ou par tout système de stockage et de récupération d’informations, sans la permission de l’auteur.

Table des matières

Prélude

Chapitre 1

Chapitre 2

Chapitre 3

Chapitre 4

Chapitre 5

Chapitre 6

Chapitre 7

Chapitre 8

Chapitre 9

Chapitre 10

Chapitre 11

Chapitre 12

Chapitre 13

Chapitre 14

Chapitre 15

Chapitre 16

Chapitre 17

Chapitre 18

Chapitre 19

Chapitre 20

Chapitre 21

Chapitre 22

Chapitre 23

Chapitre 24

Chapitre 25

Chapitre 26

Chapitre 27

Chapitre 28

Chapitre 29

Cher lecteur

Pour Cathy

Prélude

Le dos tourné au soleil couchant, le conteur leva ses bras vers les cieux avant de s’adresser à l’assemblée.

Il y a bien longtemps, alors que je n’étais encore qu’un jeune garçon et que la plupart d’entre vous n’étaient même pas nés, le monde manquait cruellement de grands guerriers. La guerre ravageait les terres d’Alba, du sud jusqu’au nord et de l’ouest jusqu’à l’est ; l’eau des rivières avait l’amertume du sang versé et les champs portaient le sel des os brisés. Les horizons étaient tous peints de la lueur des flammes qui s’échappaient des villages incendiés, et la suie noire de la fumée s’accrochait à la gorge des quelques hommes et femmes qui parvenaient à échapper au carnage.

L’homme survola son auditoire du regard afin de laisser la tension s’installer, bien qu’il eût conscience que tous avaient déjà entendu cette histoire une centaine de fois auparavant.

Aucun répit n’était possible tandis que la douceur de la nature restait prisonnière du sombre tombeau de la terreur et que le vent s’obstinait à chanter ses tristes lamentations de la joie et de l’espoir perdus.

La terre réclamait la paix.

Après des années d’horreur, au cours desquelles les corbeaux se régalèrent des festins de corps abandonnés à la surface des vallées calcinées, les rois, les reines et les seigneurs se rassemblèrent pour mettre un terme à cette dévastation constante. Après des jours, des semaines puis des mois de discussions et alors que des tas de cadavres aussi hauts que les lances des soldats s’éparpillaient à travers tout le royaume, ils prirent une décision.

Un mariage aurait lieu pour mettre un terme aux combats qui opposaient les hommes du Nord au peuple d'Alba. Le Roi d'Alba allait unir sa fille au fils de la Reine des terres du Nord, et le premier enfant qui naîtrait de cette union règnerait sur les deux royaumes dans une paix perpétuelle. Les guerriers du Nord et d'Alba déposeraient leurs armes sur le sol pour leur préférer fourches et filets de pêche. Les peuples des deux royaumes, épuisés, tombèrent d'accord. Les rois et les seigneurs dissolurent leurs armées et brûlèrent leurs navires de guerre. La population se mit à préférer la paix aux vastes armées qui se livraient combat sur leurs terres et aux vaisseaux dragons qui ravageaient la côte et les îles. Olaf, prince des terres du Nord, et Ellen, princesse d'Alba, se marièrent et, tout naturellement, la princesse tomba enceinte. Tandis que le peuple s'habituait à la paix, la princesse s’épanouissait ; le terme de sa grossesse arrivé, la famille royale et les nobles se rassemblèrent.

Sages-femmes et accoucheuses furent appelées à travers les terres nordiques et d'Alba afin d'assister à la naissance. Les seigneurs et les conseillers s'étaient rassemblés dans le palais royal dans l'ombre des grandes montagnes blanches du Nord. Les nations retenaient leur souffle en attendant l'arrivée de leur nouveau souverain.

"C'est un garçon", affirma-t-on d'abord, puis, "Non, c'est une fille."

Enfin, "Un garçon et une fille : ce sont des jumeaux !"

La confusion était telle que même la plus expérimentée des sages-femmes se trouvait incapable de dire quel enfant était né le premier. Malgré les débats et les disputes, les femmes ne parvenaient pas à se mettre d'accord et en vinrent à lancer les os pour prendre une décision, jusqu'à ce que la nature intervienne et envoie une éclipse qui enveloppa le monde de son sombre manteau. La lumière revenue, le problème n'était plus ; le corps sans vie de la fillette gisait dans son berceau, tandis que son frère pleurait avec force et vitalité.

Certains affirmaient que les Daoine Sidh, le Peuple de la Paix dont parlaient les légendes féériques, avaient enlevé la vraie princesse et laissé un substitut à sa place, mais les hommes ont toujours accusé le Peuple de la Paix de tous les maux qu'ils auraient souhaitaient ne jamais voir se produire.

Sans rival, le prince put régner sans crainte et s'attacha à répandre la paix au travers de ses deux royaumes. Il devint Haut Roi, assisté de sous-rois eux-mêmes à la tête de seigneurs, et plus une goutte de sang n'a été versée en Alba comme au Nord depuis son accession au trône.

Le conteur laissa retomber ses bras alors que le soleil disparaissait de l’horizon. Seul le bruit des vagues qui s’éclataient sur la côte osait perturber le silence.

Assise au premier rang entre sa mère et le vieil Oengus, Melcorka écoutait, la bouche bée et les yeux écarquillés.

Le conteur laissa la paix du soir s’installer avant de continuer.

Nous ne devons pas oublier notre passé et nous devons respecter ceux qui protègent la paix que nous apprécions tant. Sans cette union, la guerre sanglante ravagerait toujours nos deux royaumes, les vaisseaux dragons pilleraient nos côtes et le vent porterait l’odeur du sang.

Il abaissa sa main, son visage vieilli et sage éclairé par la lueur teintée d’ocre de l’horizon. Le vent se levait, invitant la noirceur déjà installée à l’est à le rejoindre dans ces envolées gracieuses. La petite assemblée se releva avant de retourner auprès de la chaleur des feux crépitant. Personne n’entendit ses derniers mots, que Dieu préserve Alba des temps à venir. S’ils lui avaient prêté attention, ils auraient compris, eux qui n’avaient pas connu la malédiction de la guerre.

ChapitreUn

L’Océan avait toujours été là. Il l’entourait, aussi loin que portait l’horizon au nord, à l’ouest et au sud. À l’est, les jours de ciel clair, elle pouvait apercevoir une fine ligne bleue qui représentait ce que l’on appelait le Continent d’Alba. Elle s’était juré qu’elle irait un jour visiter cette autre terre pour en découvrir les secrets. Un jour, mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui était un jour comme un autre, un jour pour traire les vaches, s’occuper des volailles et inspecter la plage à la recherche des trésors laissés par la mer. Jetant un dernier regard autour d’elle, elle observa l’herbe épaisse et sauvage qui se répandait à perte de vue, parsemée de quelques parterres de bruyère et des pierres couvertes de lichen que l’on pouvait trouver dans chaque recoin de Dachaigh, l’île de son foyer.

Au-delà des terres, un ciel clair et froid aussi bleu que la mer et décoré de nuages blancs portés par la brise annonçait l’arrivée du printemps.

Melcorka escalada un tertre recouvert par l’herbe, et son regard, comme de nombreuses fois auparavant, se tourna vers l’est. La grotte interdite se trouvait de ce côté de l’île. À trois reprises elle avait essayé de s’y rendre, comme si la tentation de découvrir cet endroit secret n’avait été que renforcée par l’interdiction de l’approcher. Chaque fois, sa mère l’avait rattrapée avant qu’elle n’en atteigne l’entrée.

« Un jour », s’était-elle promis, « un jour je découvrirai ce qu’il y a à l’intérieur de cette grotte et pourquoi personne n’a le droit d’y pénétrer. » Mais pas aujourd’hui ; des problèmes bien plus importants réclamaient son attention.

Relevant sa jupe, Melcorka courut à travers l’herbe dure pour atteindre le machar doux qui bordait la plage. Le sable offrait ses trésors à ceux qui venaient à sa rencontre ; des coquillages à la forme inhabituelle, des longueurs de bois flotté à la valeur inestimable sur une île presque déboisée ou encore un fruit étrange à la peau rugueuse. Comme à son habitude, elle courait vite, se délectant de la sensation du vent dans ses cheveux et des galets qui glissaient sous ses pieds, lorsqu’enfin elle rejoignit la plage.

Une pluie froide lavait son visage. Les mouettes s’envolèrent dans un concert de cris et les vagues immenses explosaient dans un rythme effréné tout autour d’elle. La vie était belle ; c’était la vie de tous les jours, qui jamais ne changerait.

Melcorka s’arrêta, les sourcils froncés. Une forme qu’elle n’avait jamais remarquée se tenait non loin d’elle. Coincée sur la laisse de la haute marée, la boule d’algues vertes était frappée par l’éclat des vagues argentées. Ce ne pouvait être un phoque ou un quelconque animal sauvage ; il s’agissait d’une chose longue et sombre, qui avait laissé les traces de son passage tandis qu’elle rampait pour atteindre le rivage avant de s’y coucher, immobile. Melcorka hésita quelques secondes ; elle pouvait sentir que cette chose, peu importe ce qu’elle pouvait être, allait changer sa vie. Attrapant une pierre pour se protéger, elle fit quelques pas lents dans sa direction.

« Bonjour ? » Melcorka pouvait entendre la peur dans sa voix.  « Bonjour ? » Une bourrasque emporta ses mots. Elle fit un pas en avant, puis un autre ; la chose qui gisait sur les galets était plus grande qu’elle, et avait la taille d’un homme adulte. Elle se pencha pour tirer sur l’une des algues longues qui la recouvraient, pour en découvrir d’autres couches épaisses. Melcorka s’appliqua à toutes les retirer jusqu’à rendre visible ce qui se cachait en dessous.

« Ce n’est qu’un homme », pensa-t-elle en reculant. « Un homme nu, couché sur le ventre. » Elle le regarda à nouveau pour s’assurer qu’il était entièrement nu, puis l’examina de plus près, piquée par la curiosité. « Vous êtes vivant ? »

L’homme ne répondit pas. Melcorka se pencha pour secouer l’une de ses épaules. N’obtenant toujours pas de réponse, elle recommença avec plus de force. « Vous avez réussi à ramper depuis la mer jusqu’ici, homme nu, vous étiez donc en vie quand vous vous êtes échoué sur la plage. »

Une idée la frappa soudainement, et elle se mit à inspecter ses pieds et ses mains. Doigts et orteils étaient tous bien présents. « Vous n’êtes donc pas un homme-poisson. Qu’êtes-vous donc ? Qui êtes-vous ? » Elle regarda son corps une fois de plus. « Vous êtes bien bâti, et vos cicatrices parlent pour vous. » Elle vit une longue blessure, guérie, qui recouvrait ses côtes. « Mère saura quoi faire de vous. »

Remontant sa jupe au-dessus de ses genoux, Melcorka courut jusqu’à chez elle, traversant les galets et le machar, regardant derrière elle à deux reprises pour s’assurer que sa découverte ne s’était pas relevée pour se sauver. Ouvrant la porte de sa maison en toute hâte, elle tomba sur Bearnas qui était occupée à la cuisine.

« Mère ! Il y a un homme sur la plage. Il est peut-être mort, ou il est peut-être encore en vie. Il faut que tu le voies. » Elle ajouta à voix basse et le regard fuyant, « il est nu, mère. Complètement nu. »

Bearnas releva les yeux du fromage qu’elle était en train de préparer. « Montre-moi le chemin », dit-elle en portant une main vers la croix en étain brisée qu’elle portait sur une lanière de cuir autour de son cou. Sa voix, douce comme toujours, ne parvenait pas à cacher l’inquiétude qui se lisait dans ses yeux.

Quelques petits crabes s’écartèrent avec hâte lorsque Bearnas atteignit le corps. La tête baissée, elle pinça les lèvres en voyant la cicatrice de l’homme. « Aide-moi à le porter jusqu’à notre maison », dit-elle.

« Il est nu », souligna Melcorka. « Complètement nu. »

Sa mère souriait. « Toi aussi tu es nue sous tes vêtements. Sa nudité ne te peut pas te blesser. Attrape un de ses bras. »

« Il est lourd », répondit Melcorka.

« On va y arriver », rebondit Bearnas. « Soulève-le maintenant ! »

Melcorka baissa les yeux sur le corps de l’homme tandis qu’elles le portaient ; elle se sentit rougir et se hâta de détourner le regard. Elle remarqua que ses pieds laissaient une trace dans le sable et au milieu des galets. « Qui penses-tu qu’il puisse être, Mère ? », demanda-t-elle alors qu’elles traversaient le seuil de leur cabane.

« C’est un homme », répondit simplement Bearnas.  « Un guerrier, si je m’en fie aux apparences. » Elle examina son corps. « Il est musclé, mais pas à la façon d’un maçon ou d’un fermier. Son corps est maigre, lisse et souple. » Elle crut voir une lueur d’intérêt dans les yeux de Melcorka. « Cette cicatrice est bien trop droite pour être le résultat d’un accident ; il a pour sûr été blessé d’un coup d’épée. »

« Comment peux-tu le savoir, Mère ? Tu as déjà vu ce type de blessure ? » Melcorka aida sa mère à porter l’homme jusqu’à son lit où il restait couché, tête relevée, inconscient. Son corps était couvert de sel et de sable. « J’imagine qu’on peut dire qu’il est séduisant. » Melcorka ne pouvait pas contrôler la direction de son regard. Ce qu’elle vit cette fois était moins embarrassant, et tout aussi intéressant.

« Est-ce que tu le trouves séduisant, Melcorka ? » Il y avait un sourire dans les yeux de sa mère. « Eh bien, essaie d’occuper ton esprit. Tu n’as donc rien à faire ? »

« Si, Mère », répondit Melcorka sans quitter la pièce.

« Il est temps de t’y mettre », reprit Bearnas.

« Mais je veux regarder et savoir qui il est... » Les protestations de Melcorka cessèrent à l’instant où sa mère la frotta vivement du revers de la main. « J’y vais, j’y vais ! »

Il fallut attendre deux jours pour que celui qui avait été rejeté par la mer se réveille. Melcorka avait passé ses journées à le surveiller, et la majorité de la population de l’île qui passait par-là demandait des nouvelles de l’homme nu que Melcorka avait découvert. Le foyer de la jeune fille se retrouva au centre des discussions. Après le réveil de l’homme, la petite cabane avait l’intérêt de toute la communauté.

« Cela faisait bien longtemps qu’une chose pareille ne s’était pas produite », affirma Grand-mère Rowan à Melcorka alors qu’elle se reposait sur un tabouret auprès du feu. « La dernière fois remonte à l’époque où ta mère était jeune et pas bien plus âgée que toi. »

« Que s’était-il passé ? » Melcorka replia sa jupe pour se rapprocher du bord du banc qu’elle partageait avec deux autres hommes. « Mère ne me parle jamais des vieux jours. »

« Mieux vaut attendre que ce soit elle qui t’en parle », reprit Grand-mère Rowan en hochant la tête, ses cheveux gris flottant autour de son visage. « Ce n’est pas à moi de te dire ce que ta mère souhaite garder pour elle. » La femme baissa la voix. « J’ai entendu dire que c’est toi qui l’as trouvé. »

« Oui, Grand-mère Rowan », chuchota Melcorka.

Grand-mère Rowan porta son regard vers Bearnas, avant d’adresser à la jeune fille un clin d’œil qui accentuait les rides de son visage, semblables aux lignes qui décoraient les souches des arbres que l’on venait d’abattre. « À quoi as-tu pensé ? Un homme nu rien que pour toi... qu’as-tu fait ? Où as-tu regardé ? Qu’as-tu vu ? » Son rire poursuivit Melcorka alors que celle-ci fuyait la pièce, où plusieurs hommes et femmes s’étaient rassemblés autour de l’inconnu pour discuter de ses origines.

« Il s’agit très certainement d’un guerrier. » Oengus passa la main à travers son épaisse barbe grise. « Regardez ses muscles, travaillés à la perfection ». Il porta un de ses doigts gonflés vers le ventre de l’homme.

« Je les regardais justement », commenta en riant Aele, sa femme, en regardant son amie Fino. Les deux femmes échangèrent un regard complice avant d’éclater de rire, comme si elles partageaient un secret savamment gardé.

Adeon le potier souriait tout en sirotant sa corne d’hydromel. « Vous pouvez aussi regarder par ici », dit-il en adoptant une pose virile qui ne flattait en rien son physique peu impressionnant.

« Cela aurait peut-être marché il y a vingt ans », plaisanta Fino. « Ou trente ! »

« Plutôt quarante », reprit Aele dans un éclat de rire général.

Melcorka fut la première à entendre le grognement. « Écoutez », dit-elle, mais les adultes qui se trouvaient au milieu d’une discussion prêtaient rarement leur attention aux paroles d’une jeune fille de vingt ans. L’homme grogna à nouveau. « Écoutez ! » répéta Melcorka, cette fois plus fort. « Il se réveille ! » Elle attrapa Bearnas par le bras. « Mère ! »

L’homme émit un nouveau grognement avant de s’asseoir brusquement. Il regardait la foule rassemblée autour de lui et qui le dévisageait. « Où suis-je ? Quel est cet endroit ? » Sa voix était rauque.

Tandis que les adultes s’essayaient à bredouiller une réponse, Bearnas tapa dans ses mains. « Silence ! » commanda-t-elle. « C’est ma maison et moi seule parlerai ! »

Le silence régna un instant, jusqu’à ce que l’étranger reprenne la parole. Son regard s’était posé sur Bearnas. « Êtes-vous la reine de cet endroit ? »

« Non, je ne suis pas une reine. Je suis seulement la maîtresse de ce foyer. » Bearnas se mit à genoux près du lit. « Ma fille t’a trouvé échoué sur la plage il y a deux jours. Nous ne savons pas qui tu es ni comment tu es arrivé jusqu’à notre île. » Bearnas se tourna vers Melcorka. « Va chercher de l’eau pour notre invité. »

« Je m’appelle Baetan », répondit l’homme en avalant une gorgée d’eau du gobelet que Melcorka portait à ses lèvres. La repoussant, il essaya de se lever, fit une grimace puis se contenta de hocher la tête pour saluer son hôte. « Je te remercie, femme. Je te prie de me présenter à ton chef. »

« Nous n’avons pas de chef ; nous n’en avons pas besoin. »

« Quel est ton nom, maîtresse ? » Baetan se redressa un peu plus. Ses yeux bleus examinaient chacun des visages présents.

« Je m’appelle Bearnas », répondit la mère de Melcorka.

« Un nom qui signifie ‘celui qui apporte la victoire’ ; un nom qui ne convient ni à un fermier ni à une femme ». Baetan glissa hors du lit, tituba et eut à peine le temps de se retenir au mur pour ne pas tomber.

« C’est pourtant mon nom », reprit calmement Bearnas. « Et tu fais honte à mon foyer en te présentant nu face à mes invités. »

Melcorka réalisa alors qu’elle n’était pas la seule femme présente à regarder le corps de Baetan. Elle sentit une fois de plus le rouge monter à ses joues et détourna les yeux.

L’homme ne prêta aucune importance aux remontrances de Bearnas. Le dos redressé, il la fixait sévèrement. « J’ai déjà entendu ce nom ; je le connais. » Il prit une inspiration profonde. « Es-tu de la famille de ces Bearnas ? Les Bearnas des Cenel Bearnas ? » Pour autant que ses jambes tremblaient, la voix de l’homme ne manquait pas d’assurance.

Bearnas jeta un regard vers Melcorka avant de répondre, « C’est bien mon nom. »

« Tu n’es pas comme je l’imaginais », dit Baetan.

« Je suis comme je suis », répondit Bearnas avec mystère.

« Alors c’est pour toi que je suis venu jusqu’ici. » L’homme s’écarta du mur. « J’ai un message pour toi. »

« Je t’écoute. »

« Ils sont revenus », affirma simplement l’homme.

L’atmosphère changea soudainement ; la curiosité et l’amusement laissèrent place à la tension et à ce que Melcorka perçut comme de la peur. « Qui est revenu ? » demanda-t-elle.

« Sors d’ici, Melcorka. » Bearnas s’aperçut que sa fille examinait le corps dénudé de l’homme sans retenue. « Tu es trop jeune. »

« J’ai vingt ans », lui rappela Melcorka.

« Oh, laisse la fille regarder », ricana Grand-mère Rowan. « Ça ne lui fera pas de mal de voir à quoi ressemble un homme. »

« Il ne s’agit pas de ce qu’elle pourrait voir, mais de ce qu’elle pourrait entendre. »

Le rire de Grand-mère Rowan poursuivit Melcorka jusqu’à l’autre pièce. « Tu n’oublieras pas ces images de sitôt ! », affirma-t-elle.

Melcorka se tint aussi près de la porte qu’il lui était possible pendant que les adultes discutaient. Elle pouvait entendre les murmures de leurs voix, qui s’effacèrent brusquement pour laisser place à un silence que vint rompre la voix de sa mère. « Melcorka ; recule de la porte et rassemble tes affaires. Nous quittons Dachaigh. »

Tout se fit aussi simplement que cela. Quelques minutes auparavant, Melcorka était confortablement installée dans le chalet qu’elle avait occupé toute sa vie, et sa mère n’eut besoin que d’un seul instant pour décider de tout quitter.

« Où allons-nous ? » demanda Melcorka. « Pourquoi devons-nous partir ? »

« Ne pose pas de questions et ne cherche pas à discuter ; contente-toi d’obéir. » Bearnas ouvrit la porte et posa sa main sur l’épaule de Melcorka. « Tu as toujours voulu voyager, voir ce qu’il pouvait bien y avoir au-delà de notre île. Ma chérie, ton souhait va se réaliser. » Son sourire ne dissimulait aucune trace d’humour alors que ses yeux couleur émeraude plongeaient dans l’âme de sa fille. « C’est ta destinée, Melcorka ; c’est un droit qui te revient par ta naissance. »

« Que veux-tu dire ? » Mais Bearnas n’en dit pas plus, et le reste de la journée s’écoula dans une frénésie d’emballage et de préparation.

« Bearnas », appela Grand-mère Rowan en montrant la fenêtre du doigt, « ton ami est de retour. »

Melcorka entendit l’appel avant même de voir l’aigle de mer se poser sur un pommier rabougri qui se dressait avec difficulté dans le jardin de sa maison. L’oiseau se tenait immobile, pivotant uniquement sa tête jusqu’à ce qu’il réussisse à voir à travers la fenêtre du chalet.

« Ouvre la fenêtre, Melcorka. » Bien que basse, la voix de Bearnas ne manquait pas d’autorité.

L’aigle s’engouffra dans l’ouverture pour aller se poser sur le lit. Il examina rapidement la chambre avant d’aller se poser sur le bras tendu de Bearnas.

« C’est bon de te revoir, Œil vif ». Bearnas grattait le cou de l’animal.

Melcorka secouait la tête. « Revoir, Mère ? Nous n’avons jamais vu cet aigle. »

« L’aigle de mer est mon oiseau totem ». Bearnas semblait perdue au milieu d’un songe, tant sa voix était faible. « Ton oiseau est la pie de mer, Melcorka. Cherche-la bien. C’est elle qui t’aidera à faire les bons choix. »

« Mère... » Bearnas avait déjà quitté la pièce, l’aigle de mer toujours posé sur son bras.

Grand-mère Rowan la regarda partir. « Un jour, tu seras heureuse de voir un aigle voler vers toi, Melcorka. » Ses yeux étaient emplis de larmes. « Mais pas aujourd’hui. »

Un habitant du village avait apporté des habits à Baetan, qui se tenait dans un coin du chalet vêtu d’une leine en lin, cette chemise que portaient tous les habitants de l’île, hommes comme femmes. La leine de Baetan était de toute évidence trop large pour ses épaules, tandis que son pantalon en tartan peinait à couvrir ses genoux.

« Nous aurons besoin d’un bateau », dit-il.

« Bien sûr », acquiesça Bearnas.

« Nous n’avons pas de bateau », interrompit Melcorka. Grand-mère Rowan posa une main sur son épaule.

« Il y a beaucoup de choses que tu ignores », murmura-t-elle ; « mieux vaut que tu gardes le silence et que tu laisses au monde le temps de te révéler ses merveilles. »

« Où allons-nous ? » répéta Melcorka. « Allons-nous nous rendre sur le Continent ? »

« Mieux que ça ; nous allons voir le roi », répondit Bearnas. « Et je n’en sais pas davantage. »

« Le roi ? Tu veux dire le Seigneur des Îles ? »

« Non ! » Le ton de Bearnas aurait pu briser la roche. « Pas le Seigneur des Îles. Nous allons voir le roi lui-même. »

« Nous aurons besoin d’un bateau », insista Baetan.

« Nous avons un bateau », répondit Bearnas en ignorant les protestations de Melcorka. « Suivez-moi. »

Les cris assourdissants des mouettes les accompagnèrent dès qu’ils eurent franchi la porte de la cabane dans laquelle Melcorka avait toujours vécu. Ils marchaient droit devant eux, en direction du soleil timide de ce milieu de matinée. Melcorka les suivait, l’esprit tourmenté. « Mère... »

« Ne pose pas de questions, Melcorka. » Bearnas suivait du regard l’aigle de mer qui volait sur sa droite.

Le vent d’ouest sifflait à travers la bruyère humide et s’abattait sur leur dos, les invitant à poursuivre leur chemin. « Mère... nous nous dirigeons vers la Grotte interdite. »

« Merci, Melcorka. » Bearnas n’essaya pas de cacher le sarcasme dans sa voix. Œil vif se posa sur son épaule comme s’il l’avait toujours fait.

Un fossé creusé dans la lande laissa place à une crevasse dont la profondeur s’accentuait au fur et à mesure de leur avancée, jusqu’à ce qu’ils atteignent un boyau entouré de solides pierres. La grotte haute de dix pieds se trouvait non loin de là, sombre et froide. Toute sa vie, Melcorka avait écouté les avertissements de ceux qui lui avaient interdit d’approcher cet endroit. Sa mère s’apprêtait désormais à y pénétrer sans aucune crainte.

« Mère... » Alors qu’elle avait toujours voulu explorer la Grotte interdite, le doute rongeait Melcorka. Elle inspira profondément, puis avança à son tour.

L’obscurité l’enveloppa de son lourd manteau froid aux effluves salés. Elle continuait de marcher, portant son attention sur le bruit des pas assurés de sa mère et la lourdeur de ceux de Baetan. Sans savoir pourquoi ni comment, elle pouvait les identifier par le seul bruit de leurs pas.

« Nous y sommes. » Même dans le noir le plus complet, Bearnas semblait être capable de savoir exactement où elle se trouvait. Elle s’arrêta dans le renfoncement d’un mur pour ramasser une paire de torches, qu’elle parvint à allumer en frottant deux morceaux de silex l’un contre l’autre. La lumière jaune orangé des flammes se répandit aussitôt autour d’eux. « Prends celle-ci, » dit-elle en tendant une torche à Baetan. « Ce n’est plus très loin d’ici. »

Melcorka entendit l’eau avant de la voir. Ce n’est qu’au moment où elle remarqua le reflet des torches sur sa gauche qu’elle comprit qu’ils marchaient le long d’une corniche entourée par les eaux. Le bruit des vagues se fit de plus en plus fort, se répercutant au travers des murs de la grotte. « Où sommes-nous ? »

« Cette grotte s’étend du pan de la colline jusqu’aux falaises situées à l’est », expliqua Bearnas. « Reste tranquille et ne nous dérange pas. » S’abaissant, elle enroula ce que Melcorka avait cru être le mur de la grotte. « Ce n’est pas de la magie, Melcorka, ne sois pas si surprise ! Ce n’est rien d’autre qu’une toile en cuir. »

Des navires passaient parfois par Dachaigh, souvent des bateaux de pêche dont la course avait été déviée par les vents forts de l’océan occidental. Le bateau de Bearnas ne ressemblait en rien aux bateaux que Melcorka avait pu voir jusqu’alors. La tige et la poupe s’élevaient en deux pointes, et la coque étroite était faite de planches de bois travaillées et imbriquées. Six ouvertures se trouvaient sur chaque flanc du bateau pour permettre le passage des rames ; une place avait été réservée pour un mât au centre du navire. L’aigle de mer poussa un cri rauque avant de rejoindre l’avant du vaisseau.

« Qu’en penses-tu, Melcorka ? » dit Bearnas en se reculant.

« Il est énorme », répondit Melcorka sans cacher sa surprise. « D’où vient-il ? »

« Nous l’avons amené ici avant ta naissance. Je ne voulais pas que tu le découvres avant que le moment ne soit venu. »

« Pourquoi maintenant, Mère ? »

« Parce qu’il est temps que tu quittes cette île ; il est temps que tu rencontres le roi et que tu deviennes la femme que tu dois être. » Bearnas frappa la coque du bateau. « Tu aimes ce que tu vois ? »

« Beaucoup », répondit Melcorka. « Mais je sais qui je suis. Je suis Melcorka, ta fille. Allons-nous vraiment rencontrer le roi ? »

« C’est une beauté, n’est-ce pas ? » Bearnas laissa glisser ses mains le long du bois lisse de la coque. « Nous l’appelons L’écumeuse, parce que c’est exactement ce qu’elle est. » Ses yeux calmes se posèrent sur ceux de Melcorka. « Oui, tu vas rencontrer le roi. »

« Pourquoi ? » demanda Melcorka.

« Baetan m’a informé de certaines choses que nous devons lui transmettre », répondit Bearnas d’une voix douce. « Après cela... nous verrons bien ce qu’il adviendra. »

« Quel genre d’information ? » reprit Melcorka.

« Cela me concernait », répondit Bearnas. « Si le roi souhaite t’en informer, il le fera. Ou si notre situation venait à changer, alors tu sauras. »

« Nous devrions rencontrer le Seigneur des Îles », suggéra le vieil Oengus.

« Tu sais bien que nous ne pouvons pas nous approcher de cet homme », éclata Bearnas. « Et je ne veux plus entendre son nom. » Melcorka ne l’avait jamais entendu parler avec une telle colère.

Une multitude de reflets lumineux dans l’eau prévint Melcorka de la présence d’autres personnes. Se retournant, elle vit que la majorité des habitants de l’île les avait accompagnés dans la grotte. Les visages fatigués par l’âge et le travail des hommes et des femmes avec lesquels elle avait grandi apparurent à la lueur des torches. Certains portaient des paquets, d’autres des fûts, qu’ils déposèrent à côté de l’embarcation sur des rochers.

« Mère – Es-tu certaine que nous ne devrions pas rencontrer Donald des îles avant de voir le roi ? » essaya une fois de plus Melcorka.

« Contente-toi d’obéir », répondit Bearnas en lui infligeant une tape sévère sur la croupe.

Oengus balança la tête et posa une main sur l’épaule de Melcorka. « Mieux vaut que tu gardes le silence, petite fille. »

« Pourquoi ? »

« Tu ne feras que raviver des souvenirs », Oengus répondit calmement, « des vieux souvenirs. »

« Mais, Mère... »

« Assez ! » Bearnas n’eut qu’à lever un doigt pour que sa fille se taise.

« Remettons-la à la mer », lança Oengus une fois tout le monde ressemblé autour du navire. « Allez Melcorka, toi aussi viens nous aider ! »

Des bûches avaient été entassées contre le mur de la grotte, mais malgré leur aide, L’écumeuse était beaucoup plus lourde que Melcorka ne le pensait. Il leur fallut une heure pour la porter jusqu’à la mer, où elle revêtit l’apparence d’un navire long, bas et élégant. Melcorka sentit en elle se réveiller l’envie de partir à son bord pour naviguer vers... elle ignorait où, exactement. Elle pouvait juste entendre quelque chose l’appeler au fond d’elle.

Malgré sa barbe grise et la peau rose de son crâne visible à travers ses cheveux épars, Oengus sauta sur le pont avec la fougue d’un adolescent pour attacher une corde entre la poupe et l’un des rochers fixés au mur de la grotte. « Tout est prêt, Bearnas. »

Œil vif s’envola jusqu’à la figure de proue qui représentait un aigle aux couleurs de chair et de sang. Melcorka n’aurait su dire lequel des deux oiseaux paraissait le plus féroce. Bearnas monta à bord de L’écumeuse et n’eut aucun problème à garder son équilibre sur la balustrade. « Tout le monde est là ? » Sa voix résonna à travers la grotte.

« Nous sommes tous présents », répondit un chœur de voix auquel Melcorka et Baetan ne s’étaient pas joints.

« Qui sommes-nous ? » demanda Bearnas.

« Nous sommes les Cenel Bearnas ». La réponse se répercuta dans toute la grotte.

Bearnas porta une main à son oreille. »'Qui sommes-nous ? »

Plus forte, la réponse se répéta. « Nous sommes les Cenel Bearnas ! »

« Qui sommes-nous ? » Bearnas criait à présent, et la réponse prit cette fois-ci l’ampleur d’un rugissement. Melcorka se demandait comment ces gens qu’elle avait toujours connus pouvaient faire tant de bruit. Elle jeta un regard autour d’elle, vit ses amis et ses voisins, des fermiers amicaux et des potiers ronchons, des coupeurs de tourbe et des rêveurs, le conteur et le fossoyeur. Elle les connaissait tous, et pourtant ils lui paraissaient désormais inconnus. Qui étaient ces gens ?

« Nous sommes les Cenel Bearnas ! » Les mots se répétaient à travers la grotte, perdus dans l’écho.

« Alors, SOYONS les Cenel Bearnas ! » hurla Bearnas, et les habitants de l’île éructèrent en un cri qui fit se soulever les cheveux dans le cou de Melcorka. Elle se joignit aux autres, le poing levé et les pieds battant le pont, même si elle n’avait aucune idée de ce qu’elle acclamait.

Le bruit s’estompa jusqu’à n’être plus qu’un murmure. Seuls le mouvement et l’éclat des vagues pouvaient s’entendre au-dessus de la respiration haletante des habitants de l’île.

« Les Cenel Bearnas », répéta Melcorka. « Cela signifie “le peuple de Bearnas”, mais tu n’es pas chef de notre île, Mère. »

« Tu as beaucoup à apprendre, Melcorka », répondit Grand-mère Rowan. « Mieux vaut que tu gardes le silence, que tu observes, que tu écoutes et que tu fasses exactement comme nous te l’avons déjà dit. »

« Combien de temps ces provisions pourront-elles durer ? » demanda Bearnas.

« Il y en a suffisamment pour un voyage de cinq jours », répondit aussitôt Oengus.

« Cela devrait nous suffire », reprit Bearnas. « Il est temps de redevenir ceux que nous étions. »

Les insulaires se répartirent à travers le bateau, prenant chacun place sur les bancs de bois disposés à bâbord comme à tribord. Bearnas conserva sa place à l’avant, tandis qu’Oengus prit le contrôle de la longue rame de direction située à l’arrière.

Le silence était complet, comme si tous attendaient un signal que Bearnas finit par donner.

« Habillez-vous », dit-elle simplement.

Les habitants de l’île saisirent les coffres en bois qui étaient cachés sous les bancs pour en extraire chacun un paquet. Ils se changèrent lentement et avec soin. Il fallut une quinzaine de minutes pour que ces insulaires discrets rompus à l’agriculture et à l’élevage du bétail se transforment en guerriers vêtus de cottes de mailles. Melcorka observait ces gens qu’elle ne connaissait décidément pas.

Debout à l’arrière, Oengus avait fière allure, son casque de fer posé sur sa tête et sa cotte de mailles tendue sur son torse. Grand-mère Rowan se trouvait au milieu du bateau, ses doigts serrés autour de la rame avec le même aplomb qui lui servait à s’occuper de ses ruches. Lachlan, qui avait passé sa vie à couper et empiler la tourbe, était proche de la poupe, parcourant de ses mains calleuses le bois d’une rame. Personne n’avait pourtant la prestance de Bearnas, dont la cotte de mailles descendait jusqu’à ses chevilles et dont le heaume était décoré de deux aigles dorées.

Bearnas survola le bateau du regard. « Armez-vous », dit-elle, et l’équipage plongea à nouveau dans les coffres. Tous émergèrent équipés d’épées et de lances, qu’ils déposèrent à côté des bancs.

Melcorka ne parvenait pas à détacher ses yeux de sa mère qui levait une épée d’argent vers le ciel.

« Êtes-vous prêts, Cenel Bearnas ? »

« Nous sommes prêts », s’éleva le chœur d’hommes et de femmes.

« Mère ? » Melcorka entendait la peur dans sa voix.

« Rabattez vos rames ! » La voix de Bearnas était pareille à du gravier broyé sous la porte d’une ferme. Quand son regard rencontra celui de Melcorka, la jeune fille put y voir une trace d’humour mêlé à l’acier, la force et la compassion, mais par-dessus tout l’autorité. « Poussez ! »

Les rameurs qui se trouvaient le plus près du mur se poussèrent vers l’eau pour permettre à L’écumeuse de se tourner.

« Ramez ! »

Les rameurs firent un mouvement rapide, puis un autre pour permettre à L’écumeuse de naviguer vers le demi-cercle de lumière qui indiquait le monde extérieur.

« Rames à l’intérieur ! »

Les insulaires tirèrent les rames minces et sans lames. L’écumeuse sortir de la grotte et rejoignit la houle de l’océan occidental. La figure de proue se releva comme pour montrer le ciel avant de se rabattre ; Melcorka pouvait sentir son estomac suivre chaque mouvement. Œil vif n’avait aucun mal à garder l’équilibre sur la figure de bois, et lança un cri perçant avant de s’atteler au lissage de ses plumes. Une mouette vola à sa rencontre, mais un seul regard vers l’aigle de mer suffit à la convaincre de ne pas s’approcher davantage.

« Levez le mât ! » ordonna Bearnas. Sans effort apparent, l’équipage souleva le tronc de pin d’une hauteur de trente pieds pour le déposer au milieu du bateau. Oengus donna quelques ordres de sa voix bourrue et tous s’affairèrent à le fixer ; une croix-longeron fut hissée à son sommet ainsi qu’une grand-voile rouge déployée et prête à être gonflée par la brise.

« Rames à l’extérieur », cria Bearnas, « En cadence maintenant, comme avant. »

Grand-mère Rowan entama un chant que tous reprirent, ramant à l’unisson, tirants sur le bois avec de petits halètements d’effort. Oengus maintenait fièrement la godille tandis que Bearnas se dressait à la proue, son regard tourné vers l’horizon.

Le vent souffle, la mer monte

Un homme pousse des cris sauvages

Ma terre est riche hiuraibh ho ro

Melcorka déglutit difficilement en voyant L’écumeuse s’élever toujours plus haut. Elle regarda derrière elle, sa cabane à peine visible au loin.

« C’est ton passé, Melcorka », lui dit Oengus. « Il est temps de lui dire adieu ; seul avenir compte maintenant. »

Melcorka était incapable de dire ce qu’elle ressentait. Une certaine tristesse, et beaucoup d’incertitude, mais au doute se mêlait l’excitation et l’émerveillement à l’idée de ce qu’elle allait découvrir.

L’écume de la mer et le temps houleux

Une tempête qui les met à l’épreuve

Ma terre est riche hiuraibh ho ro

Elle porta son regard sur l’équipage de L’écumeuse. Toute sa vie, elle avait vu en ces gens des fermiers, des pêcheurs, des chasseurs d’œufs et des coupeurs de tourbe sans histoires. Aujourd’hui, ils maniaient les rames tandis que le navire s’élevait et se baissait, déchirant les vagues de sa proue pointue. Le plus jeune d’entre eux était d’âge moyen, le plus ancien avait atteint l’âge de la sénilité, et pourtant tous faisaient aller les rames avec ardeur, chantant comme si le feu de la jeunesse brûlait au plus profond de leurs entrailles.

Le vent fort les fouette

Et les vagues à tête blanche les agacent

Ma terre est riche hiuraibh ho ro

Les chants continuèrent, les versets s’enchaînant et Grand-mère Rowan donnant les premiers mots pour être rejointe par l’équipage transporté d’avant en arrière par le mouvement des rames. Quelques rayons de soleil percèrent à l’est, leur reflet sur les vagues semblable à une myriade de diamants lumineux, et vinrent éclairer les visages des rameurs.

Rien ne pourrait atteindre leur courage

L’équipage au cœur vaillant

Ma terre est riche hiuraibh ho ro

Soudainement, ils n’avaient plus rien de fermiers ou de coupeurs de tourbe. Les ombres de leurs pommettes hautes et de leurs mâchoires fortes révélaient leur véritable force à Melcorka qui vit pour la première fois les yeux profonds et les bouches fermes d’hommes et de femmes qu’elle aurait aimé voir à leur apogée.

Enfin, ils virent la terre

Et ils trouvèrent un refuge

Ma terre est riche hiuraibh ho ro

« Par ici. » La voix de Bearnas interrompit les pensées de Melcorka. « C’est là que tu dois aller, Melcorka. » Elle se pencha vers la jeune fille.

« C’est là que tu trouveras ta destinée. »

ChapitreDeux

Un groupe de petits îlots s’élevaient de la mer, bordés par les vagues qui se brisaient en un rideau de pluie sur leurs falaises pour être aussitôt emportées par le vent d’ouest, avant de laisser place à un nouvel assaut de la houle.

L’écumeuse plongea sa proue au travers d’une vague scélérate, permettant à la mer de s’engouffrer à bord et de recouvrir le navire entier, laissant derrière elle un équipage trempé avant de fuir à travers les dalots.

Melcorka se penchait autant que possible pour voir les falaises. « Pourquoi sommes-nous ici, mère ? »

Bearnas serrait la rame de direction de toutes ses forces. « Nous sommes ici pour que tu puisses accomplir ta destinée, Melcorka. »

Le rire rauque d’Oengus se tut brusquement. « Que suis-je supposée faire ? »

« Tu dois trouver ta destinée », répéta Bearnas.

« Mais que dois-je faire pour y parvenir ? »

« Il s’agit de ta destinée ; c’est à toi de la trouver, et non à moi de l’offrir sur un plateau. Toi seule peux décider de ce que tu dois faire. »

Une vague souleva le navire pour le porter plus près de la côte. Une voix douce, féminine et familière se fit entendre des hauteurs ; le sens de ses mots échappa à Melcorka dont l’attention lui était pourtant vouée.

« Qu’est-ce que c’était ? » demanda la jeune fille.

Bearnas la regardait sans dire mot.

« Vous avez entendu ? » Melcorka demanda à nouveau.

Personne à bord de L’écumeuse n’osait parler. Tous fuyaient le regard de Melcorka lorsque la voix éthérée se fit à nouveau entendre, tournoyant autour de son esprit sans qu’il lui soit possible de comprendre la moindre parole. « Je dois me rendre sur cette île », décida-t-elle.

« Rapproche-nous, Oengus », ordonna Bearnas d’une voix calme.

Le bateau se rapprocha de l’île jusqu’à ce que Melcorka aperçoive une corniche, qui dépassait à peine le niveau de la mer et remontait la falaise en diagonale. Elle la parcourut des yeux un instant avant de décider de la route qu’elle emprunterait pour atteindre le sommet.

« Arrête-toi ici Oengus, s’il te plaît. » Melcorka se tenait à pieds nus sur la rambarde, balancée par L’écumeuse qui dansait au rythme de la mer. Elle jeta un regard derrière elle, mais cette étrangère qui avait été sa mère ne dit rien. La voix résonna encore une fois, séduisante et étrange au milieu des vagues déchaînées et du vent rugissant.

Melcorka n’eut qu’à sauter du bateau pour se retrouver sur l’île. Elle releva la tête pour regarder autour d’elle. Ce qui lui était apparu comme une solide corniche sur le bateau était en réalité un minuscule espace à peine suffisant pour y poser ses orteils.

Derrière elle, L’écumeuse s’était déjà retirée à quelques vingtaines de pieds du rivage, Oengus tenant la barre tandis que tous les yeux étaient fixés sur elle. Une nouvelle vague se leva, l’entourant jusqu’à la taille pour éclater au-dessus de sa tête.

Les mots prirent forme dans son esprit, aussi clair que s’ils avaient été prononcés par quelqu’un qui se tenait à côté d’elle. « Tu es seule, Melcorka : c’est à toi de décider. »

« Décider de quoi ? » Le vent emporta les mots de Melcorka pour les faire disparaître dans les nuages.

Elle entama sa montée, cherchant des crevasses pour ses doigts et ses orteils, utilisant les dons qu’elle avait développés au cours de centaines d’expéditions à la recherche d’œufs d’oiseaux sur les falaises de Dachaigh. Elle regarda derrière elle à deux reprises et vit L’écumeuse s’éloigner un peu plus, tandis que le vent faisait virevolter la mousse des vagues à la surface de la mer. Elle n’avait pas d’autre choix que de continuer à grimper.

La falaise semblait grandir au fur et à mesure de son escalade, son sommet paraissant toujours plus loin ; seuls les nuages semblaient s’être rapprochés. La voix avait disparu, remplacée par les hurlements du vent et le tonnerre des vagues qui s’éclataient contre la roche.

Melcorka atteignit l’extrémité de la corniche. Un mur de granite poli par le vent s’élevait à perte de vue au-dessus d’elle.

« Que dois-je faire maintenant ? » s’interrogea-t-elle. La voix la surprit à nouveau.

« Suis ta destinée. »

« Bien », répondit Melcorka avec amertume, « Il semblerait que mon destin soit de chuter dans l’océan. »

Elle releva la tête ; la poussière du mur tomba dans ses yeux. Elle finit par apercevoir une entrée sombre dans la falaise, située une quinzaine de pieds au-dessus d’elle. « Une grotte ! Comment l’atteindre ? »

Elle ne reçut aucune réponse. La falaise n’était que pure roche, de laquelle s’échappait une ronce couverte d’épines balancée par le vent.

« Rester ici jusqu’à ce que mes muscles se fatiguent, ou essayer d’attraper cette ronce ? » Melcorka inspira profondément. « Je n’ai pas le choix. »

Elle leva les yeux pour mieux regarder la fine branche couverte d’épines, avant de contracter ses muscles et sauter. Le temps d’un instant, elle eut la sensation d’être suspendue dans les airs et pouvait se sentir aspirée par l’océan, jusqu’à ce que sa main droite se resserre autour de la ronce. Les épines qui lui déchiraient la peau et versaient son sang lui arrachèrent un cri. Elle ne lâcha pas prise, cherchant appui avec ses pieds lorsque le vent l’écarta de la falaise pour mieux la plaquer contre la roche.

Le sang coulait sur sa main. Elle respira profondément puis se mit à grimper le long de la falaise, espérant que la ronce supporte son poids tandis qu’elle avançait lentement, haletante et transpirant de peur.

Enfin, elle atteignit l’entrée de la cave. Elle resta allongée sur le sol jusqu’à ce qu’elle parvienne à respirer normalement puis de se releva. Elle ne put contenir un cri lorsque sa tête se heurta au plafond bas, puis regarda autour d’elle. La grotte s’étendait jusque dans l’obscurité, son plafond se rabaissant graduellement.

Melcorka jeta un regard derrière elle. L’écumeuse se trouvait désormais à un mile du rivage, à moitié dissimulée par les vagues. « Ils m’ont abandonnée ici », pensa-t-elle. Se sentant soudainement très seule, elle se baissa, inspira avant d’avancer, lentement, laissant à ses yeux le temps de s’habituer à la faible luminosité.

La voix réapparut, l’écho de la grotte déformant chacun de ses mots. Elle put entendre son nom ; quelqu’un l’appelait. Elle continua d’avancer. « Qui êtes-vous ? » Ses mots résonnèrent dans la cave.

Le plafond s’était encore abaissé, l’obligeant à courber les épaules ; les murs humides étaient recouverts de mousse verte. Elle se trouva vite obligée de ramper et continua d’avancer à genoux, espérant toujours que la voix mystérieuse lui vienne en aide.

Elle avait entendu le bruit à l’instant où elle avait pénétré dans la grotte, mais elle n’y avait pas prêté attention. Ce qui n’était qu’un murmure était devenu un rugissement. Melcorka atteignit un virage et s’arrêta brusquement. Une cascade coulait face à elle, son solide mur d’eau transperçant le plafond pour s’écouler dans un trou dans le sol.

« Voilà donc mon destin. » Melcorka était assise face à la chute d’eau, essayant désespérément de voir en travers. « Je dois rester ici et regarder l’eau couler. » Elle s’appuya contre le mur de pierre. « Quelque chose me dit que les choses ne s’arrêtent pas là. »

Elle inspira profondément.

« Il doit y avoir une source de lumière derrière cette eau, sans quoi je ne pourrais rien voir. Cela signifie donc qu’il y a une sortie ; il doit y avoir quelque chose de l’autre côté. » Elle se releva. « Je peux essayer, ou je peux attendre un miracle. Mieux vaut essayer que d’échouer à cause de mes peurs. »

Un sifflement se fit entendre, fort et distinct. Melcorka aperçut une tache noire et blanche la dépasser pour filer à travers l’eau.

« Une pie de mer », pensa la jeune fille. « L’oiseau qui vit le long du rivage ! » Elle se souvint des mots de sa mère qui lui avait dit de suivre le chemin d’une pie.

« Eh bien, voilà donc mon destin ! » Melcorka se pencha en avant pour traverser la chute d’eau, espérant trouver quelque chose pour se rattraper. Alors qu’elle s’étendait, ses pieds glissèrent et elle tomba en avant, essayant vainement de se rattraper. Elle atterrit un peu plus loin sur la roche dure. La cascade se trouvait derrière elle, et la grotte s’ouvrait face à elle sur une caverne large et aérée.

Reprenant le contrôle de ses nerfs qui causaient des tremblements dans ses mains et ses jambes, Melcorka se ressaisit avant de reprendre sa route, trébuchant sur le sol rugueux jusqu’à atteindre l’extrémité de la grotte ouverte sur l’extérieure.

« J’ai traversé l’île et je suis en train d’en voir l’autre côté », réalisa-t-elle.

Une large colonne de pierre divisait l’entrée depuis le sol jusqu’au plafond. De chaque côté se trouvait un pont de pierre, étendu jusqu’à deux rochers jumeaux gigantesques qui s’élevaient en pointe au-dessus de l’océan.

La voix revint. « Ta destinée, Melcorka ; tu dois choisir ton avenir. »

Il était impossible de voir le sommet des deux rochers en même temps ; Melcorka dut s’écarter pour les distinguer. Elle pouvait voir qu’un objet était attaché à chaque extrémité, mais le brouillard qui s’accrochait à la falaise les dissimulait.

« Je ne vois rien ; qu’est-ce que je dois choisir ? »

La brume se dissipa brusquement. Au sommet du rocher de gauche se trouvait une harpe dorée posée sur un coussin de soie, un pichet de vin et un panier de pommes mûres à ses côtés. Le vent fit vibrer les cordes de l’instrument pour jouer une mélodie douce, l’invitant à s’approcher et goûter les fruits. Melcorka sourit et s’avança, le pont de pierre se transformant sous ses yeux en une route pavée de pierres dorées bordée d’une rambarde en chêne.

Elle se tourna vers le rocher de droite. Il était plus fin, et n’avait ni fruits ni coussin de soie ; seulement une épée rouillée enfoncée dans la pierre. Le pont était aussi étroit que la longueur de son pied, humide et rugueux.

« Voilà donc mon choix. Une harpe capable de jouer la plus douce des musiques, ou une vieille épée usée. »

Melcorka regarda chaque rocher encore une fois. Elle ne connaissait rien aux épées, mais celle-ci avait clairement fait son temps, avec sa lame rouillée et sa poignée usée qui avait besoin d’être réparée.

« Mon destin m’attend », reprit Melcorka d’un ton railleur. Elle jeta un regard sur la harpe. Un homme était là, nu comme un nouveau-né, séduisant et bâti comme un dieu, aux muscles saillants et avec un sourire capable de faire fondre le cœur le plus dur. Il lui fit signe, l’invitant à pénétrer dans ce paradis de musique et de luxe qu’il présidait. Melcorka laissa échapper un petit cri de satisfaction. L’homme à la peau d’or s’était assis sur le coussin de soie et passait ses doigts sur les cordes de la harpe, laissant sa musique prendre possession de Melcorka comme le feu de la passion, éveillant en elle des sensations à la fois si étranges et agréables qu’elle s’en trouvait bouche bée.

Le cri aigu de la pie de mer pénétra son esprit et elle se débattit pour sortir de la brume dorée. Le second rocher n’avait pas changé ; il était toujours aussi dur, froid et sombre, l’épée usée tranchant son granite.

Melcorka inspira profondément. Quel était son destin ? Quel choix devait-elle faire ? Son regard se porta au-delà des deux rochers, là où la mer rencontrait le ciel dans la ligne de l’horizon que ni la terre ni la mer n’étaient parvenues à atteindre.

La pie vola autour de la caverne avant d’atterrir à ses pieds.

« Alors, petit oiseau noir et blanc », dit Melcorka, « Je croyais que tu devais me guider ? »

La pie émit un sifflement aigu, mais ne bougea pas. Les sons de la harpe se firent plus présents, invitant la jeune fille à diriger son attention vers le rocher de gauche. L’homme était allongé sur un divan confortable, un gobelet en or à ses lèvres tandis que sa main gauche continuait de frotter les cordes de son instrument. Il la regardait, lui souriait, l’invitait à le rejoindre.

Melcorka laissa un instant ses yeux s’aventurer sur son corps, s’arrêtant là où ils le souhaitaient, avant de reculer.

« Non », dit-elle. « Je n’ai pas été élevée dans la paresse et la débauche. » Elle fit plusieurs pas en arrière et se dirigea vers le rocher de droite où l’épée se tenait toujours, sans fioriture, rebutante.

Melcorka inspira, fit rouler ses épaules puis s’engagea sur le pont étroit. Tandis qu’elle marchait, le vent se leva pour la pousser, s’engouffrant dans sa chemise pour la gonfler et pénétrant ses cheveux pour les faire virevolter autour de son visage.

Melcorka aplatit sa leine autour de son buste, repoussa ses cheveux de sa main gauche puis continua son avancée. Elle avait pris sa décision ; il n’était pas question de revenir en arrière. Le sol s’abîmait sous ses pas, des morceaux de pierre se brisant et tombant en bas dans la mer. Melcorka observa un caillou qui faisait la taille de son poing tomber et compta les secondes jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vue. Elle ne le vit pas toucher l’eau.

« Le pont est en train de se briser », pensa Melcorka. Elle se mit à faire de plus grands pas et courait presque lorsqu’elle atteignit enfin le rocher.

L’épée était toujours là, sa poignée en peau de requin dénouée et balancée par le vent.

« Je suis là », cria Melcorka. « Que dois-je faire maintenant ? »

Aucune réponse ne se fit entendre.

« Où est ma destinée ? » Melcorka regarda autour d’elle. « Est-ce que c’est ça ? »