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La forêt de Rosenhoff est depuis toujours au coeur de légendes et de rumeurs. Les jeunes Les jeunes imprudents qui s'y perdent au fil des siècles ne reviennent pas. Une sorcière hanterait les lieux, tapie dans sa tanière, et piègerait les enfants pour mieux les dévorer. Une comtesse maudite au coeur brisé. Une âme noircie par la rancoeur. Lorsque Helena découvre le terrible secret de sa mère, toutes ses certitudes sont remises en question. Mais elle est bien décidée à la sauver du mal qui la tourmente. En affrontant ses propres blessures et en ignorant ses peurs, Helena découvrira la véritable histoire qui se cache derrière la légende. Au péril de sa vie. Car au plus profond de la forêt, où les arbres se taisent et l'air étouffe, la sorcière attend.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Elisa Rubin - Née à Bruxelles, nourrie aux contes de fée et aux films d'aventures depuis sa plus tendre enfance, elle a développé très tôt l'envie de raconter des histoires puis d'écrire. A l'approche de la quarantaine, elle a enfin décidé de se lancer dans l'écriture et voit ainsi naître son premier roman!
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Seitenzahl: 294
Veröffentlichungsjahr: 2024
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La Malédiction de Rosenhoff
Elisa rubin
Couverture par Ecoffet M.Scarlett webdesign
Maquette intérieure par Ecoffet Scarlett
Correction par Sophie Eloy
© 2022 Imaginary Edge Éditions
© 2022 Jessica Boutry.
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.
Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou production intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
ISBN : 978249385351
Table des matières
PROLOGUE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
REMERCIEMENTS
Les plus beaux contes de fées se terminent toujours par de merveilleuses histoires d’amour. Mais parfois celles-ci se révèlent dévastatrices et brisent les cœurs autrefois épris, laissant un trou béant dans l’âme. Les jolis contes se transforment alors en cauchemars et engendrent les légendes que l’on se raconte le soir au coin du feu pour s’amuser à se faire peur.
La peur. Elle s’en nourrit. De l’innocence, aussi. Pour toujours. À moins qu’on ne l’arrête. Mais elle n’a pas toujours été comme ça. Le monstre est né de la trahison, de l’effroi, de la rancœur. De la passion. C’est quelque part rassurant de savoir qu’elle n’en est pas arrivée là de sa propre volonté.
On ne devient pas une effroyable sorcière dévoreuse d’enfants juste parce qu’on l’a décidé.
Pas vrai ?
Helena Fischer, la jeune fille qui avait disparu dans la forêt aux abords de la petite ville de Rosenhoff, a été retrouvée hier après-midi, près de dix jours après le lancement de l’avis de recherche et une impressionnante mobilisation pour la retrouver. D’après les forces de l’ordre, elle souffrirait de nombreuses coupures et contusions, ainsi que de déshydratation, mais son état est jugé stable. Elle a été emmenée à l’hôpital et sera interrogée afin de faire la lumière sur ce qui lui est arrivé. En effet, sa mésaventure rappelle les nombreuses disparitions qui ont eu lieu dans cette zone ces cinq dernières années. Contrairement à la plupart des victimes, Helena s’en sort plutôt bien…
La voix du journaliste s’estompa. Puis elle entendit le click qui signalait l’extinction de la télévision. Quelqu’un déposa la télécommande sur une table. Helena commençait peu à peu à reprendre connaissance. Elle ne savait pas où elle se trouvait. Des draps frais couvraient son corps et sa tête reposait sur un oreiller moelleux. Elle cligna des yeux, tenta de les ouvrir. L’un d’eux était douloureux, il brûlait. Elle décida d’attendre encore un peu avant de réessayer. Elle scanna le reste de son corps. Chacun de ses membres la faisait souffrir. Ses pieds fatigués, ses jambes endolories, ses avant-bras entaillés en de nombreux endroits, sa gorge griffée, sa tête lourde et engourdie. Elle tenta de déglutir et reconnut le goût du sang dans sa bouche. Elle réessaya d’ouvrir les yeux, en douceur. Elle voulut porter une main à son visage pour évaluer les blessures, mais elle était attachée. Elle se redressa alors d’un coup en poussant un bref cri d’angoisse, avant de constater que ses deux poignets étaient entravés par des sangles en cuir. Une infirmière la saisit par les épaules et passa une main tendre sur son front.
— Chut, calmez-vous, vous êtes en sécurité, dit-elle.
— Où suis-je ? Qui êtes-vous ? s’inquiéta Helena.
— Vous êtes à l’hôpital Notre-Dame, on vous a retrouvée dans la forêt. On va prendre soin de vous, ne vous inquiétez pas. Il faut vous reposer.
Helena s’allongea en acquiesçant. Elle tenta de retrouver une position confortable.
— Un médecin va venir vous voir, la police aussi. Il faut que vous leur racontiez ce qui vous est arrivé. Je vais vous donner un sédatif léger pour vous calmer et je vais détacher vos entraves. On a été obligés de vous les mettre parce que vous étiez fort agitée. Vous me promettez de rester calme et de vous reposer ? Vous n’avez qu’à appuyer sur ce bouton si vous avez besoin de quoi que ce soit, je serai juste de l’autre côté du couloir, d’accord ? Ne vous en faites pas, tout ira bien.
L’infirmière parlait d’une voix réconfortante. Elle sortit de la chambre et ferma la porte derrière elle. Helena parcourut la pièce du regard. La télévision éteinte la fixait d’un petit œil rouge. La télécommande reposait sur la table de nuit, à côté d’une carafe d’eau et d’un verre. Un placard se trouvait au fond, peut-être qu’il renfermait ses effets personnels ? Elle envisagea les murs d’un blanc terne puis son regard se posa sur un tableau. Un de ces posters encadrés que l’on trouve dans les grandes enseignes d’aménagement. Il représentait une forêt dense, baignée dans la brume. Le pouls d’Helena s’accéléra et un éclair déchira son champ de vision. Elle se prit la tête entre les mains en gémissant. Des bribes des derniers jours fusèrent dans son esprit. La forêt. La terreur. L’odeur de charogne. L’haleine putride et les doigts crochus. Les branches qui lacéraient son visage et ses bras tandis qu’elle courait aussi vite que possible.
Samuel.
Helena éclata en sanglots et respira à grandes inspirations laborieuses. Elle se servit un verre d’eau d’une main tremblante et en but une gorgée. Le liquide n’apaisa pas sa gorge endolorie. Elle entendit des pas approcher. Elle reposa le verre tandis que la porte s’ouvrit. Une dame d’une quarantaine d’années entra dans la pièce. Elle portait une blouse blanche, les cheveux blonds attachés en un chignon strict. Un homme lui emboîta le pas, en costume austère, mal coupé. Une épaisse moustache poivre et sel dissimulait sa lèvre supérieure.
— Helena, je suis le docteur Kirchberg, je suis psychiatre, annonça la dame blonde. Et voici l’inspecteur Schulz. Nous souhaitons parler un peu avec vous, si vous vous en sentez capable.
La jeune femme ne répondit pas tout de suite, elle contempla d’abord ses deux interlocuteurs. Puis elle actionna le bouton qui servait à redresser le lit et s’adossa contre le matelas, sa tête soutenue par l’oreiller. Enfin, elle acquiesça.
— Je ne sais même pas par où commencer, déclara-t-elle.
— Par le début ? suggéra l’inspecteur.
Helena lui adressa un regard désemparé. Tout se mélangeait dans sa tête. Des images déconnectées les unes des autres continuaient de défiler, formant un film incohérent.
— Que vous est-il arrivé ? Comment vous êtes-vous perdue ? Est-ce que quelqu’un vous a infligé ces blessures ? poursuivit-il. Étiez-vous seule ?
Elle redressa soudain la tête affichant cette fois une mine catastrophée.
— Samuel ! Je n’ai pas pu l’aider ! Vous devez aller le chercher, souffla-t-elle avant de laisser les larmes envahir ses yeux.
— Qui est Samuel ? Un ami à vous ?
Le regard implorant d’Helena alterna entre l’inspecteur et le docteur.
— Il était avec moi. Je n’ai rien pu faire pour le sauver. Tout s’est passé si vite. Elle a prononcé un mot que je n’ai pas compris, et il s’est écroulé.
Elle marqua une pause, se remit à sangloter de plus belle. Le visage souriant de Samuel lui apparut, ses yeux taquins et ses dents parfaites.
— Quelqu’un d’autre était avec vous ? Elle vous a fait du mal ? C’est elle qui a entaillé vos avant-bras ?
— Non, ça, c’est moi.
L’inspecteur lança un regard suspicieux à la psychiatre qui prenait des notes dans un carnet aux coins écornés.
— Mademoiselle Fischer, il va falloir que vous repreniez vos esprits et que vous nous racontiez ce qui s’est passé, dans l’ordre. Nous essayons simplement de vous aider.
— Respirez profondément. Vous êtes en lieu sûr, avec des personnes de confiance. Il n’y a aucune raison d’avoir peur, assura la psychiatre.
Helena s’ébroua et leur offrit un sourire triste.
— Vous n’avez aucune idée de ce que vous dites. Si je ne l’ai pas tuée, elle reviendra. Et elle continuera. Vous devez aller là-bas et vous assurer qu’elle est morte. Pour de bon ! Et retrouver Samuel.
L’inspecteur dégaina à son tour un petit carnet à spirale et un crayon. Il griffonna quelques mots et s’assit sur le tabouret à roulette recouvert de simili noir.
— Bien, Helena. Je peux vous appeler Helena ? Dites-moi, qu’êtes-vous allée faire exactement dans cette forêt et pourquoi ?
— J’y suis allée pour tuer la sorcière, une fois pour toutes.
L’inspecteur Schulz et le docteur Kirchberg relevèrent la tête en direction d’Helena en même temps, l’air intrigué.
— Vous voyez, poursuivit-elle, la sorcière est déjà morte plusieurs fois, mais elle a trouvé le moyen de revenir. Parfois plusieurs années s’écoulent avant qu’elle ne puisse revenir, mais des promeneurs perdus finissent toujours par trouver sa maison, la prenant pour un refuge. Ce fut le cas il y a cinq ans. Toutes ces disparitions qui ont soudain repris ces cinq dernières années, n’est-ce pas ? Comme il y a une trentaine d’années, jusqu’à ce que ma mère la tue. Du moins, c’est ce qu’elle a cru. Mais la sorcière est revenue. Et ma mère, ça l’a rendue folle.
— Helena, intervint la psychiatre, nous allons vous laisser vous reposer. L’inspecteur et moi reviendrons demain matin. Cela nous permettra aussi de remettre de l’ordre dans vos déclarations et de voir comment nous pouvons vous aider au mieux.
Elle sortit un petit comprimé rose de sa poche et le tendit à Helena.
— Tenez, prenez-le avec un peu d’eau, cela vous aidera à dormir.
Helena avala le comprimé et rabaissa le dossier du lit. Elle s’allongea sur le côté, ramenant les draps au-dessus de ses épaules.
— Vous irez chercher Samuel ? demanda-t-elle d’une voix faible.
— Bien sûr, nous ferons tout notre possible, promit l’inspecteur.
Le docteur sortit de la pièce, suivie par l’inspecteur qui appuya sur l’interrupteur pour éteindre la lumière.
— S’il vous plaît ! Vous pouvez laisser allumé ? demanda Helena.
***
Dans le corridor, le docteur Kirchberg s’adressa à l’inspecteur Schulz en chuchotant.
— À l’évidence, elle souffre de stress post-traumatique. Elle ne nous dira rien de cohérent pour l’instant, il faut qu’elle récupère. Je lui ai prescrit des anxiolytiques, ils devraient agir rapidement. Elle sera certainement plus calme et plus lucide demain.
— Bien. Je vais voir si je peux trouver qui est ce Samuel et mieux, qui est cette sorcière, ajouta-t-il en mimant des guillemets avec ses doigts. On a passé l’endroit où on l’a retrouvée au peigne fin, on n’a rien trouvé. On n’a pas cherché plus loin, la nuit commençait à tomber. J’enverrai des équipes demain pour fouiller dans un rayon plus large.
— J’ai prévenu son père, il sera là demain matin.
**
Peu après l’aurore, Samuel tenait Helena dans ses bras avant de se faire aspirer par un vortex invisible en la suppliant de le sauver. Elle se réveilla en sursaut et se frotta le visage. Elle but un grand verre d’eau puis écarta les draps. Elle tenta de se lever, mais ses jambes n’étaient pas stables. Elle grimaça en constatant les nombreuses plaies sur ses pieds, résultat de jours de marche incessante dans la forêt. Ses genoux étaient écorchés et violacés ; elle se rappela avoir trébuché plusieurs fois. Elle observa à nouveau la chambre et se rendit compte qu’une salle de bain se trouvait à gauche du lit. L’idée d’une douche chaude la fit languir et elle appuya sur le bouton rouge orné d’une cloche pour appeler l’infirmière, qui se présenta quelques minutes plus tard. Ce n’était pas la même que la veille. Celle-ci était plus âgée, une femme potelée et enjouée qui affichait un sourire bienveillant.
— Je voudrais prendre une douche, mais je ne sais pas si je peux.
— Bien sûr ! Je vais vous aider. La police a prélevé tout le nécessaire hier lorsque vous avez été admise. C’est normal de ne pas vous en souvenir, vous étiez en état de choc ! Venez par ici.
L’infirmière aida Helena à se déshabiller puis la laissa seule dans la salle de bain.
— Je reste dans la chambre, juste là, assura-t-elle.
— Merci, répondit Helena d’une voix rauque.
Elle resta un instant au milieu de la salle de bain, considérant son corps nu dans le miroir. La terre et la poussière dissimulaient l’éclat de ses cheveux blonds emmêlés. Son front et sa joue droite présentaient des éraflures dues aux branches. L’œil qui la faisait souffrir contenait une marque rouge vif, juste à côté de l’iris, probablement la cause de sa confrontation avec l’une ou l’autre ronce. Elle constata quatre griffes de chaque côté de sa gorge. Le flash de la sorcière qui l’agrippait par le cou, tentant de l’emmener dans sa chute, se matérialisa dans le miroir. Juste l’instant d’une seconde. Un frisson glacial parcourut tout son corps. Elle poursuivit son inspection. Les entailles de ses avant-bras, grossièrement recousues pendant sa captivité, avaient été suturées avec soin. Ses mains, enfin, pleines de griffures, les ongles noircis. Elle soupira puis se décida à entrer dans la cabine de douche. La crasse et le sang séché s’écoulèrent dans le siphon, tandis qu’une sensation de soulagement dénoua les tensions de son corps meurtri. Après de longues minutes, elle réapparut dans la chambre, emballée dans une serviette de bain un peu rêche. L’infirmière lui tendit une blouse propre.
— Pour l’instant, c’est tout ce que nous pouvons vous donner, mais j’ai entendu dire que votre papa arrivera ce matin, il vous apportera certainement des vêtements propres !
— Merci.
— Allez, je vais vous amener votre petit déjeuner. Ensuite le docteur et l’inspecteur viendront vous voir. En attendant…
— Je vais me reposer, oui, je sais, sourit Helena.
***
Helena contempla le plateau que l’on venait de déposer devant elle, partagée entre l’envie de dévorer le contenu et celle de vomir. Elle était affamée, mais le souvenir des derniers jours lui entravait l’estomac. Les deux tranches de pain grisâtre sans consistance partageaient un compartiment avec un petit pot de confiture individuel, ainsi qu’une portion de beurre. Un récipient en inox renfermait du café brun clair, aqueux. À côté, un sachet de sucre et une capsule de lait condensé. Au milieu du plateau trônait un yaourt à la fraise. Helena soupira. Elle détestait le yaourt à la fraise. Son regard se posa ensuite sur le seul élément alléchant : un gobelet en plastique rempli de jus d’orange. L’odeur acidulée lui titilla les narines et elle but le contenu d’une traite. Elle commençait à se confectionner des tartines de confiture lorsque le docteur Kirchberg frappa à la porte et entra, suivie par l’inspecteur Schulz. Helena repoussa le plateau sans trop de remords et se redressa.
— Comment allez-vous ce matin, Helena ? demanda le docteur.
— Mieux, merci. J’ai pu me doucher, ça m’a fait un bien fou.
— Parfait. Avez-vous pris les comprimés ?
Helena regarda son plateau. Elle aperçut alors le petit pot en papier qui contenait trois comprimés. Elle les porta à sa bouche et les avala avec de l’eau.
— Vous irez vite mieux, vous verrez. Vous sentez-vous prête à reprendre notre conversation ?
— Je crois. Mais d’abord, avez-vous trouvé quelque chose ? Samuel ?
— Pas encore, répondit l’inspecteur. Mais je viens d’envoyer plusieurs équipes fouiller la zone. S’il y a quelque chose, ils le trouveront, croyez-moi.
— D’accord. Je vais vous raconter ce qui s’est passé. Mais je crois que je dois d’abord vous raconter ce qui est arrivé à ma mère, il y a cinq ans.
***
Cinq ans plus tôt, Helena venait d’avoir dix-huit ans. Elle passait exceptionnellement les fêtes de Noël chez ses grands-parents maternels, les Keller, en compagnie de ses parents. C’était la première fois qu’elle restait chez eux plus de deux jours. Lorsqu’ils s’y rendaient, ils passaient la nuit, tout au plus, et reprenaient la route dès le lendemain bien avant le coucher du soleil. Cette fois-ci, Madame Keller, sa grand-mère, s’était cassé le col du fémur. Elle n’était dès lors pas en mesure de supporter le trajet jusqu’à Grünfeld, où habitaient Helena et ses parents, à des centaines de kilomètres de Rosenhoff. Mathilda, la mère d’Helena, était réticente et avait insisté pour que l’on fasse l’impasse sur les célébrations de fin d’année, mais les Keller ne voulurent rien entendre. Elle emmena donc son mari et sa fille chez ses parents, dans sa ville natale, afin d’y passer les vacances de Noël. Durant ces deux semaines, Helena n’avait le droit de sortir que la journée et l’interdiction formelle de s’approcher à moins de cent mètres de la forêt qui bordait la ville. C’est en se promenant au centre-ville à la recherche de décorations pour le sapin qu’elle rencontra Samuel pour la première fois. Il n’avait pas prêté attention en traversant la rue avec son vélo et frôla la jeune femme, manquant de peu de la renverser. Il proposa de lui offrir un café pour se faire pardonner, ce qu’elle accepta. Le charisme de Samuel répondit à l’aura d’Helena. Les étincelles se muèrent rapidement en un brasier dévorant. Ils ne se quittèrent plus pour le reste des vacances. Quelques jours avant son retour chez elle, Helena promit d’écrire et d’appeler autant que possible. Samuel en fit tout autant. Aucun des deux ne supportait l’idée de se voir séparé de l’autre. Et pourtant.
***
Le jour où tout bascula pour Helena, Samuel venait de lui faire une déclaration enflammée. Elle n’avait pas su quoi répondre sur le moment et son téléphone n’arrêtait pas de sonner. C’était son père. Elle devait répondre. Elle partit précipitamment. Il resta planté là, le cœur arraché de sa poitrine et piétiné au sol, pensant que tout n’avait été que des paroles en l’air. Helena courut jusque chez ses grands-parents, consciente que quelque chose de sérieux venait de se passer. Elle aperçut une ambulance stationnée devant la maison. Son estomac se noua et elle se précipita vers la porte d’entrée, restée ouverte. Elle s’engouffra dans le couloir. Percevant l’agitation venir de l’étage, elle monta les escaliers jusqu’à la chambre où se trouvaient les membres de sa famille. Sa mère gisait au sol, agitée, se débattant telle une possédée. Ses grands-parents tentaient de réconforter son père tandis que les ambulanciers maintenaient les bras de Mathilda au sol pour essayer de lui administrer un calmant. Ils rentrèrent chez eux dès le lendemain matin, laissant Rosenhoff loin derrière eux. Par la suite, Mathilda s’enfonça dans une dépression dont elle ne sortit plus jamais. Mutique la plupart du temps, elle souffrait régulièrement de crises d’angoisse qui devenaient de plus en plus ingérables pour son mari et sa fille. À tel point qu’au bout d’une année, ils durent se résoudre à la faire interner dans une institution psychiatrique. Helena lui rendait visite dès qu’elle le pouvait. Elle avait écourté ses études en Irlande et préféré fréquenter une université plus proche de son domicile, pour rester près de ses parents. Son père l’avait encouragée à quitter le nid familial, ce qu’elle fit à contrecœur.
— Tu dois vivre ta vie pleinement, ma chérie, lui répétait-il. Sors, ri, chante, danse, aime, pleure, apprend, étudie. Tu n’as pas besoin de moi pour tout ça !
— Mais toi tu as besoin de moi, papa.
— Allons, voyons. N’inversons pas les rôles. Je sais que je peux compter sur toi, c’est le plus important.
***
Quatre ans plus tard, Helena rendit visite à sa mère un dimanche en fin d’après-midi, comme elle en avait pris l’habitude. Elle gara sa voiture dans le parking situé en contrebas de la bâtisse austère de brique rouge qui abritait le centre de soins psychiatriques. Elle traversa le jardin parfaitement entretenu, le parfum des fleurs se mêlant à celui du gazon fraîchement tondu. Le crissement de ses pas sur le gravier semblait faire frétiller les iris et les coquelicots des parterres fleuris qui se trouvaient de part et d’autre du sentier. Elle inspira nerveusement, comme à chaque fois qu’elle s’apprêtait à passer l’imposante porte d’entrée en ogive. Elle salua la réceptionniste qui lui adressa un timide geste de la main avant de s’emparer de sa souris et de poursuivre sa lecture sur l’écran de l’ordinateur.
Mathilda avait été installée dans un fauteuil du salon de télévision. Normalement, les visites avaient lieu dans sa chambre, la bibliothèque ou la cafétéria. On évitait de l’exposer aux écrans, qui lui provoquaient régulièrement des crises d’anxiété dont on avait du mal à la faire revenir. Pâle et amaigrie, Mathilda regardait dans le vide, les doigts de sa main gauche grattant sans relâche sa paume droite. Ses cheveux blonds ternis, parsemés de gris, encadraient son visage émacié. Elle semblait nager dans son gilet bleu marine dont les manches avaient été retroussées au-delà des poignets. Helena prit place à côté de Mathilda et lui caressa le bras.
— Maman, c’est moi. Qu’est-ce que tu fais de beau aujourd’hui ? murmura-t-elle avec tendresse.
Sa mère ne réagit pas. La gorge serrée, Helena replaça une mèche de Mathilda dans un geste affectueux. Comment savoir si elle était consciente de sa présence ? Helena commença à lui raconter sa semaine, la progression de ses études de psychologie, son quotidien avec ses colocataires, ses inquiétudes pour son père. Click. Un employé de l’institution venait d’allumer la télévision. Des patients s’installèrent docilement dans les fauteuils face à l’écran. Des publicités pour du lait chocolaté, du shampoing et une voiture défilèrent dans une cacophonie de couleurs criardes et de musiques agaçantes. Puis le générique du journal télévisé retentit.
Nous sommes toujours sans nouvelles de Hans et Ethel, les deux adolescents disparus il y a deux semaines dans la forêt aux abords de Rosenhoff. Il s’agit de la dixième disparition inexpliquée en cinq ans dans cette forêt que l’on sait dense et réputée hantée…
Mathilda se crispa. Helena posa une main apaisante sur le bras de sa mère, mais celle-ci la repoussa et se leva d’une traite en hurlant. Elle s’empara d’une chaise qu’elle lança de toutes ses forces vers la télévision. Une vague de protestation déferla dans le salon. Les résidents se levèrent à leur tour, surpris et agités. Certains déguerpirent sans demander leur reste, d’autres se mirent à crier ou à paniquer. Helena tenta de retenir sa mère, mais celle-ci hurla de plus belle en voyant les images de sa ville natale à l’écran.
— Elle va tous nous tuer ! Elle ne s’arrêtera jamais ! vociférait Mathilda.
— Maman ! Calme-toi !
De costauds infirmiers pénétrèrent dans le salon pour rétablir l’ordre. Deux d’entre eux fondirent sur Mathilda et la saisirent par les bras. Elle se débattit avec hargne tout en exigeant qu’on la relâche.
— Elle va tous nous tuer je vous dis ! affirma-t-elle sur un ton plus calme avant d’éclater de rire.
Helena s’approcha de sa mère, affichant une moue déconcertée. Mathilda empoigna les bras de sa fille et serra fort. Elle l’attira vers elle et la fixa droit dans les yeux.
— Tu dois en finir, Helena. Aller jusqu’au bout, ordonna-t-elle d’un ton franc et assuré.
Helena la considérait sans pouvoir cligner des yeux, retenant son souffle.
— Je n’ai pas pu, poursuivit Mathilda en étouffant un sanglot. J’avais trop peur. Mais toi tu es courageuse. Il faut que tu le fasses, Helena. Elle m’observe encore, elle me parle tous les jours. Tu dois la faire taire, je t’en supplie. Elle continuera de les manger tant qu’on ne l’arrête pas !
Les infirmiers desserrèrent l’emprise de Mathilda autour des bras de sa fille et l’emmenèrent jusqu’à sa chambre.
— Elle tranche, elle croque, elle grignote ! Si elle t’attrape, tu finis dans la cocotte ! Cours donc, cours vite, mon enfant ! Car l’appétit vient en mangeant ! récita Mathilda en s’esclaffant.
Déroutée par la scène qui venait de se jouer, Helena regarda sa mère s’éloigner, traînée par les deux infirmiers, ses pieds nus grinçant sur le sol synthétique. C’étaient les premières phrases que Mathilda lui avait adressées en quatre ans. Helena n’avait jamais compris pourquoi la santé mentale de sa mère s’était détériorée si vite. Il s’agissait pour elle d’une dépression, dont elle ignorait toutefois la raison. Elle se rappela le jour de la première crise d’angoisse. À l’époque, elle s’était posé la question de l’élément déclencheur, sans trouver la réponse. Son père n’en parlait pas, il affirmait n’avoir aucune idée de ce qui avait bien pu arriver à Mathilda. Et dès que le sujet était abordé, il digressait aussi vite. Helena prit son sac et sa veste, puis se dirigea vers la sortie. Le calme était revenu dans le salon, désormais déserté. Seule la télévision était restée allumée. Le journal touchait à sa fin, le reportage couvrait une initiative dans une école pour apprendre aux enfants à se nourrir sainement. Helena se retourna vers l’écran et se rappela la crise de sa mère, déclenchée au moment du reportage sur la disparition des deux enfants dans la ville natale de Mathilda.
Elle se dirigea d’un pas rapide vers le parking. En chemin, elle ressassa les événements et les paroles de sa mère, qui n’avaient aucun sens. Il y avait forcément un rapport. Elle devait en avoir le cœur net. Dévorée par le doute, elle n’attendit pas d’être de retour chez elle. Elle s’arrêta dès qu’elle le put sur le bord de la route et consulta la presse sur son téléphone, à la recherche d’un article sur cette disparition. Elle trouva tout de suite. Les deux enfants, frère et sœur, avaient disparu une quinzaine de jours plus tôt sans laisser de trace tandis qu’ils promenaient leur chien dans les bois. L’animal était rentré seul au domicile le soir même. Des liens vers des articles plus anciens figuraient au bas de la page. Helena les consulta les uns après les autres. Tous relataient les mêmes faits. Des enfants, adolescents ou jeunes adultes disparaissaient dans la forêt bordant la ville de Rosenhoff. Ils étaient parfois en groupe, parfois seuls. Sur les seize personnes au total qui avaient disparu ces cinq dernières années, seules deux étaient réapparues. On avait retrouvé une petite fille de neuf ans endormie au pied d’un arbre après trois semaines sans nouvelles, repérée dans les feuillages grâce à son manteau rouge vif. Mis à part des traces de liens sur les chevilles, la petite semblait en bonne santé et avoir été bien nourrie. L’autre rescapée était une jeune fille de quinze ans qui sonna un jour à la porte de sa propre maison, six jours après avoir disparu dans la forêt avec ses deux meilleures amies. Elle refusa de parler aux autorités. Ses parents déménagèrent peu de temps après et on n’entendit plus jamais parler d’elle.
Helena dévorait les articles les uns après les autres. Elle commença à se sentir mal à l’aise seule dans sa voiture, au bord d’une route peu fréquentée. Elle déglutit et jeta un coup d’œil furtif dans les rétroviseurs. Elle secoua la tête et reprit ses recherches. Toutes ces histoires étaient effroyables, mais elle ne voyait pas le lien avec sa mère, ni pourquoi elles auraient provoqué une telle réaction de sa part. Puis son regard se posa sur une phrase hyperlien. Un picotement envahit sa poitrine. Comme en 1988. À l’époque, Mathilda était adolescente. S’il s’était passé quelque chose à Rosenhoff cette année-là, elle devait donc être au courant. Helena cliqua sur l’hyperlien. Un groupe de jeunes avait disparu, on était resté sans nouvelles d’eux pendant une semaine. Une jeune fille avait survécu, Mathilda Keller, quinze ans. Helena redressa la tête et lâcha son téléphone. Il tomba à ses pieds, entre les pédales. Elle le ramassa en bougonnant. Une sensation de vertige s’empara d’elle. Elle posa ses mains sur le volant pour maintenir son équilibre, même si elle était assise. Elle pouvait à peine y croire. Elle ignorait tout de cette histoire. Personne ne lui avait jamais rien dit. Ni sa mère, ni son père, ni ses grands-parents. L’omerta complète. Elle ne comprenait pas. Pourquoi garder un tel secret ? La dépression de sa mère prenait désormais tout son sens. Surmonter un tel traumatisme devait être presque impossible. Mais alors pourquoi son père n’avait rien dit ? Pourquoi ne pas en parler aux médecins ? Pourquoi ne pas lui en avoir parlé, à elle, sa propre fille ? Helena posa son téléphone dans son sac à main, sur le siège passager, et démarra la voiture. Elle devait interroger son père.
***
En chemin, Helena réfléchit à ce qu’elle allait lui dire. Il ne rendait presque jamais visite à Mathilda. Comme s’il craignait de la voir. Comme si ignorer le problème le ferait disparaître. Partagée entre la colère et l’inquiétude, elle stationna sa voiture dans l’allée menant au garage.
— Papa ? appela-t-elle en entrant dans la maison.
Elle se dirigea vers le salon, où elle trouva son père en train de lire. Il releva la tête et lui sourit, puis se leva pour l’embrasser sur chaque joue, comme il en avait l’habitude.
— Ma chérie, je ne savais pas que tu venais ce soir, tu aurais dû me prévenir, j’aurais cuisiné.
— Ce n’était pas prévu. Je suis allée voir maman.
Il considéra sa fille d’un air dubitatif. Il comprit aussitôt qu’elle ne lui rendait pas visite par hasard. Elle l’appelait toujours avant de venir le voir. Vu la façon dont elle avait débarqué à l’improviste, déboulant dans le salon, quelque chose avait dû se passer à l’institution. Un petit pli de frustration s’était creusé entre ses deux sourcils, comme quand elle perdait au Monopoly quand elle était petite. L’instant tant redouté était arrivé. Peut-être pouvait-il encore la protéger.
— Ah ? Comment va-t-elle ?
— Pas terrible.
Helena ne lâchait pas son père du regard, un léger sourire cynique dessiné sur les lèvres, attendant qu’il réagisse enfin. Elle était venue pour une confrontation, apprendre enfin la vérité. Il avait clairement opté pour l’esquive. Elle perdit patience.
— Papa, il n’y a vraiment rien que tu aurais à me dire ? À propos de maman. Tu n’as pas la moindre idée de ce qui aurait pu causer sa dépression ?
Il plissa les yeux et hocha la tête. Il voulait sortir les mots, mais n’en trouvait pas la force. En plus de s’inquiéter pour son épouse, il ne voulait pas craindre pour sa fille.
— Tu ne sais pas dans quoi tu t’embarques, Helena, parvint-il enfin à marmonner. N’insiste pas et laisse tomber. C’est plus prudent.
— Mais je ne veux pas être prudente, je veux aider maman !
— Je suis désolé. On s’est juré de ne jamais t’en parler.
— Tu ne penses pas que cette promesse n’a plus lieu d’être ? Sais-tu seulement ce qui est arrivé aujourd’hui ?
Helena lui raconta l’épisode de la crise de panique, les paroles incohérentes de sa mère. Puis elle marqua une pause en arpentant le salon avant de reprendre.
— Je sais ce qui lui est arrivé il y a trente-cinq ans. Quand je pense que les réponses se trouvaient au bout de trois clicks, je t’avoue que je me sens un peu stupide.
— Ne le prends pas comme ça. On a juste voulu te protéger. Même tes grands-parents n’ont jamais rien dit. Ça faisait partie du jeu. Et ça a fonctionné. Tu n’en as jamais rien su, il ne t’est jamais rien arrivé. Tu n’as jamais mis un pied dans cette maudite forêt.
Il se tut un instant, implorant sa fille du regard. Il redoutait ce moment depuis l’internement de Mathilda. Comment expliquer l’inexplicable ?
— Vas-tu enfin me dire ce qui s’est passé ? Tu sais que je finirai par le découvrir de toute façon. Ne préfères-tu pas que je l’entende de ta bouche ?
Il essuya ses mains moites sur son pantalon puis sa gratta la barbe. Il repoussa ses lunettes sur son nez puis, au bout d’un moment, se décida enfin à acquiescer.
— Viens, on va s’installer dans la cuisine, l’invita-t-il.
Helena prit place sur un tabouret et s’accouda sur l’îlot central. Il se servit un expresso puis prépara un latte au lait d’avoine, le préféré de sa fille. Il saupoudra la tasse d’un nuage de cannelle, la lui tendit et s’installa en face d’elle. Il lui serra les mains, les caressant de ses pouces.
— Tu ne dois pas m’en vouloir de n’avoir rien dit plus tôt. Quand on s’est mis ensemble, ta mère et moi, on a fait le choix de s’installer loin de Rosenhoff. Puis quand tu es née, on a su tout de suite qu’il fallait te protéger de tout ça. On a fait comme si ce n’était jamais arrivé. Sauf que ta mère a tout de même insisté pour te donner le prénom de sa meilleure amie.
Helena lança un regard stupéfait à son père. Il poursuivit avant qu’elle n’ait le temps d’intervenir.
— Helena était la meilleure amie de ta mère. Elle est morte dans cette forêt.
La jeune femme haussa les sourcils et se leva. Elle déambula quelques instants dans la cuisine, les mains sur les hanches, le regard perdu dans le carrelage. Après avoir maintes fois hoché la tête et levé les yeux au plafond, elle reprit sa place sur le tabouret. L’information était difficile à intégrer. Mais elle savait que la suite était tout aussi compliquée à entendre. Elle devait s’accrocher si elle voulait aider sa mère. Elle signala à son père de poursuivre.
—Ta mère… Ta mère a bâti sa vie sur ce qui s’est passé. Elle a étudié l’histoire, passé un doctorat sur les légendes et les contes, est devenue une professeure renommée, précisément à cause de ce qui lui est arrivé. Parce qu’elle voulait comprendre. Savoir qui s’en était pris à elle et ses amis, et pourquoi. Je pense qu’elle a fini par trouver la réponse. Je refusais d’en parler avec elle.
— Mais pourquoi ?
— Parce que c’était insoutenable.
Il évita le regard de Mathilda, comme s’il voulait dissimuler la terreur qui résidait dans ses yeux. Il n’avait été qu’un témoin indirect, mais il semblait effrayé comme s’il avait lui-même vécu les événements. Il vida sa tasse et prit une profonde inspiration, espérant que l’oxygène lui insufflerait le courage nécessaire. Puis il expira et serra plus fort les mains de sa fille.
— Bien. Voici ce que tu dois savoir.
La petite ville de Rosenhoff se trouve à l’orée d’une forêt dense. Immense. D’après les rumeurs séculaires, elle serait hantée par une force maléfique qui se nourrit des âmes des personnes qui s’y perdent. Par les victimes elles-mêmes, aussi. Au fil des ans, c’est devenu un rituel de passage pour les jeunes du coin de s’y aventurer. S’enfoncer le plus loin possible et revenir entier. Tous croyaient qu’il ne s’agissait que de simples histoires.
À la fin des années 1980, Helena et Mathilda avaient quinze ans. Des amies inséparables. La première semaine d’école venait de se terminer. Elles étaient ravies de se retrouver après les vacances. Avec leurs amis Eric, Alexander et Nina, ils avaient décidé de se rejoindre le soir-même pour traîner au parc avec les autres jeunes du coin. Boire quelques bières, fumer en cachette et rire ensemble. Se jauger les uns les autres aussi, regarder de loin l’être convoité du moment, sans trop oser l’aborder. Peut-être échanger un timide sourire puis tourner la tête et rire aux éclats.