La malédition du Château d'Albert - Claude Carré - E-Book

La malédition du Château d'Albert E-Book

Claude Carré

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Beschreibung

Philippe Carpentier n’a pas seulement échappé au triste sort que lui réservait Albert, son ignoble beau-père, il fera beaucoup mieux en se constituant un gigantesque empire commercial pour devenir le leader européen incontesté dans son domaine. Eternel amoureux, ce séducteur attentionné saura tirer le meilleur profit des compétences et des conseils avisés des femmes dont il partagera le lit. L’amour et l’amitié indéfectible de toutes ses « Pygmalionnes » le mèneront jusqu’au toit du monde. Toutes ?… Il suffira d’une défaillance et de la trahison d’une seule des femmes qu’il a aimées pour qu’un complot soit fomenté contre lui. Philippe sera-t-il la dernière victime de la malédiction qui frappe tous les propriétaires du Château dont le sinistre Albert fit un jour l’acquisition ? Voici le second et dernier tome de cette saga romanesque où l’amour et la haine s’opposent, où l’instinct de protection et le désir de vengeance s’exercent, provoquant des débordements toujours emprunts de sensualité.À PROPOS DE L'AUTEURClaude Carré est né et a longtemps vécu en Normandie où il a suivi des études de lettres modernes. Sa carrière professionnelle s’est partagée entre les métiers de bouche et la vente. Sa passion pour l’écriture s’est affirmée au cours des 10 années pendant lesquelles il a exercé l’un des plus beaux métiers du monde, celui de bouquiniste. La leucémie de son épouse et la greffe de moëlle osseuse qu’elle a dû subir, lui ont fourni le sujet de son tout premier roman, « Chromosome Philadelphie », publié en 2016.

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Veröffentlichungsjahr: 2018

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Claude Carré

Le Canard au sang IIRoman

© Lys Bleu Éditions – Claude Carré

ISBN : 9 782 378 773 151

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Je préfère ignorer la composition du cocktail chimique que Pierre a utilisé pour me doper avant d’effectuer mon transfert en Suisse, mais il a réussi un véritable exploit !

Il n’a pas lésiné sur les moyens techniques et m’a confié à l’équipe médicale en laquelle il a le plus confiance : Mado, l’infirmière en chef de son service et le fils qu’ils ont eu ensemble, Jean Pierre, JP pour nous.

Depuis dix ans, cette « dream-team » a préparé et encadré tous nos déplacements ! Ils ont assuré la logistique et nous ont évité bien des ennuis, surtout lorsque nos débordements festifs nous entraînaient un peu trop loin !

Quand Pierre m’a raconté sa rencontre avec eux, j’ai cru entendre l’histoire de ma propre jeunesse :

— À vingt ans, j’étais le plus jeune interne de France ! J’ai croisé la route de Madeleine, Mado pour les amis, en assistant à une intervention chirurgicale. C’était la meilleure infirmière de bloc de l’hôpital, mais c’est autre chose chez elle qui m’attiré !

Le connaissant, je n’ai pas pu m’empêcher de proposer :

— Ses fesses peut-être ?

— Et le reste ! Elle était d’une beauté renversante. Nous sommes restés amants pendant plusieurs mois, jusqu’au jour où j’ai décroché une bourse pour aller finir mes études en Californie. C’est d’ailleurs elle qui m’avait encouragé à y aller. Nous aurions dû nous retrouver un an plus tard, mais je ne suis revenu des États-Unis que vingt ans plus tard, après avoir participé à une première médicale mondiale !... La clinique de Chantilly où je t’ai opéré, m’avait débauché pour monter le meilleur service de greffe muscles et tendons d’Europe. C’est là que j’ai retrouvé Mado !

… Ayant eu vent de mon arrivée grâce à la presse médicale, cette fine mouche nous a envoyé son CV ! C’était la meilleure infirmière de bloc dont je puisse rêver, donc je l’ai embauchée… Nos retrouvailles ont été d’autant plus géniales qu’elle ne s’est pas pointée toute seule : elle m’a présenté JP, un garçon dont je serais, paraît-il, le père !

Objectivement, je pense que Pierre n’a pas besoin de faire confirmer sa paternité par un test. Ces deux hommes se ressemblent comme deux gouttes d’eau. J.P. a même adopté les chemises hawaïennes de son père pour parfaire la ressemblance !

Véritable « Fangio » du volant, cet ambulancier de luxe a créé une société spécialisée dans le transport de sportifs de haut niveau, que seuls son père et quelques chirurgiens de son équipe sont capables de réparer vite et avec le minimum de séquelles !

Mado, sa mère, une hyperactive et très séduisante sexagénaire, est l’indiscutable patronne du service de son ancien amant. Elle gère le planning des équipes médicales et du personnel de service, assure la liaison avec les propriétaires de la Clinique et surtout, elle materne Pierre ; le grand amour de sa vie.

En parfaite gouvernante, elle gère son emploi du temps, choisit ses vêtements et sélectionne en douce ses futures maîtresses, tout en l’assistant régulièrement sur les interventions chirurgicales les plus complexes !

Ces trois fortes personnalités réussissent l’exploit de vivre ensemble dans un hôtel particulier de Neuilly où chacun jouit de son propre appartement. Leur parfaite connivence amène ces trois épicuriens à se retrouver aussi souvent que possible pour des repas ou des fêtes mémorables auxquelles j’ai souvent participé, ayant la chance d’être devenu leur ami.

Ce ne sont donc pas des collaborateurs qui se sont occupés de moi pendant le voyage, mais des fidèles parmi les fidèles qui se feraient tuer plutôt que de révéler le moindre détail concernant mes affaires ou celles de Pierre.

Malgré une nuit passée en ambulance, je me sens revivre. Mon corps est toujours aussi décharné mais j’ai l’esprit clair, alors que les antidouleurs avaient tendance à m’abrutir.

Dès que j’ai rouvert les yeux, j’ai reconnu l’endroit où je me trouvais !

J’ignore comment Juliette a pu réaliser cet exploit en si peu de temps, mais elle a transformé l’ancienne salle de jeux de son logement de fonction genevois pour m’accueillir. Une partie de la pièce est médicalisée et partiellement isolée au moyen de paravents. Tout le reste de cette immense pièce est devenu une salle de réunion avec grand écran et bureaux équipés de matériel informatique. Une longue table ovale a été prévue pour réunir une quinzaine de personnes.

Attendons-nous des invités ou vais-je devoir participer à une réunion imprévue ?

Juliette et ses proches collaborateurs sont les seuls au courant du programme qui m’a été réservé pour les jours à venir ! Ma sœur a attendu que je sois parfaitement réveillé pour me passer les consignes :

— Tu dois continuer à te retaper pendant vingt-quatre heures afin d’être capable d’exercer à cent pour cent ton rôle de Président du troisième groupe mondial d’enseignement privé. J’expédie les affaires courantes et je dois encore vérifier les derniers éléments du dossier que nous avons constitué au cours de ces dernières semaines, avant de te le remettre… Tu y trouveras toutes les informations, les témoignages et les preuves qui te permettront de juger par toi-même de l’opportunité des décisions que j’ai prises pour te rapatrier ici… Je te laisse entre les mains expertes de Mado et je file. Soyez sages tous les deux !

J’ai cru comprendre que ces révélations fracassantes concerneraient autant ma vie privée que ma vie professionnelle.

Je vais devoir présider des réunions, trancher dans le vif et valider toutes les décisions qui seront prises. Avant d’être condamné à mort par le cancer qui me ronge, ce travail était mon train-train quotidien. J’avoue qu’il ne m’amusait plus réellement, mais jouer les prolongations quelques jours de plus est d’autant plus excitant qu’il est inespéré ! À cette heure, je devrais déjà être plongé dans un coma irréversible.

La mort attendra ! Tant mieux, même si Juliette a insisté sur ce qu’allait me coûter ce sursis :

— Tu vas entendre des choses qui ne te feront pas plaisir et tu me détesteras peut-être dans quelques heures, mais je ne pouvais pas te laisser partir en ignorant tout de ce que tes vrais amis et moi allons te révéler !

Juliette est ma sœur chérie, mais elle est également ma meilleure amie depuis sa naissance, il y a soixante ans ! Elle est aussi mon factotum, l’une des très rares personnes en qui j’ai une confiance absolue et aveugle. Depuis près de trente ans, elle cumule les fonctions de directrice juridique et comptable, avec celle de DRH de mon groupe. Elle en a également pris la direction générale depuis que la maladie m’en a écarté.

Elle en est d’autant plus capable que c’est elle qui l’a structuré, assemblé pièce par pièce, au fur et à mesure que je créais de nouveaux produits pour de nouveaux marchés.

Quel chemin parcouru depuis notre enfance dans notre ferme familiale normande !

Comme elle est loin la petite sauvageonne à qui notre mère avait promis un avenir de fille de ferme. La gamine taiseuse est devenue une femme d’action dotée d’une intelligente hors du commun, une dirigeante autoritaire, dont la froideur apparente n’a d’égale que sa propension à exploser de rire à la moindre blague, pourvu qu’on ne touche pas trop à ses croyances religieuses.

Il faut dire que Marie et Robert, notre tante et notre oncle du côté paternel, ont tout fait pour que son avenir soit brillant. Devenus ses parents adoptifs, ils l’ont élevée avec un amour aussi inconditionnel qu’immodéré, mais dans la plus pure tradition chrétienne !

Juliette est une fervente catholique, croyante et pratiquante. Son respect de la morale et des principes religieux en fait la personne la plus honnête qui soit. Par contre, son intransigeance et son refus de toute compromission la rendent redoutable dans un monde des affaires souvent corrompu par le vice et l’argent.

Ce qui fait sa force fait aussi parfois sa faiblesse !

Tout au long de notre collaboration, le mécréant que je suis s’est chargé de rétablir l’équilibre dans la balance en traitant avec les interlocuteurs qui ne respectaient pas toujours les mêmes règles qu’elle !

Je suis le seul que ma sœur autorise à mettre en doute l’existence de son Dieu, un Dieu à qui elle devrait pourtant en vouloir ! Ce Dieu d’amour n’a-t-il pas remplacé notre véritable père, mort accidentellement sept mois avant la naissance de Juliette, par un personnage malfaisant et odieux ?

Albert, ce beau-père alcoolique et voleur, ce salopard qui, non content de l’avoir exploitée en la faisant travailler comme une bête de somme pendant toute son enfance, tenta même de la violer alors que je n’étais plus là pour la protéger !

Robert m’a aidé à la sauver des griffes du couple infernal qui nous a servi de parents. En découvrant l’intelligence de Juliette et sa soif d’apprendre, il avait pensé en faire une comptable, mais ma sœur avait d’autres ambitions ! Après avoir étudié la comptabilité et passé son baccalauréat, elle s’est lancée dans des études de sciences économiques, qu’elle a complétées en passant également une licence en droit.

Elle a fait son entrée dans le monde du travail par la grande porte, en intégrant un gros cabinet d’expertise comptable de Paris, avant de me rejoindre lorsque j’ai décidé de quitter l’Éducation nationale pour créer ma première société.

Chapitre 2

Juin 1946. Pendant la nuit qui a suivi mon mariage avec Sophie, je me suis comporté comme le pire des machos ! Au cours de notre nuit de noces, ignorant ce que représentait la virginité pour une jeune femme, je me suis livré sur mon épouse à ce qu’on peut appeler un viol légal !

Non content de l’avoir peut-être à jamais dégoûtée d’avoir des relations sexuelles avec moi, j’ai poursuivi mes exploits en commettant le pire des adultères.

J’étais frustré par ce ratage, mais aussi intimement persuadé que Sophie m’avait volontairement caché une frigidité réelle ou simulée. Sans l’avoir prémédité, j’ai répondu à l’invitation qu’Agnès m’avait faite au cours de la soirée.

Après cette relation avortée avec mon épouse, j’ai donc couché avec sa jeune et jolie tante, au cours de la même nuit !

Blessé dans mon orgueil de mâle insatisfait, encouragé par la beauté et la soif de plaisir de ma partenaire, je n’ai pu m’empêcher de faire la démonstration de ce à quoi mes précédentes maîtresses m’avaient initié tout au long de mon adolescence !

J’aime les femmes à la folie, j’aime leurs corps et il n’est de plus grand plaisir pour moi que de les sentir vibrer sous mes caresses. Si la plupart sont des violons, et Dieu sait si cet instrument est complexe, Agnès s’avéra être un véritable Stradivarius !

Nous ne pûmes évidemment pas nous résoudre à nous quitter après cette première nuit d’amour.

J’ai trompé Sophie avec sa tante pendant tout l’été qui suivit notre mariage, jusqu’à ce que nous nous installions dans le logement de fonction de l’école d’un village perdu dans la campagne normande, à quatre-vingts kilomètres de Rouen.

Notre relation ne reposant que sur la satisfaction de nos besoins sexuels, notre séparation ne fut donc que la simple conséquence de cet éloignement, laissant place à une véritable amitié non exempte de furtifs rendez-vous coquins.

Chacun repartait librement vers de nouvelles aventures. Agnès avait cependant tenu à me prévenir après une dernière et folle étreinte :

— Comme je te l’ai déjà dit, je suis assez complice avec Sophie. Il y a quelques années, ayant appris par de mauvaises langues,… sans jeu de mots,… que je ne détestais pas l’amour saphique, elle m’a fait part du trouble qu’elle ressentait en présence d’autres filles. Suivant mes conseils elle a accepté de rencontrer des garçons avant de déterminer définitivement ses penchants sexuels. Je lui avais expliqué que dans ce domaine je faisais un peu figure d’exception. J’aime trop le sexe pour me priver de la moitié des partenaires que la nature peut m’offrir.

Agnès avait visiblement une autre révélation à me faire et cherchait le meilleur moyen pour me l’annoncer. Je l’ai pressée de parler :

— Qu’as-tu à me dire ? Ne tourne pas autour du pot ! As-tu parlé avec elle depuis notre nuit de noces ratée ?

J’aurais juré que rien ne pouvait faire rougir ce Casanova féminin. C’est pourtant ce qui se produisit lorsqu’elle m’avoua :

— J’ai fait pire que ça… J’ai fait l’amour avec elle !

Ce que les Gaulois craignaient par-dessus tout m’est arrivé ; le ciel m’est tombé sur la tête ! Pour me punir de trop aimer les femmes, j’avais épousé une lesbienne !

Sonné plus que choqué par cette révélation et autant le dire, totalement ignorant de ce qu’elle impliquait, j’ai voulu tout savoir :

— Quand et surtout, comment en êtes-vous venues à une telle relation ? Sophie est bien trop pudique et réservée pour s’être laissée faire ! C’est incompréhensible !

Agnès m’a calmement raconté ce qui s’était passé entre elles et ce qui allait profondément bouleverser ma vie de couple à venir :

— Garde ton sang-froid mon bel amant ! Tu dois bien te douter que quelque chose ne va pas dans ton couple, puisque tu viens chercher chez moi ce que tu n’obtiens plus de ta femme depuis votre première expérience conjugale. Je n’ai rien provoqué du tout ! C’est Sophie qui est venue me trouver chez moi pour me demander conseil. La pauvre était effondrée lorsqu’elle m’a raconté votre nuit de noces. Sa version diffère peu de la tienne, si ce n’est qu’elle m’a avoué d’autres choses.

— Je m’attends à tout… Elle veut me quitter ?

— Pas du tout ! Elle t’aime réellement, mais pas comme tu le souhaiterais ! Elle s’est rendu compte qu’elle ne ressent aucun désir, et qu’en plus, elle éprouve une véritable répulsion au simple contact rapproché avec un homme. Et ce n’est pas le pire ; sans doute à cause de l’éducation ultra stricte qu’elle a reçue, elle ignore tout de son propre corps. Elle n’a jamais osé se toucher et encore moins se caresser !

Je me doutais de cette ignorance, mais elle n’expliquait cependant pas comment la tante et la nièce en étaient venues à coucher ensemble. L’indignation que cette évocation provoquait en moi m’a poussé à être plus direct :

— Je suppose qu’en bonne samaritaine, tu t’es empressée de lui apprendre ?

— Encore une fois tu te trompes ! Sophie n’est pas aussi nunuche que tu le crois ! Instruite par ses lectures et quelques bavardages entre pensionnaires, elle n’ignorait rein de ce que d’autres font seules ou entre elles pour se donner du plaisir, mais elle n’avait jamais osé essayer. Pour justifier cette absence de curiosité, la seule excuse rationnelle qu’elle a évoquée, c’est qu’elle trouvait ça très « sale » ! Aussi amusée que soucieuse de la mettre à l’aise, je lui ai demandé : 

« — Est-ce que tu trouves que je suis sale ? Je peux t’assurer que je me suis lavée des pieds à la tête et je suppose que tu en as fait de même ? »

— Où voulais-tu en venir ?

— Je voulais lui faire réaliser que cette pseudo « saleté » n’était que dans sa tête... Elle m’a souri en me répondant :

« — Oui bien sûr, je sais que nous sommes propres toutes les deux ».

— Sans arrière-pensée, je l’ai prise tendrement dans mes bras afin de la réconforter. Je ne sais pas si elle a mal interprété mon geste, mais elle s’est serrée contre moi et a forcé ma bouche pour un baiser fougueux qui n’avait plus rien d’innocent.

— Tu veux dire qu’elle a utilisé ton message sur la propreté pour t’inviter à passer à l’acte !

— Pour être plus précise, je dirais qu’elle a cru que je l’incitais à passer aux travaux pratiques

Le sourire entendu d’Agnès comme les caresses qu’elle évoquait à mots couverts ont fini par jeter le trouble dans mon esprit ! Mon émoi a fait place à une véritable excitation qui a contraint ma maîtresse à marquer une pause dans son récit.

Après l’avoir renversée sur le lit, j’ai plongé vers son bas ventre pour y pratiquer une caresse digne d’une véritable lesbienne. Excitée comme moi par ce qu’elle venait de me confesser, elle a enveloppé mon sexe dans ses lèvres pour me rendre la pareille, jusqu’à ce que nous parvenions à un plaisir simultané !

Après ce charmant intermède, j’ai voulu en savoir plus sur ce qui s’était réellement passé entre elles :

— Qu’entends-tu par « travaux pratiques » ? Tu peux préciser ?

— Tu sais que tu es un sacré polisson ! Tu tiens réellement à savoir de quelle manière j’ai aidé ta femme à prendre conscience de sa véritable nature ?

— Comme tu le dis si bien, il s’agit quand même de mon épouse ! J’aimerais bien savoir si j’ai une chance de pouvoir la satisfaire un jour.

La moue d’Agnès m’a fait redouter le pire :

— Si tu veux mon avis, tu peux faire une croix dessus ! Après notre baiser et quelques innocentes caresses, j’ai entraîné Sophie jusqu’à ma salle de bains. Pour vaincre sa résistance, je lui ai proposé de la laver comme lorsqu’elle était petite. Nous avons pris notre douche ensemble, ce qui m’a permis des attouchements plus précis auxquels elle a répondu en les reproduisant sur moi… Une fois séchées, je l’ai entraînée dans mon lit.

— C’est donc toi qui l’as dévergondée !

— Tu ne peux pas me le reprocher ! Je n’ai jamais fait mystère de mon goût pour les femmes et je te rappelle que Sophie voulait comprendre ce qui la dégoûte en toi, du moins sur le plan sexuel !

— D’accord ! Continue s’il te plaît.

— Elle est si belle que je mourais d’envie d’embrasser chaque centimètre carré de son corps. Ma bouche a parcouru ses seins, son ventre, jusqu’à ce qu’elle entrouvre ses cuisses d’elle-même. Je craignais sa réaction lorsque ma langue s’est approchée de son mignon coquillage, mais c’est elle qui m’a devancée en embrassant le mien ! Ma récompense a été de recueillir dans ma bouche le fruit de son premier plaisir de femme, tandis que je me répandais dans la sienne. Ayant compris que la communion de nos plaisirs n’avait rien à voir avec ces choses dégoûtantes dont elle avait tant peur, Sophie a de nouveau tenu à m’embrasser. La passion mise dans ce baiser m’a prouvé que plus rien ne faisait obstacle à l’acceptation de sa véritable nature.

Agnès m’a observé attentivement comme pour tenter de deviner ma réaction, avant de me donner la conclusion à laquelle elle était parvenue :

— Ce baiser, l’étreinte qui l’a précédée et celles que nous avons rééditées les jours suivants m’incitent à penser que ta charmante épouse est une véritable lesbienne. Tu n’as que peu de chance qu’elle accepte un jour de t’offrir son corps autrement que pour concevoir un enfant. Je peux d’ailleurs te rassurer sur ce point. Elle veut à tout prix fonder une famille et sacrifiera sa préférence sexuelle autant de fois qu’il le faudra pour te donner les enfants dont tu as envie.

L’idée de n’exercer auprès de ma femme que les fonctions de mâle reproducteur ne m‘enchantait pas outre mesure. Agnès s’en est parfaitement rendu compte. Afin de m’encourager, elle ajouta :

— Je me suis autorisée à lui dire que tu me paraissais suffisamment intelligent pour la comprendre. Il vous suffit d’installer un climat de franchise et d’harmonie dans votre couple pour que chacun puisse aller chercher son plaisir ailleurs, sans que l’éducation de vos enfants en pâtisse. Je connais d’autres couples comparables au vôtre qui vivent ça très bien. Ils ont des aventures chacun de leur côté pour satisfaire leurs désirs, comme tu le fais actuellement avec moi, mais le foyer familial reste un sanctuaire uniquement dédié aux enfants. Qu’en penses-tu ?

Bouleversé par tout ce que je venais d’apprendre, j’ai finalement répondu de la seule façon qui me semblait possible :

— J’en pense que tes révélations ont réveillé l’amour et le désir que j’éprouvais avant pour Sophie, avec un seul et unique regret : ne pas être une femme pour avoir le droit de l’aimer comme tu as la chance de le faire !

Chapitre 3

Frombeville, charmante commune rurale idéalement située à quelques encablures des falaises d’Etretat, d’Yport et de Fécamp. Y séjourner quelques jours pour profiter du climat vivifiant de la Normandie, des points de vue exceptionnels, des nombreux sites à visiter et se régaler de l’excellente cuisine normande, quoi de plus tentant ?

Aujourd’hui, la carte postale est belle, mais en 1947, y vivre à l’année n’avait rien d’une partie de plaisir !

Environ deux cent cinquante habitants, trois commerces, une église et une école à deux classes.

Nous y avons atterri, Sophie et moi, pour prendre possession d’un logement de fonction au confort spartiate, mais idéalement situé juste au-dessus des salles de cours. L’école occupait le rez-de-chaussée d’une austère bâtisse à étage en briques, coiffée d’une toiture en ardoise.

Par temps de pluie, malheureusement fréquente dans cette région, la grisaille ambiante ajoutée à l’aspect tristounet de cette maison avait de quoi démoraliser le plus optimiste des instituteurs.

Pour mon bonheur personnel, le logement était complété par un jardin potager et un herbage contenant suffisamment de pommiers à cidre pour me permettre de brasser et même de bouillir, c’est-à-dire de produire mon cidre et mon Calvados !

Cette production personnelle m’a permis de conserver le droit de bouillir toute ma vie, droit qui fut retiré à cette époque à tous ceux qui ne récoltaient pas leurs propres pommes. L’État s’est servi des réels ravages de l’alcoolisme pour justifier une décision visant surtout à récupérer plus de taxes !

Pour vivre dans ce charmant endroit, nous avions récupéré du mobilier d’occasion auprès des amis et de la famille ! Un véritable bric-à-brac, laid et complètement dépareillé, dont même un brocanteur de quartier ne se serait pas encombré.

Sur le plan des loisirs, l’état des lieux était on ne peut plus déprimant. Le néant total ; ni radio, ni presse, évidemment pas encore de télévision et pas un seul cinéma à moins de quinze kilomètres. Les distractions offertes par le village se réduisaient donc à la messe et aux conversations des clients du bistrot épicerie.

Ça tombait bien, car en dehors des vacances scolaires, nous n’eûmes pas à chercher de quoi occuper notre temps libre ! Il n’y en avait pas d’inscrit au programme et même celui destiné au sommeil allait être limité !

L’école était mixte mais pas les classes ! Pour notre premier poste double, nous héritâmes de deux classes uniques, avec des élèves allant du cours préparatoire au certificat d’études primaires ; les filles pour mon épouse et les garçons pour moi. Sept niveaux d’enseignement à assurer cinq jours par semaine auquel il fallait ajouter la préparation des cours et la correction des cahiers. Même en nous partageant la tâche, nous étions occupés plus de douze heures par jour.

En y ajoutant le temps nécessaire pour la tenue de notre jardin potager, indispensable pour compléter les tickets alimentaires, les somnifères que mon abstinence sexuelle m’aurait obligé à utiliser sont restés dans la boîte.

Après une mise au point rendue nécessaire par les révélations d’Agnès, Sophie m’avait avoué son homosexualité, ajoutant à cette vie de labeur une dimension quasi monacale. N’envisageant pas une grossesse pour les deux années à venir, elle décida que nous ferions chambre à part.

En contrepartie, j’avais le droit de coucher avec qui je voulais, mais pas sous le toit familial ! Comme s’il était possible de faire la moindre conquête dans ce désert, avec pour unique moyen de locomotion, une bicyclette que nous devions utiliser à tour de rôle !

Allant à l’encontre de l’anticléricalisme affiché par la majeure partie de nos collègues, la seule personne avec laquelle nous avons pu partager une véritable complicité, fut le curé du village ! Il devint notre meilleur ami !

Loïc, un garçon d’origine bretonne à peine plus âgé que nous, effectuait lui aussi ses années de purgatoire avant d’espérer une mutation dans un diocèse plus important.

Trop jeune pour être invité par les fermiers du coin, il s’ennuyait à mourir au milieu d’un troupeau de paroissiens majoritairement composé de personnes âgées pour la plupart veufs ou veuves.

Comme c’est souvent le cas, les hommes préféraient communier au café d’en face, laissant à leurs épouses le soin d’assister aux offices religieux pour expier des pêchés commis le plus souvent par leurs maris !

Loïc nous avoua avoir rapidement été déçu par cette affectation qu’un de ses professeurs du Séminaire, sans doute originaire de cette région, lui avait vivement conseillée en citant le dicton local :

« – Si tu veux être heureux un mois, marie-toi, si tu veux être heureux un an, fais-toi curé… et si tu veux être heureux toute ta vie, fais-toi curé dans le Pays de Caux ! »

Ce que son mentor avait omis de préciser, c’est qu’il fallait un bon nombre d’années pour gagner la confiance de la population. Dans ces villages on se méfie des étrangers, surtout dans les fermes isolées qui furent longtemps les cibles d’agressions sauvages, à l’époque où des bandes de brigands écumaient les campagnes.

Par contre, une fois adoptés, les curés doivent se résigner à décliner une partie des invitations qui leur sont faites ! Ces repas trop nombreux et surtout trop riches en gras et en alcool sont fort propices à faire grimper les taux de cholestérol, d’acide urique ou de sucres ! Des excès qui auraient tendance à arrondir leurs silhouettes et à les envoyer rejoindre leur saint patron au ciel prématurément.

Ce prêtre chaleureux et cultivé passait au moins une soirée par semaine chez nous, à jouer aux cartes, à boire parfois plus que de raison et à discuter jusqu’à plus soif du sexe des anges, de l’enseignement et de tous les sujets politiques qui opposent traditionnellement les « bouffeurs de curés » laïcs, aux ardents défenseurs de l’Église.

En vérité, nous passions notre temps à nous chamailler pour nous réconcilier le lendemain, sans que je puisse imaginer les conséquences insoupçonnables que notre amitié allait avoir pour la suite de ma carrière.

N’ayant pour ainsi dire aucune vie privée digne de ce nom, il m’arrivait assez souvent de faire du sport avec ce singulier curé, qui m’initia aux bienfaits de ce qu’on appelle aujourd’hui le jogging. Nous courions souvent en fin de journée pendant près d’une heure, parcourant tous les chemins vicinaux et les sentiers forestiers praticables selon les saisons. Au cours d’une de ces saines balades, Loïc commença à me parler d’une méthode originale d’apprentissage du français susceptible de m’intéresser :

— Tu sais que moi aussi, j’ai fait l’instituteur pendant un an, et dans de drôles de conditions !... Dans le cadre de ma formation au grand séminaire, en lieu et place du service militaire, j’ai été envoyé dans les Aurès, en Algérie, pour remplacer un vieux moine chargé de l’alphabétisation de la population locale.

Mon incrédulité devait être visible car il a insisté en ironisant :

— Eh oui mon ami ! Quand vous êtes défaillants, c’est à nous qu’on fait appel ! Ceci étant dit, il ne s’agissait que d’alphabétisation, pas de les préparer au bachot !

À mon tour je me suis moqué de lui :

— Et les petits Algériens vous acceptaient dans cette tenue !

Loïc s’en est presque étouffé :

— T’es cinglé ? J’étais en civil ! D’ailleurs je n’avais pas encore été ordonné prêtre ! En dehors des conflits religieux éventuels, le principal écueil était l’usage d’une langue totalement inconnue et imprononçable pour moi ! … Mes futurs élèves parlaient un français ultra-approximatif mêlé d’arabe et de dialectes locaux.

— Tu n’étais pas formé pour ça ! Comment as-tu procédé ?

— Par chance, étant logé dans un monastère, j’ai eu la chance d’y récupérer le matériel utilisé par mon prédécesseur, dont une quantité de cahiers qui contenaient une méthode que j’ai trouvée exceptionnelle… Élaborée au fil des décennies par d’astucieux moines, elle permettait de comprendre et de se faire comprendre des élèves de tous âges, grâce à un mélange de techniques… Sans entrer dans le détail, on pourrait la comparer aux outils utilisés dans une école maternelle, adaptés à des enfants de six à dix ans, puis à des adolescents et enfin à des adultes.

L’enseignement pédagogique reçu dans le cadre de mon année de formation professionnelle à l’École Normale ne concernait pas le travail avec des adultes et encore moins avec des étrangers. Sans savoir réellement pourquoi, j’ai voulu creuser le sujet :

— Tu l’as testée avec tes élèves ? Ça fonctionnait ?

— Parfaitement bien, et dans les deux sens. Non seulement ils me comprenaient, mais en moins de trois mois je les comprenais moi aussi. Cela ne me servira sans doute pas beaucoup ici, mais j’ai appris à m’exprimer assez correctement en arabe grâce à cette méthode. Elle fonctionne comme une sorte de jeu de piste, avec images, proverbes et comptines. Pour le professeur, leur traduction en deux langues est associée à une transcription phonétique simplifiée. Les moines ont dû s’inspirer des méthodes classiques d’apprentissage de la lecture, pour établir une progression logique dans l’acquisition de la langue.

— Et pour l’orthographe ou la grammaire, tes moines pédagogues ont-ils imaginé une méthode efficace ?

Loïc a levé les bras en signe d’impuissance pour me répondre :

— C’est la faille du système ! Pour pouvoir communiquer avec les populations locales, l’oral était primordial. L’écrit étant secondaire, mes élèves déchiffraient plus qu’ils ne lisaient et je n’te parle pas de l’écriture ! Un désastre !... D’après ce que j’ai entendu dire, je rencontrais le même genre de problèmes qu’avec la méthode globale. Le cerveau enregistre le mot en entier, sans faire le détail des lettres… Par contre ce travail me permettait de détecter rapidement les élèves les plus doués et de les envoyer dans de véritables écoles… Pour obtenir de meilleurs résultats et s’approcher d’un niveau équivalent au cours moyen chez nous, il faudrait affiner et développer cette méthode.

— Tu n’as pas essayé là-bas ?

— Je ne suis pas resté assez longtemps ! Je me suis contenté de recopier ces cahiers pour les ramener en Métropole. S’ils t’intéressent, je te les prêterai. J’avoue que j’aimerais bien avoir l’avis d’un véritable « pro ».

Sans savoir où ce travail me mènerait, ni ce que j’en ferais, je me suis plongé dans ces fameux cahiers d’écolier. Avec l’accord de mon ami, je les ai recopiés et j’en ai même testé une partie avec mes plus mauvais élèves, plus aptes à s’exprimer en utilisant le patois normand que la langue de Molière.

Les résultats, bien que peu académiques, furent si surprenants que je me suis promis de retravailler le sujet pendant les vacances scolaires.

Chapitre 4

Pendant nos deux années d’exil champêtre, Agnès ne m’accorda qu’une douzaine de rendez-vous, réservant la majeure partie de son temps libre à sa relation devenue quasi exclusive avec Sophie.

Un comble !...

Non seulement mon épouse me refusait sa couche, mais elle monopolisait également les caresses de celle qui m’avait pourtant promis d’être ma maîtresse aussi longtemps que je le souhaiterais !

Alors que je ne disposais que des congés scolaires pour compenser les longues périodes d’abstinence imposées par Sophie, je devais en plus subir sa concurrence déloyale.

Des ragots plus qu’alarmants nous concernant, rapportés par mon ami André, me forcèrent à réagir. Sa jeune épouse les tenait d’une amie particulièrement friande de ce genre de médisances.

Un membre de ma belle-famille aurait croisé Sophie sortant de chez sa tante au petit matin. Agnès ne faisant pas mystère de sa bisexualité, il n’en fallait pas plus pour qu’une rumeur nauséabonde circule et l’accuse d’avoir dévoyé sa propre nièce.

Qu’elle soit homosexuelle passe encore, mais qu’elle s’adonne à une relation incestueuse était inadmissible, même si la soi-disant victime était majeure ! Les bonnes âmes fourbissaient déjà leurs armes pour un lynchage en bonne et due forme.

Je devais agir ! Après avoir pris le soin de prévenir Agnès de ma démarche, je décidai d’en informer Sophie :

— Il faut que nous fassions quelque chose pour démentir cette rumeur ! Si l’Inspection académique est mise au courant de votre relation, tu risques la révocation pour atteinte aux bonnes mœurs ! Tu te rends compte de l’effet produit sur les parents de tes élèves, s’ils apprennent que tu couches avec ta propre tante !

Alors que mon inquiétude n’était pas feinte, la réaction de Sophie m’a déconcerté. … Elle éclata de rire !

Plusieurs minutes lui furent nécessaires avant qu’elle puisse enfin m’en fournir l’explication :

— Tu prêches une convaincue mon chéri ! Nous en parlions justement avec Agnès hier soir. Ces ignominies qui, soit dit en passant, proviennent de mon propre frère, lui ont aussi été révélées… Pour y couper court, nous avons décidé de ne plus nous voir, du moins plus ici. Elle retourne vivre chez elle à Paris dans deux jours et a même mis en vente son pied à terre rouennais.

Elle ajouta en me gratifiant d’un sourire malicieux :

— Au passage, je suis désolée que tu y perdes les coquins cinq-à-sept que tu passais chez elle !

Cueilli à froid, je n’ai pu que bégayer :

— Tu,… tu étais au courant,… depuis longtemps ?

Son sourire est devenu énigmatique :

— Agnès n’a aucun secret pour moi. Rassure-toi, je ne suis pas jalouse et surtout pas de tes relations avec elle. Si nous sommes encore mari et femme, toi et moi, c’est en grande partie grâce à elle. C’est elle qui m’a ouvert les yeux sur ma véritable nature et c’est encore elle qui m’a conseillé de te pardonner la brutalité dont tu as fait preuve le soir de notre mariage.

J’envisageai de me justifier quand Sophie enchaîna :

— Ni toi ni moi ne sommes responsables de ce ratage. À présent, je sais exactement qui je suis, et comment j’envisage ma future vie de couple. Tu es le seul homme que je puisse aimer. Je n’ai aucune intention de me priver de toi, même si nos nuits ne sont pas telles que tu les espérais. Tu peux avoir toutes les partenaires que tu veux, pourvu que tu me reviennes ensuite et que je demeure ton épouse. Personne n’est obligé de savoir sur quoi repose réellement notre couple et justement…

J’ai dû l’interrompre, incapable de la laisser continuer sans lui faire part de mes craintes :

— Je t’aime moi aussi mais il m’est impossible de te promettre qu’aucune aventure ne pourra m’éloigner de toi. Notre complicité est aussi évidente que ta présence aimante m’est indispensable, mais sans aller jusqu’à l’obsession, la solitude de mes nuits me pèse de plus en plus. Je ne suis plus un adolescent à qui la masturbation suffit… Un homme a besoin de sentir le corps d’une femme contre le sien !

La réaction de Sophie fut des plus surprenantes !

Elle s’est approchée de moi et chose rare, m’a offert ses lèvres pour échanger avec moi le baiser le plus langoureux et le plus torride qui soit. Pour la première fois depuis deux longues années, son corps s’est collé au mien. Après m’avoir embrassé, Sophie a murmuré à mon oreille :

— Agnès m’a affirmé que tu savais être un amant attentif, que tu connaissais les caresses que les femmes comme moi acceptent de recevoir. Ce soir, rejoins-moi dans mon lit et prouve-le-moi… Ensuite, puisqu’il faut tordre le cou à ces vilaines rumeurs, tu me feras un enfant. Agnès m’a expliqué la méthode « Ogino » et nous avons fait le décompte des jours. Si nous faisons l’amour tous les soirs cette semaine, ça devrait marcher !

Je vivais un rêve éveillé !

Enfin, ce qui m’avait été promis et que j’espérais depuis des mois m’était offert ! Par contre, alors que je croyais enfin régenter ma vie comme je l’entendais, c’est une fois de plus une femme qui avait décidé de mon avenir et en l’occurrence, de mon avenir de père !

Le plus comique de la situation, c’est que cette femme était à la fois ma maîtresse et celle de mon épouse.

Chapitre 5

Je ne doutais pas qu’après m’avoir accepté dans son lit et avoir reçu les caresses patiemment apprises auprès de mes premières maîtresses, Sophie reviendrait définitivement vers moi.

C’est du moins ce que j’ai cru tout au long de cette semaine où je me suis comporté comme la plus savante des lesbiennes, réussissant enfin à arracher des soupirs de plaisirs à ma jeune épouse. Je faisais humblement abstraction de mes propres désirs pour satisfaire les siens.

Ce n’est qu’après qu’elle se soit totalement abandonnée en offrant à ma bouche le fruit de son plaisir, que je fus autorisé à profiter de son corps alangui. Bien que sans commune mesure avec sa froideur lors de notre nuit de noces, je sentais bien que son abandon était feint. Sophie me remerciait du plaisir que j’avais su lui donner, en accomplissant sa part du marché.

Son ventre ne venait pas au-devant du mien comme l’eût fait celui d’une véritable amante. Mon épouse ne redevenait mon amoureuse qu’en m’embrassant, après l’accomplissement de ma mission procréatrice.

Sophie voulait être certaine de ne perdre aucune goutte de ma précieuse semence et je suppose, tenait à ne pas devoir recommencer ce qu’elle considérait un mal nécessaire. Pour augmenter ses chances d’être fécondée, elle imitait une technique qu’on aurait parait-il, conseillée à l’Impératrice Eugénie, épouse de Napoléon III, qui se désespérait de ne pouvoir offrir rapidement un héritier à son époux.

Elle prenait donc le soin de glisser un oreiller sous ses fesses pour les surélever par rapport au reste de son corps. J’avais déjà rejoint mon propre lit lorsqu’elle reprenait une position normale, estimant avoir ainsi facilité la course de mes précieux spermatozoïdes vers l’ovule !

Pour mon malheur, nos efforts furent récompensés dès le premier mois !

Sophie, enceinte de mes œuvres, nageait en pleine félicité, mais ma présence dans son lit ayant perdu sa raison d’être, je fus gentiment renvoyé à mes chères études !

N’étant plus que le futur heureux papa et le mari comblé par une épouse lavée de tout soupçon d’homosexualité, j’eus largement le temps de me repencher sur la méthode d’enseignement ramenée d’Algérie par mon ami Loïc.

Depuis des mois, nous planchions chacun de notre côté, sur son adaptation à l’enseignement de différentes matières en France, en mettant au point une progression logique selon les niveaux. La comparaison de nos travaux provoquait des débats parfois animés, Loïc me faisant toujours le même reproche :

— Tu restes trop proche de la méthode. Ça ne servira à rien chez nous ! Les difficultés rencontrées par nos enseignants n’ont pas les mêmes causes !

Je répliquais :

— Tout à fait d’accord si tu parles des populations qui fréquentent déjà nos écoles. Moi je pars du principe que je m’adresse aux autres, à ceux qui n’ont pas la possibilité d’étudier, ceux qui restent sur le bas-côté de la route, sans espoir de sortir de leur condition. En faisant ça, je prolonge l’œuvre de tes moines algériens.

Devant l’obstination de mon ami, il m’est souvent arrivé de me moquer de lui ou de chercher à le provoquer :

— Tu ne trouves pas étrange qu’un mécréant comme moi ne pense qu’aux démunis alors que toi le curé, tu sembles courir après les palmes académiques pour services rendus à l’enseignement public ou privé ? Tu inverses les rôles !

Ce qui le mettait évidemment en rogne :

— Regardez-moi ce missionnaire laïc qui se prend pour Saint Vincent de Paul parce qu’il a passé quelques heures sur un projet utopique ! Ton « machin » ne servira jamais à personne ! Heureusement que l’Église ne t’a pas attendu pour s’occuper des indigents !

Chacun campait sur ses positions et retournait à son labeur, non sans avoir auparavant vidé quelques canons à la santé de tous ces ignorants qui chanteraient nos louanges dans quelques années.

Dès le début de mes recherches, je me suis plus intéressé au travail avec des adultes, tandis que Loïc se contentait d’imaginer une amélioration des techniques d’enseignement existantes grâce aux apports pédagogiques de cette méthode.

Petit à petit, j’ai mis au point une nouvelle façon d’enseigner destinée à sortir des adultes de l’illettrisme, ou permettant à des étrangers de maîtriser le plus rapidement possible, la lecture, l’écriture et le calcul élémentaire. Je n’imaginais pas un seul instant que ce travail accompli par simple besoin de distraction, me pousserait un jour à quitter l’Éducation nationale et deviendrait le socle de ma future entreprise.

Comme nous, ce cher curé avait demandé et obtenu son retour à la civilisation. De plus en plus tenté par l’enseignement, il fut muté à Rouen, dans une institution catholique réputée, en tant que professeur de Mathématiques.

De notre côté, nous avions été nommés dans une école primaire de la rive gauche rouennaise, l’école Balzac. Cet établissement scolaire ayant été presque entièrement détruit par les bombardements, des bâtiments provisoires en bois servaient de salles de classe. Inconfortables au possible, impossibles à chauffer en hiver, ces baraquements se transformaient en étuves aux premiers rayons de soleil !

Nous faisions partie d’une équipe soudée de jeunes enseignants, suffisamment volontaires pour exercer dans des conditions si misérables qu’aucun instituteur chevronné n’aurait demandé ce genre de poste. L’absence de logement de fonction n’était pas non plus pour rien dans leur défection !

Cette école en devenir était pour nous l’occasion inespérée de retrouver rapidement une vie sociale, plus en adéquation avec nos besoins. À nous les cinémas et les sorties dont nous avions été privés !

Une fois rapatriés, plus personne ne pouvait nous renvoyer au diable ! Après avoir été hébergés quelques mois par Cousine, chez qui je me suis attaqué à la remise en ordre du jardin, nous nous sommes mis en quête d’une maison ou d’un appartement plus proche de notre travail. Non contente de nous héberger, ma chère Jeanne joua une fois de plus à la perfection son rôle de mère adoptive :

— Il vous faut une voiture ! Je ne sais pas et je ne saurais jamais conduire. Je vous offre la nôtre. En échange, Philippe me servira de chauffeur occasionnel !

La traction qui dormait dans un garage depuis la disparition de Gaston fut donc remise en état et mise à notre disposition.

L’obtention de mon permis de conduire ne fut qu’une formalité ! Depuis mon plus jeune âge, j’avais manœuvré des tracteurs, des engins agricoles autrement plus difficiles à utiliser qu’une simple automobile. De plus il m’était souvent arrivé de prendre le volant de la voiture familiale pour ramener mon beau-père lorsqu’il était saoul comme un cochon.

Quelques démarches auprès de l’administration, justifiées par la grossesse de Sophie, nous permirent d’obtenir un logement de fonction provisoirement inoccupé par son destinataire. Sa proximité avec l’école nous donnait le temps de rechercher quelque chose de plus durable et mieux adapté à la famille nombreuse que Sophie envisageait de constituer.

La reconstruction de Rouen était en cours et de nombreux immeubles allaient bientôt sortir de terre avec des conditions d’acquisition alléchantes. En bon terrien qui ne saurait habiter longtemps la maison d’un autre, je n’envisageais pas de vivre dans un appartement dont je ne serais pas le propriétaire.

En attendant l’arrivée du bébé, la ville était à nous