La Mort d'Ivan Ilitch - Léon Tolstoï - E-Book

La Mort d'Ivan Ilitch E-Book

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Beschreibung

La Mort d'Ivan Ilitch, écrit par l'auteur russe Léon Tolstoï, est un chef-d'œuvre de la littérature qui explore les thèmes de la mort, de la maladie, de la spiritualité, et de la nature de la vie. Tolstoï utilise une prose simple mais profonde pour dépeindre le personnage principal, Ivan Ilitch, et sa réflexion sur sa propre mort imminente. Le récit se déroule dans la haute société russe du 19e siècle, offrant ainsi un aperçu poignant de la condition humaine et de la quête de sens. Tolstoï combine habilement le réalisme psychologique avec des éléments philosophiques pour créer une œuvre intemporelle et universelle.

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Léon Tolstoï

La Mort d'Ivan Ilitch

La Mort d'un juge
 
EAN 8596547766254
DigiCat, 2023 Contact: [email protected]

Table des matières

I
II
III
IV
V
VI
VII
VIII
IX
X
XI
XII

I

Table des matières

Au Palais de Justice, pendant la suspension de l’audience consacrée à l’affaire Melvinsky, les juges et le procureur s’étaient réunis dans le cabinet d’Ivan Égorovitch Schebek, et la conversation vint à tomber sur la fameuse affaire Krassovsky. Fédor Vassilievitch s’animait en soutenant l’incompétence; Ivan Égorovitch soutenait l’opinion contraire. Piotr Ivanovitch qui, depuis le commencement, n’avait pas pris part à la discussion, parcourait un journal qu’on venait d’apporter.

— Messieurs! Dit-il, Ivan Ilitch est mort.

— Pas possible!

— Voilà, lisez, dit-il à Fédor Vassilievitch en lui tendant le numéro du journal tout fraîchement sorti de l’imprimerie.

Il lut l’avis suivant encadré de noir:

«Prascovie Fédorovna Golovine a la douleur d’annoncer à ses parents et amis la mort de son époux bien-aimé Ivan Ilitch Golovine, conseiller à la Cour d’appel, décédé le 4 février 1882. La levée du corps aura lieu vendredi, à une heure de l’après-midi.»

Ivan Ilitch était le collègue des messieurs présents; et tous l’aimaient. Il était malade depuis plusieurs semaines déjà, et l’on disait sa maladie incurable; toutefois sa place lui était restée, mais on savait qu’à sa mort, Alexiev le remplacerait et que la place de ce dernier serait donnée à Vinnikov ou à Schtabel. Aussi, en apprenant la mort d’Ivan Ilitch, tous ceux qui étaient réunis là se demandèrent d’abord quelle influence aurait cette mort sur les permutations ou les nominations d’eux-mêmes et de leurs amis.

«Je suis à peu près certain d’avoir la place de Schtabel ou celle de Vinnikov», pensait Fédor Vassilievitch, «il y a longtemps qu’on me l’a promise, et cette promotion augmentera mon traitement de 800 roubles, sans compter les indemnités de bureau.»

«C’est le moment de faire nommer chez nous mon beau-frère de Kalouga», pensait Piotr Ivanovitch. «Ma femme en sera contente et ne pourra plus dire que je ne fais jamais rien pour les siens.»

— J’étais sûr qu’il ne s’en relèverait pas, – dit à haute voix Piotr Ivanovitch. – C’est bien dommage.

— Mais quelle était sa maladie, au juste?

— Les médecins n’ont jamais su la définir, c’est-à-dire qu’ils ont bien émis leur opinion, mais chacun d’eux avait la sienne. Quand je l’ai vu pour la dernière fois, je croyais qu’il pourrait s’en tirer.

— Et moi qui ne suis pas allé le voir depuis les fêtes. J’en avais toujours l’intention.

— Avait-il de la fortune?

— Je crois que sa femme avait quelque chose, mais très peu.

— Oui, il va falloir y aller. Ils demeurent si loin!

— C’est-à-dire loin de chez vous… De chez vous tout est loin.

— Il ne peut pas me pardonner de demeurer de l’autre côté de la rivière, dit Piotr Ivanovitch en regardant Schebek avec un sourire. Et il se mit à parler de l’éloignement de toutes choses dans les grandes villes. Ils retournèrent à l’audience.

Outre les réflexions que suggérait à chacun cette mort et les changements possibles de service qui allaient en résulter, le fait même de la mort d’un excellent camarade éveillait en eux, comme il arrive toujours, un sentiment de joie. Chacun pensait: Il est mort, et moi pas! Quant aux intimes, ceux qu’on appelle des amis, ils pensaient involontairement qu’ils auraient à s’acquitter d’un ennuyeux devoir de convenance: aller d’abord au service funéraire, ensuite faire une visite de condoléance à la veuve.

Fédor Vassilievitch et Piotr Ivanovitch étaient les amis les plus intimes d’Ivan Ilitch.

Piotr Ivanovitch avait été son camarade à l’École de droit et se considérait comme son obligé.

Après avoir annoncé à sa femme, pendant le dîner, la nouvelle de la mort d’Ivan Ilitch et lui avoir communiqué ses considérations sur les probabilités de la nomination de son beau-frère dans leur district, Piotr Ivanovitch, sans se reposer, endossa son habit et se rendit au domicile d’Ivan Ilitch.

Une voiture de maître et deux voitures de place stationnaient près du perron. Dans le vestibule, près du porte-manteau, on avait adossé au mur le couvercle en brocart du cercueil, garni de glands et de franges d’argent passés au blanc d’Espagne. Deux dames en noir se débarrassaient de leurs pelisses. L’une d’elles était la sœur d’Ivan Ilitch, qu’il connaissait; l’autre lui était inconnue. Un collègue de Piotr Ivanovitch, Schwartz, descendait. Ayant aperçu, du haut de l’escalier, le nouveau visiteur, il s’arrêta et cligna de l’œil, comme s’il voulait dire: «Ivan Ilitch n’a pas été malin; ce n’est pas comme nous autres!»

La figure de Schwartz, avec ses favoris à l’anglaise, et sa maigre personne, en habit, conservaient toujours une grâce solennelle; et cette gravité, qui contrastait avec son caractère jovial, avait en l’occurrence quelque chose de particulièrement amusant. Ainsi pensa Piotr Ivanovitch.

Il laissa passer les dames devant lui et gravit lentement l’escalier derrière elles. Schwartz ne descendit pas et l’attendit en haut. Piotr Ivanovitch comprit pourquoi. Il voulait évidemment s’entendre avec lui pour la partie de cartes du soir. Les dames entrèrent chez la veuve. Schwartz, les lèvres sévèrement pincées, mais le regard enjoué, indiqua d’un mouvement de sourcils, à droite, la chambre du défunt.

Piotr Ivanovitch entra, ne sachant trop, comme il arrive toujours en pareil cas, ce qu’il devait faire. Cependant il était sûr d’une chose, c’est qu’en pareil cas un signe de croix ne fait jamais mal. Mais devait-il saluer ou non, il n’en était pas certain. Il choisit donc un moyen intermédiaire: il entra dans la chambre mortuaire, fit le signe de la croix, et s’inclina légèrement comme s’il saluait. Autant que le lui permirent les mouvements de sa tête et de ses mains, il examina en même temps la pièce. Deux jeunes gens, dont un collégien, probablement les neveux du mort, sortaient de la chambre en faisant le signe de la croix. Une vieille femme se tenait debout, immobile. Une dame, les sourcils étrangement soulevés, lui disait quelque chose à voix basse. Le chantre, vêtu d’une redingote, l’air résolu et diligent, lisait à haute voix, d’un ton qui ne souffrait pas d’objection. Le sommelier Guérassim répandait quelque chose sur le parquet, en marchant à pas légers devant Piotr Ivanovitch. En le regardant faire, Piotr Ivanovitch sentit aussitôt une faible odeur de cadavre en décomposition. Lors de la dernière visite qu’il avait faite à Ivan Ilitch, il avait remarqué dans son cabinet ce sommelier qui remplissait près de lui l’office de garde-malade; et Ivan Ilitch l’affectionnait particulièrement.

Piotr Ivanovitch continuait à se signer et à s’incliner vaguement; son salut pouvait s’adresser aussi bien au mort qu’au sacristain, ou aux icônes qui se trouvaient sur une table dans un coin de la chambre. Quand ce geste lui parut avoir assez duré, il s’arrêta et se mit à examiner le défunt.

Il était étendu sur le drap de la bière, pesamment, comme tous les morts, les membres rigides. La tête à jamais appuyée sur l’oreiller montrait, comme chez tous les cadavres, un front jaune, cireux, avec des plaques dégarnies sur les tempes, creusées, et un nez proéminent qui cachait presque la lèvre supérieure. Il était très changé. Il avait encore maigri depuis que Piotr Ivanovitch l’avait vu; mais, comme il arrive avec tous les morts, son visage était plus beau et surtout plus majestueux que de son vivant. Son visage portait l’expression du devoir accompli et bien accompli. En outre, on y lisait une sorte de reproche ou d’avertissement à l’adresse des vivants. Cet avertissement sembla déplacé à Piotr Ivanovitch, du moins sans raison d’être vis-à-vis de lui. Mais, soudain, il se sentit gêné. Alors, faisant vivement un nouveau signe de croix, il s’empressa, contre toute convenance, de gagner la porte. Schwartz l’attendait dans la pièce voisine, les pieds largement écartés, jouant avec son chapeau haut de forme qu’il tenait derrière son dos. Un seul regard sur la personne élégante, soignée, réjouie de Schwartz le rafraîchit aussitôt. Piotr Ivanovitch comprit que Schwartz était au-dessus de tout cela et ne se laissait pas impressionner par ce triste spectacle. Toute sa personne paraissait dire: le service religieux sur la tombe d’Ivan Ilitch n’est pas un motif valable pour remettre l’audience, c’est-à-dire, il ne peut nous empêcher, ce soir même, de faire claquer, en le décachetant, le jeu de cartes, pendant que le valet posera quatre bougies entières sur la table; en somme, il n’y a aucune raison de penser que cet incident puisse nous empêcher de passer agréablement cette soirée. C’est d’ailleurs ce qu’il communiqua à voix basse à Piotr Ivanovitch, lorsqu’il passa devant lui, en lui proposant de se réunir, ce soir même, chez Fédor Vassilievitch. Mais il n’était pas sans doute dans la destinée de Piotr Ivanovitch de jouer aux cartes ce soir-là. Prascovie Fédorovna, une femme petite et grosse, qui, malgré tous ses efforts, allait en s’élargissant depuis les épaules jusqu’à sa base, toute vêtue de noir, la tête couverte d’une dentelle, les sourcils étrangement relevés, comme ceux de la dame qui se tenait debout en face du cercueil, sortit de ses appartements avec d’autres dames et, les ayant accompagnées dans la chambre mortuaire, elle dit: «L’office des morts va commencer; entrez».