La Mort de César - Voltaire - E-Book

La Mort de César E-Book

Voltaire

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Beschreibung

Extrait : "ANTOINE : César, tu vas régner ; voici le jour auguste Où le peuple romain, pour toi toujours injuste, Changé par tes vertus, va reconnaître en toi Son vainqueur, son appui, son vengeur, et son roi. Antoine, tu le sais, ne connait point l'envie : J'ai chéri plus que toi la gloire de ta vie ; J'ai préparé la chaîne où tu te mets les Romains, Content d'être sous toi le second des humains ; Plus fier de t'attacher ce nouveau diadème,..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes.

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EAN : 9782335067286

©Ligaran 2015

Avertissement pour la présente édition

La Mort de César est le pendant de Brutus. Dans Brutus, Voltaire a montré le vieux Romain immolant ses enfants à la liberté ; dans la Mort de César, il montre l’autre Brutus immolant son père à la république.

« Trois personnages principaux, dit Laharpe, César, Brutus et Cassius, sagement dessinés et coloriés avec le pinceau le plus mâle et le plus fier ; une action simple et grande, une marche claire et attachante depuis la première scène jusqu’au moment où César est tué ; une intrigue serrée par un seul nœud, le secret de la naissance de Brutus, secret dont la découverte produit le combat de la nature et de la patrie ; les mouvements qui naissent de cette lutte intérieure, et qui n’ébranlent une âme à la fois romaine et stoïque qu’autant qu’il le faut pour accorder à la nature ce que le devoir ne peut jamais lui ôter, et pour en tirer la pitié tragique sans laquelle l’admiration n’est pas assez théâtrale ; une foule de scènes du premier ordre, celle de la conspiration, celle où Brutus apprend aux conjurés qu’il est fils de César, et s’en remet à eux pour prononcer sur ce qu’il doit faire ; les deux scènes entre César et Brutus où la progression est observée, quoique l’objet en soit à peu près le même ; le récit de Cimber ; enfin le style qui, proportionné au sujet et aux personnages, est presque toujours sublime ou par la pensée ou par l’expression : voilà ce qui a placé cet ouvrage parmi ceux qui doivent faire le plus d’honneur à Voltaire, soit comme auteur dramatique, soit comme versificateur. »

Nous donnons ici la note purement admirative de l’ancienne critique. Il nous faut pourtant faire entendre, non pas la contradiction, mais une appréciation plus libre et plus large, et nous allons reproduire la comparaison que M. Villemain, dans le Tableau de la Littérature du dix-huitième siècle, établit entre l’œuvre de Shakespeare et l’œuvre de Voltaire. M. Villemain s’exprime ainsi :

Voltaire voulut réaliser ce drame patriotique et républicain qu’il avait admiré sur le théâtre de Londres, et imparfaitement essayé dans Brutus. Il supprima les intrigues d’amour, les personnages de femme, et composa dans le goût anglais, dit-il, la Mort de César. Les pensées en sont élevées, le langage élégant et fort : c’est une belle étude d’après Corneille et Shakespeare.

Mais là même Voltaire a-t-il perfectionné ce qu’il emprunte au poète anglais ? A-t-il eu, dans toute la force du terme, plus d’art que Shakespeare ? Nous en doutons encore. Le dictateur César aspirant à la royauté, l’aristocratie romaine réduite à un assassinat, l’âme de Brutus, son sacrifice de César, rien de si grand que cette tragédie toute faite dans l’histoire. On dirait que Shakespeare en a simplement découpé les pages, en y jetant son expression éloquente et ses contrastes habituels de sublime et de grossièreté.

Toutefois, le drame ainsi conçu, avec une liberté sans limites, fait admirablement comprendre les causes et l’inutilité du meurtre de César. Ces plébéiens oisifs de la première scène nous préparent à ce peuple de Rome entraîné par Antoine après avoir applaudi Brutus, et plus touché du testament de César que de la liberté. Depuis le jeune esclave, réveillé de son paisible sommeil par les insomnies de Brutus, jusqu’au poète Cinna, massacré dans la rue pour une ressemblance de nom, chaque incident, chaque personnage est un trait de la vie humaine dans les révolutions. Le costume, le langage antique est souvent altéré par ignorance ; mais la nature toujours devinée.

Voltaire fait autrement : il choisit dans l’histoire, il la transforme, il invente au-delà. Ce vague soupçon que Brutus était fils de César devient le nœud même et l’intérêt dominant de son drame ; la grande lutte du sénat contre l’empire se cache dans un parricide. Voltaire affirme ce que ne croyait pas Brutus, lorsque, dans son admirable lettre contre le jeune Octave, il s’écriait :

Puissent les dieux me ravir toutes choses, plutôt que la ferme résolution de ne point accorder à l’héritier de l’homme que j’ai tué ce que je n’ai pas supporté dans cet homme, ce que je ne permettrais pas à mon père lui-même, s’il revenait au monde : le droit d’avoir, par ma patience, plus de pouvoir que les lois et que le sénat !

Sans doute Fontenelle et Mlle Barbier avaient eu grand tort de faire ensemble une tragédie de la Mort de César, et d’y représenter Brutus et César amoureux et jaloux. Mais fallait-il tout réduire, dans un tel sujet, à des entretiens de conspirateurs ? L’histoire ne pouvait-elle donner quelque physionomie de femme pure et passionnée, qui se mêlât avec tendresse à ces vertus féroces, et montrât la vie intime du cœur et la paix domestique engagées dans les luttes sociales ?

Shakespeare n’y a pas manqué. Près de la conspiration de Brutus, il a placé l’amour conjugal de Porcia. Cette scène, inspirée de Plutarque, me paraît d’une beauté sublime, Brutus s’est levé dans la nuit, tout agité de son projet. Porcia l’a suivi, le presse, l’interroge sur sa santé, sur son silence :

Non, cher Brutus, vous avez quelque chose dans l’âme ; je dois le savoir, au nom de mes droits sur vous ; et je vous le demande à genoux, par ma beauté que vous vantiez autrefois, par tous vos serments d’amour, et par ce grand vœu qui nous a inséparablement unis l’un à l’autre ; dites-moi, vous-même, à moi votre moitié, quel trouble vous accable, et pourquoi des hommes, ce soir, sont venus près de vous ? Ils étaient six ou sept, cachant leur visage, même à la nuit.

BRUTUS

Levez-vous, noble Porcia.

PORCIA

Je n’aurais pas besoin de vous supplier à genoux, si vous étiez généreux. Dans le contrat de notre union, dites-moi, Brutus, a-t-il été fait cette réserve que je ne connaîtrais pas les secrets qui vous appartiennent ? Mon lot est-il seulement de m’asseoir à votre table, de partager votre lit, de vous parler quelquefois ? Si cela est, et rien davantage, Porcia est la concubine de Brutus, et non sa femme.

BRUTUS

Vous êtes ma vraie, mon honorable femme, aussi chère pour moi que les gouttes de sang qui remontent à mon triste cœur.

PORCIA

S’il est vrai, je dois alors connaître ce secret. Je l’avoue, je suis une femme, mais une femme que Brutus a prise pour épouse ; je l’avoue, je suis une femme, mais une femme de bonne renommée : la fille de Caton. Croyez-vous que je ne sois pas plus forte que mon sexe, ayant un tel père et un tel époux ? Dites-moi vos projets ; je ne les trahirai pas. J’ai fait une forte épreuve de ma constance, en me blessant moi-même volontairement ici, à la cuisse. Ayant pu souffrir cela patiemment, ne pourrai-je porter les secrets de mon mari ?

BRUTUS

Ô vous, dieux ! rendez-moi digne de cette noble femme. Écoute, on frappe : Porcia, viens un moment ; et ton sein va recevoir les secrets de mon cœur.

« Ce n’est pas là, je crois, un amour qui rapetisse la grandeur historique du sujet.

La pièce de Shakespeare et celle de Voltaire sont trop connues pour permettre une analyse suivie. Marquons seulement quelques différences.

Voltaire, qui n’a pas craint de porter jusqu’au parricide le dévouement civique de Brutus, respecte d’ailleurs le précepte de ne pas ensanglanter la scène ; et, dérobant aux yeux tout ce qui se passe dans le sénat, il ne fait connaître le meurtre de César que par le cri lointain des conjurés, et le retour de Cassius, un poignard à la main : car il n’a pas osé sans doute ramener devant le spectateur Brutus couvert du sang de son père. Mais cette précaution même accuse le faux calcul du poète d’avoir rendu évident et formel ce qui, dans l’histoire, est enveloppé d’un doute sinistre. Pour avoir exagéré l’horreur du drame, il est obligé d’en cacher le héros. Il n’y a plus ce beau contraste de Brutus et d’Antoine, enlevant tour à tour le cœur des Romains. Tout manque de motifs et de vraisemblance. On conçoit mal pourquoi Cassius, qui n’était pas l’ami de César, cède la parole à Antoine, dont il se défie et qu’il accuse devant le peuple romain.

Il vient justifier son maître et son empire ;
Il vous méprise assez pour penser vous séduire.
Sans doute il peut ici faire entendre sa voix :
Telle est la loi de Rome, et j’obéis aux lois.
Redoutez tout d’Antoine, et surtout l’artifice.

La magnanime confiance de Brutus, sa tendresse de cœur, comme dit Plutarque, sa faiblesse pour la mémoire de César, pouvaient seules expliquer la faute qu’il fit alors en laissant parler Antoine, qu’il avait laissé vivre contre l’avis des autres conjurés.

C’est en cela que Shakespeare a merveilleusement conservé, par la vérité de l’histoire, celle du drame. Brutus a reçu les soumissions et le message d’Antoine. Brutus, après avoir frappé le grand homme qu’il aimait, veut que ses restes soient honorés. Il s’adresse d’abord aux Romains pour expliquer son douloureux devoir ; mais il introduit lui-même Antoine, et le recommande, pour ainsi dire, de ses dernières paroles. Voilà ce qui rend sublime la péripétie de ce drame oratoire. Et puis quelle vérité dans le langage, quelle intime communication avec le peuple ! et comme le peuple parle naturellement à son tour !

BRUTUS

S’il est dans cette assemblée quelque ami cher de César, je lui dirai que l’amour de Brutus pour César n’était pas moindre que le sien. Si cet ami demande pourquoi Brutus s’est armé contre César, voici ma réponse : Ce n’était pas que j’aimasse peu César ; mais j’aimais Rome davantage. Souhaiteriez-vous de voir César vivant, et nous tous esclaves, plutôt que César mort, et de vivre en hommes libres ? César m’aimait, je le pleure ; il était vaillant, je l’honore ; il était heureux, j’applaudis à sa fortune ; mais il était ambitieux, je l’ai tué… Quelqu’un est-il assez bas pour souhaiter d’être esclave ? S’il est ici, qu’il parle, car je l’ai offensé. Quelqu’un est-il assez stupide pour ne pas vouloir être Romain ? Quelqu’un est-il assez vil pour ne pas aimer son pays ? S’il est ici, qu’il parle ; car je l’ai offensé. Je m’arrête pour attendre la réponse.

TOUS

Personne, Brutus, personne.

BRUTUS