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Samaël, un jeune homme au sourire voilé de regrets, s’engage dans une quête périlleuse pour réparer les erreurs d’un passé troublé. Dans un univers étranger, il doit faire face à des forces obscures et à des alliés inattendus. Sa recherche de rédemption révèle des vérités enfouies en lui-même. Dans cette aventure où chaque décision est cruciale, Samaël aspire à voir surgir l’aurore d’un destin nouveau. Y parviendra-t-il ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Bercé dès son enfance par les mythes grecs et romains,
Eric Serafino, passionné de manga, s’inspire de véritables amis et connaissances pour créer des personnages hauts en couleur. Dans son univers fantastique, chaque aventure mêle habilement réalité et imagination.
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Seitenzahl: 586
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Eric Serafino
La naissance de l’aurore
Tome I
L’ancien monde
Roman
© Lys Bleu Éditions – Eric Serafino
ISBN : 979-10-422-5047-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes amis et ma famille,
qui sont non seulement des personnages de cette histoire, mais aussi les artisans de nombreuses aventures.
Et à Carla, qui est ma « véritable reine des fées ».
Il y a plus d’un millénaire, la lignée des hommes a envahi l’ancien monde avec une brutalité sans égale, exterminant ses habitants qu’ils considéraient comme inférieurs et dangereux. De cette conquête sanglante naquit l’empire d’Astiah, un règne de fer où la force et la domination sont les seules lois.
Les lignées des géants et des fées, autrefois gardiens des montagnes et des forêts, virent leurs rangs décimés et réduits à des ombres de leur ancienne grandeur. Abandonnées par les dieux qui les avaient autrefois bénies, ces anciennes lignées se trouvèrent au bord de l’extinction, et n’eurent d’autre choix que de capituler et d’accepter de se soumettre à l’empire, ou de vivre en exil.
Les descendants des lignées secondaires furent quant à eux réduits en esclavage ou condamnés à une vie de parias. Les Adjikahr, les Alésir, et les autres lignées mineures, autrefois alliés des géants et des fées, furent traqués, enchaînés et dispersés à travers l’empire, leur existence marquée par la servitude et la misère.
Cependant, au cœur de cet empire de désolation et de tyrannie, l’arrivée d’un jeune homme à l’allure naïve et souriante pourrait bouleverser le cours des choses. Issu d’un passé troublé, inconnu des puissants, il porte en lui un héritage oublié et une lueur d’espoir inattendue.
Carte du monde
Plongée dans une brume matinale, non loin d’une île recouverte par une forêt millénaire, on distingue la silhouette d’un majestueux voilier portant le nom d’Héléhim. Sa proue est ornée d’une imposante et intimidante figure de femme mi-ange, mi-démon, et sa coque en bois beige lisse comme du marbre donne l’impression qu’il vole au-dessus des flots. Le navire accoste doucement près d’une petite falaise composée de plusieurs couches de roches aux strates colorées qui se dresse au-dessus de la mer. Quand soudain un cri retentit à son bord.
Il s’agit de la voix perçante d’Afénor, le passeur, un vieil homme mince portant une fine armure en plaques de bronze rouillées, vissées les unes aux autres, sur la totalité de son corps. Le dos courbé et le pas boiteux, il marche vers son unique passager en s’exclamant sur un ton agacé.
Les coudes appuyés sur le bastingage de tribord, un jeune homme du nom de Samaël, grand et élancé, aux épais cheveux noirs avec des mèches qui tombent sur son front et qui encadrent son beau et fin visage angélique, observe d’un air joyeux et déterminé le paysage devant lui. Sans détourner le regard, il ramasse son sac à dos en tissu grisâtre, et le met sur son épaule gauche. Il glisse ensuite sa main dans la poche de son pantalon en cuir retroussé jusqu’aux mollets, et en sort une pièce de monnaie blanche comme un flocon de neige. D’un claquement de pouce, il l’envoie en direction d’Afénor qui la rattrape au vol. Le passeur regarde la pièce à travers les verres crasseux de sa paire de lunettes mécanique vissée sur son visage et en reste bouche bée.
Le pied sur le bastingage, l’air malicieux et le sourire aux lèvres, Samaël regarde Afénor avec ses yeux d’un brun clair intense par-dessus son épaule, et lui dit.
Et sans attendre, il saute agilement et atterrit sur le bord de la falaise quelques mètres plus bas. Il amortit sa chute en faisant une roulade sur le sol recouvert d’un gazon doux comme de la laine.
Il se redresse, remet en place la courte veste en cuir noir à manches courtes qu’il porte, et lève la tête au ciel en fermant les yeux. Il profite un court instant de la fine brise qui vient caresser ses cheveux, dévoilant encore mieux la peau lisse et le teint clair de son visage, lui apportant une sensation de liberté et de légèreté. Il prend une grande inspiration, et se met en marche.
Tout en levant l’ancre pour reprendre la mer, Afénor l’air intrigué derrière le gouvernail, observe avec un sourire narquois et satisfait, le jeune homme disparaître au milieu des gigantesques arbres qui délimitent l’immense forêt de l’île.
Samaël, quant à lui, continue de s’engouffrer dans la forêt qui est si épaisse que même les rayons du soleil peinent à traverser le dense feuillage des séquoias millénaires qui semblent toucher le ciel.
Pendant qu’il avance prudemment tout en scrutant son environnement, il est ébloui par la végétation luxuriante et vibrante qui l’entoure, des fleurs aux pétales rouges comme un rubis, et des plantes aux feuilles d’un vert profond et éclatant, teintées de nuances lumineuses de bleu, qui diffusent dans l’air un parfum frais et délicat.
Mais au fur et à mesure qu’il avance, il se rend compte que la végétation se referme derrière lui. Il comprend tout de suite que quelque chose de plus sombre se cache derrière toute cette beauté. Plus il avance, plus la forêt devient silencieuse, donnant l’impression qu’elle observe chacun de ses mouvements.
Soudain, un grondement sourd et puissant se fait entendre. Samaël reste étonnamment calme alors qu’il se rend compte que quelque chose d’énorme et de sauvage approche. Il s’arrête net et se prépare à affronter le danger.
Dissimulée dans l’ombre des épais buissons alentour, une silhouette massive émerge lentement. C’est un loup d’une taille inimaginable. Son long pelage est d’un blanc éclatant, éclairé par une lueur surnaturelle faisant ressortir des motifs runiques. Ses yeux, couleur ambre, brillent d’intelligence et d’une étrangeté captivante.
Le loup se tient là, immobile, scrutant Samaël avec méfiance et curiosité. Il montre ses crocs pendant que son museau frémit légèrement alors qu’il hume l’air chargé de tension. Samaël sent une énergie ancienne émaner de cet être majestueux, et il comprend instantanément qu’il se trouve en présence d’une créature extraordinaire.
La méfiance de Samaël se mêle à la fascination. Il avance prudemment vers le loup, lequel suit des yeux chacun de ses mouvements, évaluant les intentions du jeune homme.
Le loup reste immobile et le laisse approcher jusqu’à ce qu’ils se retrouvent face à face. L’animal est si grand, que Samaël doit légèrement lever la tête pour le regarder dans les yeux.
Le jeune homme tend doucement une main vers le loup, qui s’approche avec prudence tout en montrant ses crocs. Il hume l’air, et semble percevoir une odeur familière en Samaël et comprend qu’il ne représente pas une menace.
Avec une grâce naturelle, le loup approche se tête de la main tendue du jeune homme. Les doigts de Samaël se glissent avec délicatesse dans la fourrure dense du loup, caressant doucement sa tête. Au même moment, la forêt se remplit de bruits de toutes sortes, Les créatures qui l’habitent sortent de leurs cachettes, comme si jusqu’à cet instant elles avaient attendu la réaction de l’animal.
Le sourire aux lèvres, Samaël observe la forêt prendre vie tout autour de lui. Des oiseaux au plumage pastel passent au-dessus de sa tête, sifflant un air mélodieux, des écureuils à deux queues et au pelage grisâtre, grimpent aux arbres à toute vitesse, laissant derrière eux une traînée étincelante. Et des dizaines d’autres créatures uniques reprennent leurs habitudes, sans se soucier de la présence du jeune homme.
Soudainement, le loup fait demi-tour en bousculant amicalement Samaël, qui comprend tout de suite que c’est sa façon à lui de dire de le suivre. Sans attendre, le jeune homme lui emboîte le pas à travers la forêt, en se touchant une légère cicatrice sur son avant-bras droit.
Après presque une heure de marche, ils arrivent à l’orée d’une vaste clairière se trouvant au pied d’une cascade, dont les eaux cristallines chutent avec une grâce inébranlable, provoquant un rugissement tranquille.
Devant leurs yeux se dévoile un paysage enchanteur baigné de lumière où l’air est empli d’une douce brise parfumée aux senteurs délicates. Au centre de la clairière se trouve un lac parfaitement circulaire formé par la cascade. L’eau y est si calme et transparente, qu’on peut y voir les centaines de poissons aux écailles argentées nager à l’intérieur, et les majestueux arbres qui l’entourent se refléter parfaitement dedans. Au milieu de celui-ci se trouve un îlot parsemé de fleurs sauvages, avec en son centre un vieux temple en pierre, construit sur une plateforme élevée entourée de marches.
Samaël pose son sac sur le sol et se prépare à enlever sa veste pour entrer dans l’eau et nager jusqu’à l’îlot. Mais le loup le devance, et se met incroyablement à marcher sur les eaux du lac.
À chacun de ses pas, l’eau gèle instantanément sous ses pattes, formant un chemin au-dessus de l’eau. Samaël n’en revient pas, fasciné, il ramasse son sac et emprunte le chemin formé par l’animal, jusqu’à se retrouver au pied du temple.
L’animal se couche sur la douce pelouse, pendant que Samaël observe d’un air nostalgique le vieux temple délabré. Les colonnes, disposées en rangées tout autour du bâtiment soutenant le toit, sont entièrement recouvertes de lierre et fissurées de toutes parts. Samaël monte les marches et déplace des branches de lierre, dévoilant une grande et remarquable décoration sculptée sur l’une des parois du temple. Elle représente deux êtres ailés proches l’un de l’autre, tenant conjointement une sphère lumineuse dans leurs mains.
Samaël se perd dans ses pensées quelques instants, puis il retourne vers le loup, pose une main sur sa tête pour le caresser et lui dit.
Soudain, Samaël sent les poils de l’animal se hérisser sous sa main, il entend un léger sifflement dans l’air se rapprocher de lui à toute vitesse. Il penche sa tête vers la gauche pour esquiver l’objet qui passe juste au-dessus de son épaule, entaillant légèrement le cuir de sa veste, avant d’aller se planter dans le sol. Le jeune homme se penche, et empoigne l’objet pour le sortir du sol. Une fois dans la main il le reconnaît aussitôt, c’est une dague en argent avec une poignée ornée de feuilles d’orées, forgé par les meilleurs artisans de la cité cachée de Mégara, c’est l’arme de prédilection des guerrières de la forêt.
Il remarque que le loup n’a pas bougé, et qu’il a le regard fixé en direction du temple. Samaël suit le regard du loup, et aperçoit une silhouette ailée assise sur le fronton à l’avant du temple.
En un instant, elle disparaît et réapparaît dans le dos de Samaël, essayant de lui porter une attaque au niveau de la nuque. Avec une vitesse et une agilité hors du commun, le jeune homme réussit à parer l’attaque en s’aidant de la dague qu’il a ramassée. Le choc des lames produit des étincelles, qui illuminent les symboles féeriques gravés dessus. Pendant ce court instant, il remarque que l’arme de son agresseur est exactement la même que celle qu’il tient dans sa main.
Subitement, les yeux de Samaël se mettent à briller, il sent une montée d’adrénaline s’emparer de son corps, un sourire d’excitation se dessine sur son visage pendant qu’il serre son poing si fort, qu’on peut voir les fibres des muscles de son bras se tendre au maximum. En une fraction de seconde, il frappe son adversaire en plein visage, mais celui-ci réussit à esquiver de justesse.
Le coup porté par Samaël est d’une telle force, que le simple mouvement de l’air provoque une fine entaille sur la joue de son adversaire, et produit une onde de choc qui déracine les plantes alentour et soulève les eaux du lac. Pendant un court instant, les deux adversaires restent immobiles, et Samaël voit enfin le visage de son agresseur.
Face à lui, une fée à la chevelure argentée qui cascade jusqu’à sa taille. Le teint mat de sa peau fait ressortir ses yeux d’un gris profond, qui embellissent son air malicieux. Elle est vêtue d’une cuirasse légère, faite d’un mélange de cuire et de métal, ornée de motifs élégants rappelant la nature, qui laisse apparaître la fine musculature de ses cuisses et de ses bras. Et dans son dos, deux sublimes ailes d’un blanc éclatant, marquées par des veinures dorées.
Un sourire confiant se dessine sur le visage de la fée avant de s’élancer en projetant un coup puissant en direction de Samaël, qui esquive en se glissant entre les attaques avec des mouvements fluides et précis, donnant l’impression qu’il joue avec elle.
Samaël enchaîne les esquives et les parades avec une facilité déconcertante, mais sans jamais contre-attaquer, comme s’il savait qu’il pourrait prendre le dessus à tout moment. Ébranlée par le comportement de son adversaire, la fée change de tactique. Elle empoigne une deuxième dague de sa ceinture et se met à tournoyer dans les airs, frappant de manière circulaire essayant de le déséquilibrer. Mais avec un mouvement rapide et parfaitement synchronisé, Samaël lance sa dague en l’air au-dessus de lui pour libérer sa main et bloque l’attaque en attrapant la fée par les poignets.
Complètement immobilisée, la fée essaye de se libérer, mais l’étreinte est trop forte. Samaël la regarde fixement dans les yeux avec un sourire amusé, pendant que la dague qu’il a précédemment lancée en l’air retombe, en passant juste à quelques millimètres du visage de la fée et allant se planter dans le sol.
Voyant l’expression presque apeurée de la fée, Samaël relâche son étreinte, donnant la possibilité à la fée de se libérer et de reculer de quelques mètres. À cet instant, la lumière dans ses yeux s’atténue gentiment jusqu’à disparaître complètement. Tous les muscles de son corps se détendent, et son expression redevient celle d’un jeune homme joyeux et insouciant.
Quant à elle, la fée se retrouve tétaniser et tremblante de peur, elle pose un genou à terre et prend de grandes inspirations pour diminuer son rythme cardiaque et essayer de retrouver son calme.
Après quelques secondes, elle lève les yeux en direction de Samaël qui la regarde le sourire aux lèvres et le voit s’avancer vers elle en lui tendant la main pour l’aider à se relever. Stupéfaite et intriguée, la fée ne comprend pas l’attitude du jeune homme.
Surprise par les paroles du jeune homme, la fée prend sa main et se relève en lui faisant part de son ressenti.
En voyant l’attitude désinvolte et le sourire sincère de Samaël, elle retient ses mots et lui demande simplement son nom et ce qu’il fait sur l’île. Avant de répondre, le jeune homme fait demi-tour et demande au loup qui les observe sans bouger depuis le début, de lui rouvrir la voie en direction de la forêt. L’animal obéit et se met en marche en recréant le passage au-dessus de l’eau. Arrivé à mi-chemin, il regarde la fée par-dessus son épaule avec un regard intense et lui répond.
La jeune fée reste muette pendant qu’elle le regarde traverser les eaux du lac et quitter la clairière, puis disparaître dans l’ombre des gigantesques arbres. Mais qui est-il ? Qui est cette personne qui possède une force et une connaissance qui semble égaler celle des dieux. Des dizaines de questions envahissent son esprit, la laissant complètement désorientée et dans l’incrédulité la plus totale.
Alors qu’ils pénètrent plus profondément dans la forêt des fées à la recherche de la première Valissa, celle-ci s’enveloppe d’une épaisse obscurité. Samaël et l’animal sentent l’atmosphère autour d’eux devenir de plus en plus sinistre.
Le sol est recouvert d’un tapis de feuilles mortes qui craquent sous chacun de leurs pas, émettant un son lugubre et mélancolique. D’imposantes racines noueuses émergent de terre, tels des serpents figés dans une pose menaçante, prêts à s’emparer de quiconque s’aventurait trop près.
Le silence règne, seulement rompu par le sifflement des vents qui soufflent à travers les fentes étroites de la forêt. Et des murmures indistincts semblent se faufiler entre les arbres, éveillant les craintes de tous ceux qui osent s’aventurer dans cet endroit.
Toujours sur ses gardes, Samaël avance lentement en se fiant au flair du loup qui l’accompagne.
L’animal qui renifle le sol, lève la tête et change soudainement de direction, se frayant un chemin à travers des buissons épineux et s’arrête net juste après les avoir traversés. Le jeune homme s’arrête près de l’animal en fronçant les sourcils. La scène qu’il a sous les yeux est des plus lugubres ! Des centaines de cadavres humains jonchent le sol pris au piège par des racines qui entourent leurs corps. Samaël demande à l’animal de l’attendre et décide de s’approcher d’un des cadavres pour l’inspecter.
Il s’accroupit près de celui-ci pour observer attentivement chaque détail.
Un autre détail attire l’attention de Samaël. Les armures et les heaumes portés par les cadavres ressemblent à ceux de l’armée d’Astiah, mais ont l’air de dater de plusieurs siècles. Le jeune homme prend un instant pour réfléchir, avant d’arriver à une conclusion.
Samaël se relève en caressant la tête du loup et reprend sa route à la recherche de la première Valissa.
Il leur faut plusieurs minutes de marche pour quitter cette partie sombre de la forêt, et se rendre compte que le jour a fait place à la nuit. Une nuit étoilée, avec un clair de lune brillant à travers les cimes des arbres, créant des motifs d’ombre et de lumière sur le sol tapissé de mousse phosphorescente, diffusant une lueur qui éclaire légèrement l’obscurité ambiante. Le même phénomène se produit sur l’animal, des motifs runiques sur sa fourrure et autour de ses yeux se mettent à émaner une lueur blutée, qui fascine le jeune homme à ses côtés.
Pendant ce temps, Morrigane, perdue dans ses pensées, vole à toute vitesse, slalomant entre les arbres jusqu’à arriver devant un gigantesque passage formé par deux chênes millénaires enlacés. Leurs troncs sont entièrement recouverts de gravures féériques et leurs centres sont formés d’un voile brumeux. Une sorte de frontière magique qui sépare le monde ordinaire du monde des fées.
Elle se pose délicatement sur le sol avant de franchir le voile brumeux. Une fois passé ce seuil, elle se retrouve sur l’allée principale de la cité de Mégarà. Cachée aux yeux de tous, elle est le dernier endroit au monde à ne pas avoir plié le genou devant l’empire d’Astiah. Entourée d’une nature harmonieuse et luxuriante, et construite avec des matériaux naturels tels que le bois, la pierre et les feuilles d’argent, elle se fond parfaitement dans son environnement. Ses formes courbes et élégantes rappellent celles des pétales de fleurs. Ses murs sont recouverts de mousse et de fleurs sauvages, donnant l’impression que la cité est née directement de la terre.
La jeune fée avance en marchant sur la large allée recouverte d’un gazon doux et épais, bordée de deux ruisseauxaffluant magiquement chacun dans une direction différente, remplis de poissons aux écailles pastel, et entourée de lucioles qui éclairent les bâtiments alentour d’une lueur dorée. L’allée principale, longue de plus de cinq cents pieds, mène tout droit au centre de la cité, là où se trouve le palais royal.
Tout au long de la grande allée, elle regarde les derniers habitants de la cité encore réveillés, rentrer paisiblement chez eux, et se demande si cette paix si durement protégée durant des centaines d’années, ne serait pas en train d’arriver à son terme.
Arrivée aux pieds des marches qui mènent au palais, elle est interpellée par deux gardes vêtus d’une cuirasse quasi similaire à la sienne, armées de lance, et portant un heaume en bronze aux décorations florales qui cache leurs visages. Contrairement à la dame de la forêt, leurs ailes ne sont pas blanches aux veinures dorées, mais turquoise aux veinures noires.
L’une des gardes lui demande respectueusement de les suivre jusqu’à la salle du trône. Sans discuter, la fée s’exécute et se dirige avec les gardes à l’intérieur du palais.
La salle du trône se trouve au bout d’un long couloir, dans lequel sont alignées des statues de pierres blanches, sculptées à l’effigie d’anciens héros et monarques ayant fait la fierté de la cité, depuis l’époque de sa fondation. Au bout du couloir, une majestueuse porte témoignant de la grandeur et de la splendeur du royaume des fées. Elle est fabriquée à partir d’un bois ancien, qui lui confère une texture riche et profonde. Des motifs complexes sont finement sculptés dans le bois, représentant des créatures fantastiques et des plantes luxuriantes.
L’une des gardes tire sur la poignée de la porte, qui s’ouvre en produisant un grincement léger, mais puissant. Une fois la porte ouverte, La dame de la forêt pénètre dans la salle du trône. Un endroit qui évoque l’émerveillement, aux murs ornés de motifs complexes et délicats, baignés dans une douce lumière produite par des lustres en cristal suspendus au plafond par des branches aux feuillages argentés. Elle avance, traversant la salle sur un sol en marbre blanc si lisse et brillant, qu’on peut y voir son reflet.
Au milieu de la salle se dresse le trône de la reine des fées. Lui aussi sculpté dans un bois précieux, incrusté de pierres étincelantes. La jeune fée s’agenouille, posant la main droite bien ouverte sur le sol.
Face à elle, assise fièrement sur le trône, les jambes croisées, la reine Carélya, troisième souveraine de Mégarà. Elle demande aux gardes de fermer la porte, et de les laisser discuter en privé. La reine est une magnifique jeune femme à la peau d’une pâleur éclatante et au visage harmonieux. Ses yeux, brillants et perçants d’une couleur violette étincelante, sont capable de captiver et de subjuguer tous ceux qui ont le privilège de les croiser. Ses longs et volumineux cheveux noirs ondulés aux reflets rougeâtres, tenue par un diadème en or blanc, tombent gracieusement le long de ses épaules. Elle est revêtue d’une fine et courte robe noire et somptueuse, ornée de motifs floraux et de broderies délicates, laissant entrevoir les magnifiques courbes de son corps et de sa généreuse poitrine.
D’une voix ferme et harmonieuse, elle s’adresse à la dame de la forêt.
La réponse de Morrigane surprend la reine, qui se lève et avance vers elle. Le claquement des hauts talons de ses sandales en lamelles de cuir qui remonte autour de ses mollets résonne dans l’immensité de la salle. Elle fait signe à Morrigane de se relever, et passe sa main sur la fine entaille provoquée par l’affrontement avec Samaël, en lui demandant ce qu’il s’est passé. La fée lui raconte toute l’histoire sans omettre aucun détail, ce qui provoque une réaction de stupeur chez la reine Carélya.
Carélya reste en silence pendant qu’elle pose son regard sur une légère cicatrice qui se trouve sur son avant-bras gauche. Voyant la réaction de la reine, Morrigane devient soucieuse.
Soudain, deux magnifiques ailes lumineuses apparaissent dans le dos de la reine. Des ailes complètement différentes, et bien plus imposantes que celles des autres fées. Leur texture, semblable à celle d’une fine membrane aux reflets argentés, est composée d’une multitude de veines dorées. Dans lesquelles on peut apercevoir une sorte de fluide magique s’écouler, les rendant aussi solides que l’acier.
Carélya les faits ondulés gracieusement, pour qu’elles libèrent une poussière étincelante qui va se poser sur la joue de Morrigane, faisant magiquement disparaître sa blessure. Puis elle demande à la dame de la forêt d’organiser au plus vite les préparatifs pour se rendre sur les terres enneigées de Nefth.
Perplexe et de plus en plus soucieuse, Morrigane lui demande des explications.
À l’autre bout de l’île, Samaël et son compagnon atteignent un vaste amphithéâtre naturel.
Les arbres majestueux se dressent comme des colonnes, soutenant un toit végétal étoilé, ou les lucioles scintillantes se rassemblent pour créer une voûte céleste miniature. Ou La lumière des étoiles filtre à travers les feuillages, créant un jeu de lumières magiques qui danse sur le sol.
Le jeune homme est immédiatement enveloppé d’une énergie apaisante, pendant qu’il avance sur le parterre de pierres étincelantes qui créent une mosaïque élégante et complexe. Jusqu’à rejoindre une imposante structure de racines entrelacées, formant le visage d’une femme ayant la bouche grande ouverte, comme si elle hurlait de douleur.
Samaël s’arrête à quelques pas de l’entrée de la bouche, pendant que le loup entre dans l’obscurité de celle-ci, pour en ressortir quelques secondes après, accompagné d’une vieille femme mystérieuse. Elle avance lentement, le corps voûté, prenant appui sur un long bâton. Son visage est marqué par les épreuves du temps, chaque ride raconte une histoire empreinte de secrets. Ses yeux violets, profonds et pétillants, semblent refléter les mystères des étoiles elles-mêmes. Elle est vêtue d’une longue robe en velours brunâtre, égayée par des broderies vertes représentant des symboles oubliés. Et ses cheveux gris, noués en un chignon serré, ornés de mèches d’argent étincelantes, rappellent la lueur de la lune.
D’un délicat mouvement de la main, elle fait magiquement jaillir des racines du sol, qui forment un siège sur lequel elle s’assoie. Avec son regard énigmatique et empli de sagesse, elle observe brièvement Samaël avant de s’adresser à lui avec une voix basse et calme.
Amusé par l’attitude du jeune homme, Filoria laisse apparaître un léger sourire et lui demande comment était-il au courant de son existence et quelle se trouvait sur l’île d’Hélénya, dans une langue étrange au ton mélodieux et enchanteur, rappelant le bruissement du vent dans les arbres mélangés au doux murmure des oiseaux. Le tout pendant que le jeune homme observe le paysage qui l’entoure.
Filoria passe délicatement sa main dans la fourrure de Storvir qui est assis près d’elle, tout en s’adressant à Samaël sur un ton sarcastique.
Surpris, Samaël demande à Filoria comment peut-elle être au courant de son affrontement avec Morrigane.
La vieille femme est surprise, elle reste en silence tout en caressant la fourrure de Storvir. Comme il s’y attendait, le jeune homme comprend qu’il n’aura pas la réponse qu’il souhaite. Les deux restent en silence les yeux dans les yeux, mais Samaël est déterminé à avoir une réponse et demande à Filoria la raison de son silence.
L’expression de la vieille femme s’assombrit soudainement, au tour de ses yeux apparaissent des veinures verdâtres étincelantes, les marques sur la fourrure de Storvir s’illuminent pendant qu’il se met debout sur ses pattes grognant en direction du jeune homme. Au même moment l’atmosphère s’alourdit, les branches des arbres semblent prendre vie recouvrant le ciel, plongeant l’endroit dans une obscurité quasi totale. Un vent glacé se met à soufflet de plus en plus fort prenant la forme d’un tourbillon qui les encercle.
Samaël reste impassible face aux éléments qui se déchaînent tout autour de lui et à la puissance écrasante qui émane de l’aura de la vieille femme, qui se lève de son siège et avance lentement en s’adressent à lui en langage féerique avec une voix transformée, bien plus grave et puissante suivie d’un écho menaçant qui se propage dans la tornade qui les encerclent.
Sentant la puissance écrasante qui émane de l’aura de Filoria et le danger qu’elle représente, les yeux de Samaël se mettent à briller, ses sourcils se froncent et ses muscles se crispent.
Son regard est figé sur la vieille femme qui se rapproche de lui, les poings serrés, il est prêt à l’affrontement, quand soudain contre toute attente tout revient à la normale. La tornade disparaît et les branches des arbres se retirent laissant la lumière du ciel étoilé éclairé à nouveau l’endroit.
Face à lui, Filoria qui a repris son état calme et apaisé, lui prend délicatement la main et lui murmure quelque chose à l’oreille.
Elle lui lâche la main et s’en va en direction de l’entrée de la bouche. Mais avant de disparaître dans l’obscurité, elle s’adresse encore une fois à lui.
Sans dire un mot, Samaël la regarde disparaître dans l’obscurité à l’intérieur de la bouche. Pensif, le jeune homme fait demi-tour et s’apprête à quitter l’endroit, mais le chemin est bloqué par la végétation. Storvir qui a lui aussi retrouvé son état normal s’approche de lui. Soudain, devant eux, un frémissement se fait sentir et comme par magie, la forêt semble reprendre vie. Se déplaçant telle une entité consciente, les arbres commencent à s’écarter et les branches se soulèvent gracieusement, comme des bras accueillants, laissant apparaître un sentier étroit.
Avant de s’y engouffrer, Samaël jette un dernier regard par-dessus son épaule, et en souriant il marmonne dans sa barbe.
Pendant ce temps, caché par l’obscurité de la nuit, plusieurs silhouettes se déplacent lentement sur un ponton en bois aux abords du fleuve Tarima, qui afflue non loin de la cité de Mégara. Il s’agit de la reine Carélya et de la dame de la forêt Morrigane, accompagnées par six des meilleures guerrières Djouk-haï, portant chacune une longue cape brunâtre à capuche qui les recouvre entièrement. Elles s’apprêtent à embarquer discrètement dans une barque en bois de chêne élancé à la proue et la poupe relevées, richement décorées avec des sculptures féeriques.
Les guerrières s’installent chacune à une rame pendant que Carélya prend place sur la proue.
Morrigane monte dans la barque avec hésitation, le silence de la reine au sujet de sa rencontre avec Samaël l’inquiète, de plus la décision soudaine d’entreprendre ce voyage ne lui ressemble pas.
Morrigane n’a d’autre choix que d’obéir à sa reine, elle prend place à la poupe de la barque et donne l’ordre aux guerrières de commencer à ramer. Glissant lentement dans l’eau en laissant derrière elle un sillage argenté, elles remontent le fleuve sous le scintillement des étoiles en direction de la baie des Mélusines, là où un navire les attend pour prendre la mer.
Perdue dans ses pensées, la reine des fées observe la forêt qui entoure le fleuve, quand soudain elle aperçoit la silhouette d’une personne tenant un bâton, assise sur des cailloux à proximité de la rive. La reine demande à ses guerrières de rapprocher la barque de la silhouette, les guerrières s’exécutent pendant que Morrigane dégaine discrètement ses dagues sous sa cape, pour être prête en cas de danger. Une fois proche, il s’avère qu’il s’agit de la première Valissa, qui semble ne pas se trouver là par hasard. La dame de la forêt range immédiatement ses dagues et s’agenouille en baissant la tête suivie par les guerrières D’jouk-haï, pendant que Carélya lui demande sur un ton agacé, le pourquoi de sa présence sur le fleuve.
Morrigane se lève et se rapproche de Filoria tout en restant sur la barque.
Morrigane ne s’attendait pas à une telle question, la première Valissa aurait-elle assisté à son combat contre Samaël ? Elle prend quelque seconde pour réfléchir, puis répond avec fermeté et honnêteté.
Puis avant de s’en aller, elle tourne légèrement la tête en direction de Carélya et lui dit.
Carélya n’en croit pas ses oreilles.
Les paroles de Filoria trouble Carélya qui ne trouve plus ses mots.
Filoria s’en va le regard triste, pendant que Carélya les yeux plongés dans le vide reste en silence, comme si les paroles de la vieille femme ne lui faisaient aucun effet. Puis sans attendre, elle ordonne à ses guerrières de reprendre la remontée du fleuve.
Morrigane quant à elle, se demande encore le pourquoi de la venue de la première Valissa, et surtout de qui parlait-elle ? Quel est ce choix qu’elle devra faire ? Tout cela en observant l’attitude de Carélya qui se montre froide et impassible, mais La dame de la forêt connaît bien sa reine et sait qu’au plus profond d’elle, quelque chose la tourmente au plus haut point.
Au petit matin pendant que le soleil se lève sur l’île d’Hélénya, la barque transportant la reine des fées et ses guerrières s’apprête à rejoindre la baie des mélusines, et que Samaël accompagné de Storvir arrive dans un endroit unique en son genre. Une plage ou chaque grain de sable ressemble à une petite gemme étincelante, ce qui lui donne l’apparence d’un tapis de joyaux. À chaque pas qu’il fait, il laisse derrière lui une empreinte lumineuse qui s’estompe lentement pour se fondre à nouveau dans le sable. La mer face à lui est d’un bleu profond, dont les vagues se brisent en douceur, créant une mélodie apaisante qui imprègne l’air.
Samaël profite de la magnificence de l’endroit, tout en se demandant comment va-t-il faire pour se rendre à sa prochaine destination. Storvir passe à coter de lui en le bousculant légèrement et se met à avancer le long de la plage en direction d’une petite chaloupe délabrée à quelque centaine de mètres de là. Plus il se rapproche plus il entend un son ressemblant étrangement à celui d’un ronflement, provenir de l’intérieur de la chaloupe. Pendant que Storvir s’assaille prêt de la chaloupe, Samaël se penche pour regarder à l’intérieur, et sa surprise est totale quand il y voit Afénor couché en train de dormir à poings fermés.
D’un coup de queue, Storvir renverse la chaloupe faisant tomber Afénor dans le sable. Le passeur se réveille en sursaut et se remet debout en jurant à tue-tête contre les dieux. Amusé par la réaction du passeur, Samaël se met à rire, attirant l’attention d’Afénor.
Samaël sourit à pleines dents, montrant sa joie. Mais en regardant la mer devant lui, quelque chose le trouble, il n’y a aucun navire. Il demande alors au passeur, ou se trouve le Héléhim.
Le jeune homme n’en croit pas ses yeux, il est émerveillé par ce qu’il vient de voir et demande au passeur comment cela est-il possible ! Afénor regarde Samaël dans le blanc des yeux et lui répond.
Afénor et Samaël retournent la chaloupe, la mettent à l’eau et grimpent dedans pour rejoindre le Héléhim. Le sourire joyeux aux lèvres, le jeune homme fait un geste de la main pour dire au revoir à Storvir qui à son tour se met à hurler. Une fois à bord du navire le passeur prend place derrière le magnifique gouvernail sculpté avec soin, représentant une sirène envoûtante qui semble prête à chanter les plus belles mélodies, pendant que Samaël se met debout sur le bastingage à l’avant du navire en se tenant à un cordage la tête haute. Il jette un léger regard sur la cicatrice de son avant-bras droit avant de fixer l’horizon.
Samaël tourne le regard en direction d’Afénor et s’exclame avec excitation…
Au même moment, la reine des fées et ses guerrières rejoignent la baie des Mélusines. Bordée de falaises couvertes de végétation luxuriante qui semble veiller sur ce lieu enchanté, elle est l’emplacement parfait pour cacher le navire du royaume des fées. Un gigantesque voilier à la coque sculptée dans un bois ancien taillé par des artisans légendaires.
Des motifs complexes et des arabesques ornent chaque centimètre carré de sa surface, racontant des histoires oubliées depuis longtemps. Et ses voiles sont tissées à partir d’un matériau semblable à de la soie d’araignée, incroyablement légère et translucide.
Suivi de ses guerrières, Carélya monte à bord du navire, passe délicatement sa main sur la cicatrice de son avant-bras gauche et annonce immédiatement la destination, une décision qui laisse Morrigane complètement déconcerté.
Les heures passent paisiblement pendant que le Héléhim fend doucement les eaux turquoise de la mer Corallienne, laissant une traînée scintillante derrière lui. Depuis la proue, Samaël observe joyeusement les dauphins curieux qui suivent le voilier, sautant hors de l’eau avec grâce et jouant dans son sillage.
Afénor, quant à lui, souhaite en savoir plus sur l’identité du jeune homme. Il tourne une boussole mécanique encastrée dans le centre du gouvernail avant de la lâcher et de s’approcher de Samaël pour lui poser quelque question.
Alors le passeur se met à lui poser des dizaines de questions sans même donner le temps au jeune homme de répondre, jusqu’à arriver à la dernière question.
Amusé, Samaël prend quelque seconde pour réfléchir, s’approche d’Afénor et lui dit.
Puis, il s’éloigne le sourire aux lèvres en prenant la direction de l’avant du navire, laissant le passeur incrédule et sans voix. Mais Afénor ne compte pas en rester là, il suit le jeune homme avec son pas boiteux en lui hurlant dessus.
Le lendemain à l’aube, Le Héléhim arrive enfin à la cité portuaire de Zakarah.
Samaël, les coudes appuyés sur le bastingage. Regarde avec fascination, et un peu d’inquiétude, les centaines de navires aux voiles colorées amarrés côte à côte, évoquant une forêt de mâts dressés vers le ciel. Cela fait très longtemps qu’il n’a plus mis pied dans le monde civilisé. Une partie de lui se demande si revenir était vraiment le bon choix. Pendant ce temps, Afénor dirige habilement le navire vers le quai.
Une fois le Héléhim amarré, Samaël prend son sac à dos et emprunte la rampe de tribord pour descendre du navire. Au moment de poser le pied sur le sol en pavé, il regarde Afénor en glissant une main dans la poche de son pantalon. Le passeur fait un geste de la tête, lui faisant comprendre que pour cette fois il ne lui doit rien. Samaël comprend et continue sa route, le sourire aux lèvres.
Il s’engouffre dans les rues étroites bordées d’imposants bâtiments en pierre grise, témoins du passé glorieux de la ville. Les senteurs de l’océan se mélangent à celles des épices et des tavernes, embaumant l’air d’un mélange étrange et enivrant, qui lui font resurgir plein de souvenirs.
Samaël avance, en observant avec curiosité la foule qui anime les rues de la ville. Des marchands, des marins, des vagabonds et des nobles, chacun pressé d’aller vaquer à ses affaires ou de satisfaire ses envies. Mais plus il avance, plus il remarque les changements dans la cité, qui ne ressemble plus à la destination paisible et amicale d’autre fois. Il voit des dizaines de soldats impériaux, vêtus de fines armures en acier rougeâtre, patrouillant dans chaque coin de rue d’un air menaçant.
Le jeune homme arrive devant une imposante ouverture en arc de pierre, soutenue par deux statues de femmes, tenant une balance dans leurs mains. Il la traverse et se retrouve dans la place principale de la cité, une imposante structure circulaire, recouverte par un dôme de verre.
À cet instant, les cris des marchands de poissons, de fruits et de légumes lui remplissent les oreilles, tout comme les chants des musiciens et les bruits des ferronniers travaillant dans leurs ateliers.
Pendant qu’il se balade au milieu des centaines de cabanes qui remplissent la place principale. Il observe chacune d’elles avec grand intérêt, mais il y en a une qui attire son attention plus que les autres et s’arrête devant la cabane d’un marchand d’animaux rares. Voyant le jeune homme, l’obèse et vaniteux marchand s’empresse de présenter sa marchandise.
Il lui tend plusieurs cages contenant différentes créatures exotiques, mais Samaël ne lui prête aucune attention, quand soudain une sensation familière s’empare de lui, comme si l’une des créatures était en train de l’appeler. Il remarque une petite cage en fer forgé suspendue dans le fond de la cabane, et demande au marchand de la lui montrer.
Avec stupeur, le marchand pose la cage sur l’établie devant le jeune homme, qui regarde à l’intérieur de celle-ci, voyant un bébé Yfrit paisiblement endormi, les ailes repliées le long de son corps et deux cicatrices juste au-dessus de l’œil gauche qui intriguent le jeune homme. Il a déjà vu cette créature auparavant, mais se dit que c’est impossible, car ses souvenirs remontent à plusieurs siècles. Quand soudain, le souvenir sur d’étranges rumeurs concernant les Yfrits lui revient en mémoire. Il semblerait que ces créatures, tout comme le Phénix, puissent renaître de leurs cendres. Mais contrairement à l’oiseau légendaire, l’Yfrit aurait la capacité de garder les traits et les souvenirs de sa vie précédente.
Samaël tend sa main vers la cage, au même moment l’Yfrit ouvre les yeux, et ses iris couleurs ambre croisent le regard du jeune homme, le faisant entrer dans une sorte de trans.
Pendant quelques secondes, tous ses souvenirs et ses émotions se mélangent avec ceux de la petite créature, à une vitesse folle. Quand il reprend ses esprits, Samaël est sous le choc et demande aussitôt le prix au marchand. Celui-ci ne comprenant pas ce qu’il s’est passé, réclame un prix dérisoire comme s’il voulait se débarrasser au plus vite de l’animal.
Surpris, Samaël comprend que le marchand n’a aucune idée de la rareté de la créature, et se garde bien de ne pas divulguer ce qu’il sait. Il ouvre la cage et prend l’Yfrit dans la paume de sa main.
Il lui caresse délicatement ses petites écailles bleutées et le pose sur son épaule, en l’appelant par son nom, Séphyros. Le nom que Samaël lui avait donné alors qu’il n’était encore qu’un enfant.
Encore incrédule et souriant, il remet l’Yfrit dans la cage, la met dans son sac et reprend son chemin à travers la grande place. Quand quelques mètres plus loin, il passe devant une estrade, où se trouve le corps enchaîné et meurtri d’une femme en fin de vie. Un spectacle cruel et indécent, qui ne semble pas déplaire aux personnes, qui passent devant comme si de rien n’était.
Il reconnaît tout de suite les marques runiques sur les bras ensanglantés de la prisonnière. Il s’agit d’une guerrière de haut rang du clan des fées, ou en tout cas, ce qu’il en reste. Puisque même ses ailes lui ont été arrachées, ce qui pour une fée est la pire des humiliations. La joie et le sourire sur son visage disparaissent, un fort sentiment de colère s’empare de lui, il se met à serrer ses poings si fort, qu’on peut entendre le grincement du cuir de ses bracelets.
À ce moment, il prend conscience des conséquences de ses choix passés, Il se rend compte qu’avoir vécu coupé du monde durant tout ce temps n’a fait qu’empirer les choses.
Il commence à se demander, s’il l’avait vraiment fait pour le bien des gens à qui il tenait, ou si ce n’était qu’un prétexte pour ne pas devoir faire face à la réalité. Cette horrible réalité, que des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants n’ont pas eu d’autres choix que de subir, depuis presque un millénaire. Il regarde le visage lacéré de la fée, qui lui rend son regard avec un léger sourire, comme si elle comprenait et le pardonnait de ne rien faire. Avec un ignoble sentiment de culpabilité, le jeune homme baisse la tête et reprend son chemin.
À quelques mètres de là il aperçoit l’enseigne d’une taverne et décide d’aller y jeter un œil. À peine a-t-il passé la porte qu’il entend une voix stridente s’adresser à lui.
Samaël avance près du comptoir en chêne massif, en observant la lueur des chandelles se refléter sur les murs en pierre taillée et sur les poutres en bois sombre qui soutiennent le plafond bas. Autour de lui, des dizaines de clients de toutes les origines, certains discutent en riant et d’autres mangent et boivent dans le silence le plus total. Le jeune homme s’appuie sur le comptoir orné de bouteilles étranges contenant des liquides aux couleurs vives et aux arômes envoûtants.
L’aubergiste, une vieille femme robuste aux cheveux frisés et aux yeux pétillants, s’active derrière le bar, remplissant des chopes en bois sculpté avec une dextérité impressionnante. Elle pose une chope vide devant Samaël en lui demandant encore une fois s’il souhaite boire ou manger, et cela avec sa voix stridente qui résonne dans toute la taverne.
Le jeune homme surpris répond immédiatement.
N’ayant pas le choix, Samaël commande une bière et se retourne pour observer le va-et-vient des gens et profite du fait que l’aubergiste remplit sa chope pour lui poser une question.
À peine a-t-elle fini sa phrase que Samaël prend la direction de la sortie en la remerciant. La femme regarde la chope à côté de laquelle le jeune homme a laissé cinq pièces de cuivre.
Avant de sortir, Samaël se retourne et lui dit.
Une fois dans la rue, Samaël est perdue dans ses pensées. Il repense à l’information que lui a donné l’aubergiste, quand soudain il entend des voix d’hommes et des bruits de coups, provenir d’une des ruelles qui entourent la place principale, il s’approche et voit trois soldats en train de frapper brutalement un homme assis sur le sol en ricanant. Il observe quelques secondes, et remarque la stature et la musculature imposante de l’homme au sol, et celles-ci ne lui sont pas inconnues.
Un des soldats aperçoit le jeune homme et l’interpelle en s’approchant de lui un bâton à la main. L’air sadique et le ton hautain, le soldat attrape avec force le bras de Samaël et commence à le menacer.
Dans un premier temps, Samaël ne réagit pas, il demande gentiment au soldat de laisser partir l’homme assis sur le sol, mais celui-ci refuse en hurlant de rire.
Samaël attrape alors le bras du soldat et lui refait la demande, mais cette fois sur un ton plus sombre et menaçant. Le soldat continue de rire, et se met à raconter sans aucun remords, ce que lui et ses hommes ont fait subir à la fée sur l’estrade.
Les paroles et les ricanements du soldat rendent Samaël fou de rage. L’expression de son visage s’assombrit, ses sourcils se froncent, d’un regard perçant, il fixe intensément le soldat en face de lui. Il se met à serrer de plus en plus fort l’avant-bras du soldat, jusqu’à lui fracturer les os. Avant qu’il ne puisse hurler sa douleur, Samaël attrape la dague que le soldat porte à sa ceinture et lui tranche la gorge. En laissant entendre un fin gargouillis, le soldat tombe mort sur le sol sans même comprendre ce qui lui est arrivé.
Voyant leur acolyte gisant par terre dans une mare de sang, les deux autres soldats se lancent sur Samaël, en dégainant leurs épées. Avec une vitesse, une agilité et une précision hors du commun, le jeune homme esquive l’attaque, et leur sectionne les tendons des genoux et des poignées. Incrédules et terrifiés, ils s’effondrent dans la douleur en implorant le jeune homme de leur laisser la vie sauve.
Avant qu’il ne puisse faire quoi que ce soit, Samaël ressent une présence imposante à ses côtés. L’homme qui se faisait battre se tient debout derrière lui. Il est énorme, une montagne de muscle qui dépasse Samaël d’au moins cinq têtes. L’homme avance vers les soldats, met un genou à terre juste devant eux, pose ses immenses mains sur leurs visages et les écrases contre le sol, faisant exploser leurs crânes mettant ainsi fin à leurs souffrances.
Samaël observe la scène sans réagir et voit à l’entrée de la ruelle, un couple de passants aux visages terrorisés, fixer les cadavres des soldats. Avant qu’il n’ait le temps de dire ou de faire quoi que ce soit, le couple par en courant hurlant à tue-tête.
L’homme au crâne rasé et à la longue barbe se relève et fait face à Samaël. Il porte un long manteau qui descend jusqu’aux genoux en peau brunâtre sans manche, qui dévoile sa peau grisâtre ainsi que l’imposante et parfaite musculature de son torse et de ses bras recouverts de cicatrices. De ses yeux verts il fixe Samaël qui lui rend son regard sans trembler, les deux hommes semblent attendre chacun la réaction de l’autre, jusqu’à ce que le géant tende sa gigantesque main vers Samaël en le pointant du doigt.
Le géant semble agacé par l’attitude insouciante de Samaël. D’un air menaçant, Il s’approche de lui, l’attrape par le col et le soulève à sa hauteur d’une main.