LA PASSEUSE - Patricia Hoël - E-Book

LA PASSEUSE E-Book

Patricia Hoël

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  • Herausgeber: PLn
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2023
Beschreibung

Cet essai explore un récit aux allures de témoignage pour en tirer des outils plus théoriques permettant de dépasser les souffrances auxquelles nous pouvons tous être confrontés. Un ouvrage de développement personnel complètement inédit et particulièrement explicite. En s’appuyant sur les exemples tangibles et concrets de la première partie, l’auteur rend les concepts et propositions développés dans la seconde partie concrètement abordables et significatifs.


À PROPOS DE L'AUTEURE 

Après une première publication de cet ouvrage sous le titre Itinéraire d’une exploratrice en quête d’amour, Patricia Hoël, coach en développement personnel certifiée met à profit sa rencontre avec Red’Active Éditions pour en publier une version plus aboutie. Cet essai lui sert aujourd’hui de support pédagogique lors de suivis individuels ou de conférences qu’elle propose depuis plus de quinze ans. Elle nous offre ici de nous accompagner vers les solutions qui existent au fond de chacun d’entre nous.

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LA PASSEUSE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Red’Active, Rousset, 2022

ISBN : 978-2-490313-16-7

© Patricia Hoël

©Red’Active Éditions 2022

 

 

Patricia HOËL

 

La Passeuse

 

Développement personnel

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Red’Active Éditions

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Table des matières

PRÉFACE

EN PRÉAMBULE

PREMIÈRE PARTIE

Première parcelle de vie

Premiers contactsavec le monde

D’où elle vient

Deuxième parcelle de vie

Entre trois mondes

Une vie de restrictions invisibles

Troisième parcelle de vie

Le goût de l’amertume

Quatrième parcelle de vie

Le jeu de l’esquive

L’idée de fuir pour se soustraire à la restriction

Cinquième parcelle de vie

Le temps de la désillusion

La première vraie fuite

Sixième parcelle de vie

Deuxième tentative d’esquive, un nouveau naufrage

Septième parcelle de vie

Le ciel lui tombe sur la tête

Une traversée de la souffrance et des peurs

Traversée de ses peurs

Cauchemar en altitude : je vais me réveiller

Avant de clore le chapitre de la maladie

La mort du père

Huitième parcelle de vie

Continuer la route

Un mariage désastreux

Neuvième parcelle de vie

Galère, quand tu nous tiens ! Ou la chuteaux abîmes

Un cycle douloureux qui recommence

Seule pour se reconstruire, mais plus forte aussi

Dixième parcelle de vie

Un ange sur sa route

La dernière épreuve de ce cycle infernal

Adieu Maman

Onzième parcelle de vie

Une nouvelle naissance, les bras ouverts

Avec la fin des épreuves

Douzième parcelle de vie

Immersion totale dans la «Vie»

Reconnaissance

DEUXIÈME PARTIE

AVANT-PROPOS

Quand le cœur est cabossé

Normal – pas normal ? Dans quel moule rentrer ?

I – La bienveillance, un état qui devrait être naturel

Préparer le terrain

Créer une complicité avec sa plante reflet

II – Combinaison des conflits

III– Les bugs du langage

Les influences néfastes

Les phases du deuil pour accéder aux changements de la reconstruction

IV – Rencontre avec l’intrus mental

Le mental, l’associé des peurs

L’alliance entre le mental et le bienheureux

Dialogue ouvert

La méditation pour calmer le mental

V – Trouver son équilibre

Nos 4 Corps

VI– Les appuis secourables

Nos qualités et ressources, nos alliées bienheureuses

Mesure de vos qualités identifiées (l’équilibre est 5)

VII – Les faux-semblants racoleurs

Le reflet des croyances et des préjugés

Processus de remplacement en dix étapes

Un mot et ses associés

VIII – La pression des obligations

Falloir/Devoir

Trois questions simples pour les désamorcer

IX – Le sens de sa vie, source de toute chose

Sa propre valeur et les systèmes de valeur

La confiance, l’estime et l’amour de soi

Quand la comparaison est déraisonnable

Les trois soifs

Découvrir ses véritables valeurs pour être vrai envers soi-même

Définir ses aspirations d’après le système de valeur

X –Le langage émotionnel

Le thermostat de sa météo intérieure

La honte, la culpabilité, la haine

L’acceptation pour apaiser des besoins non exaucés dans l’immédiat en quatre étapes.

La constitution des émotions

Schémas des émotions

Besoins fondamentaux

Besoins d’actualisation de soi

(Épanouissement personnel, réalisation de soi, identité…)

Besoins d’estime

(Réussite, reconnaissance, appréciation d’autrui, statut, sentiment d’être utile…)

Besoins d’amour et d’appartenance

(Affiliation, appui, être accepté tel que l’on est, recevoir et donner de l’affection…)

Besoins de sécurité

(Environnement stable, protection physique, repères…)

Besoins physiologiques

(Survie)

Processus de libération

XI – Le pardon et la gratitude, ces pépites

Les pardons

Offrir notre pardon à l’autre

Recevoir le pardon de l’autre

Habitude bienfaitrice : La gratitude

Les rituels de la gratitude

OUVERTURE

Remerciements

Hommage aux pionniers de la connaissance de soi

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À Rana

 

 

PRÉFACE

Chaque jour, notre société industrieuse et performante, sans cesse en quête de productivité, amène quelques-uns d’entre nous à s’interroger sur la santé de celle-ci. Leur qualité de vie leur semble en effet souvent profondément insatisfaisante : il est donc bien temps de changer quelque chose. Après avoir essayé diverses molécules chimiques auprès du corps médical, pensant à tort économiser l’effort d’une honnête remise en question, sans réel succès bien sûr, vient le temps d’apporter une réponse adéquate aux véritables questions existentielles.

Commence alors la recherche : qu’est-ce qui ne va pas et me « pourrit » ainsi la vie ? Pour en arriver plus tard à : qu’est-ce que je veux apprendre, découvrir et expérimenter, à partir de maintenant ?

Le passé derrière soi, et l’avenir une fois balisé d’intentions claires, voici le moment de vivre pleinement le présent, encore plus intensément qu’auparavant, si c’est possible. Après s’être mis en paix avec son vécu et avoir intégré les leçons de vie qu’il comportait, vient le temps de la reconstruction. Se reconstruire, puis croire suffisamment en son potentiel pour qu’il puisse germer, fleurir et venir à graine. On peut alors partager ces graines de confiance en soi avec ceux que l’on croise sur sa route.

Et c’est à présent à soi de maintenir la porte d’amour ouverte pour qui se sent attiré à se former à ce beau métier, exigeant en profondeur et en finesse : accoucheur d’êtres humains libérés de leurs limitations et de leurs peurs inutiles afin qu’ils soient enfin humains. Ce métier : coach de vie, un coaching étant l’accompagnement d’une personne, de son projet vers sa réalisation.

La Passeuse témoigne ici d’un parcours rythmé d’expériences fortes et de remises en question nécessaires, pour constater très vite une diminution considérable de la souffrance dès lors que l’on renonce à résister aux événements de sa vie, acceptant de les traverser pour se mettre à chercher, à comprendre, puis à modifier ses croyances négatives et limitantes.

En effet, les jugements négatifs induisent la résistance aux événements, et cette résistance même implique la souffrance, cet écartèlement de l’âme si douloureux qu’il nous oblige à une salutaire remise en question de nos choix automatiques pour les remplacer par des options plus adaptées à ce que nous sommes devenus.

Le livre que vous avez entre les mains est conçu comme un témoignage sans concession du parcours réalisé et intégré qui légitime chacun d’entre nous, et plus particulièrement les coachs de vie dont c’est le sacerdoce, pour accompagner celles et ceux qui, à leur tour, sentent qu’il est temps de changer quelque chose dans leur vie.

Vous trouverez en seconde partie de quoi nourrir votre réflexion et surmonter plus aisément les défis de votre propre quête de sens.

« Je suis heureux de l’avoir accompagnée durant quelques pas le long de ce cheminement original et magnifiquement intégré ».

 

Denis Tchicaloff, coach et formateur

 

EN PRÉAMBULE

Tout comme le papillon doit vivre les étapes de sa laborieuse métamorphose avant de connaître l’épanouissement que lui offre son horizon de plénitude, il m’a fallu vivre des cycles successifs, des tranches de vie très différentes les unes des autres avant de trouver une sérénité intérieure qui me permet de lâcher prise et de garder confiance face aux aléas de la vie.

L’intérêt de ce livre n’est pas uniquement de témoigner sur une vie passée, et ce n’est pas non plus par manque de pudeur que j’ai souhaité commencer par raconter cette histoire qui aurait pu être la mienne. J’ai voulu, par le récit qui suit, que certains de mes lecteurs puissent se reconnaître afin de leur donner des indices pour se sentir moins seuls et leur permettre de poursuivre leur route, confiants dans les ressources qu’ils possèdent.

Oui, il est possible de s’en sortir, mais pour y parvenir, il faut comprendre les mécanismes qui génèrent notre propre sauvegarde.

Je voudrais également préciser que cet ouvrage n’est pas uniquement destiné à celles et ceux dont le passé est bien lourd ou qui ressentent aujourd’hui soit le besoin d’une reconnaissance affective tardive soit le besoin de sortir d’une quelconque forme de dépendance affective.

C’est la raison pour laquelle, selon moi, ce livre devait comporter une seconde partie propre à donner au lecteur des moyens de vivre sa vie, désencombré de certains carcans désobligeants inculqués durant ses incontournables apprentissages de la vie sociale. Sans moyens à mettre en œuvre, personne n’arrive jamais à rien. Cependant, vous devez aussi comprendre et intégrer que ces moyens restent une simple base, comme une impulsion qui permettra, je l’espère, de prendre la route vers les multiples alternatives existantes.

Mon but n’est pas non plus de développer les sujets comme le lâcher-prise ou la résilience, car il existe déjà de nombreux ouvrages à cet effet, et des personnes très qualifiées ont déjà longuement et profondément traité de ces techniques dont vous retrouverez les influences dans mon récit ainsi que mon propre regard, mes approfondissements et mes apports personnels.

Soyez conscient en outre du fait que la simple lecture et l’application de mes préconisations ne peuvent constituer une fin en soi et ne vous épargneront pas l’économie d’un travail d’introspection auquel je pense qu’il est souvent indispensable que chacun de nous se livre personnellement pour faire face à l’adversité.

Mais pour en revenir à l’image du papillon, qui me tient à cœur, chaque histoire est un parcours initiatique à travers les divers âges de la vie, itinéraire semé d’épreuves morales et physiques qui nous transforment en profondeur. Nous devons y cheminer à notre mesure et à notre rythme, faire des apprentissages constants et vivre de douloureux renoncements pour accéder à notre propre épanouissement.

 

 

 

 

« Seul l’arbre qui a subi les assauts du vent est vraiment vigoureux, car c’est dans cette lutte que ses racines, mises à l’épreuve, se fortifient. »

Sénèque (4 av.-JC – 65 ap.-JC)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PREMIÈRE PARTIE

 

Première parcelle de vie

Premiers contacts avec le monde

Nous arrivons dans une famille, la base sur laquelle nous calquerons nos attitudes, et qui détermine la manière dont nous appréhenderons nos choix et vivrons nos relations dans ce parcours qu’est la vie. C’est pourquoi, avant de rentrer dans le vif du sujet, il me paraît nécessaire de vous situer le milieu qui l’a vue naître.

D’où elle vient

Elle a fait son nid dans l’histoire d’un couple qui n’avait pas vraiment envisagé la responsabilité d’élever un enfant. Certains diraient qu’elle est arrivée là « comme un cheveu sur la soupe ». Sa mère souhaitait un enfant de cet homme qu’elle aimait, mais lui ne partageait pas cette envie et, surtout, quitte à avoir un enfant, il aurait préféré un garçon, ce qu’il lui fit bien sentir tout au long de sa vie.

Avant sa naissance, sa mère avait fait deux fausses couches suite aux violences du père. Très jeunes au moment de leur rencontre, ses parents se seraient donc facilement passés de sa présence.

La mère, maladivement timide et effacée, malgré une enfance joyeuse, était issue d’une fratrie de douze enfants dont elle était assez proche. À 14 ans, elle avait quitté sa campagne du Loir-et-Cherpour s’installer à Paris où elle vécut de petits boulots. Sa propre mère était femme au foyer et, maltraitée par la sienne, elle en avait gardé des stigmates corporels.

Le père, quant à lui, ne savait évoluer dans l’existence autrement qu’en usant de sa force contre le « sexe opposé », sans doute en réaction aux mauvais traitements qui lui avaient été infligés dans son enfance et à l’abandon qu’il avait subi de la part de sa propre mère.

Toujours est-il que l’état d’esprit et le contexte de la naissance de la petite fille ne furent pas ceux qui préfigurent généralement l’arrivée d’un enfant.

Le père était peintre en bâtiment. À l’âge de 16 ans, après être passé de pensions en familles d’accueil, son père le questionna sur le métier auquel il se destinait. « Comme toi papa ». Il commença donc comme apprenti auprès de lui, avant de devenir son employé corvéable à merci.

La mère était blanchisseuse. Du linge blanc inondait l’arrière-boutique de cette maison nichée au fond d’une impasse où ils vécurent très modestement jusqu’au divorce du couplealors que la petite fille n’avait que cinq ans. Les draps étaient lavés et repassés à l’usine, et la mère tenait la boutique où les clients déposaient leur linge sale pour le reprendre une fois propre. Froide et hostile aux yeux de la petite fille, la patronne de sa mère venait régulièrement à la boutique.

Dans le prolongement de l’arrière-boutique et dans l’alignement d’un couloir se trouvaient une cuisine et une petite salle à manger. À l’extérieur, une cour, tout en longueur. La façade crépie imprégnée des taches visibles laissées par le sang de la mère que le père saisissait par le cou et dont il cognait la tête contre ce mur en disant : « qu’il fallait ça pour qu’elle répare ses conneries et qu’elle comprenne ». Bien malgré elle, car le père voulait en faire son témoin, la petite fille assistait à cela, ravalant ses larmes, au risque d’exacerber sa fureur. Quand la nourriture ne lui convenait pas, il la jetait sur la moquette avant d’exiger en hurlant que la mère nettoie rapidement, tout en la menaçant pour qu’elle lui prépare autre chose à sa convenance.

À l’étage se trouvaient un petit salon ainsi que la chambre commune. Dans la pénombre, la petite fille entendait les pleurs étouffés de sa mère durant leurs moments d’intimité, forcés pour elle. Puis, une fois le père endormi, elle se glissait dans le petit salon pour continuer à pleurer sur le canapé.

La peur paralysait la petite fille dans l’impossibilité qu’était la sienne d’exprimer quoi que ce fut.

Maladivement timide, au lieu d’enseigner à sa fille la réceptivité, elle lui apprit la restriction1 vite assimilée à l’interdiction de recevoir et à la nécessité de se contenter de peu, de voir, penser, ressentir et exprimer « petit ». Si le meilleur existait sans doute, il ne lui était ni permis ni destiné. La petite fille en déduisit donc que les démonstrations de tendresse ne pouvaient s’adresser qu’à d’autres. Quant à elle, elle n’avait plus qu’à prendre ce qu’il y avait à prendre.

La mère était maigre, voire anorexique. Partagée entre le goût de la vie et celui de la mort, et totalement soumise à la volonté du père2. Jamais elle ne fut démonstrative, habitée qu’elle était en permanence, par la peur de son mari. Sans doute ne savait-elle pas quoi faire de cet enfant, ne sachant déjà pas quoi faire d’elle-même. Elle vivait dans l’effacement de son être.

Très vite, la notion de rejet s’est infiltrée dans le cœur de la petite fille, pour s’y étendre, tant sa mère repoussait ses demandes d’un simple revers de la main.

La petite fille a toujours cherché à protéger sa mère, depuis sa plus tendre enfance, espérant, par cette proximité, constituer l’écran qui lui aurait évité les coups. Mais en même temps, elle s’y accrochait pour tenter d’échapper à cette peur commune du père. C’est ainsi qu’au fil du temps s’est forgée, entre la mère et la fille, une relation ambiguë.

Alors âgée de quatre ans, la petite fille reçut un jouet qu’elle cassa malencontreusement. Terrorisée par la potentielle réaction de son père, elle le dissimula sous son lit, à l’abri des regards, imaginant sans doute que l’objet du délit disparaîtrait ainsi. Dans son innocence d’enfant, elle priait pour que ce stratagème lui permette d’échapper à la punition. Pourtant, son père finit par tomber sur l’objet du délit en changeant les meubles de place dans la chambre. Il entra alors dans une colère terrible puis s’en prit à la mère, devant la petite fille.

Ce n’est qu’adolescente qu’elle fut en mesure de faire le lien de cause à effet. La mère avait endossé la responsabilité de l’acte de sa petite fille et avait été châtiée à sa place. La honte et la culpabilité se sont alors implantées au plus profond de l’adolescente, cet événement ayant en outre renforcé une stratégie de fuite face à certaines situations. Ainsi, elle commença à pratiquer la politique de l’autruche pour repousser ce qu’elle ne comprenait pas. Elle grandit et se construisit sur le postulat que, dès lors qu’elle était incapable de répondre à une attente, elle devait le camoufler de crainte qu’un tiers n’endosse cette responsabilité et ne paie à sa place, ce qui encouragea l’installation d’un sentiment de honte prégnant et grandissant.

Cet épisode enfantin alimenta une construction mal réalisée de sa personnalité entraînant ainsi des conséquences tout au long de sa vie, tel un schéma répétitif et inaltérable3.

Dans ce monde, l’adolescente avait deux amis : « Mamie Asticot » et le Petit Prince. Mamie Asticot était une brave vieille dame qui tenait un magasin de pêche tout proche de la maison, et qui lui offrait un refuge salvateur où elle allait s’asseoir, immobile, dans un coin, profitant de ces quelques moments d’accalmie pour ressentir un peu de chaleur humaine, loin de ce père effrayant.

Quant au Petit Prince d’Antoine de Saint-Exupéry, elle en avait reçu le texte en version audio d’un ami de ses parents, et reste convaincue aujourd’hui qu’inconsciemment cette histoire a insufflé en elle la voie d’un autre possible.

LePetit Prince a été un complice réconfortant. Le Renard et la Rose ont contribué à sa construction dans un univers de détails, l’ont encouragée à prendre soin de ce que la vie pouvait lui donner. Ils lui ont notamment montré la préciosité de certains éléments et de certaines rencontres.

Les moments que la petite-fille affectionnait le plus étaient ceux où ses parents « recevaient », ou quand la famille était invitée. Dans ces moments-là, le père ne cognait pas sur la mère. Il ne se privait pas de la dénigrer, certes, mais de manière plus « légère ». Son père avait toujours été apprécié de ses amis, même avec ses accès de violence. C’était une « grande gueule », et il fallait l’accepter comme tel. Mais il était aussi plein d’humour, débrouillard, charmeur, et aventureux. Épicurien dans l’âme, il plaisait aux femmes, et toutes ont subi sa violence. Il avait soif de sexualité en tous genres et n’était nullement gêné que la petite fille assiste, impuissante, à ses agressions verbales ou corporelles, ainsi qu’à ses ébats sexuels.

Les coups sous les hurlements, les abus et autres images traumatisantes dont elle fut le témoin muet dès son plus jeune âge, en firent sa complice innocente et involontaire. Il fallait qu’elle soit là, terrorisée et prostrée dans son coin.

Jusqu’à sa mort, la mère est restée secrètement amoureuse du père. Malgré la vie de sévices qu’il lui avait imposée jusqu’à leur divorce, elle lui demeura attachée et insista toujours pour que sa fille le vît régulièrement. La petite fille fut admirative devant le courage qu’il fallut à sa mère pour demander la séparation, elle pourtant si soumise et terrorisée par son époux. Mais puisque ce choix rendait au père la liberté d’une vie sentimentale assumée auprès de ses nombreuses maîtresses, il accepta sans opposer de difficultés.

Élevée dans les cris et la violence conjugale, la petite fille ressentit très tôt les affres de la peur, même si elle ne fut jamais l’objet physique de ces déchaînements quotidiens de violence. Ce n’était pas l’une de ces enfants auxquelles il fallait épargner les vilaines choses de la vie.

Si elle apprit à marcher très tôt, apprendre à parler fut laborieux et, jusqu’à l’âge adulte, elle rencontra des difficultés d’élocution qui exaspéraient le père face auquel le phénomène empirait, évidemment.

Après la peur primaire, qui peuple sa mémoire la plus lointaine, c’est un sentiment de solitude immense qui resurgit lorsqu’elle évoque son enfance. Très tôt, elle apprit à vivre sans joie, sans partage, sans stimulation, reléguée au dernier plan jusqu’à se sentir complètement oubliée de ceux dont elle dépendait pourtant.

Durant cette première parcelle de vie, depuis sa naissance jusqu’au divorce de ses parents, diverses peurs se sont accumulées en elle. Plus tard, il lui a fallu les identifier au risque de se laisser enfermer dans des scénarios de série Bdestinés à se rejouer sans cesse4. Très vite, elle apprit à se contenter du minimum, des miettes, pour ainsi dire. Avant même d’apprendre à parler, elle avait appris à se couper de ses besoins fondamentaux5 au risque de perturber ceux des autres.

Oubliée, elle le fut à plusieurs reprises à la sortie de l’école primaire. Âgée de 9 ans, elle fut agressée, un soir, par un homme qui l’avait suivie jusqu’à la maison. Fort heureusement interrompu par la concierge qui l’attendait, alors qu’il était en train de l’embrasser et de la toucher, il finit par fuir. Elle se revoit se laver le visage avec frénésie, jusqu’au sang, pour se débarrasser de l’odeur de cet outrage. En rentrant ce soir-là, la mère n’en fit aucun cas, ce n’était pas bien grave. Une terreur supplémentaire venait de naître au creux du ventre de la petite fille : celle de la rue et des inconnus. Pour elle, aucun de ces refuges auxquels aspire tout être humain. Elle ne se sentait bien nulle part. C’est ainsi que, peu à peu, la peur de l’abandon aux dangers divers et variés s’est fait jour, ajoutant une couche de douleurs aux précédentes, contraignant la petite fille à rappeler sans cesse, mais toujours en prenant garde à ne pas heurter, à ne pas déranger, sans caprices, qu’elle était là et qu’elle aussi vivait sous ce toit. Elle voulait être regardée autrement que comme un poids, une charge à traîner.

 

 

 

C’est ainsi que la Mendiante d’Amour s’est installée en elle, discrètement, sournoisement, sans faire de bruit. Maladroite, elle ne savait que faire pour être considérée.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Deuxième parcelle de vie

Entre trois mondes

Au moment de la séparation, la mère et la fille sont parties vivre dans un studio au sein duquel elles ont partagé le même lit jusqu’à ce que la mère n’en puisse plus des mouvements continuels de sa fille et qu’elle décide de lui installer un lit de camp. Perturbée dans son sommeil jusque dans son subconscient.

Quelque temps après, après avoir quitté une épouse, blessé tout autant que l’était la mère par la vie de couple, un voisin fit irruption à la maison. Pour la petite fille qu’elle était encore à ce moment-là, c’était un adulte calme et discret. Il exploitait le grand magasin familial où sa mère était allée travailler comme vendeuse. Grâce à cet homme, qui devint le beau-père de la jeune fille, la promesse d’une nouvelle vie s’offrait à la mère.

 

Une vie de restrictions invisibles

À cette époque, le studio que partageaient la mère et la fille, le magasin du beau-père et le père se trouvaient tous dans la même rue, comme pour réunir le trio des acteurs qui tiraient les ficelles de la vie de la petite fille.

Quelquefois, le père surgissait pour la prendre avec lui. Combien de fois ne s’est-elle pas précipitée sous le bureau pour s’y cacher tant elle redoutait de se retrouver avec lui ? La peur au ventre, elle se prenait à espérer secrètement la présence de l’une de ses maîtresses pour lui procurer quelque répit.

Pendant que les adultes travaillaient, elle était seule dans le studio, sans occupation. En raison de sa proximité, il lui arrivait de descendre au magasin pour naviguer entre les disques, les instruments de musique et les photos, mais elle s’ennuyait profondément. Les grands travaillaient, elle ne devait pas les déranger. Grâce aux disques qu’elle avait toutefois le loisir d’écouter, coiffée d’un casque, un sourire se dessinait parfois sur ses lèvres. C’était joyeux la musique et, très tôt, elle avait adoré danser. Elle aurait tant aimé savoir produire de la musique ou apprendre les claquettes. La mère n’a jamais voulu.

Pour la mère, il n’y avait plus de violence, la petite fille avait un toit sur la tête. Elle mangeait à sa faim tous les jours, et elle était correctement vêtue. Son existence « de base » était assurée, et cela suffisait manifestement à apaiser sa conscience. Pourtant, la petite fille souffrait de ne jamais ressentir l’attention qu’une maman porte généralement à son enfant et de ne pas bénéficier de la structure stimulante dont elle avait tant besoin.

La mère la mettait au lit très tard. En conséquence, elle ne se levait jamais spontanément. La mère ne la lavait pas, et la laissait partir à l’école les yeux collés par des conjonctivites à répétition, avec, pour seul petit déjeuner, une cuillère de granulés vitaminés. Pour camoufler le reste, elle la coiffait d’une queue de cheval. De nouveau, même si c’était pour des raisons différentes, la petite fille a été confrontée à la honte d’abord, puis à l’exclusion. En effet, elle sentait mauvais, car elle faisait fréquemment pipi au lit. De ce fait, elle était forcément « mauvaise » : mauvaise élève, mauvaise camarade, mauvais sujet pour les adultes en général.

Quand la mère allait chez le coiffeur ou qu’elle « faisait les magasins », la petite fille lui demandait systématiquement de lui ramener un petit quelque chose, pas pour l’objet, non, juste comme une petite attention de sa part. Mais toujours elle oubliait. Quand la petite fille lui demandait un pyjama – non sans raison – pour aller chez son père, la mère lui répondait qu’elle devrait se contenter de ses chemises de nuit. Ce faisant, elle repoussait les demandes de tendresse et d’attention bien légitimes dont sa fille, qu’elle appelait sa « crotte », avait tant besoin. Ce surnom, pour la mendiante d’amour qu’était l’enfant, représentait le comble de l’humiliation et lorsqu’elle suppliait sa mère de cesser de la nommer ainsi, elle lui répondait immanquablement : « Mais c’est mignon une crotte ! »

Subrepticement, et bien malgré elle, la petite fille apprenait à se dévaloriser. Sans doute, la mère se voyait-elle également comme peu de chose, mais malgré cela, elle avait bon goût et était coquette. La petite fille évoluait décidément dans un univers peuplé d’incohérences et déstabilisant à bien des égards. Mais ignorant la « norme », elle s’en contentait et vivait ainsi, et intégra l’idée selon laquelle « être bien sur soi » constituait un acte de distinction auquel elle accorderait une grande importance.

La mère souffrait d’un véritable complexe d’infériorité qu’elle transmit à sa fille comme la solitude et l’absence de cadre.

Le beau-père était généralement considéré comme un homme « gentil », et même parfois « trop gentil ». Jamais il ne battit la petite fille. Mais cet homme était nourri de faux-semblants, critiquant tout le monde, surtout les personnes qui réussissaient et qu’il traitait d’arrivistes plutôt que de se réjouir de leur succès. Tous les messages de préjugés et de critiques malsaines s’enregistraient dans le subconscient de la petite fille. Le beau-père dupait son entourage tout comme l’enfant qui lui prêtait foi puisqu’elle n’en entendait dire que du bien.

Lorsqu’elle se rendait chez son père, elle était envahie par la peur. Tétanisée, elle somatisait sous forme de crises de foie et, face à lui, elle devenait complètement mutique surtout quand il n’y avait pas de femme, parce que, ces nuits-là, elle partageait sa couche. La seule protection qu’elle trouva fut de faire pipi au lit.

Il lui arrivait de reconnaître certaines femmes qui duraient un peu plus que les autres, mais la plupart du temps, elle assistait au défilé permanent des maîtresses de son père, jeunes, moins jeunes, blanches, jaunes, noires, rousses, brunes, blondes. La plupart d’entre elles se montraient gênées par la présence de la petite fille : « Elle est mignonne, mais qu’est-ce qu’elle est en retard ! »

Les parents avaient décidé que la petite fille passerait Noël avec lui et le jour de l’an avec elle. Si le Nouvel An se déroulait généralement dans une atmosphère festive, invitée chez les frères et sœurs de la mère, entourée de ses cousines, jamais plus, après la séparation, elle ne fêta Noël, cette période au cours de laquelle l’enfant est roi. Durant des années, cette époque de l’année fut donc associée à un profond sentiment de déprime, celui que son père lui avait transmis ne supportant pas lui non plus cette fête.

Si ces deux modes de vie étaient relativement différents l’un de l’autre, ils étaient tout aussi perturbants pour la petite fille. D’un côté, un couple autocentré, de l’autre, une figure paternelle perverse et violente. Et au milieu de tout cela, une petite mendiante d’amour qui ne devait jamais cesser de quémander pour espérer ramasser quelques miettes.

Jamais la petite fille n’eut le sentiment d’avoir le choix de quoi que ce soit. Durant son enfance, tout lui fut imposé. Choisir est un luxe qui lui fut refusé. À la somme des peurs déjà présentes, s’en ajoutèrent de nouvelles qui prirent racine au fur et à mesure de ce quotidien, nourri de faux-semblants.

Le beau-père avait une fille de trois ans son aînée. Cette demi-sœur qui vivait sous l’emprise absolue de sa propre mère débarquait quand bon lui semblait. Elle ne supportait pas la relation de son père avec la mère de la petite fille et multipliait les coups bas guidés par la jalousie maladive qu’elle éprouvait à l’encontre de ces « étrangères » qui lui avaient volé son père.

Dès l’âge de six ans, la petite fille dut donc affronter, à son insu, la sournoiserie d’une fillette, et ce pendant plusieurs années. Pour ne pas faire de vague et surtout, ne pas déranger, sans même en avoir conscience, elle entra dans le jeu de son aînée, l’intention première étant de s’assurer la place de la gentille et d’être potentiellement valorisée par ses modèles parentaux. Mais au lieu de cela, la jalousie et l’envie se sont implantées insidieusement en elle, nourries de l’exclusivité qu’elle désirait tant.

Son père attendait d’elle qu’elle sache tout faire de manière innée, estimant qu’il ne lui incombait pas de lui apprendre les choses les plus basiques. Lorsqu’elle était sous sa garde, il avait pris l’habitude de lui demander d’aller au garage – de préférence quand il faisait nuit – pour lui ramener un outil précis, à elle qui savait tout juste différencier un marteau d’un tournevis. Elle ramenait donc systématiquement le mauvais outil et avait droit aux remontrances de rigueur, incapable qu’elle était de répondre aux demandes élémentaires de son père.

Dès sa plus tendre enfance, elle a voulu mourir pour que ces moments cessent.

D’importantes difficultés scolaires couplées à ses problèmes d’élocution avaient amené les adultes à inscrire la petite fille dans une école dirigée par des religieuses. À l’âge de 7 ans, elle intégra donc un nouvel établissement. Là encore, elle souffrit du manque de considération, d’empathie et d’écoute. Ses mauvais résultats la confortaient dans la déplorable image qui lui collait à la peau, la privant du sentiment d’être aimable et digne d’être aimée.

Elle poursuivit son parcours solitaire dans l’indifférence générale. Souffrant d’une timidité maladive, elle était souvent exclue, se considérait comme une victime, ce qui était d’autant plus douloureux qu’elle en était pleinement consciente.

Néanmoins, et fort heureusement, elle bénéficia toujours de l’affection de ses grands-parents maternels. La grand-mère lui prodigua un amour indéfectible à chaque visite et durant tout le mois de juillet que la petite fille passait seule chez eux. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, ces trop rares, mais précieux élans du cœur se sont imprimés en elle comme d’exceptionnels moments de tendresse familiale.

Les grands-parents paternels n’étaient pas méchants avec elle. Remarié, le grand-père lui témoignait même une certaine attention, sans toutefois s’immiscer dans les principes éducatifs inexistants de son fils. Sa femme en revanche, qu’elle croyait être sa mamie, la protégeait de l’intolérance des autres à son égard, car la petite fille était loin d’être une petite fille épanouie qui parlait et amusait la galerie comme la plupart des enfants. Elle ignorait comment se comporter tant elle avait toujours peur de mal faire, de mal dire, de demander. Le monde la terrorisait.