La pensée bleue - Tome 2 - Angela Goncalves - E-Book

La pensée bleue - Tome 2 E-Book

Angela Goncalves

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Beschreibung

Quatre ans après la disparition de Yolan, Koda n’a jamais cessé de se tourmenter. Les Yeux Violets, le trophée mythique du tournoi du Colisée, marqué par le sang et les trahisons, est remis en jeu. Déterminée à honorer la mémoire de Yolan, Koda décide de s'y inscrire, dissimulée sous une nouvelle identité. Mais cette nouvelle quête n'est pas sans danger. Elle devra forger de nouvelles alliances, recroiser des visages du passé. Peut-elle encore faire confiance à quelqu’un ? Pendant ce temps, la Bête Bleue, groupe révolutionnaire insaisissable, fait trembler la capitale… Entre affrontements spectaculaires, jeux de masques et secrets enfouis, cet ouvrage est une course contre la vérité où chaque victoire a un prix.

À PROPOS DE L'AUTRICE 

Angela Goncalves a rédigé cette œuvre, il y a cinq ans, alors qu’elle était en deuxième année de classe préparatoire. Ce récit est né comme un refuge, un espace de liberté où elle a pu fuir les tensions du quotidien, puiser du rêve, du courage, et laisser émerger une voix intérieure portée par l’imaginaire.

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Seitenzahl: 350

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Angela Goncalves

La pensée bleue

Tome II

Roman

© Lys Bleu Éditions – Angela Goncalves

ISBN : 979-10-422-7871-7

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Départ

— Maman, je m’en vais.

Sur ces mots, la mère de Koda sursauta.

Quatre ans. Cela allait bientôt faire quatre ans que Yolan avait perdu la vie, exécutée par la garde royale. Sa participation au tournoi du colisée en tant que femme avait été découverte et lui avait coûté la vie, tout ça à la suite d'une succession de fâcheux événements inattendus. De ce que Koda avait compris lors des discussions échauffées du café-bar tenu par son patron Bowie à la suite du match, Rob, leur ancien coéquipier, avait voulu tuer un des adversaires de la compétition. Yolan, ayant établi pour règle principale de ne tuer aucun candidat, avait voulu s’interposer et reçut le coup à la place de la cible du brun. Malheureusement, ce coup avait entaillé le tissu de sa tenue et avait ainsi révélé au public sa féminité.

Depuis ce jour, Koda ne pouvait cesser de se repasser en tête ces événements, mais aussi les propos qu’avaient tenus deux hommes devant le colisée.

L’ancien gagnant du tournoi aurait été assassiné et les yeux lui auraient été récupérés.

Effectivement, les yeux violets pour lesquels Yolan avait voulu donner sa vie avaient été remportés par un certain Edmond Thorne, dernier vainqueur du tournoi. Apparemment, selon les dires des deux hommes, Edmond avait été assassiné et la paire d’yeux violets tant convoitée était donc à nouveau promise au prochain gagnant.

Ces dernières années, Koda avait essayé de combler l’intégralité de ses pensées par la danse. Elle ne suivait plus du tout les actualités du festival et la découverte de l’assassinat du dernier vainqueur l’avait ainsi laissée perplexe. Elle avait fait tout son possible pour ne plus penser à ce terrible épisode et voilà que deux inconnus l’avaient comme violemment ramenée à la réalité.

L’assassin devait être alors redoutable pour avoir pu descendre Edmond, un épéiste ayant le titre de champion. Koda frissonna à la suite de ce constat. De multiples questions lui vinrent en tête, mais elle ne pouvait pour l’instant que se focaliser sur l’importante discussion qu’elle devait avoir avec sa mère.

Elle arbora un visage déboussolé puis sourit, l’air complètement perdu. À vrai dire, même si elle essayait de ne plus y songer et de faire son deuil, celle aux cheveux bleus n’avait pas arrêté de culpabiliser suite à la mort de Yolan, et être restée trois ans à suivre le cours de sa vie n’avait pas réussi à lui changer les idées. Il fallait qu’elle comble ce vide par n’importe quel moyen et l’occasion semblait s’être présentée.

— Que racontes-tu ?

— Je ne peux pas rester… Enfin, je ne peux plus. La routine me tue, il faut que je m’en aille.

Le sourire que sa mère révélait quelques secondes plus tôt s’effaça brutalement. Ses yeux arrondis de surprise soulignaient un énervement qui n’allait pas tarder à exploser.

— Et Arthur ? Tu comptes l’abandonner ? répondit-elle le ton ferme.

Le visage de Koda s’obscurcit. Elle n’avait pas pris en compte la présence du petit garçon et ne trouva rien à répondre. Noji étant tombée subitement malade suite à son accouchement restait toujours très faible, si bien qu’Arthur, le petit neveu de Koda, vivait principalement avec sa tante et sa grand-mère.

— On lui a déjà privé d’une mère et tu souhaiterais lui priver de sa tante ? continua Mme Gwyneth, interloquée par la décision de sa fille.

— Mais bien sûr que non !

— Tes cours de danse ? Ton travail au café ? C’est ton propre rêve que tu envisages de laisser derrière toi !

— Tu n’y es pas ! sanglota Koda. Il vaut mieux pour nous trois que je quitte la maison pour un moment… Tu diras à Arthur que je pense fort à lui.

— Et dire que tu as fait tant de caprices pour en arriver là… Je me demande bien ce qu’en penserait ton père, et pour une fois, je pense bien que nous serions d’accord.

Cet aveu lui brisait le cœur. C’était tout ce qu’elle ne voulait pas entendre. L’adolescente hésitait dorénavant à partir. Il n’y avait pas pire torture de quitter une personne qu’on aime sur d’aussi amères paroles.

Koda tourna les talons pour se rendre dans sa chambre et prendre quelques affaires, notamment des vêtements larges et confortables. Elle se vêtit d’un bustier blanc et d’une longue jupe bleue fendue, prévus pour l’événement du soir. Elle se dirigea vers la chambre de son neveu et y rentra discrètement avant de le voir dormir à poings fermés, son épée en bois serrée contre lui. Elle lui embrassa la joue et resta quelques moments contre lui.

— Tata reviendra vite avec un cadeau. Sois sage avec mamie, mon ange, lui murmura-t-elle à l’oreille avant de lui déposer un nouveau baiser sur le front.

Elle redressa la couverture pour couvrir l’enfant et sortit aussi vite qu’elle fut arrivée.

Dans le salon, sa mère l’attendait assise à la table, la tête dans ses mains. Les quelques sanglots qu’elle percevait lui faisaient douter intensément de son départ.

— Tu avais un ballet prévu ce soir… C’est important, le roi a convié votre troupe, tu ne vas pas leur fausser compagnie tout de même ?

— On anime la cérémonie de Sa Majesté, je n’oserai pas leur poser un lapin. Mais après ça, je ne me présenterai plus aux répétitions de l’Académie… Tu pourras me porter disparue auprès d’eux si tu le souhaites, mais je ne serai jamais bien loin, rassure-toi, répondit Koda avec un sourire triste.

La jeune fille s’approcha et embrassa sa mère puis, sans un mot de plus, elle sortit de la maison. Elle s’adossa un instant contre la porte d’entrée en contemplant la nuit étoilée qui venait de tomber. Ses mèches, d’un bleu nuit, qui virevoltaient au gré du vent, se retrouvèrent rapidement attachées en un chignon. Puis, tout en prenant une grande inspiration, elle se remit en route.

Les quelques personnes qu’elle croisait sur le chemin étaient soit des hommes qui s’aventuraient dans les tavernes du coin, soit des femmes qui se rendaient régulièrement au théâtre. Depuis le départ de Yolan, Koda prenait conscience des changements de mœurs au sein de Royal Town. Il était devenu fréquent de voir de jeunes filles aux cheveux courts ou même de voir des femmes sortir le soir pour se rendre à la taverne.

Une dizaine de minutes s’écoula et la jeune fille se retrouva devant le palais. La vue qui donnait sur l’immense château était à couper le souffle. Elle montra sa carte de danseuse officielle à l’Académie qui fut vérifiée par les gardes sur leur liste, puis ils lui montrèrent la voie quand ils reconnurent que tout était en ordre. Elle n’oublia pas de les remercier avant de s’aventurer dans la somptueuse demeure en évitant de se perdre, ce qui était finalement impossible. Par chance, d’autres invités se rendaient à l’événement et Koda put les suivre de près, ce qui la mena rapidement à la grande salle de réception.

Tout était merveilleux : des grandes dalles en marbre qui couvraient le sol jusqu’aux feuilles d’or qui ornaient le plafond, aucun détail n’échappait à l’adolescente. La grande salle, qui devait bien faire trois fois la taille de sa maison, était pleine de monde. Koda eut un sursaut d’angoisse quand elle constata qu’elle devait danser devant une foule aussi dense et exigeante en ce qui concernait la danse.

Elle ne reconnut pas la plupart des têtes, ce qui l’intriguait, car elle avait servi suffisamment de temps au café le plus fréquenté de la ville pour rencontrer les deux tiers des citadins.

Cependant, leurs tenues étaient si différentes les unes des autres, par leurs formes et couleurs dont elle comprit rapidement que les invités ne venaient pas tous de la capitale, mais d’autres pays qui partageaient des cultures dont elle n’avait pas connaissance. Elle déambula entre les tables en prenant garde à ne pas gêner les serveurs qui tenaient dans leurs mains des plateaux remplis d’apéritifs et d’onéreux spiritueux.

Elle entendit toutes sortes de conversations animer la salle, et la plupart d’entre elles étaient à propos du festival des Passions qui commencerait en fin d’année. Elle ne voulut y prêter davantage attention, mais elle se mit naturellement à penser aux événements tragiques qui s’étaient déroulés bientôt quatre ans auparavant.

Une voix délicate la tira de ses pensées : c’était Jasmine qui l’interpellait, une danseuse de la troupe avec qui elle s’entendait bien et restait le plus souvent lors des répétitions.

— Koda, on n’attend plus que toi ! On va bientôt monter sur scène, lui informa sa collègue. Oh là, t’en tires une tête, ça va pas ?

— Ça va mieux maintenant, merci de t’en inquiéter.

Jasmine leva un sourcil d’incompréhension, puis retourna aux vestiaires où leurs camarades les attendaient patiemment.

Koda la suivit rapidement avant de la perdre de vue, mais se retrouva fascinée par une chevelure longue et divinement blanche. Elle était certaine qu’il s’agissait du jeune homme qui avait défendu Yolan avec hargne et qu’elle avait rencontré au café le soir de l’arrestation de la violette.

Celui-ci se retourna brusquement comme s’il avait senti le regard pesant de la jeune fille, puis ouvrit la bouche comme pour lui dire quelque chose, les sourcils froncés. Koda ne put entendre ce qu’il lui disait, Jasmine l’ayant accaparée à cet instant même.

— Désolé de devoir employer la force, mais j’allais encore te perdre, fit-elle en la tirant par le bras.

Elles rentrèrent dans la petite pièce qui leur avait été attribuée pour se changer, et se dépêchèrent de rejoindre le reste des filles. Koda fut encore subjuguée par la grandeur de la salle, mais fut vite pressée par son amie qui ne voulait pas être en retard pour leur démonstration.

Une fois la scène rejointe, la jeune fille dansa de toute son âme. Elle laissa transparaître l’émotion à travers son corps et les larmes lui vinrent rapidement brûler les yeux. Elle dansait comme si c’était la dernière fois qu’elle le pouvait. Il s’agissait de sa dernière scène et ne voulait pour rien au monde gâcher ce moment.

Les tambours arrêtèrent de jouer ce qui conclut leur chorégraphie. Elles saluèrent alors gracieusement leurs spectateurs et attendirent la fermeture des rideaux.

Les danseuses se congratulèrent entre elles, puis certaines filles s’en allèrent, sous le regard outré des autres.

— Comment peuvent-elles partir alors que c’est l’occasion rêvée de se rapprocher de la famille royale ! s’exclama une première danseuse.

La bleue ne comprenait pas comment leur seul intérêt était d’entrer en contact avec la noble famille alors qu’un banquet digne de ce nom s’offrait à elles.

— Ça nous fera moins de concurrentes auprès des princes comme ça !

Moins de concurrentes auprès du buffet surtout, pensa Koda en se tapotant le ventre.

— Oh oui ! Vous pensez que les princes Edwin et Gérard seront présents ?

— Sûrement ! Ils doivent chercher une femme à épouser après tout, dépêchons-nous !

— Il n’y avait pas un troisième prince ?

— Ah si, le prince aîné, mais il paraît qu’il n’est pas le favori au trône, ne perdons pas notre temps avec celui-là.

Koda avait décroché son attention de leurs bavardages pour la reporter sur Jasmine qui se dirigeait vers elle.

— Et toi, Koda, que vas-tu faire ? demanda-t-elle.

— Oui c’est vrai ça ! Que comptes-tu faire Koda ? Tu es la plus âgée de nous toutes, tu dois brûler d’envie de rencontrer ton âme sœur, fit une autre.

— C’est vrai ? Koda n’a pas de petit copain ?

Elle entendit quelques gloussements, puis Jasmine leur demanda d’arrêter, ce qui lui valut quelques réponses plaintives. La troupe de danse sortit des vestiaires et Jasmine passa une main sur l’épaule de la bleue.

— Ne les écoute pas, elles aiment beaucoup les ragots, mais n’ont pas de mauvaises intentions, crois-moi.

Koda haussa les épaules, l’air indifférent. Après tout, elle était habituée aux moqueries des autres depuis qu’elle était petite et ne les subirait pas bien longtemps, puisqu’elle ne les reverrait sans doute plus jamais.

— Oh, ce n’est pas quelque chose dont je m’inquiète, tu sais. Ce qui me poserait réellement problème, par contre c’est qu’il n’y ait plus rien à se mettre sous la dent !

Sa réponse fit sourire la brune.

— Une vraie morfale, se moqua-t-elle gentiment. Je te laisse alors, je vais rejoindre les autres filles. Il faut bien que quelqu’un les surveille ou elles vont encore s’attirer des ennuis…

Koda hocha la tête, un doux sourire aux lèvres.

— Adieu Jasmine, murmura-t-elle en observant la brune sortir de la pièce.

À son tour, la bleue quitta les vestiaires en direction du balcon de la grande salle. Le balcon était lui aussi très imposant, et quelques personnes s’y trouvaient, fumant la pipe ou discutant autour de la rambarde en or massif. Elle s’isola dans un coin, étant sûre de ne pas être dérangée par les bruits environnants. Elle laissa reposer sa tête sur la rampe et sentit la brise lui caresser les cheveux et faire voler tendrement sa longue jupe couleur azur.

— Tu as vraiment bien dansé, dit une voix grave dans son dos.

Elle se retourna alors vivement les sourcils froncés, frustrée d’avoir été dérangée pendant son moment de zénitude. Elle reconnut le jeune homme aux cheveux blancs et à la peau légèrement hâlée, lui tendant une coupe de champagne.

— Ne fronce pas autant les sourcils, t’auras des rides plus tôt que prévu, rit-il simplement.

— Merci, répondit-elle simplement en récupérant la boisson qu’on lui offrait et en la reniflant discrètement.

— À tous ceux qui nous manquent et à une vie pleine de succès, s’enthousiasma-t-il en trinquant avec elle. Ne t’en fais pas, je n’ai pas empoisonné ta coupe si c’est la raison pour laquelle tu la flaires.

La jeune fille se sentit un peu bête et tenta vainement de cacher ses rougeurs d’embarras. Ils burent silencieusement et aucun des deux ne semblait vouloir briser la glace. Cependant, Koda ne pouvait plus supporter ce mutisme et se décida à parler.

— Je suis désolée, mais je ne me rappelle plus votre prénom, glissa la jeune fille embarrassée.

Ce dernier se mit à rire, l’air moqueur.

— C’est Khaal. Un peu complexe, je te le concède.

— Je trouve que c’est un joli nom ! Moi c’est…

— Koda, je sais. Après la scène d’il y a quatre ans et Bow qui ne me parle que de toi, c’est comme si je te connaissais déjà, avoua-t-il un sourire aux lèvres.

— Bow vous parle souvent de moi ? Mais je ne vous ai jamais revu au café depuis…

— Je préfère me faire discret. Tu peux me tutoyer d’ailleurs, c’est pas comme si j’étais plus âgé que toi.

— J’ai dix-huit ans, commenta Koda.

Le jeune homme écarquilla les yeux puis eut un long soupir d’exaspération.

— Oublie ce que j’ai dit…

La jeune fille rit doucement, puis le regarda avec bienveillance.

— En tout cas je n’ai jamais pu avoir la chance de te remercier pour avoir pris la défense de mon amie. Alors, merci beaucoup. Si jamais je peux rendre la pareille, n’hésite pas à faire appel à mes services.

— C’est pas grand-chose. Les injustices comme celle-ci me révoltent… Le karma a bien fait les choses en assassinant Edmond Thorne, le dernier vainqueur.

— Donc c’est vraiment ce qu’il s’est passé… chuchota la jeune fille plus pour elle-même qu’à l’attention du jeune homme.

— Yup, mais si c’est pour que le premier prix retombe entre les mains d’une pourriture, sa mort n’aura servi à rien.

— Pourquoi aurait-il été assassiné ? Sir Thorne a gagné en respectant les conditions du tournoi, le premier prix lui revenait en toute légitimité…

— Les yeux violets représentent plus que tu ne peux te l’imaginer. Certains disent qu’ils peuvent conférer d’immenses pouvoirs, ou qu’en posséder était synonyme de chance et de longévité. Forcément que ça allait faire des envieux…

Koda gloussa à l’entente du dernier mot.

— Le champion n’a pourtant pas fait long feu, même en possession de cet objet !

— C’est bien vrai, rigola Khaal.

— Est-ce que de nouvelles mesures ont été prises pour éviter une nouvelle catastrophe de ce genre ?

— Non, pas à ce que je sache. Mais ils ont bien modifié les modalités d’inscription pour éviter celle d’il y a quatre ans…

Koda le regarda avec curiosité.

— Ils vont vérifier ce qu’il y a sous la ceinture, soupira-t-il en se massant les tempes.

Une vague de frissons emporta le corps de la jeune fille, à l’effet d’un courant électrique. Khaal aperçut les cheveux de la bleue se dresser sur sa tête et leva un sourcil, curieux.

— Tu comptais t’y inscrire ?

L’adolescente se figea et eut un rire forcé.

— Quoi ? Bien sûr que non, quelle idée…

— Je comprendrais, il s’agissait tout de même de ta petite amie, n’est-ce pas ?

Un voile de chagrin passa devant les yeux de la concernée. Puis vint un air de méfiance envers le blanc. Il savait bien trop de choses pour quelqu’un à qui elle n’avait jamais adressé la parole.

— C’est Bow qui t’en a parlé ?

— Non, même pas. Je l’ai vite compris en voyant ta réaction, ce soir-là. Elle était si extrême qu’il ne pouvait que s’agir d’une personne de ta famille ou d’une personne que tu aimais d’autant plus. Mais ne t’en fais pas, je ne suis pas de ceux qui trouvent ça « contre-nature », je ne vais pas te dénoncer pour le plaisir. Chacun sa vie après tout, tant que ça ne cause de mal à personne.

Koda baissa le regard, nostalgique.

— Merci…

— Tu n’as pas à me remercier pour quelque chose que tout le monde devrait faire ou penser.

— Dans tous les cas, je n’ai personne avec qui faire équipe. J’ai perdu un allié et je ne sais pas ce que mon meilleur ami est devenu… Puis même, comment pourrais-je changer mon anatomie ? C’est juste impossible…

— Pour ce qui est des équipiers, je connais quelques amis qui se débrouillent très bien à l’épée.

— C’est gentil, mais je préférerais des personnes en qui j’ai confiance… Je ne me vois pas dévoiler le fait que je suis une femme à de complets inconnus.

Khaal hocha la tête.

— Très bien. Si tu changes d’avis, n’hésite pas à me faire signe.

Sur ce, le ventre de la jeune fille se mit à gargouiller violemment. Elle rougit de honte et prit sa tête entre ses mains. Le jeune homme ricana et lui offrit la sienne.

— Tu dois être affamée, allons manger !

Koda hocha la tête et prit sa main, puis il la guida au sein de la grande salle.

La jeune fille se jeta sur les divers mets qui se présentaient à elle, sous le regard chaleureux du jeune homme. Tourtes aux légumes du soleil, ceviche de sole, canard laqué, poulet à l’orange ou effilés de bœuf à l’oignon sur un lit de carottes, pommes et céleri, la jeune fille ne savait plus où donner de la tête devant un si vaste choix.

Elle se faufila entre un groupe de personnes en jouant des coudes afin de se servir une part de gratin de courge dont les effluves la faisaient saliver et finit par reconnaître d’autres têtes qu’elle avait déjà rencontrées auparavant.

— Oh non, pas eux !

Celle aux cheveux bleus engloutit tout le plat qu’elle avait dans sa main et se mit à courir dans une direction opposée.

— Les de la Tour ? Tu as un problème avec eux ?

Koda fut surprise de voir que le blanc l’avait suivie. Elle pensait pouvoir fuir non seulement cette famille bourgeoise, mais priait par la même occasion de fuir Khaal, dont la présence la rendait de plus en plus mal à l’aise.

— Disons que ce sont des connaissances avec qui je ne suis pas spécialement en bons termes…

Les souvenirs de cette journée plus que pénible lui revinrent de plein fouet. Son père avait pour but d’unir sa cadette au dernier de la famille de la Tour, ce qui avait été une très mauvaise expérience. Le comportement plus que hautain de la famille la répugnait, et elle en avait vite exprimé son dégoût en menaçant le jeune Victor de sa lame.

Celui aux cheveux platine se mit à rire à gorge déployée.

— Me dis pas que tu es la fameuse personne des rumeurs ? Celle qu’ils craignent le plus pour je ne sais quelle raison ?

Koda n’en revenait pas. Elle pensait avoir été claire avec le cadet qui avait juré de ne rien dévoiler concernant sa menace.

— C’est une histoire que je me réserve pour une autre fois… trouva-t-elle à dire.

Sur ces mots, elle but deux autres coupes de champagne pour oublier sa gêne, mais se mit vite à perdre le compte et sa tête tournait autant que des chevaux dans un carrousel. Khaal, qui lui avait déconseillé de boire autant, l’avait surveillée et restait auprès d’elle pour lui venir en aide en cas de besoin.

Il était presque quatre heures du matin quand elle décida de partir. Le jeune homme au teint délicatement doré la raccompagna au café Bowine où elle comptait passer la nuit. L’adolescente qui n’avait pas encore dessoûlé eut du mal à marcher, et s’accroupit au bord de la route pour évacuer tout le mélange d’hydromel, de cidre et de champagne qui lui gonflait l’estomac. Khaal, relevant les sourcils de dégoût, s’agenouilla auprès d’elle pour lui dégager ses cheveux bleus.

— Je t’avais bien dit de ne pas te morfondre autant dans l’alcool !

Koda gazouilla un son quasiment inaudible et s’essuya la bouche, puis trébucha encore en zigzags jusqu’à atteindre le pas de la porte du café. Elle essaya tant bien que mal de rentrer la clé dans la serrure, puis, voyant qu’elle n’y arrivait pas, celui à la chevelure blanche lui prit la main pour le faire à sa place. Il tourna la poignée et la poussa vers l’intérieur assez brusquement, ce qui la fit trébucher.

— Va immédiatement te coucher ! se fâcha le jeune homme.

À peine eut-il terminé son exclamation qu’il aperçut la jeune fille tomber à terre, morte de fatigue. Il poussa un soupir de désespoir et repartit en prenant soin de fermer le café à clé.

Le lendemain matin, les premiers rayons du soleil réchauffèrent doucement la joue de la jeune fille qui ouvrit doucement les yeux. Un filet de bave lui coulait du coin de sa lèvre et elle prit conscience qu’elle était allongée sur le carrelage froid du petit bar. En se relevant, elle sentit son cerveau cogner contre sa boîte crânienne et un gémissement de douleur lui échappa. Les yeux encore fermés, elle se prit le coin d’un tabouret dans son petit orteil, ce qui le fit chuter dans un vacarme ahurissant. Elle entendit la porte claquer à l’étage et des pas dévaler les escaliers, puis une porte s’ouvrit à la volée.

— Qui va là ? Je suis armé !

Bowie soupira de soulagement quand il aperçut qu’il ne s’agissait que de sa protégée, mais fut vite furieux de constater que celle-ci n’était pas tout à fait sobre.

— Koda ! Il est sept heures du matin ! Tu pourrais faire moins de bruit au moins…

Elle leva finalement la tête et reconnut Bowie, suivi de près par une masse de cheveux carmin qui ne pouvaient qu’appartenir à Paola, sa petite-amie.

— Et toi, tu pourrais au moins te vêtir, fit-elle en bâillant, en pointant le torse nu de son patron. T’as vraiment de la chance, Paola d’avoir un copain aussi bien foutu…

Paola sourit tendrement et Bowie se mit à rougir puis se rapprocha de la fêtarde.

— Pour l’amour de Dieu, Koda, je ne veux pas savoir ce que tu as fait hier soir, mais va te doucher s’il te plaît. Tu empestes l’alcool.

Titane, la petite hermine de compagnie qui accompagnait toujours l’épaule de Bowie, la renifla à son tour et exprima un air de dégoût.

— J’y vais, j’y vais, mais dis-moi Bow, tu pourrais m’aider à me travestir ?

Chapitre 2

C’est Kodi !

Le métis tomba des nues. Il se frappa le front et fit signe à Paola de monter se coucher.

— Je pense que tu as quelque chose qui te pèse sur le cœur, non ? Ou alors c’est l’alcool qui parle et, dans ce cas, je te demanderai d’aller te reposer toi aussi…

— Je vais me doucher… Mais ensuite j’aurais vraiment besoin de ton aide, le supplia-t-elle.

Une douche plus tard et Bowie l’attendait déjà derrière le comptoir, nettoyant quelques tasses de la veille.

— À quoi rime tout ce cirque alors ?

— J’ai fugué…, commença l’adolescente en resserrant la serviette autour de ses cheveux mouillés.

Le châtain s’arrêta un instant, les sourcils relevés.

— Je t’en fais part parce qu’il s’agit de toi et que je te fais entièrement confiance… commença-t-elle.

— Je t’écoute, fit Bowie tout ouï.

— Le tournoi du Colisée remet les yeux que Yolana convoitait tant en premier prix… J’ai l’idée de m’y inscrire et de les remporter.

Un bruit fracassant frappa le comptoir du bar. Bowie venait de reposer sa tasse avec une force terrifiante, ce qui ne présageait pas une réponse positive de sa part.

— Il en est hors de question, rouspéta-t-il. Ne me dis pas que Khaal t’en a parlé ?

Koda écarquilla les yeux, intriguée par cette question.

— Euh, si ? Pourquoi ?

Bowie émit un long soupir.

— Il m’en avait déjà parlé, et me disait que ce serait une occasion rêvée de venger Yolan et que ça pouvait t’alléger la conscience de les récupérer…

— Pourtant, il n’est jamais venu m’en parler avant la soirée d’hier… déclara Koda, l’air perdu.

— Parce que c’est bien trop dangereux ! Je lui ai demandé de ne plus revenir au café si c’était pour s’approcher de toi…

La jeune fille comprit alors pourquoi elle ne l’avait pas revu plus tôt que la veille. Elle ressentit un léger sentiment d’injustice qu’elle ne put garder pour elle.

— Tu n’as pas le droit de décider pour moi ! s’écria-t-elle.

— Ah non, hein, tu ne vas pas t’énerver contre moi parce que je tiens à ta sécurité ! Ce n’est pas ce que Yolan voudrait que tu fasses !

— Ne parle pas d’elle ! Tu n’en sais rien ! dit-elle en cachant vainement le chagrin dans sa voix entravée par quelques sanglots naissants.

Bowie se tut d’un coup, ayant pris conscience de ce qu’il avait dit, et apaisa ses nerfs. Il ferma les yeux et inspira profondément avant de poser sa main au-dessus de la sienne.

— J’ai fait ça parce que je tiens à toi Koda… Et je ne suis pas la seule personne à qui tu comptes beaucoup. Il y a ta tante, ta mère, ton neveu, tes anciens amis !

— De qui je n’ai plus de nouvelles depuis tout ce temps…

— Même Paola tient à toi, et je ne te parle même pas de Titane, continua-t-il dans un sourire amical.

Koda gloussa légèrement.

— Je veux simplement que tu comprennes pourquoi je suis contre cette idée… Je n’ai pas besoin de te rappeler les événements précédents et je m’en voudrais ma vie entière s’il t’arrivait malheur.

— Je ne ferai pas la même erreur que Yolan. J’en parlerai d’abord à mes coéquipiers en qui j’aurais totalement confiance…

— Tu penses vraiment que ça aurait empêché quoi que ce soit ?

La jeune fille soupira longuement.

— Peut-être pas, mais je leur éviterai au moins le sentiment d’avoir été trahis.

— Si c’est ce que tu souhaites, je ne vois pas comment je pourrais t’en empêcher. Mais même si je te relooke de la tête aux pieds, il y aura toujours un détail que je ne pourrais pas changer, plaisanta-t-il.

Quelques rougeurs parsemèrent les joues de l’adolescente.

— Je veux quand même essayer. Les entraînements à l’épée me manquent tellement aussi…

— Bon, je peux bien trouver quelque chose à te mettre. D’ailleurs, où est le double des clés ?

Koda sursauta. Elle n’avait aucun souvenir de la manière dont elle était rentrée et se félicita d’être encore en vie. Au même instant, quelqu’un toqua à la porte du café. Le propriétaire se dépêcha de crier qu’ils étaient fermés, mais remarqua la longue chevelure blanche de son comparse. Il reposa une autre tasse et s’avança vers la porte avec paresse.

— Je pensais pas que vous seriez levés de si bonne heure, surtout toi Koda, se moqua le jeune homme.

— En parlant du loup, soupira Bowie les yeux levés au ciel.

— Ah oui ? Vous parliez de moi ? En bien j’espère ?

Koda secoua la tête pour lui donner une réponse négative, une grimace sur les lèvres.

— Oh… fit Khaal déçu. Pourtant, on ne peut que parler en bien de moi ! Enfin, bref, je venais rendre le double des clés, la petite n’était pas en mesure de fermer la porte en rentrant, vu son état. Je sais, je sais, ne me remerciez pas tous en même temps, je sais que je suis un ange.

La concernée voulut s’enterrer profondément sous terre. Elle comprit qu’elle n’était pas revenue seule du palais la veille et devait un autre service au garçon aux cheveux couleur argent.

— Ah, je comprends petit à petit… fit Bowie en jetant un regard mauvais à Khaal. Pourquoi tu ne resterais pas prendre le café avec nous, maintenant que tu as fait tout le chemin jusqu’ici ?

— C’est gentil de proposer, je meurs de soif !

Quelques instants plus tard, une table fut dressée pour eux quatre. Paola les avait finalement rejoints, ne réussissant pas à retrouver le sommeil. Koda était quelque peu embarrassée de l’avoir réveillée, mais aussi de sentir son regard perçant sur Khaal et elle. Ce dernier n’avait pourtant pas l’air de se sentir de trop, et il étira ses bras derrière sa nuque. Sans faire attention, son coude heurta la tête de Koda qui poussa un cri de surprise et se frotta la tête.

— Tu pourrais faire attention ! Et les mains sur la table, s’il te plaît. On ne t’a pas appris les bonnes manières ? demanda la bleue perplexe.

Sa remarque ne lui valut qu’un regard transcendant du blanc. Son air condescendant fit frémir la jeune fille de rage.

— En voilà une qui s’est levée du mauvais pied, sourit Paola, contemplant toujours les deux individus qui se tenaient devant elle.

— Elle est trop habituée à donner des ordres maintenant qu’il y a un bambin chez elle, rigola Bowie qui s’approcha pour servir ses amis et invités.

— T’es déjà maman la mioche ? questionna Khaal, un rictus moqueur au coin des lèvres.

Koda rougit fortement.

— Nan, mais de quoi je me mêle ! s’exclama-t-elle.

Elle contempla ensuite la boisson que son patron venait de lui tendre et essaya d’en deviner la composition. Khaal, curieux, renifla sa boisson et regarda l’adolescente d’un regard livide, puis lui tapota le dessus du crâne comme pour lui souhaiter bonne chance.

— C’est le meilleur remède contre la gueule de bois, je t’assure ! Bow m’en prépare un tous les lendemains de soirée et on se sent tout de suite mieux, fit celle aux cheveux rouges.

Rassurée par Paola, Koda se décida à prendre une gorgée de l’étrange boisson. Le patron s’installa à son tour auprès de sa petite-amie, faisant face aux deux autres.

— Bon, rentrons dans le vif du sujet, commença Bowie. Tu as drogué Koda pour coucher avec elle et la manipuler avec toutes tes idées, pas vrai ?!

La principale concernée ne s’attendait pas du tout à cette remarque et recracha toute sa boisson sur celui aux cheveux blancs qui était resté tout aussi pantois qu’elle, encaissant non seulement ces accusations menées à tort contre lui, mais aussi le mélange poisseux qui venait recouvrir ses vêtements.

— Mais t’es vraiment sale, bordel ! Je vois que t’es une pro pour recracher ce que tu bois ! Oh c’est pas vrai, c’était un nouveau pull en pur cachemire… sanglota-t-il.

— C’est le cadet de mes soucis ! cria-t-elle à l’intention du jeune homme. Bow, comment tu peux t’imaginer ça ? On n’a rien fait du tout !

— Et encore heureux ! J’ai un minimum d’amour propre ! reprit l’accusé de ces crimes hideux, ce qui lui valut un regard meurtrier de la plus jeune.

— Comme vous vous étiez vus la veille au soir et que t’es rentrée dans cet état, j’ai eu peur qu’il t’ait fait quelque chose…

— Comment t’as pu penser ça de moi Bow, depuis le temps qu’on se connaît ! demanda Khaal, plaintif.

— Je considère Koda comme ma fille, je réagirai de cette façon avec tout le monde sans aucune distinction, grogna le châtain.

L’adolescente sentit son cœur fondre et voulut plonger dans les bras de ce dernier, mais s’en empêcha, jugeant le moment mal choisi.

— Non, Bow, ça me touche beaucoup, mais il se trouve que j’ai rencontré Khaal par hasard hier lors de notre représentation… D’ailleurs, comment as-tu pu être invité par Sa Majesté ? Il n’accepterait sans doute pas les roturiers de ton genre, le critiqua-t-elle.

Bow écarquilla les yeux, l’air surpris, et passa son regard du jeune homme à la jeune fille.

— Quoi ? J’ai dit une bêtise ? demanda-t-elle avec curiosité.

— Et bien, je pensais que tu savais que…

Le châtain se coupa quand il vit Khaal secouer ses mains de tout son saoul. Bowie ne put alors qu’émettre un simple « oh » et prit une gorgée de son café, embarrassé.

— Que ? insista Koda, dont la réponse ne combla pas ses attentes.

— Il pensait que tu savais que tout ce que tu disais était des bêtises, allez bye bye, merci pour le café mon pote, je te redois ça.

Khaal et Bowie ne purent s’empêcher de rire avec complicité, puis le propriétaire du café se reprit.

— Ce n’est pas ce que j’ai dit ! voulut se corriger le châtain auprès de la bleue qui le regardait déjà d’un air menaçant.

— Mais j’ai le droit de savoir, non ? s’exclama-t-elle, paniquée de voir le blanc partir.

Ce dernier se retourna et ne fit qu’un geste d’adieu, un sourire au coin des lèvres.

— En espérant ne pas te revoir de si tôt, fillette, dit-il avant de disparaître à l’extérieur du café.

Koda sentit une vague de déception en elle. Bowie et lui cachaient quelque chose, elle en était certaine.

— Vous avez l’air de bien vous connaître, commenta-t-elle.

— Oui et un peu trop à mon goût, rouspéta Paola, les sourcils relevés.

La jeune fille ne put s’empêcher d’avoir un léger rire, puis les deux reportèrent leurs regards insistants sur le châtain. Celui-ci secoua la tête, gêné.

— Allons, allons, tu connais Khaal ! fit-il à l’attention de la rouge. On doit bien avoir une vingtaine d’années d’amitié au compteur, le temps passe si vite…

Bowie semblait perdu dans ses souvenirs et un sourire nostalgique figurait à présent sur son visage mat.

— Je pensais pas que t’étais aussi vieux, reprit l’adolescente.

Le commentaire de la plus jeune lui perça le cœur comme une flèche. Il tomba sur les genoux, la tête entre les mains, et fit semblant de pleurer. Le mot « vieux » paraissait résonner dans son esprit sans pouvoir l’en quitter. Il releva la tête et fit les yeux doux à la plus jeune.

— Vingt-huit ans c’est pas si vieux, rassure-moi ? demanda-t-il, cherchant du réconfort.

Ne voulant pas le blesser davantage, elle secoua la tête.

— Non, c’était juste un constat. C’est toujours dix ans de plus que dix-huit, essaya-t-elle de se justifier.

Cependant, Bowie semblait toujours broyer du noir, recroquevillé derrière le comptoir. Un rire léger résonna dans la salle, puis la rouge prit un sac et se dirigea vers la porte.

— En tout cas, vous m’aurez bien fait marrer avant le boulot ! Merci pour le café Bow, je te vois ce soir, fit-elle en lui lançant un clin d’œil.

Koda ne put que fondre devant les rougeurs du châtain qui la regardait avec un regard plein d’affection. C’était comme si une deuxième flèche venait de lui fendre le cœur, mais celle-ci était bien moins douloureuse que la première.

— Elle travaille toujours chez le bijoutier du coin ? demanda la jeune fille, curieuse comme à son habitude.

— Oui, son père a toujours besoin de l’avoir à ses côtés, il se fait vraiment vieux pour le coup…

— Et il ne sait toujours pas pour vous deux ?

Bowie eut un rire franc en levant les yeux au ciel, puis il fixa Koda.

— Tu penses vraiment qu’un vieil homme de la vieille tradition accepterait ? Il ne tolérerait jamais qu’une bourgeoise comme sa fille soit avec un simple tenancier de bar !

— À ce point ? Mais ça va quand même faire cinq ans ! Vous avez aussi le droit de vous poser un peu…

— C’est compliqué comme situation. Mais on s’en sort plutôt pas mal malgré ces conditions difficiles, on ne va pas s’en plaindre non plus.

Le propriétaire du café croisa les bras, puis un éclair sembla illuminer ses yeux jaunes perçants.

— Ne perdons pas plus de temps et allons t’habiller !

Koda acquiesça puis suivit son ami à l’étage, et entra dans la salle de bains.

— Pourquoi ça presse autant d’ailleurs si le tournoi n’est qu’en fin d’année ? demanda-t-il avec intérêt.

— J’aurai l’impression de faire quelque chose de bien… Puis, même si je me remets aux entraînements, je préfère qu’on me surprenne en tant qu’homme plutôt qu’en tant que femme, ou, sinon les rumeurs retentiront partout et on m’aura à l’œil…

Bowie hocha la tête, puis prit un peigne entre ses dents et sortit une paire de ciseaux d’un tiroir.

— Quelle coupe de cheveux ferait plaisir à mademoiselle ? demanda le châtain à la plus jeune, en prenant un nouvel accent qui fit rire cette dernière.

— À la garçonne s’il vous plaît très cher, répondit-elle simplement.

Le jeune homme haussa les sourcils pour rentrer parfaitement dans la peau de son personnage et retira la serviette des cheveux de la jeune fille, pour dévoiler ses cheveux mi-longs et humides. Il la plaça sur ses épaules, puis il prit d’une main ses cheveux, et le peigne de l’autre. Il les brossa, en prenant soin de tous les aligner correctement, puis guida les ciseaux au ras de ses doigts pour couper proprement les mèches de la jeune fille.

Cette dernière observa avec un pincement au cœur ses cheveux tomber au sol. Elle se souvint qu’elle en avait de très longs quand elle était petite, mais avait décidé de les couper une fois que son père était décédé. C’était surtout lui qui refusait de voir une de ses filles avec les cheveux courts, comme il aurait refusé d’avoir un fils avec des cheveux longs signe de féminité pour les plus fermés d’esprit, comme Khaal ou Bowie, qui pourtant avait l’air plus masculins que la plupart des hommes qu’elle avait rencontrés.

Elle entendit encore quelques coups de ciseaux, puis, quand le châtain lui annonça que ce fût terminé, elle fut satisfaite du résultat. Cette fois, ses cheveux étaient courts, comme ceux des innombrables garçons qu’elle voyait gambader dans les rues et elle sentit son cœur battre avec légèreté.

— Merci, c’est parfait, dit-elle en prenant son ami dans les bras.

Ce dernier resserra son étreinte et caressa affectueusement sa tête, puis Titane en profita pour dévaler son bras et se placer sur le crâne de la plus jeune. Koda, qui commençait à étouffer, le repoussa doucement pour reprendre une bouffée d’air.

— Et maintenant, les vêtements ! s’enthousiasma Bowie.

Ils rentrèrent maintenant dans la chambre du jeune homme dont le lit était encore défait. Il se cogna le front, puis poussa paisiblement Koda à l’extérieur le temps de tout remettre en place et d’aérer la pièce.

— Je ne devrais pas, mais je trouve ça finalement bien amusant comme activité, finit-il par dire.

Koda le regarda avec malice, puis essaya les quelques tenues que son patron lui tendait. Ils finirent par s’accorder sur un pantalon à bretelles beige vêtu par-dessus un pull kaki.

— Prends ce bonnet, il fait froid dehors et tu ressembleras moins à une fille avec, fit Bowie en lui enfilant un bonnet noir sur la tête.

Il lui mit d’autres tenues dans un sac à dos qu’il déposa dans les bras de la plus jeune.

— Tu n’en as vraiment plus besoin ?

— Non, ça fait un moment que je cherchais quelqu’un à qui les donner, ils sont bien trop petits pour moi depuis que je me suis remis à la muscu, expliqua-t-il. Même s’ils seront un peu larges pour toi, ils feront toujours l’affaire.

L’adolescente acquiesça et remercia une énième fois le châtain.

— Et maintenant, quelle est la prochaine étape de ton projet ?

— Me trouver des alliés fiables, fit-elle sans hésiter. Mais peut-être que j’irai d’abord m’acheter de quoi m’équiper.

— J’imagine que je ne te reverrai pas aussi souvent, même en ce qui concerne le travail ?

Le regard de l’adolescente s’assombrit, puis elle sentit son nez et sa gorge brûler.

— Je crains que tu ne doives me trouver une remplaçante…

— Ça va être compliqué, siffla le châtain en se grattant la nuque.

La jeune fille descendit en compagnie de Bowie, puis se dirigea vers la porte. Elle caressa Titane, enlaça le jeune homme, puis l’ouvrit.

— Tu vas beaucoup nous manquer Koda, fit doucement le propriétaire qui essayait vainement de cacher les sanglots dans sa voix.

— C’est Kodi maintenant ! lui sourit-elle avant de s’engouffrer dans la foule qui devenait de plus en plus dense.