La piqûre de la bouteille bleue - Julien Dubezin - E-Book

La piqûre de la bouteille bleue E-Book

Julien Dubezin

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Beschreibung

À quarante ans, Ludovic Gauthier est un manager heureux et un chef de famille comblé. Son licenciement brutal va être le point de départ d’une remise en question de sa vie sociale et familiale, ses croyances, ses aspirations et ses rêves. Mêlant tendresse et espoirs, ce papa un peu perdu vous invite à découvrir les folles aventures de sa vie…


À PROPOS DE L'AUTEUR


Curieux et touche à tout, Julien Dubezin se nourrit de ses expériences et de ses interactions sociales pour écrire. Avec "La piqûre de la bouteille bleue", il signe, plus qu’un livre, la peinture d’un tableau émouvant, drôle et surtout enrichi par ses perceptions.

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Seitenzahl: 134

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Julien Dubezin

La piqûre de la bouteille bleue

Nouvelles

© Lys Bleu Éditions – Julien Dubezin

ISBN : 979-10-422-0512-6

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre 1

Bonne année !

10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2, 1… 0 !

Bonne année !!!

Santé, joie et prospérité !!! Et tout ce que vous méritez !

Bonne année ?

Je n’ai jamais compris pourquoi l’on s’évertue à se souhaiter une bonne année… Comme si ces effusions de positivisme augmentaient nos chances de succès. Quel cinéma ! Et tous ces SMS qui affluent… et ces groupes WhatsApp qui dégoulinent de bonnes intentions… écœurant ! Prospérité et tout ce que vous méritez… pfff ! Bon sang de foutaises indigestes ! Comme si l’on avait ce qu’on mérite…

Ce réveillon me fut aigre.

Non que les plats ne fussent pas soignés : les chapons, escargots et autres salmonidés en gravelax avaient rempli leur rôle à merveille. Ils avaient régalé les convives. Nos ventres étaient pleins, nos assiettes vides. Notre ivresse joyeuse et nos résolutions… résolument résolues !

Non.

Ce réveillon me fut aigre parce que, au beau milieu de ma quarantaine assumée, je réalisais que les repères de ma vie étaient mouvants. La santé, le travail, le statut social, l’amitié, l’argent, l’amour… tout n’était qu’un ascenseur qui monte et qui descend… et ce n’était pas souvent moi qui appuyais sur le bouton.

Parce que je me suis pris en pleine poire cette réalité dérangeante que les philosophes connaissent bien : je ne suis pas beaucoup maître de ma vie.

J’ai quarante ans, et je suis le directeur d’une belle PME familiale où il fait bon vivre.

Enfin… où il faisait bon vivre, jusqu’à ce que l’on m’explique qu’il y ferait meilleur si je n’étais plus là.

J’ai quarante ans donc, et j’étais directeur.

J’ai environ vingt-sept vrais amis, des vieux et des moins vieux. À Paris, Toulouse, Marseille, Brest, et ailleurs.

Une femme, deux filles, un chien et un monospace. Enfin… le monospace, de fonction, va, lui, préférer rester dans cette belle PME familiale.

J’ai quarante ans donc, et je m’appelle Ludovic Gauthier.

Chapitre 2

Métro boulot dodo

5 h 45, le réveil sonne. Je ne l’ai que très rarement maudit. D’une part, parce que je suis un lève-tôt, et d’autre part parce que je suis heureux de me lever le matin. « L’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt », disait Cousteau, et moi je veux être le maître de mon avenir.

Pipi, une douche, une chemise à peu près repassée, et c’est déjà l’heure de réveiller mes deux amours.

Manon, neuf ans, n’a encore d’yeux que pour moi. Ses yeux brillent quand je lui raconte mes exploits quotidiens, et malgré ma musculature un brin ambrée par les chopes de bière, elle me surnomme encore « Musculos ». « Allez Papou, porte-moi d’un seul bras… ». « D’un seul bras ? dis-je faussement étonné, mais je ne vais pas y arriver, tu es trop grande ! » C’est alors que, dans un élan d’orgueil et de fierté, mon bras soulève ce corps plein d’admiration. « Whahou… qu’est-ce que tu es musculos mon Papou ! » J’en profite, je sais que cela ne durera pas.

Et si je le sais, c’est que mon deuxième amour a déjà douze ans et demi… Les demis sont importants, paraît-il.

En 5e 2 au collège Clément Ader, Chloë découvre les prémices de l’adolescence. Son détachement parental n’a désormais plus d’autre égal que sa soif d’insolence. Ses professeurs sont unanimes : « participative, intéressée, appliquée… les superlatifs ne manquent pas pour décrire l’excellente attitude et les très bons résultats de votre fille, M. Gauthier ». Les bras m’en tombent ! Non que je ne crois pas ma fille capable des plus beaux exploits, non, mais plutôt que je n’ai pas la même élève à la maison : procrastination, mauvaise volonté, yeux qui montent au ciel et semelles qui raclent le sol… Décidément, l’adolescence me réserve déjà bien des surprises…

Voilà déjà plus d’un an que je ne suis plus le héros de Chloë, c’est dans l’ordre des choses et je m’y attendais. Tout le monde connaît les affres de l’adolescence, mais quand on la vit, ben c’est pas pareil. Je me rêvais héros de mes filles, leur repère, leur modèle. Mes quarante ans m’apprennent âprement que ce n’était qu’une douce illusion.

« Chloë, tu ne bois pas le lait au chocolat que je t’ai préparé ? » osais-je demander.

« J’aime plus ça ! Et puis de toute façon dans les régimes ils disent qu’il faut éviter le lactose. Le corps ne l’assimile pas bien. »

Mais d’où ça sort ça ? Comment elle sait ça, ma Chloë ? Et pourquoi elle me parle de régime ? Elle fait un régime ? Elle pèse 40 kg toute mouillée ! Non, elle ne fait pas un régime ! Si ? Ah bon…

Comme le dit toujours ma femme Emilie, « tu ne seras pas leur héros toute ta vie, mais tu peux demeurer leur modèle ». Mouais… c’est très rassurant tout ça, mais je suis sceptique. Pourtant je ne l’ai pas toujours été.

7 h 20 l’heure de partir. Tous les matins, j’accompagne Manon à l’école, juste le temps de la déposer, un bisou et hop, déjà la tête dans mon boulot.

Ah… mon boulot… on pourrait en parler pendant mille pages. J’ai toujours aimé mon boulot, je me suis toujours beaucoup engagé. Cela ne m’a pas toujours réussi.

Déjà 8 h 45, une belle journée de boulot commence.

Être directeur dans une PME, c’est réinventer un peu la roue chaque jour. C’est prendre un grand bol d’humain, tantôt bien frais, tantôt en pleine face.

« Ludovic, Madame Michue a appelé, elle voudrait savoir où en est son dossier ».

« Merci, Marjorie, pourrais-tu me sortir le dossier de Mme Michue s’il te plaît ? Il faut qu’on lui réponde… »

Mais quoi lui répondre ? Ça, c’est toute la question.

Madame Michue est l’une des clientes de l’entreprise. Elle a fait appel à notre entreprise sur les recommandations du Roi Google, mais elle n’est pas satisfaite du résultat. Je me suis rendu chez elle à plusieurs reprises, et à chaque fois nous en revenons au même point : elle n’a pas la même conception que notre entreprise de la qualité du résultat. Tant et si bien que, dans ma grande sagesse, j’ai fait entrer dans la boucle mon grand patron Kevin. Kevin a rencontré la cliente, et lui a proposé de reprendre à sa charge quelques prestations. Mais la cliente n’a pas jugé cela suffisant. Alors, Kevin a eu une idée.

« Nous allons faire jouer l’assurance de l’entreprise, a-t-il expliqué à notre cliente. Vous signez ici pour accepter la prestation en l’état, et on fait jouer l’assurance ».

Madame Michue faisant partie de ces gens qui croient encore à l’honnêteté des hommes, elle a signé. Mais lorsqu’il s’est agi de faire jouer l’assurance, celle-ci a joué son rôle à merveille en expliquant que l’alinéa 8 du paragraphe 3 page 73 du contrat ne prévoyait pas d’indemnisation dans ce cas précis. Devant l’agacement de Madame Michue, mon grand patron Kevin s’est fendu de courriers pour proposer une nouvelle fois de reprendre à sa charge des prestations, et m’a courageusement envoyé chez Madame Michue pour le lui expliquer. Lorsque Madame Michue a semblé accepter cette proposition, mon grand patron Kevin a décidé que, finalement, il n’en avait plus envie, et l’a envoyé sur les roses épineuses.

C’est chouette une entreprise où il fait bon vivre et qui, en plus, aime les fleurs.

Kevin est l’un de ces hommes qui se croient capables de soulever des montagnes. C’est lourd, une montagne, mais Kevin est costaud. S’il rencontre un obstacle, il l’enlève, tout simplement.

Rien ne va jamais assez vite pour Kevin, il faut tout faire en même temps. Il compte plus sur la quantité que sur la qualité. Et il change d’avis tout le temps. Du coup, on fait, puis on défait, puis on refait autrement.

Mais moi je n’aime pas ça faire et défaire.

Moi je suis le genre de mec qui dit « si on veut construire un château, il faut bien positionner les pierres du dessous car ce sont elles qui supporteront l’édifice ». Moi ce que j’aime c’est me retourner, voir le chemin accompli, et savoir que je vais pouvoir m’appuyer dessus pour continuer d’avancer.

« Allo… allo ? Steven ? Vous m’entendez ? »

Ah ce maudit réseau qui disparaît quand je passe vers Bourg-St Martin… Cela fait cinquante ans qu’on envoie des hommes sur la lune, et on ne peut toujours pas passer un appel téléphonique en rase campagne.

« Allo ? Ouiiii bonjour Steven, c’est Ludovic Gauthier, comment allez-vous ? Bien ? Bien ! Je souhaitais vous parler car j’organise un événement commercial et je souhaiterais mettre vos produits à l’honneur. Seriez-vous partant ? Je me disais que l’on pourrait parler en priorité de vos produits, et que vous pourriez nous accompagner en nous fournissant des supports publicitaires ? Nous pourrions mettre en place une action promotionnelle pour l’événement ? Qu’en pensez-vous ? Cela vous plaît ! C’est super Steven ! Je vous laisse en discuter avec votre directeur et revenir vers moi avec vos propositions concrètes ? Oui d’ici mardi prochain, ce sera parfait. Merci, Steven, à bientôt. »

Hop hop hop mais où suis-je ? Déjà le moment de quitter la route principale ? Oh purée de purée… c’était moins une, j’ai encore failli louper l’embranchement.

Je crois que je me fais surprendre un soir sur deux. C’est génial les voitures aujourd’hui : elles sont de véritables bureaux roulants. Récupération de son agenda, commandes et lectures vocales, dictaphone qui couche mes idées sur email… cela me permet de continuer à travailler pendant mon trajet bureau-domicile. Happé dans l’espace-temps de mes fonctions…

Comme je vous l’ai dit : j’aime mon boulot.

Et cette année s’apprête à commencer sans…

Chapitre 3

Une arrivée inattendue

Cet hiver est plutôt doux.

Les enfants le regrettent un peu, ils auraient bien aimé voir la neige. Même sur les hauts sommets, la neige manque cruellement. Nous avons la chance de vivre près de la montagne et de la mer. L’an dernier, nous avions passé les derniers jours de l’année à dévaler les pistes. Notre domaine de prédilection n’est pas immense mais il suffit à goûter au plaisir de la glisse. Et il convient bien à l’apprentissage des enfants. Manon a encore besoin de nous, Emilie et moi la prenons souvent entre nos jambes. Chloë, elle, profite de ce sentiment de liberté. Elle dévale les pistes, et je dois bien avouer qu’elle m’impressionne. On la sent libre, elle fait plaisir à voir. Le soleil était radieux, un peu trop presque. Il faisait fondre cet or blanc à vitesse grand V, mais bon sang, quel plaisir de skier avec mes filles et ma femme. Comme cela semble lointain.

Ce samedi 15 janvier au matin, Emilie a un grand projet pour nous. Elle ne nous l’a pas encore dévoilé, mais on la sent tout excitée. Je redoute un traquenard. J’ai raison.

« Nous allons aller chez Ikea, annonce-t-elle, triomphante. La lampe du salon ne va plus du tout avec les nouveaux meubles, on va aller en choisir une autre. »

Le redoutable piège est posé.

« Tu n’as qu’une lampe à acheter ? » demandais-je, fébrile.

« Oui oui », me répond Emilie. Depuis le temps que je suis marié avec Emilie, je suis toujours bluffé par sa capacité d’auto-persuasion. Elle a l’air d’y croire dur comme fer qu’elle va chez Ikea pour regarder une seule chose.

Je me laisse convaincre que cette sortie Ikea ne durera que 15 mn… et en route.

Manon a deux chaussures différentes, Chloë n’a pas attaché ses lacets, à quoi bon les faire puisqu’il faudra les défaire en rentrant, mais nous voici enfin partis.

« Chéri tu me guides ? »

« Ah toi sans ton GPS tu es perdu mon pauvre Ludo ! Ça fait dix mille fois que tu fais le trajet… »

Emilie a raison, j’ai fait ce trajet un certain nombre de fois, mais pas moyen de le retenir. Ceci dit, dix mille fois ne me semble pas réaliste. D’ailleurs, Emilie dit souvent des choses irréalistes. Emilie ne s’encombre pas de détails factuels, son esprit a mis au point une technique de qualification et de quantification plus simple basé sur la dichotomie : jamais et toujours, aucun et des milliards, impossible et enfantin, blanc ou noir. Moi qui suis ultra rationnel ça me rend dingue ce manque de nuance. Le pire c’est quand elle utilise sa méthode avec moi : tu ne fais jamais ceci, tu fais toujours cela… ce qu’elle m’énerve dans ces moments-là !

Arrivés chez Ikea, nous suivons, dociles, les consignes du chef.

Emilie nous guide fièrement à travers les allées. Enfin, ça, c’est son avis. Le mien est que nous sommes des animaux parqués dans une file qui n’a qu’un seul sens et qui nous force à passer devant toutes ces petites choses dont nous n’avions pas besoin, mais qui deviennent soudainement primordiales et urgentes. S’arrêtant çà et là, Emilie nous demande notre avis sur cette table, ce canapé, et cette nouvelle étagère Glückenflück qui irait si bien chez nous. En plus, il nous manquait vraiment une étagère chez nous, quelle aubaine qu’ils en aient une ! Ne la laissons pas filer. Nos filles découvrent les ordinateurs mis à disposition par nos amis suédois, et décident de refaire toute leur chambre avec le super logiciel méga extra simple. Et vas-y que j’te choisis un lit king size, et vas-y que j’te rajoute une armoire 3 portes… et aussi une coiffeuse, c’est pratique ça une coiffeuse ! Une fois leur configuration terminée, il leur faut une chambre plus grande que le salon pour y loger toutes leurs décos.

Pour tuer le temps, je m’assieds sur un canapé à l’aspect bien accueillant, et teste la position allongée. Mmmm… pas mal ce modèle « Rømpichtøn ».

« Ludo ! T’as pas fini de tester tous les fauteuils ? s’amusent mes trois femmes. À ce rythme-là, on n’a pas fini ! »

No comment.

Moi qui maudissais le réseau téléphonique en campagne, je vais pouvoir constater que chez Ikea ce n’est pas la campagne.

« Allo, coucou Papadou, coucou Mum. Vous allez bien ? Quoi ? Pas la semaine prochaine mais celle d’après ? Pour quelques jours ? Bien sûr, avec plaisir ! »

J’annonce à Emilie cette fabuleuse nouvelle, bizarrement elle n’a plus envie de flâner dans les allées. Elle devient soudainement pressée. « Ouf, sauvé par le dring », me dis-je égoïstement.

Sur le chemin du retour, les enfants chantent à tue-tête. L’arrivée de leurs grands-parents leur fait visiblement très plaisir. Ils habitent à cinq cents kilomètres de chez nous, et on ne les voit que trois ou quatre fois par an. Je me suis toujours demandé pourquoi ils ne descendaient pas plus souvent nous voir. Tous deux retraités, ils pourraient régulièrement venir passer une semaine à la maison, découvrir la région. Mais ils sont trop occupés, disent-ils. Emilie aussi est contente que mes parents viennent. Mais je sais qu’elle redoute le chamboulement que cela occasionne : mettre la maison en ordre, prévoir les repas, préparer les chambres. Emilie a une maison impeccable, mais ce n’est jamais assez bien pour elle, et cela la stresse. Le lâcher-prise, Emilie, elle connaît pas.

« Ça va être sympa, me réjouissais-je ouvertement, on ne passe plus assez de temps avec nos parents. »

« Ils arrivent dans deux semaines ? me fit reconfirmer Emilie, c’est chaud patate, mais ça va le faire. »