La Prude - Voltaire - E-Book

La Prude E-Book

Voltaire

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Extrait : "ADINE, habillée en turc : Ah ! mon cher oncle ! ah ! quel cruel voyage ! Que de dangers ! quel étrange équipage ! Il faut encor cacher sous un turban, Il faut encor cacher sous un turban, Mon nom, mon cœur, mon sexe, et mon tourment. DARMIN : Nous arrivons : je te plains ; mais, ma nièce, Lorsque ton père est mort consul en Grèce, Quand nous étions tous deux après sa mort, Privés d'amis, de biens, et de support, Que ta beauté, tes grâces, ton jeune âge..."À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARANLes éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : • Livres rares• Livres libertins• Livres d'Histoire• Poésies• Première guerre mondiale• Jeunesse• Policier

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Avertissement de Beuchot

Cette comédie a été composée en 1740 (voyez les lettres de Voltaire à Frédéric des 26 janvier et 10 mars ; celles du prince, des 26 février, 18 mars, et 15 avril 1740); elle était alors intitulée la Dévote. La plus ancienne édition que je connaisse est celle qui fait partie du tome VIII des Œuvres de Voltaire, Dresde, 1748-54, dix volumes in-8°. Un Avertissement, ajouté dans l’édition de 1752, était ainsi conçu :

« Cette comédie est un peu imitée d’une pièce anglaise intitulée Plain dealer. Elle ne paraît pas faite pour le théâtre de France. Les mœurs en sont trop hardies, quoiqu’elles le soient bien moins que dans l’original : il semble que les Anglais prennent trop de liberté, et que les Français n’en prennent pas assez. »

L’édition posthume de Kehl est la première qui contienne l’Avertissement suivant.

Avertissement de l’auteur

Cette pièce est bien moins une traduction qu’une esquisse légère de la fameuse comédie de Wicherley, intitulée Plain dealer, « l’Homme au franc procédé ». Cette pièce a encore en Angleterre la même réputation que le Misanthrope en France. L’intrigue est infiniment plus compliquée, plus intéressante, plus chargée d’incidents ; la satire y est beaucoup plus forte et plus insultante ; les mœurs y sont d’une telle hardiesse qu’on pourrait placer la scène dans un mauvais lieu attenant un corps de garde. Il semble que les Anglais prennent trop de liberté, et que les Français n’en prennent pas assez.

Wicherley ne fit aucune difficulté de dédier son Plain dealer à la plus fameuse appareilleuse de Londres. On peut juger, par la protectrice, du caractère des protégés. La licence du temps de Charles II était aussi débordée que le fanatisme avait été sombre et barbare du temps de l’infortuné Charles Ier.

Croira-t-on que chez les nations polies les termes de gueuse, de p… de bor…, de rufien, de m…, de v…, et tous leurs accompagnements, sont prodigués dans une comédie où toute une cour très spirituelle allait en foule ?

Croira-t-on que la connaissance la plus approfondie du cœur humain, les peintures les plus vraies et les plus brillantes, les traits d’esprit les plus fins, se trouvent dans le même ouvrage ?

Rien n’est cependant plus vrai. Je ne connais point de comédie chez les anciens ni chez les modernes où il y ait autant d’esprit. Mais c’est une sorte d’esprit qui s’évapore dès qu’il passe chez l’étranger.

Nos bienséances, qui sont quelquefois un peu fades, ne m’ont pas permis d’imiter cette pièce dans toutes ses parties ; il a fallu en retrancher des rôles tout entière.

Je n’ai donc donné ici qu’une très légère idée de la hardiesse anglaise ; et cette imitation, quoique partout voilée de gaze, est encore si forte qu’on n’oserait pas la représenter sur la scène de Paris.

Nous sommes entre deux théâtres bien différents l’un de l’autre : l’espagnol et l’anglais. Dans le premier on représente Jésus-Christ, des possédés et des diables ; dans le second, des cabarets, et quelque chose de pis.

Prologue

Récité par M. de Voltaire sur le théâtre de sceaux, devant madame la duchesse du Maine, avant la représentation de la comédie de la prude, le 15 décembre 1747.

Ô vous, en tous les temps par Minerve inspirée !
Des plaisirs de l’esprit protectrice éclairée,
Vous avez vu finir ce siècle glorieux,
Ce siècle des talents accordé par les dieux.
Vainement on se dissimule
Qu’on fait pour l’égaler des efforts superflus ;
Favorisez au moins ce faible crépuscule
Du beau jour qui ne brille plus.
Ranimez les accents des filles de Mémoire,
De la France à jamais éclairez les esprits ;
Et lorsque vos enfants combattent pour sa gloire,
Soutenez-la dans nos écrits.
Vous n’avez point ici de ces pompeux spectacles
Où les chants et la danse étalent leurs miracles ;
Daignez-vous abaisser à de moindres sujets :
L’esprit aime à changer de plaisirs et d’objets.
Nous possédons bien peu ; c’est ce peu qu’on vous donne ;
À peine en nos écrits verrez-vous quelques traits
D’un comique oublié que Paris abandonne.
Puissent tant de beautés, dont les brillants attraits
Valent mieux à mon sens que les vers les mieux faits,
S’amuser avec vous d’une Prude friponne,
Qu’elles n’imiteront jamais !
On peut bien, sans effronterie,
Aux yeux de la raison jouer la pruderie :
Tout défaut dans les mœurs à Sceaux est combattu :
Quand on fait devant vous la satire d’un vice,
C’est un nouvel hommage, un nouveau sacrifice,
Que l’on présente à la vertu.
Personnages

MADAME DORFISE, veuve.

MADAME BURLET, sa cousine.

COLETTE, suivante de Dorfise.

BLANFORD, capitaine de vaisseau.

DARMIN, son ami.

BARTOLIN, caissier.

LE CHEVALIER MONDOR

ADINE, nièce de Darmin, déguisée en jeune Turc.

 

La scène est à Marseille.

Acte premier
Scène I

Darmin, Adine.

ADINE, habillée en Turc.
Ah ! mon cher oncle ! ah ! quel cruel voyage !
Que de dangers ! quel étrange équipage !
Il faut encor cacher sous un turban
Mon nom, mon cœur, mon sexe, et mon tourment.
DARMIN
Nous arrivons : je te plains ; mais, ma nièce,
Lorsque ton père est mort consul en Grèce,
Quand nous étions tous deux après sa mort
Privés d’amis, de biens, et de support,
Que ta beauté, tes grâces, ton jeune âge,
N’étaient pour toi qu’un funeste avantage ;
Pour comble enfin, quand un maudit bacha
Si vivement de toi s’amouracha,
Que faire alors ? Ne fus-tu pas réduite
À te cacher, te masquer, partir vite ?
ADINE
D’autres dangers sont préparés pour moi.
DARMIN
Ne rougis point, ma nièce, calme-toi :
Car à la hâte avec nous embarquée,
Vêtue en homme, en jeune Turc masquée,
Tu ne pouvais, ma nièce, honnêtement
Te dépêtrer de cet accoutrement,
Prendre du sexe et l’habit et la mine
Devant les yeux de vingt gardes-marine,
Qui tous étaient plus dangereux pour toi
Qu’un vieux hacha n’ayant ni foi ni loi.
Mais, par bonheur, tout s’arrange à merveille,
Et nous voici débarqués dans Marseille,
Loin des bachas, et près de tes parents,
Chez des Français, tous fort honnêtes gens.
ADINE
Ah ! Blanford est honnête homme, sans doute ;
Mais que de maux tant de vertu me coûte !
Fallait-il donc avec lui revenir ?
DARMIN
Ton défunt père à lui devait t’unir ;
Et cet hymen, dans ta plus tendre enfance,
Fit autrefois sa plus douce espérance.
ADINE
Qu’il se trompait !
DARMIN
Blanford à tes beaux yeux
Rendra justice en te connaissant mieux.
Peut-il longtemps se coiffer d’une prude,
Qui de tromper fait son unique étude ?
ADINE
On la dit belle ; il l’aimera toujours ;
Il est constant.
DARMIN
Bon ! qui l’est en amours ?
ADINE
Je crains Dorfise.
DARMIN
Elle est trop intrigante ;
Sa pruderie est, dit-on, trop galante ;
Son cœur est faux, ses propos médisants.
Ne crains rien d’elle ; on ne trompe qu’un temps.
ADINE
Ce temps est long, ce temps me désespère.
Dorfise trompe ! et Dorfise a su plaire !
DARMIN
Mais, après tout, Blanford t’est-il si cher ?
ADINE
Oui ; dès ce jour où deux vaisseaux d’Alger
Si vivement sur les flots l’attaquèrent,
Ah ! que pour lui tous mes sens se troublèrent !
Dans mes frayeurs, un sentiment bien doux
M’intéressait pour lui comme pour vous ;
Et, courageuse, en devenant si tendre,
Je souhaitais être homme, et le défendre.
Songez-vous bien que lui seul me sauva,
Quand sur les eaux notre vaisseau brûla ?
Ciel ! que j’aimai ses vertus, son courage,
Qui dans mon cœur ont gravé son image !
DARMIN
Oui, je conçois qu’un cœur reconnaissant
Pour la vertu peut avoir du penchant.
Trente ans à peine, une taille légère,
Beaux yeux, air noble, oui, sa vertu peut plaire :
Mais son humeur et son austérité
Ont-ils pu plaire à ta simplicité ?
ADINE
Mon caractère est sérieux, et j’aime
Peut-être en lui jusqu’à mes défauts même.
DARMIN
Il hait le monde.
ADINE
Il a, dit-on, raison,
DARMIN
Il est souvent trop confiant, trop bon ;
Et son humeur gâte encor sa franchise.
ADINE
De ses défauts le plus grand, c’est Dorfise.
DARMIN
Il est trop vrai. Pourquoi donc refuser
D’ouvrir ses yeux, de les désabuser,
Et de briller dans ton vrai caractère ?
ADINE
Peut-on briller lorsqu’on ne saurait plaire ?
Hélas ! du jour que par un sort heureux
Dessus son bord il nous reçut tous deux,
J’ai bien tremblé qu’il n’aperçût ma feinte :
En arrivant, je sens la même crainte.
DARMIN
Je prétendais te découvrir à lui.
ADINE
Gardez-vous-en, ménagez mon ennui ;
Sacrifiée à Dorfise adorée,
Dans mon malheur je veux être ignorée ;
Je ne veux pas qu’il connaisse en ce jour
Quelle victime il immole à l’amour.
DARMIN
Que veux-tu donc ?
ADINE
Je veux, dès ce soir même,
Dans un couvent fuir un ingrat que j’aime.
DARMIN
Lorsque si vite on se met en couvent,
Tout à loisir, ma nièce, on s’en repent.
Avec le temps tout se fera, te dis-je.
Un soin plus triste à présent nous afflige ;
Car dans l’instant où ce Duguay nouveau
Si noblement fit sauter son vaisseau,
Je vis sauter ses biens et ma fortune ;
À tous les deux la misère est commune.
Et cependant à Marseille arrivés,
Remplis d’espoir, d’argent comptant privés,
Il faut chercher un secours nécessaire.
L’amour n’est pas toujours la seule affaire.
ADINE
Quoi ! lorsqu’on aime, on pourrait faire mieux ?
Je n’en crois rien.
DARMIN
Le temps ouvre les yeux.
L’amour, ma nièce, est aveugle à ton âge,
Non pas au mien. L’amour sans héritage,
Triste et confus, n’a pas l’art de charmer.
Il n’appartient qu’aux gens heureux d’aimer.
ADINE
Vous pensez donc que, dans votre détresse,
Pour vous, mon oncle, il n’est plus de maîtresse,
Et que d’abord votre veuve Burlet
En vous voyant vous quittera tout net ?
DARMIN
Mon triste état lui servirait d’excuse.
Souvent ; hélas ! c’est ainsi qu’on en use.
Mais d’autres soins je suis embarrassé ;
L’argent me manque, et c’est le plus pressé.
Scène II

Blanford, Darmin, Adine.

BLANFORD
Bon, de l’argent ! dans le siècle où nous sommes,
C’est bien cela que l’on obtient des hommes !
Vive embrassade, et fades compliments,
Propos joyeux, vains baisers, faux serments,
J’en ai reçu de cette ville entière ;
Mais aussitôt qu’on a su ma misère,
D’auprès de moi la foule a disparu ;
Voilà le monde.
DARMIN
Il est très corrompu :
Mais vos amis vous ont cherché peut-être ?
BLANFORD
Oui, des amis ! en as-tu pu connaître ?
J’en ai cherché ; j’ai vu force fripons