La République du Colonel - Asie Dominique de Marseille - E-Book

La République du Colonel E-Book

Asie Dominique de Marseille

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Beschreibung

Après plusieurs années d’absence, le colonel Obouma-Babouma, formé à l’étranger, revient dans sa terre natale, Kébélé, qu’il découvre minée par la misère et gangrenée par la corruption. Tandis que le roi Sahabi s’accroche au pouvoir, l’homme, discret mais résolu, entreprend une série d’actions qui vont bouleverser l’ordre établi et marquer à jamais l’histoire de Kébélé, devenue le symbole d’une renaissance démocratique. À travers son destin, cette histoire célèbre la quête de justice, de dignité et d’espoir d’un peuple en marche vers son émancipation.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Asie Dominique de Marseille tisse sa trajectoire entre plume et parole. Journaliste de formation, il a fondé les magazines Le choc et Le congolais révolté. Membre du Conseil supérieur de la liberté de communication de la République du Congo, son pays d’origine, il veille depuis les coulisses à l’équilibre des voix. Écrivain engagé, il publie en 2025, respectivement chez L’Harmattan et Leprisque, deux essais intitulés "L’appel du silence" et "Le Conseil supérieur de la liberté de communication", ainsi qu’un roman, "Le doute interdit", publié chez Hemar.

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Seitenzahl: 189

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Asie Dominique de Marseille

La République du Colonel

Espoir d’un peuple,

dignité d’une nation

Roman

© Lys Bleu Éditions – Asie Dominique de Marseille

ISBN : 979-10-422-7681-2

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Introduction

Apostrophé par un onirisme, il se lève brusquement de son lit, tel un bolide surgissant de nulle part. Un cauchemar l’a hanté. Dans son cauchemar, il était question qu’il mette un terme à ses intentions intentionnellement mal intentionnées. Il doit cesser de croire que le soleil se lèvera à l’Ouest pour ensuite tromper le sommeil à l’Est. Il doit abandonner ces postures de peur qui glacent la sangré dans tous les compartiments d’un corps qui refuse de s’humaniser. Le fait d’avoir désobéi aux naturelles dispositions des quatre points cardinaux, il apprend à ses dépens, que le nord de sa république a changé de positionnement et que le sud, lui est… Non ! Évitez ces idées alambiquées. Ne comprenez-vous pas que la notion de nation ne doit pas être gercée avec une telle audace ?

Son pays a conscience que… Stop ! Évitez de parler de conscience ; elle n’est qu’une allusion de l’illusion de la pensée. Et penser est l’expression extérieure du silence. Le silence est l’état de tout ce qui recule face à l’inexorable avancée du verbe, surtout lorsqu’il s’accroche à l’action. Et cette action, celle du colonel qui ne se permettra jamais de montrer sa fébrilité sur le front de la République aux risques de prendre une regrettable objurgation. Sa République, celle dont personne ne pardonnera le laxisme, et par conséquent, la tolérance envers la nonchalance.

Un colonel, un vrai ne niche que dans la peau d’un impavide et non dans celle d’un magané. Du haut de sa fonction, mais aussi et surtout de son grade grâlé, il ne trahira point, tout comme il ne balbutiera. Un colonel, çà ne prend jamais de risques croquignolesques surtout de reculer, car la mort est ton Rubicon, bien sûr qu’un colonel ne ressent jamais une quelconque thanatophobie. Avancer est le seul choix égoïste que tes compatriotes t’ont offert. Alors, va, pars et fais-leur entendre le songe du songe de leur pays.

Et quel pays ! Ces poussières de kilomètres carrés perdus dans un recoin pétillant et tourmenté du continent africain. C’est çà son pays, la républiquette de Kébélé, épitaphe mélancolique d’une nation engloutie par la tragique énergie du désespoir. Cette république a longtemps été assujettie au joug d’un monarque archaïque, le roi Sahabi, dont l’indifférence glaciale aux cris de son peuple a plongé la nation dans un océan tumultueux de pauvreté et de corruption. Les rues, pavées de souvenirs douloureux, résonnent des échos de rêves inachevés, où les rires innocents des enfants se mêlent aux lamentations désenchantées des adultes.

Au cœur de cette tourmente, un jeune officier, le colonel Obouma-Babouma, revient d’une métropole lointaine, animé par un idéal ardent et un enthousiasme débordant. Sa formation militaire, bien plus qu’un simple entraînement, lui a ouvert les yeux sur les injustices criantes que subit son peuple. Il en est revenu transformé, portant en lui une vision d’un avenir différent, où la dignité humaine et la liberté seraient des réalités accessibles à tous. Son retour dans cette terre meurtrie est le début d’un voyage audacieux, où il s’apprête à revendiquer un changement radical, à se dresser contre les chaînes de l’oppression.

Enraciné dans l’histoire tumultueuse de son pays, Obouma-Babouma ne se contente pas d’observer ; il s’engage avec ferveur. Aux côtés d’un groupe de partisans résolus, il élabore un plan ambitieux pour renverser le Roi et libérer Kébélé de l’oppression. Ce qui commence comme un acte de rébellion se transforme rapidement en un mouvement puissant, une vague de renaissance qui transcende les frontières de la nation et aspire à inspirer tout un continent.

Au fil des pages de cette épopée, nous suivrons le colonel dans ses luttes acharnées, ses victoires éclatantes et ses échecs déchirants. Chaque bataille est un révélateur de son caractère, chaque succès, un pas vers la réalisation de ses rêves, mais aussi un rappel des sacrifices nécessaires. Il devra affronter non seulement les forces intérieures hésitantes, mais aussi les pressions extérieures d’une France restée sourde à l’appel de la souveraineté africaine, qui voit en lui une menace à ses intérêts bien ancrés. Sa détermination face à cette adversité forge son identité d’un leader, celui qui est prêt à tout pour son peuple.

Au-delà de la lutte pour le pouvoir, Obouma-Babouma entreprend une quête profonde pour la dignité, pour une identité retrouvée, et pour l’unité d’un continent qui a longtemps été divisé. Il sait que son combat n’est pas seulement pour Kébélé, mais pour tous ceux qui aspirent à la liberté. La République du Colonel est une ode à la résilience, un récit d’espoir et d’ambition, où la voix d’un homme peut insuffler la vie à des millions d’autres.

À travers son histoire, nous découvrons que la route vers la liberté est souvent chaotique et semée d’embûches, mais qu’elle est également jalonnée de moments de lumière et d’inspiration. Obouma-Babouma incarne la volonté collective d’un peuple qui refuse de se soumettre à la fatalité. Chaque rencontre, chaque alliance, chaque défi surmonté devient une pierre angulaire dans l’édifice de sa lutte, rappelant à chacun que la dignité et la liberté sont des droits inaliénables à revendiquer ensemble.

En suivant le colonel Obouma-Babouma dans son parcours, nous sommes invités à réfléchir sur notre propre engagement envers la justice et l’égalité. C’est une histoire qui interpelle, qui appelle à l’action et à la solidarité, nous rappelant que même dans les moments les plus sombres, l’espoir peut naître de la détermination et de la foi en un avenir meilleur. La voix du colonel résonne comme un gong, guidant ceux qui l’écoutent vers un horizon où les rêves d’un peuple se dessinent, où l’unité et la force collective peuvent conduire à un renouveau souhaité.

Chapitre 1

Retour aux racines

Le colonel Obama-Babouma fait ses valises, car il doit prendre un vol qui le ramènera redécouvrir son Kébélé natal, qu’il a quitté voici cinq ans. Il a des idées atrabilaires, son réveil onirique semble lui procurer un sentiment de crainte pour ce long voyage de huit heures de vol. Les avions, il les a toujours pris sans ressentir une quelconque aérophobie. À peine dans l’avion il plonge dans un profond sommeil comme pour rattraper celui troublé la veille par un terrible cauchemar.

L’avion atterrit sur le tarmac chaotique de l’aéroport de Ntsampougou, la ville capitale de Kébélé, le bruit des réacteurs s’estompe lentement. Le colonel Obouma-Babouma, jeune officier au regard déterminé, jette un dernier coup d’œil sur la vaste étendue de la terre qu’il a laissée derrière lui. Retourner chez lui après cinq ans de formation militaire dans une métropole lointaine, c’est un rêve qui se mêle désormais à l’angoisse du souvenir. Une vision de son pays, autrefois vibrant, inonde son esprit : les rires d’enfants jouant dans les ruelles, les marchés colorés, débordants de produits frais, et la chaleur du soleil africain.

Cependant, à peine posé sur le sol de sa patrie, il est accueilli non pas par des chants de joie, mais aussi par un silence pesant. L’aéroport, jadis animé, semble désempli. Seules quelques silhouettes floues se déplacent, échappant à l’image familière d’une nation vivante. Le colonel ressent un frisson pernicieux ; quelque chose ne va pas, ça se sent et ça se voit.

En prenant un taxi pour rejoindre Ntsampougou, il observe avec une profonde tristesse le macabre décor qui défile sous ses yeux. Les routes sont fissurées, les murs des bâtiments effrités, et les visages des passants trahissent une fatigue chronique. Les sourires que les enfants arboraient autrefois se sont évaporés, remplacés par des regards vides. Au coin de chaque rue, un homme ou une femme tend la main, les yeux implorants, un reflet du désespoir qui a désormais pris racine au cœur de Kébélé, son pays natal qu’il a tant aimé, tant chéri.

En traversant Ntsampougou, Obouma-Babouma se remémore les promesses de changement qu’il avait tant rêvées durant ses années d’études. Il avait imaginé revenir comme un phare d’espoir, armé d’idées novatrices, une vision solide pour éradiquer la pauvreté et la corruption qui gangrènent son pays. Mais à présent, face à cette réalité accablante, il commence à douter de la possibilité d’un changement véritable. Les idéaux qu’il avait portés en lui se heurtent à la dureté du monde réel, et il se demande si le chemin qu’il s’apprête à emprunter est pavé de bonnes intentions ou de désillusions.

Enfin, son taxi s’arrête devant le quartier général des Forces Armées de Kébélé (F.A.K.), un bâtiment vétuste qui semble porter le poids de l’histoire. En sortant, il respire une bouffée d’air chaud, chargée de poussière et de souvenirs oubliés. L’odeur des murs décrépis et du béton fissuré le frappe avec force, il se sent comme un étranger dans un endroit qui devrait lui être familier. Bien que ses camarades l’accueillent avec chaleur, leurs visages portent les marques des luttes qu’ils affrontent au quotidien. Les salutations, bien que sincères, sont teintées d’un mélange de joie et de résignation. L’enthousiasme qu’il avait espéré n’est pas aussi vibrant qu’il l’avait imaginé. Ses collègues sont fatigués des promesses non tenues, des discours politiques qui semblent ignorer le cri du peuple.

Une réunion est rapidement convoquée dans le grand auditorium des F.A.K., un lieu chargé d’histoire, nommé en hommage à Lengouri, un soldat valeureux tombé au champ d’honneur durant la lutte pour l’indépendance. Alors que le colonel Obouma-Babouma prend la parole, un sentiment de responsabilité l’envahit. Les regards sont rivés sur lui, mais il sent aussi le poids des attentes qui pèsent sur ses épaules. Il parle avec ferveur de la nécessité d’un changement urgent, appelant à une réflexion collective sur l’avenir de la nation. Il évoque l’importance de se rassembler, de renouer les liens qui unissent les soldats et le peuple, de créer un avenir où l’espoir pourrait renaître. Mais il tâte également le terrain pour sa propre légitimité. Les murmures de scepticisme commencent à résonner dans la salle, comme une vague de doutes qui l’entoure.

Un ancien camarade, le capitaine Kedouma, lui lance un regard perçant et provocateur : « Qu’as-tu réellement appris là-bas en dehors de l’art de la guerre ? Te souviens-tu des promesses que nous avons faites en tant qu’armées ? » Les mots de Kedouma résonnent dans l’air comme un coup de tonnerre, frappant le colonel de plein fouet. Cette question, bien que directe, creuse un trou béant de vérité. Il réalise qu’il devra être plus qu’un simple leader militaire ; il doit devenir le porte-voix des aspirations de son peuple. Les lignes entre militaires et civils s’estompent, et il comprend que les enjeux sont bien plus complexes que la simple gestion de l’autorité.

Après la réunion, alors que la nuit enveloppe Kébélé d’une obscurité épaisse et silencieuse, Obouma-Babouma se retire dans son modeste appartement, un espace qui lui semble à la fois familier et étranger. Les murs décolorés, chargés de souvenirs, murmurent des échos d’un temps révolu où l’espoir semblait encore palpable. Assis sur le rebord de la fenêtre, il laisse son regard se perdre parmi les étoiles scintillantes qui illuminent le ciel nocturne comme des éclats de rêves oubliés. Chaque étoile devient une pensée, une aspiration à la liberté, à la dignité et à la prospérité de son peuple, qui ne doivent pas rester de simples chimères.

Il se souvient des discours enflammés de ses années d’études, des idéaux de démocratie et de justice qu’il avait embrassés avec ferveur. Mais aujourd’hui, cette passion semble lointaine, assombrie par le spectre de l’indifférence et de la souffrance qui taraude sa patrie. Une pensée l’assaillit avec une clarté poignante : il ne peut se permettre de se contenter de mijoter des intentions vagues, murmurées dans l’ombre. Sans actions concrètes, ces idées, aussi nobles soient-elles, resteront à jamais au stade embryonnaire, noyées dans l’hésitation et la fatalité ambiantes. L’urgence de la situation se fait de plus en plus pressante, une réalité implacable qui lui pèse sur le cœur.

Ce sentiment d’urgence s’impose à lui avec brutalité, comme une décharge électrique, le tirant de ses réflexions. Le roi Sahabi, perché sur son trône, semble flotter dans une ignorance délibérée, indifférent à la souffrance de son peuple. Cet homme, censé être le défenseur de la nation, s’est mué en un symbole d’oppression ancestrale et de stagnation. Les visages des citoyens, marqués par la douleur et l’épuisement, hantent son esprit. Le colonel est conscient que le moment est venu d’agir, de briser les chaînes de l’apathie et d’éveiller un désir de changement qui sommeille depuis trop longtemps.

La République de Kébélé doit émerger des cendres du désespoir, et il est résolu à endosser le rôle d’architecte de ce renouveau tant attendu. Les mots de ses camarades résonnent en lui, un rappel des promesses faites et des espoirs partagés. Il se lève, une nouvelle détermination brûlant en lui comme une flamme ravivée. Les étoiles au-dessus de lui semblent murmurer des promesses d’un lendemain meilleur, leurs lueurs scintillantes illuminant le chemin qu’il doit emprunter.

Le colonel Obouma-Babouma est prêt à devenir le catalyseur du changement, à réveiller l’âme de sa patrie endormie, à insuffler une nouvelle vie dans les cœurs fatigués. Il sait que cela ne sera pas une tâche facile, que les obstacles seront nombreux et que le chemin sera semé d’embûches. Mais l’idée de faire renaître l’espoir parmi ceux qui souffrent le pousse à avancer. Il ne peut plus rester en retrait ; il doit se battre pour ceux qui n’ont plus la force de le faire, pour ceux qui ont perdu foi en l’avenir.

Son voyage vers un avenir incertain vient à peine de commencer, mais il est déterminé à marcher sur ce chemin, quoi qu’il en coûte. Avec chaque pas qu’il imagine, il ressent le poids des attentes de son peuple sur ses épaules, un fardeau qu’il est prêt à porter. Il se jure de ne pas échouer, de ne pas trahir les rêves d’une nation qui aspire à la liberté. En regardant une dernière fois les étoiles, il se promet que Kébélé ne sera plus jamais réduite au silence et à la souffrance. Le temps du changement est venu, et il sera l’architecte de cette nouvelle aube.

Chapitre 2

Prise de conscience

La lumière du matin s’infiltre à travers les rideaux usés de l’appartement du colonel Obouma-Babouma, dessinant des ombres délicates sur les murs fatigués. Les rayons dorés du soleil, filtrant timidement à travers la poussière, semblent vouloir chasser les ténèbres qui pèsent sur son esprit. Réveillé par les cris joyeux des enfants jouant dans la rue, il se laisse emporter par cette mélodie familière qui évoque des souvenirs d’une enfance heureuse, où chaque instant était empreint d’innocence et d’espoir. Cependant, ces réminiscences s’évanouissent rapidement, noyées sous le poids de la dure réalité qui l’entoure. Kébélé, sa terre natale, est marquée par une souffrance silencieuse, une mélancolie palpable qui se fait ressentir à chaque coin de rue, chaque visage croisé.

Le colonel se lève lentement, le corps engourdi par une nuit agitée. Il se penche sur le miroir, une sensation amère l’envahissant. Le reflet d’un jeune homme en uniforme, orné de diplômes prestigieux et porté par un idéal de changement, est terni par le poids écrasant des attentes. Son cœur se serre alors qu’il se remémore ses années d’études à l’étranger, la chaleur des discussions passionnées sur la réforme et la justice, les rêves qu’il avait tissés avec ses camarades au fil des nuits blanches. De retour à Kébélé, il est animé par d’énormes aspirations, mais la brutalité du présent ne lui laisse aucun répit. Les idéaux qui l’avaient soutenu sont désormais confrontés à une réalité implacable.

Au moment du petit déjeuner, il s’installe avec sa mère, Adeni, dont le visage porte les marques des années de privations et des luttes quotidiennes. Dans un silence pesant, ils partagent un repas frugal, un simple mélange de pain et d’eau, cet aliment de base devenu symbole de lutte pour la survie. Elle lui raconte des histoires des voisins, des visages familiers de son enfance, des récits de vies brisées par la pauvreté. « Le marché est désert, mon fils. Les prix continuent d’augmenter, et beaucoup d’entre nous n’avons même plus l’argent pour acheter du pain », lui confie-t-elle, ses yeux reflet d’une douleur poignante qu’Obouma-Babouma ne peut ignorer. Ces paroles, chargées d’inquiétude, résonnent en lui comme un appel profond à l’action.

Il réalise que sa formation se limite à des leçons théoriques sur la stratégie et la discipline, mais qu’il lui reste à apprendre à mieux comprendre les besoins de son peuple. La puissance de son pouvoir militaire n’aura de sens que si elle est accompagnée d’une compréhension aiguë des réalités quotidiennes qui rongent la vie des citoyens de Kébélé. Le contraste entre son statut de colonel, respecté, mais éloigné, et la souffrance tangible de ceux qui l’entourent est douloureux. Les idéaux de liberté et de justice qu’il a embrassés à l’étranger semblent maintenant hors de portée, réduits à des mots sans substance.

L’oisiveté, la désillusion et l’injustice ont poussé certains jeunes à emprunter le chemin sombre du banditisme urbain et des voyages périlleux vers l’hexagone. Ils s’embarquent dans des embarcations de fortune, affrontant les océans tumultueux, cherchant désespérément une vie meilleure, une chance de s’épanouir. Cette quête désespérée est un cri silencieux, un reflet de la vie qu’ils ont perdue dans leur propre pays. Les récits de naufrages et d’espoirs brisés s’entremêlent dans son esprit, suscitant en lui une colère sourde. Kébélé devient une image tragique du désespoir, où les rêves se perdent dans les abysses de l’indifférence.

Ces jeunes, regroupés en bandes organisées, se font appeler Kuluna, véritables gangs de tueurs, portant des surnoms évocateurs tels que « Américains », « Arabes », « Faucons » et « Vautours », sans oublier des noms aussi terrifiants que « Tigres » et « Léopards ». Cette nomenclature, loin d’être anodine, témoigne de leur instinct grégaire et de leur propension à la violence meurtrière. Leur existence devient un cri de rage face à l’indifférence des institutions, un moyen de revendiquer une place dans un monde qui les a oubliés. Ce constat aiguise la détermination du Colonel, qui ne peut sous-estimer l’ampleur du délabrement social et culturel de son pays.

Réalisant l’urgence de la situation, il prend la décision de se rendre au marché central, un lieu vibrant de vie et de commerce, mais aussi de désespoir. En chemin, il s’efforce d’écouter les murmures de son peuple. Il n’est pas qu’un simple officier, mais un fils de Kébélé, un enfant de cette terre, et il se doit de ressentir le pouls de sa communauté. À son arrivée, il est accueilli par une foule à la fois curieuse et méfiante. Ses discours antérieurs, bien que pleins d’espoir, et son uniforme suscitent des regards mêlés de respect et de défiance. Il sait que chaque regard, chaque murmure, est chargé d’une attente qui pèse sur ses épaules.

S’approchant des vendeurs, il engage la conversation avec eux, espiègle et sincère. Un vieil homme, Samono, marchand de fruits, lui lance une question percutante : « Colonel, vous nous avez promis un changement. Mais par où commencer quand tout est rongé par la corruption ? » Cette simple interrogation le touche profondément, ses mots transpercent son cœur comme un coup de poignard. Il réalise que pour répondre à cette question, il devra s’attaquer aux racines du mal qui gangrènent sa nation.

Obouma-Babouma comprend que la corruption ne se limite pas aux coulisses du pouvoir, mais qu’elle s’est insidieusement infiltrée dans chaque recoin de la société. Les pots-de-vin, les passe-droits et les injustices sont devenus des normes acceptées, des habitudes que même les plus vertueux semblent avoir intégrées. Face à cette réalité accablante, il ressent une colère qui monte en lui, mais également un besoin urgent d’agir. Une lueur d’espoir commence à poindre : le peuple, bien que résigné, aspire au changement. Peut-être est-il destiné à incarner ce messie, ce sauveur du peuple Kébélois qui ploie sous le poids d’une misère atroce.

Au fil des jours, il consacre de plus en plus de temps aux habitants de Kébélé, écoutant leurs histoires, s’imprégnant de leurs défis, et admirant leur résilience. Les discussions prennent de l’ampleur autour des frustrations politiques, chacun partageant ses craintes. Le roi Sahabi, imperturbable sur son trône, devient un objet de moquerie et de mépris. Les rumeurs d’une révolte imminente circulent, et Obouma-Babouma ne peut ignorer l’énergie palpable qui émane de son entourage, créant une atmosphère de tension et d’espoir mêlés.

Une nuit, alors qu’il rentre chez lui après une longue journée à arpenter les rues de la ville, il aperçoit une petite place où des jeunes s’assemblent. Ils chantent des slogans pour la liberté, brandissant des banderoles aux couleurs vives, leurs voix résonnant comme un cri de ralliement. Le Colonel ressent une poussée d’adrénaline. Ils ne se contentent plus d’attendre le changement ; ils sont en train de l’appeler de toutes leurs forces. Leur détermination est contagieuse, une lumière dans l’obscurité qui enveloppe la ville.

Lorsqu’un jeune lui demande de se joindre à eux, il sent la détermination s’emparer de son esprit. « L’avenir appartient à ceux qui se battent pour lui », se répète-t-il, se sentant tiraillé entre son devoir militaire et son appel à l’action. Obligation éthique et appel du devoir, tout cela converge dans son esprit. Cette prise de conscience l’électrise. Le Colonel n’est pas simplement un officier ; il est un leader potentiel, un réorganisateur en temps de crise.

En rentrant chez lui ce soir-là, Obouma-Babouma se rend compte qu’il est à un carrefour décisif, un moment charnière qui pourrait redéfinir non seulement sa propre vie, mais aussi le destin de tout un peuple. La souffrance de son peuple, qu’il a côtoyée tout au long de ses journées, l’illumine d’une clarté nouvelle. Chaque visage marqué par la peine, chaque histoire de désespoir résonne en lui comme un appel à l’action. Il comprend que le pouvoir militaire, si puissant qu’il puisse être, ne peut plus être un outil d’oppression ou d’indifférence. Au contraire, il doit être guidé par le cœur du peuple, un cœur qui bat encore, malgré l’oppression et les blessures du passé.