La Science au présent 2020 - Encyclopaedia Universalis - E-Book

La Science au présent 2020 E-Book

Encyclopaedia Universalis

0,0

Beschreibung

Plongez au cœur de l’actualité scientifique d’aujourd’hui !

Revivez les temps forts de l’actualité scientifique de l’année 2019 !
Tour à tour surprenantes, enthousiasmantes ou inquiétantes, mais toujours passionnantes, la science et les techniques sont au cœur de notre vie quotidienne.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 790

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

Retrouvez notre catalogue sur www.boutique.universalis.fr

Pour tout problème relatif aux ebooks Universalis, merci de nous contacter directement sur notre site internet :http://www.universalis.fr/assistance/espace-contact/contact

Sources iconographiques de la couverture :

1 Nébuleuse de l’Aigle

© NASA/ ESA/ Hubble Heritage Team (STScI/ AURA)/ J. Hester, P. Scowen (Arizona State U.)

2 Cyathea borbonica, fougère arborescente

© Sabine Hennequin

3 Salamandre tachetée atteinte de chytridiomycose

© Frank Pasmans/ Wildlife Health Ghent, UGent

4 Expérience dite d’Avogadro

© PTB (Physikalisch-Technische Bundesanstalt)

5 Première image télescopique d’un trou noir supermassif

© Event Horizon Telescope Collaboration/ ESO

© Encyclopædia Universals France, 2020

ISBN 978-2-34101-219-5

Bienvenue dans cet ouvrage, La Science au présent 2020, publié par Encyclopædia Universalis.

Vous pouvez accéder simplement aux articles de La Science au présent à partir de la Table des matières.

Pour une recherche plus ciblée, utilisez l’Index, qui analyse avec précision le contenu des articles et multiplie les accès aux sujets traités.

Vous pouvez bien sûr lire cet ouvrage du début à la fin.

Afin de consulter dans les meilleures conditions cet ouvrage, nous vous conseillons d'utiliser, parmi les polices de caractères que propose votre tablette ou votre liseuse, une fonte adaptée aux ouvrages de référence. À défaut, vous risquez de voir certains caractères spéciaux remplacés par des carrés vides (□)

Encyclopædia Universalis

sous la responsabilité scientifique de CLAUDIE JOURDAN et GABRIEL GACHELIN

Ont collaboré :

CÉLINE BÉNARD, ÉRIC BOITEUX, PASCAL BRÉVAL, SIMON CALLEWAERT, CHARLOTTE CAULY, CÉLINE DESROCHES-LAGANE, MARIE-LAURE FIOR, VALÉRIE LECOEUR, SOPHIE LÉONARD, PHILIPPE LEMONNIER, SYLVIE MAZEAUD, CAROLE MONGRENIER, ÉMILIE PICAUDÉ, GILLES QUINSAT, FRANÇOISE WEYL

Correspondants

VÉRONIQUE ANSAN (planétologie), VÉRONIQUE BARRIEL (paléontologie), NICOLE BERLINE (mathématiques), MICHEL BLAY (histoire des sciences), MARIE-CLAUDE BOMSEL (sciences de la vie), JEAN-PIERRE BOURGUIGNON (mathématiques), ERIC BUFFETAUT (paléontologie), VIRGINIE CAVIER (écotoxicologie), FLORENCE DANIEL (sciences de la Terre), JEAN-PAUL DELAHAYE (mathématiques, informatique), JEAN-PAUL DELÉAGE (environnement), JEAN-PAUL DEMOULE (archéologie), BETTY DODET (santé et médecine), PASCAL DURIS (histoire des sciences), JACQUELINE FAUVARQUE (chimie), JEAN-CYR GAIGNAULT (pharmacologie), BRUNO JACOMY (techniques), CLAUDE JAUPART (sciences de la Terre), RENÉ LAFONT (sciences de la vie), HERVÉ LE GOFF (techniques), HERVÉ LE GUYADER (sciences de la vie), FABIENNE LEMARCHAND (sciences de la Terre), PIERRE LÉNA (astronomie), JAMES LEQUEUX (astronomie), ANNIE-CHANTAL LEVASSEUR-REGOURD (astronomie), BERNARD MARCK (aviation), BRUNO MAUREILLE (paléoanthropologie), DAVID QUÉRÉ (physique), ÉLIE RAPHAËL (physique), ALAIN SCHNAPP (archéologie), BRIGITTE SENUT (paléontologie), ÉRIC TALADOIRE (archéologie), PASCAL TASSY (paléontologie), JEAN-LUC TEILLAUD (biochimie), ALAIN THOTE (archéologie), CORINNE TUTIN (santé et médecine), BERNARD VANDERMEERSCH (paléoanthropologie), DENIS VIALOU (archéologie)

Ont également collaboré

JSI (maquette originale) ; Éditions du Saule (révision de la maquette) ; Nord Compo (mise en page et photogravure)

AU LECTEUR

À partir de la révolution industrielle, le dynamisme de l’édition est régulièrement allé de pair avec l’intérêt soutenu d’un large public pour la science. Les ouvrages de Camille Flammarion, les volumes de l’année scientifique et industrielle de Louis Figuier ou encore les romans de Jules Verne dans le domaine de la fiction cherchaient à répondre au besoin ressenti par un public de plus en plus étendu de mieux comprendre la nature du fait scientifique et aussi de saisir de quelle manière celui-ci venait modifier, parfois radicalement, notre rapport à la réalité.

Par la suite, de nombreuses publications ont suivi cette voie. Depuis 1997, La Science au présent se situe dans cette lignée. Elle s’efforce à son tour de répondre à quelques besoins majeurs, en rendant compte aussi précisément que possible des changements survenus dans un domaine scientifique et en choisissant avec soin, dans le flux d’informations qui sont reprises par les revues et les journaux, le fait pertinent, celui qui va vraiment marquer, à la suite d’une découverte ou d’une observation, une inflexion notable, voire une redéfinition de la discipline examinée. Pareil regard, cela va de soi, ne peut s’exercer que si le fait scientifique se trouve replacé dans un contexte plus large, celui de l’histoire des idées, tout en prenant en compte les questions éthiques et environnementales contemporaines.

Décrire, mettre en perspective, débattre et faire preuve d’esprit de synthèse, inscrire chaque information dans un cadre historique : c’est à ce prix que la connaissance scientifique peut être mieux comprise et située, à travers les multiples disciplines qui la constituent.

Ce sont ces quelques principes qui gouvernent chaque sommaire de La Science au présent. Le volume s’organise en cinq grandes parties. Il s’ouvre avec les ÉTAPES, qui font le point sur les avancées récentes qui viennent compléter nos connaissances, voire les bousculer. À travers la carrière des scientifiques qui se voient récompensés, les PRIX mettent en évidence quels travaux marquent, d’une année à l’autre, l’évolution des savoirs. Les CONTROVERSES nous permettent de nous situer face au progrès scientifique et technique, en évaluant son impact tant sur la société que sur notre quotidien. Les PANORAMAS proposent une vision synthétique d’un domaine ou d’une discipline ayant atteint son point de maturité. Enfin, grâce aux ANNIVERSAIRES et à leur approche fondée sur la chronologie, nous saisissons mieux comment, à travers la vie et l’œuvre d’un savant, la formulation d’une théorie ou l’application d’une technologie, l’histoire des sciences se construit au fil du temps.

L’Éditeur

TABLE DES MATIÈRES

Étapes
La science en marche : le point sur quelques avancées récentes
Archéologie-paléontologie
Une nouvelle espèce d’Homo aux Philippines
Découverte des fossiles
Caractéristiques morphologiques
Une nouvelle espèce ?
Évolution buissonnante
À quoi ressemblait Homo luzonensis ? 
D’où vient Homo luzonensis ?
Du nouveau pour l’homme de Denisova
Quelques fragments fossiles attribués aux Dénisoviens
Les Dénisoviens : une nouvelle espèce d’homininés ?
Les codex mayas
De multiples supports d’écriture
Le codex de Dresde
Le codex de Paris
Le codex de Madrid
Le codex Grolier
Lisowicia bojani, un dicynodonte géant
Qui étaient les Dicynodontes ?
Un dicynodonte de très grande taille
L’extinction des Dicynodontes : mort subite ou lente agonie ?
Lisowicia bojani : dernier lutteur face aux challengers dinosauriens ?
L’Europe : une terre de Dicynodontes ?
Astronomie-espace
Première image télescopique d’un trou noir
Une prouesse technologique
De la simulation numérique à l’image réelle
La mission New Horizons
Historique et trajectoire de New Horizons
Le vaisseau spatial et sa charge utile
Principales découvertes
Perspectives
Santé-médecine
Le virus du Nil occidental
Description
Cycle de transmission
Extension géographique
L’infection du virus du Nil occidental chez l’homme
Une propagation à surveiller
Le microbiome humain
Exploration du microbiome humain
Les composants des microbiotes du tube digestif
Conséquences du déséquilibre entre populations bactériennes
Microbiote, maladies intestinales et maladies métaboliques
Effets généraux des microbiotes
Nouvelles approches thérapeutiques ?
Sciences de la vie
Les champignons pathogènes des amphibiens
Les champignons responsables de la chytridiomycose
Symptômes de la chytridiomycose
Les impacts de la chytridiomycose sur les amphibiens
Origine et voies d’introduction des chytrides
La lutte contre les infections à chytrides
Sciences de la Terre
Le cyclone Idai
Le climat du Mozambique et les cyclones tropicaux
Le cyclone Idai
Observation et prévision des cyclones
La grêle
Structure et formation des particules de grêle
Caractéristiques des chutes de grêle
Répartition géographique de la grêle dans le monde
Climatologie des chutes de grêle en France
La lutte contre la grêle
Prix
Prix et distinctions de l’année
Prix Nobel de chimie 2019 : les recherches sur les batteries lithium-ion récompensées
Contexte de la découverte
Les travaux de ces trois chercheurs pour aboutir à la batterie Li-ion
Prix Nobel de physiologie ou médecine 2019 : l’adaptation des cellules à la quantité d’oxygène disponible
Prix Nobel de physique 2019 : un théoricien de la cosmologie et les découvreurs de la première exoplanète mis à l’honneur
L’Univers sculpté par les galaxies
Des planètes hors du système solaire, une révolution
Prix Abel 2019 : la création du domaine mathématique de l’analyse géométrique
Prix Lasker 2019 : l’immunologie à l’honneur
Le prix Albert-Lasker pour la recherche médicale fondamentale
Le prix Lasker-DeBakey pour la recherche clinique
Le prix Lasker-Bloomberg en santé publique
Médaille d’or du CNRS 2019 : des travaux novateurs en nanosciences
Une formation partagée entre la France et les États-Unis
Des nanotubes de carbone aux interactions lumière-matière
Controverses
Sciences et société : débats et questions d’actualité
Préformation et épigenèse
De la spéculation à l’observation scientifique des embryons
Triomphe des « œufs »
Domination de la préformation oviste
Observations en faveur de la préformation
Crépuscule de la préformation
Déploiement de la néo-épigenèse
La résolution des énigmes
L’endométriose
Un tissu utérin devenu ectopique
Un diagnostic difficile et souvent tardif
Comment réduire les délais diagnostiques ?
Absence de traitement définitif
Mieux cerner le vécu des patientes
Sensibilisation à l’endométriose
Panoramas
Des dossiers de fond pour savoir et comprendre
LES TROUS NOIRS
1. Qu’est-ce qu’un trou noir ?
2. Différents types de trous noirs et processus de formation
3. Physique des trous noirs
4. Singularités et trous de ver
5. Signatures électromagnétiques des trous noirs
6. Détection des trous noirs stellaires
7. Détection des trous noirs intermédiaires
8. Détection des trous noirs géants
9. Détection des trous noirs primordiaux
10. Collisions de trous noirs et ondes gravitationnelles
11. Visualisation numérique des trous noirs
12. Imagerie directe d’un trou noir supermassif
13. Trous noirs et futur de l’Univers
LE SYSTÈME INTERNATIONAL D’UNITÉS
1. Du système métrique au Système international d’unités
2. Le rôle du Comité consultatif des unités
3. Un système cohérent et universellement reconnu
4. Des unités désormais reliées à des constantes de la nature
BIG DATA
1. Ordres de grandeur, changement d’échelle
2. Caractéristiques des données du big data
Volume des données
Vitesse d’acquisition des données ou vélocité
Variété de données
Véracité
Valeur
3. Les aspects matériels du big data
4. Les aspects algorithmiques et logiciels du big data
Apprentissage supervisé
Apprentissage non supervisé
Apprentissage par renforcement
5. Applications du big data
La santé et les sciences
Les services
Les transports
La consommation et la société
6. Risques liés au big data
Atteinte à la vie privée
Entropie incontrôlée et infobésité
7. Le futur du big data
LES FIÈVRES HÉMORRAGIQUES VIRALES
1. Symptômes généraux des fièvres hémorragiques virales
2. Une grande diversité de virus impliqués
3. Cycle de transmission des fièvres hémorragiques virales
4. Répartition géographique des fièvres hémorragiques virales
5. Diagnostic des différentes fièvres hémorragiques virales
6. Thérapeutiques et prévention des fièvres hémorragiques virales
L’IMMUNITÉ INTESTINALE
1. Organisation tissulaire de la muqueuse intestinale
2. Les acteurs de l’immunité mucosale
3. Les cellules tuft, pivots de l’immunité mucosale
Identification des agents pathogènes par grandes familles
La découverte des cellules tuft
Implication des cellules tuft dans l’immunité de type 2
Capacités « perceptives » des cellules tuft
Une ouverture thérapeutique ?
LA SISMICITÉ EN FRANCE
1. Quelques rappels sur la sismicité
Qu’est-ce qu’un séisme  ?
Comment localiser les séismes  ? 
Caractérisation des séismes
2. Sismicité métropolitaine
Sismicité instrumentale
Sismicité historique
Archéosismicité et paléosismicité
3. Origine de la sismicité métropolitaine
Cinématique de la France métropolitaine
Les Alpes
Les Pyrénées
Les Vosges, le fossé rhénan et le reste de la France
4. L’aléa sismique en France
5. Sismicité des territoires ultramarins
Les Antilles
Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon
La Réunion et Mayotte
Les territoires du Pacifique
LA SUPERFLUIDITÉ
1. Principales étapes de la superfluidité
2. Les propriétés singulières de l’hélium 4 à la lumière de la théorie de la superfluidité
Quelques propriétés spectaculaires de l’hélium 4
Condensation de Bose-Einstein et modèle à deux fluides
Autres propriétés de l’hélium 4 superfluide
3. Le cas de l’hélium 3
4. Les gaz froids quantiques
5. Applications de la superfluidité
LES MONILOPHYTES
1. Caractéristiques des Monilophytes, reproduction et cycle de vie
Morphologie du sporophyte
Cycle de vie des Monilophytes
Variations autour du cycle de vie des Monilophytes
2. Diversité actuelle et classification des Monilophytes
Les Equisetidae
Les Ophioglossidae
Les Marattiidae
Les Polypodiidae (fougères leptosporangiées)
3. Évolution et diversité passée
4. Importance écologique des Monilophytes
5. Utilisations des Monilophytes
Consommation
Usages médicinaux
Culture et arts
Horticulture
Anniversaires
L’histoire des sciences à travers les anniversaires célébrés en 2020
Il y a 600 ans... : 1420
Brunelleschi entame la construction de la coupole de Santa Maria del Fiore
Il y a 400 ans... : 1620
Mort de Simon Stevin
• Un théoricien et inventeur flamand au service d’un prince
• Travaux en mathématiques pures et appliquées
• Apports en physique
Publication de Novum Organum de Francis Bacon
Il y a 350 ans... : 1670
Mort de Johann Glauber
Il y a 250 ans... : 1770
Publication de réflexions sur la résolution algébrique des équations de Joseph Louis Lagrange
Mort de Jean Antoine Nollet
Brevet de la première machine à filer le coton
Mort de Rouelle l’Aîné
Mort de Jean-Baptiste Sénac
Il y a 200 ans... : 1820
Publication de l’expérience d’Œrsted
Caventou et Pelletier isolent la quinine
• Historique
• Chimie thérapeutique de la quinine
Brevet pour l’arithmomètre
• De l’invention au succès commercial
• Principe et fonctionnement de l’arithmomètre
Création de l’académie royale de médecine
Il y a 150 ans... : 1870
Schliemann découvre Troie
• Un autodidacte de génie
• Sur les traces d’Agamemnon
Publication du traité des substitutions et des équations algébriques de Camille Jordan
Hitzig et Fritsch démontrent l’excitabilité de certaines zones du cerveau
Il y a 100 ans... : 1920
Mort de Louis Ducos du Hauron
• Une jeunesse studieuse
• Une vie consacrée à la reproduction photographique des couleurs (héliochromie)
Mort de Pierre Auguste Roques
Mort de John Wesley Hyatt
Mort de Srinivasa Ramanujan
Mort de William Gorgas
Il y a 50 ans... : 1970
Apollo-13 frôle la catastrophe
Mort d’Alfred Sturtevant
Mort de Max Born
Le cyclone de Bhola
• Le nord du golfe du Bengale, une région fréquemment soumise aux inondations
• Origine et conséquences humaines et matérielles du cyclone de Bhola
• Conséquences politiques
Mort d’Otto Warburg
Publication du hasard et la nécessité de Jacques Monod
Publication de la logique du vivant de François Jacob
Découverte de la rétrotranscription de l’ADN
Il y a 40 ans... : 1980
Mort de Jacqueline Cochran
Mort de John Mauchly
Mort de James Smith McDonnell Jr.
• Un début de carrière dans l’aviation militaire
• Une diversification aéronautique et spatiale
Découverte de l’impact météoritique de la limite crétacé-paléogène
• Premières traces d’un impact météoritique
• Une hypothèse objet de vifs débats
• Une hypothèse désormais bien étayée
Mort d’Alexandre Oparine
Mort d’André Parrot
Mort de Willard Frank Libby
Mort de Marie-Antoinette Tonnelat
Il y a 30 ans... : 1990
Lancement du télescope spatial Hubble
• Des débuts difficiles
• Des instruments performants
• Des observations marquantes
• L’avenir de Hubble et sa succession
Mort de John Bell
Fin de la production de la Citroën 2 CV
• Naissance d’une voiture populaire française
• Une automobile à la fois baroque et d’une extrême simplicité
• Bien autre chose qu’une automobile
Il y a 20 ans... : 2000
Mort de Louis Néel
Mort de Théodore Monod
• Un naturaliste voyageur
• Les grandes explorations
• Des poissons aux météorites
• L’humaniste
Réouverture du musée des Arts et Métiers
• Du conservatoire au musée
• Le musée au XXIe siècle
• Des réserves dignes de la collection
Mort de Pierre Douzou
Mort de Konrad Bloch
Découverte d’Orrorin Tugenensis
• Contexte des découvertes
• Mixité de caractères dentaires
• Un hominidé bipède encore lié au milieu arboricole
Mort d’Ernst Knobil
Mort de Jean Vercoutter
Mort de Jacqueline Auriol
Il y a 10 ans... : 2010
Mort de Georges Charpak
Mort de John Fenn
Le séisme d’Haïti
Mort de Marshall Warren Nirenberg
Mort de James Black
Déchiffrage du génome néandertalien
Mort de Benoît Mandelbrot
Mort de Robin Milner
Mort d’Evry Schatzman
• Naissance d’une vocation d’astrophysicien
• Un grand spécialiste des étoiles
Premier vol de Solar Impulse
• Le premier vol de Solar Impulse-1
• Les autres vols de Solar Impulse-1
• L’avion Solar Impulse-2
• Le tour du monde de Solar Impulse-2
Mort de Frank Fenner
Mort d’Ed Roberts
L’éruption explosive du volcan Eyjafjallajökull
INDEX
TABLE DES AUTEURS

Etapes

Chaque année, des observations fortuites, telles que la découverte d’un fossile, ou l’aboutissement de recherches, comme les missions en astrophysique, sont publiés et viennent compléter ou bousculer les connaissances scientifiques acquises. Certaines de ces avancées constituent de véritables ÉTAPES dans l’évolution du savoir. La sélection d’articles réunis dans cette rubrique donne un aperçu de cette science en « marche ».

Dès qu’un nouveau fossile humain est découvert, il vient modifier la représentation que l’on s’était faite des populations humaines et de leurs migrations : l’homme de Luçon, défini en 2019, et les nouvelles données sur les Dénisoviens remettent en question le peuplement de l’Asie, jusqu’en Mélanésie. Il y a peu de temps encore, on ne connaissait que trois codex mayas ; un quatrième, le codex Grolier, de facture et de contenu assez différents, a récemment été authentifié. En paléontologie, la découverte d’un dicynodonte, mi-reptile mi-mammifère, de la taille d’un éléphant, fait évoluer nos connaissances sur la faune vivant il y a 250 millions d’années. En astronomie, progrès technologiques aidant, l’année 2019 a aussi révélé la première image d’un trou noir, une avancée majeure en astrophysique venant conforter la théorie de la relativité générale. La sonde spatiale New Horizons a pu photographier Ultima Thulé, un étrange astéroïde bilobé qui est devenu le plus lointain objet céleste survolé par l’homme. Dans le domaine médical, des déséquilibres du microbiote intestinal pourraient être impliqués dans certaines pathologies rhumatismales, cutanées, cardiaques, respiratoires et neurodégénératives. Les Amphibiens, ces sentinelles de la pollution, sont ravagés par une mycose, en grande partie responsable de leur déclin. En mars 2019, le cyclone Idai a fait de nombreuses victimes et d’importants dégâts en Afrique australe, notamment au Mozambique. D’autres sujets sont également abordés, sur lesquels il nous a paru important de faire le point.

Première image télescopique d’un trou noir révélée en avril 2019 (voir ici).

Archéologie-paléontologie

UNE NOUVELLE ESPÈCE D’HOMO AUX PHILIPPINES

Dominique GRIMAUD-HERVÉ

L’analyse de restes humains découverts dès 2007 dans la grotte de Callao, sur l’île de Luçon (en anglais Luzon) au nord des Philippines, a permis aux chercheurs qui les ont étudiés de définir en 2019 une nouvelle espèce nommée Homo luzonensis. Celle-ci repose sur des ossements et des dents qui présentent un mélange de caractères morphologiques primitifs (se rapprochant des Australopithèques) et très modernes (proches d’Homo sapiens, notre espèce), cette association n’ayant jusque-là jamais été observée chez une espèce du genre Homo. Ces fossiles représentant Homo luzonensis – encore appelé homme de Callao ou homme de Luçon – sont vieux de plus de 50 000 ans. Ils sont contemporains de l’homme de Flores en Indonésie, des Néandertaliens et des Dénisoviens en Eurasie, mais aussi d’Homo sapiens. Leur origine est loin d’être résolue, cette île n’ayant jamais été reliée au continent pendant toute l’histoire de l’humanité.

Grotte de Callao, Philippines. Située sur l’île de Luçon, au nord des Philippines, la grotte calcaire de Callao a délivré, à partir de 2007, des restes humains qui ont permis de définir une nouvelle espèce, Homo luzonensis. Elle a été photographiée ici lors des fouilles de 2011 au cours desquelles ont été découverts en quelques jours, en contrebas de l’échelle (à gauche du document), onze fragments fossiles. (Callao Cave Archaeology Project)

Découverte des fossiles

À la suite de la mise au jour, en Indonésie (pays voisin des Philippines), de l’homme de Flores (Homo floresiensis) en 2003, dont les ossements étaient profondément enfouis sous les sédiments, l’archéologue Armand Salvador Mijares (de l’université des Philippines) décide d’explorer de nouveau la grotte de Callao dont les fouilles tests réalisées à la fin des années 1970 n’avaient pas révélé tout le potentiel. Il y découvre, en 2007, un métatarsien (os du pied) de morphologie « bizarre, mais ne pouvant être rien d’autre que de l’homme », selon Florent Détroit, paléoanthropologue au Muséum national d’histoire naturelle de Paris. Puis, lors de la campagne de fouilles de 2011, ce sont onze pièces fossiles qui sont découvertes en quelques jours dans cette même zone : six dents, quatre phalanges (deux de main et deux de pied) et un fémur d’enfant. Complétés par une dent supplémentaire mise au jour en 2015, ces restes ont appartenu à au moins trois individus.

Les datations effectuées par la méthode des séries de l’uranium sur deux de ces fossiles indiquent des âges minimaux respectifs de 50 000 et 67 000 ans. Ce sont désormais les plus anciens homininés (groupe rassemblant les hommes, les Australopithèques et les Paranthropes) connus aux Philippines, auparavant représentés par les restes d’Homo sapiens mis au jour sur l’île de Palawan et datés d’un peu plus de 30 000 ans.

Caractéristiques morphologiques

L’analyse de ces restes humains provoque la surprise. Les deux phalanges de pied sont très courbées. Elles présentent aussi des zones d’insertion musculaire profondes supposant des muscles fléchisseurs du pied bien développés et destinés à la préhension, que l’homme moderne mobilise très peu. En somme, la morphologie de ces ossements est complètement différente de celle d’un Homo sapiens bipède (marchant debout), mais elle est proche de celle des Australopithèques, qui étaient à la fois bipèdes et arboricoles. Elle permettait sans doute à Homo luzonensis de grimper dans les arbres, sans pour cela en conclure qu’il y vivait.

L’étude des dents apporte aussi des informations précieuses. Les prémolaires supérieures sont pourvues de deux ou trois racines, ce qui ne s’observe que sur les Australopithèques ou les plus anciennes espèces du genre Homo (Homo habilis ou Homo erectus) et, très rarement, chez Homo sapiens. Les molaires quant à elles sont très petites avec une morphologie moderne, proche de celle des Homo sapiens.

Ces restes humains montrent donc une association de caractères tout à fait surprenante.

Une nouvelle espèce ?

Selon Florent Détroit, auteur principal de l’étude de ces fossiles, « cette mosaïque de caractères primitifs et modernes n’a encore jamais été rencontrée chez aucune espèce humaine, fossile ou actuelle, connue », raison pour laquelle une nouvelle espèce, Homo luzonensis, a dû être créée.

Il faut bien comprendre qu’en paléontologie la définition biologique de l’espèce, qui repose avant tout sur le fait que ses membres puissent engendrer entre eux des descendants fertiles, ne peut être appliquée stricto sensu : lorsqu’une nouvelle découverte ne ressemble à rien de connu, on crée alors une nouvelle espèce. Celle-ci correspond à une « boîte », fixée dans un cadre morphologique, géographique et chronologique, ce qui permet d’interpréter sa présence par rapport aux autres espèces existantes.

Depuis le début du XXIe siècle, au gré des découvertes, de nouvelles espèces du genre Homo sont apparues : Homo georgicus, mis au jour sur le site de Dmanissi (Dmanisi en anglais) en Géorgie, vieux de quelque 1,8 million d’années et défini en 2002 ; Homo floresiensis, découvert l’année suivante sur l’île de Flores, en Indonésie, et ayant vécu il y a 60 000 à 100 000 ans. Quant à l’homme de Denisova (ou Dénisovien), il a été défini en 2010 non à partir de critères morphologiques, mais grâce à l’étude de l’ADN d’un fragment de phalange de la main découvert en bordure des montagnes de l’Altaï, au sud de la Russie, et daté entre 55 000 et 65 000 ans.

Homo luzonensis. C’est à partir de ces treize restes humains, découverts dans la grotte de Callao sur l’île de Luçon aux Philippines, que des scientifiques ont défini et décrit une nouvelle espèce d’Homo : Homo luzonensis. Vieille de plus de 50 000 ans, celle-ci présente des caractères morphologiques à la fois archaïques (proches de ceux des Australopithèques) et modernes (proches de notre espèce Homo sapiens). Cette association de caractéristiques, jamais rencontrée auparavant, justifie la création de cette nouvelle espèce. (Callao Cave Archaeology Project)

Toutes ces découvertes surprennent par leur morphologie, leur âge ou simplement leur lieu, et demandent à être confirmées. Petites « boîtes » dans le temps et l’espace, ces espèces fossiles permettent d’avancer dans nos connaissances et notre compréhension de l’histoire humaine. Comme le souligne Florent Détroit, « la création d’une nouvelle espèce d’homme fossile n’est pas un acte “sacré”, cela permet d’attirer l’attention sur des restes humains qui sont différents de ce que l’on connaît déjà. Si, plus tard, on s’aperçoit que l’on s’était trompé, alors on oubliera ! ».

Évolution buissonnante

Nous savions déjà que l’évolution de l’homme n’était pas linéaire (une espèce succède à une autre), mais buissonnante. Une nouvelle branche vient de pousser avec Homo luzonensis. Ainsi, il y a plus de 50 000 ans, ce nouvel arrivant est contemporain de l’homme de Flores, de l’homme de Néandertal, de l’homme de Denisova et de notre propre espèce Homo sapiens. Ces espèces sont voisines et cousines, ne descendant pas directement les unes des autres. Chacune est adaptée à son environnement et toutes vont finalement s’éteindre à l’exception d’Homo sapiens qui va peupler l’ensemble du monde au gré de ses migrations.

À quoi ressemblait Homo luzonensis ? 

On serait tenté de dire qu’Homo luzonensis était de petite taille d’après la dimension de ses dents, mais on ne peut en être sûr puisque, par exemple, de petits Homo habilis possédaient de grosses dents.

Le squelette bien conservé de l’Homo floresiensis, qui comme Homo luzonensis a vécu sur une île, met en évidence une petite stature vraisemblablement liée à une évolution en contexte insulaire. En effet, sur ces deux îles (Luçon et Flores), qui n’ont jamais été reliées au continent, les grands prédateurs étaient absents et la survie des êtres humains ne dépendait pas de leur grande taille. Cela expliquerait-il donc une petite stature pour Homo luzonensis ?

D’où vient Homo luzonensis ?

Se pose ensuite la question de l’origine d’Homo luzonensis. L’île de Luçon n’a jamais été accessible à pied sec, pas plus que celle de Flores en Indonésie d’ailleurs. Comment les hommes sont-ils arrivés jusque-là ? La question a suscité de nombreuses hypothèses : dérive d’un pan de terre détaché à l’occasion d’un tsunami ? Navigation ou cabotage rudimentaire ? Toujours est-il qu’ils ont bien trouvé un moyen de traverser la mer.

Sur cette même île de Luçon, des traces d’occupation humaine datées de 709 000 ans ont été annoncées en 2018. Mises au jour dans le site de Kalinga, situé à une trentaine de kilomètres de la grotte de Callao, elles sont représentées par une soixantaine d’outils préhistoriques associés aux restes d’un rhinocéros portant des traces de découpe. De même, sur l’île de Flores, le site de Wolo Sege (1 million d’années) a livré des outils de pierre taillée et celui de Mata Menge (700 000 ans) des outils, des dents et un fragment de mandibule humaine. D’où venaient ces occupants ? D’Asie continentale ? Est-ce un Homo erectus chinois ou indonésien qui aurait réussi à atteindre ces îles et aurait ensuite évolué sur place ? Homo floresiensis et Homo luzonensis en seraient-ils alors les descendants, fruits d’une évolution en contexte d’isolement ? Cette hypothèse étant désormais admise par la communauté scientifique pour l’homme de Flores, peut-elle être transposée à l’homme de Luçon ?

Si cette question, parmi d’autres, reste encore sans réponse, il n’en reste pas moins que ces nouvelles découvertes soulignent le rôle majeur de l’Asie du Sud-Est insulaire dans l’histoire évolutive de la lignée humaine.

BIBLIOGRAPHIE

F. Détroit, A. S. Mijares, J. Corny et al., « A new species of Homo from the late Pleistocene of the Philippines », in Nature, vol. 568, no 7751, pp. 181-186, 2019 / T. Ingicco, G. D. van der Bergh, C. Jago-On et al., « Earliest known hominin activity in the Philippines by 709 thousand years ago », in Nature, vol. 557, no 7704, pp. 233-237, 2018 / A. S. Mijares, F. Piper, R. Grün et al., « New evidence for a 67000-year-old human presence at Callao Cave, Luzon, Philippines », in Journal of Human Evolution, vol. 59, no 1, pp. 123-132, 2010.

DU NOUVEAU POUR L’HOMME DE DENISOVA

Bruno MAUREILLE

Les Dénisoviens, ou hommes de Denisova, représentent un groupe d’homininés qui a été défini en 2010 grâce à l’étude de l’ADN d’un fragment d’une phalange de la main. Ce vestige osseux (appelé Denisova 3) avait été découvert en 2008 dans une cavité du sud de la Sibérie (Russie), en bordure des montagnes de l’Altaï, appelée grotte de Denisova. Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de l’étude de la lignée humaine, un nouveau taxon fossile était mis en évidence à partir de l’analyse d’ADN ancien et non pas d’après des caractères morphologiques.

L’homme de Denisova, contemporain des Néandertaliens (Homo neanderthalensis ou Homo sapiens neanderthalensis) et des hommes modernes (Homo sapiens sapiens), mais différent génétiquement, aurait vécu en Eurasie depuis plusieurs centaines de milliers d’années. Peut-on pour autant affirmer que ce « troisième homme », comme on le surnomme parfois, représente une nouvelle espèce ? Son statut fait l’objet de discussions, d’autant plus que des échanges génétiques plus ou moins importants ont été prouvés entre Dénisoviens et Néandertaliens, et entre Dénisoviens et ancêtres de certaines populations humaines actuelles.

Quelques fragments fossiles attribués aux Dénisoviens

Les Dénisoviens découverts dans la grotte de Denisova, définis à partir d’un morceau de phalange distale de la main (Denisova 3), par la suite complété par l’autre extrémité de l’ossement, sont aussi connus par trois dents (Denisova 2, 4 et 8) et un fragment de voûte crânienne (pariétal) de 80 sur 50 millimètres (Denisova 13). Ce dernier fossile, présenté pour la première fois en mars 2019 lors d’un colloque international d’anthropologues à Cleveland (Ohio), provient d’une couche (no 22) bien plus ancienne que celles (no 11 et 12) qui ont livré les vestiges précédents. C’est sur la base de l’ADN que ce morceau de crâne, le premier à être découvert dans la grotte de Denisova, a été attribué aux Dénisoviens. À ces cinq vestiges, il faut ajouter un fragment d’os long (Denisova 11), de 24,5 millimètres de longueur et moins de 10 millimètres de largeur, qui serait – toujours selon son ADN – celui d’un métis issu d’un Dénisovien et d’une Néandertalienne. Il s’agit là d’une découverte spectaculaire pour les paléoanthropologues car « identifier » un tel métis était supposé statistiquement presque impossible.

Rappelons que la grotte de Denisova a également livré trois vestiges de Néandertaliens provenant des couches 11 et 12 : une phalange proximale de pied (Denisova 5), une phalange distale de la main (Denisova 9) et un fragment d’os long (Denisova 15).

En 2019, une nouvelle pièce fossile, une hémi-mandibule droite incomplète dénommée Xiahe, provenant de Chine (bordure nord-orientale du plateau tibétain), a été rapportée aux Dénisoviens. Ce serait le premier fossile de ce groupe découvert hors de la grotte de Denisova.

La grotte de Denisova

Située en Russie, à 150 kilomètres au sud de la ville de Barnaul, la grotte de Denisova (ayant pris le nom d’un ermite qui y aurait vécu) est connue depuis les années 1970. Elle a livré, dans trois zones différentes (partie centrale, chambre est et chambre ouest), outre les rares fossiles d’homininés, de nombreuses traces d’occupations historique (outils en bronze et en fer, bijoux, fosse d’entreposage de grains…) et préhistorique (objets archéologiques, vestiges fauniques chassés) remontant à près de 300 000 ans.

Étudiée par une équipe scientifique internationale et fouillée sous l’autorité de la branche sibérienne de l’Académie des sciences de Russie, cette grotte présente, avec ses vingt-deux couches, une stratigraphie complexe. En 2019, deux articles importants ont été publiés par des équipes internationales dans la revue britannique Nature pour tenter de préciser l’âge des diverses couches du site (c’est-à-dire sa chronostratigraphie). Mais la compréhension de la dynamique du remplissage sédimentaire (et de ses modifications) de la partie sommitale de la grotte (couches 11 et 12 des chambres est et ouest) fait l’objet de discussions. En effet, il a été démontré que ces niveaux ont été très touchés par l’activité de carnivores cavernicoles qui ont pu déplacer (et donc mélanger) les vestiges archéologiques. Rappelons aussi que, selon les chercheurs sibériens, la couche 11 livre un matériel archéologique représentant le plus ancien Paléolithique supérieur connu en Eurasie, avec des outils, des armes, des parures en bois, en os et en dents d’animaux (et même un fragment de bracelet en pierre polie) datés entre 45 000 et 48 000 ans.

Grotte de Denisova. Vue d’une partie de l’intérieur de la grotte de Denisova (Russie). C’est dans les niveaux stratigraphiques  localisés près du seau (mais dans la chambre est où ils se poursuivent) qu’une phalange d’un enfant a été découverte. L’étude de l’ADN de cette phalange, vieille de 55 000 à 65 000 ans, a permis de définir une nouvelle lignée humaine : l’homme de Denisova.

(Jean-Guillaume Bordes, université de Bordeaux)

La paléoanthropologie et l’ADN

Jusqu’au milieu des années 1990, les éléments permettant d’étudier l’évolution biologique et culturelle de l’homme étaient presque exclusivement des vestiges matériels (restes humains et fauniques, objets lithiques, traces diverses, ruines…) mis au jour lors des fouilles. Depuis lors, deux nouveaux champs disciplinaires sont nés : la paléogénétique, qui étudie des régions spécifiques du génome des organismes fossiles, et la paléogénomique, qui s’intéresse à la totalité du génome. L’obtention de résultats dans ces deux champs disciplinaires n’est toutefois pas aisée, beaucoup d’analyses se soldant par des échecs, dus non à une mauvaise utilisation des techniques ou à la qualité de celles-ci (qui sont d’ailleurs de plus en plus performantes), mais à l’état de l’ADN des fossiles (dit ADN ancien) qui, le plus souvent, a subi une très forte dégradation au cours de la fossilisation.

Les premiers résultats marquants de ces disciplines ont été obtenus sur les Néandertaliens, à savoir les derniers hommes préhistoriques ayant vécu sur la Terre avant que les hommes modernes ne leur succèdent il y a environ 40 000 ans. Ainsi, en 1997, était publié, dans la revue scientifique américaine Cell, le premier séquençage d’ADN issu de mitochondries (ADN dit mitochondrial) d’un Néandertalien (mis au jour en 1856). Les résultats les plus retentissants proviennent de recherches ou de collaborations réalisées par le département de génétique évolutive du Max Planck Institute de Leipzig, dirigé par Swante Pääbo. Ils ont en effet notablement modifié une partie de l’histoire de la lignée humaine eurasiatique à la fin du Pléistocène supérieur (128 000 à 12 000 ans).

L’ADN mitochondrial pour définir le groupe des Dénisoviens

En 2010, Swante Pääbo et son équipe séquencent et étudient le génome mitochondrial complet de la pièce Denisova 3, constituée d’un fragment de phalange distale de la main, probablement du petit doigt, d’une jeune femme. Ce fossile a été découvert dans la couche 11.2 de la chambre est de la grotte de Denisova et daté entre 55 000 et 65 000 ans (± 3 000). Cet ADN mitochondrial est comparé à celui de cinquante-quatre hommes modernes actuels, d’un fossile d’Homo sapiens sapiens du Paléolithique supérieur (âgé d’environ 28 000 ans), de six Néandertaliens et de deux grands singes actuels (un bonobo et un chimpanzé). Cette analyse démontre l’existence de 385 différences (en moyenne) au niveau des paires de bases entre l’ADN mitochondrial de la phalange fossile et celui des hommes actuels. Ces mêmes hommes actuels présentent 202 différences avec les Néandertaliens et 60 différences entre eux. Cette phalange ne peut donc pas appartenir à un Homo sapiens sapiens. En fonction de ces résultats, la séparation de la lignée alors dénommée « homme de Denisova » avec celle des hommes actuels est estimée entre 1,3 et 0,78 million d’années. Sur la base des mêmes résultats, la séparation de la lignée des Néandertaliens d’avec celle des hommes actuels est datée entre 0,6 et 0,3 million d’années.

Il est probable que les conditions environnementales assez rigoureuses qui caractérisent cette partie de la Sibérie aient favorisé la bonne conservation de l’ADN des hommes et des animaux ayant fréquenté la grotte de Denisova. Mais c’est bien la qualité des recherches menées par le département de génétique évolutive du Max Plank Institute qui a fait que cet ADN a pu être séquencé et étudié. L’existence d’un tel taxon humain était totalement insoupçonnée sur un territoire que l’on pensait à l’époque occupé peut-être par quelques Néandertaliens puis par les hommes anatomiquement modernes.

Fragments de la phalange distale de l’homme de Denisova ayant permis de définir cette lignée humaine. Découverte dans la grotte de Denisova (Russie), une phalange, nommée Denisova 3, a été sectionnée en deux pour réaliser des analyses. Les fragments visibles ici (à gauche, vue de la surface articulaire ; à droite, vue du début de la diaphyse) correspondent à une des parties segmentées et représentent la base (partie proximale) de la phalange distale d’un petit doigt humain. Un microprélèvement (perforation bien ronde visible sur la pièce de gauche) a permis d’étudier l’ADN (mitochondrial puis nucléaire) de ce fossile et de définir en 2010 l’homme de Denisova, nouvelle lignée humaine eurasiatique alors insoupçonnée. (Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology)

L’ADN nucléaire des Dénisoviens

Quelques mois plus tard (toujours en 2010), c’est une partie importante du génome nucléaire (et non pas mitochondrial) de Denisova 3 qui est publiée. L’étude comparative avec le génome d’un Néandertalien composite (c’est-à-dire provenant de trois individus différents) de Vindija (Croatie) et celui de cinq hommes actuels démontre que la lignée des Dénisoviens (appelés Homo sapiens altaïensis par les chercheurs sibériens) est plus proche des Néandertaliens que de celle des hommes actuels. On estime alors que la séparation entre les Dénisoviens et les Néandertaliens s’est produite il y a 640 000 ans tandis que celle qui concerne les Dénisoviens et les hommes actuels daterait de 804 000 ans, ce qui précise l’étude précédente. Comme l’étude de l’ADN nucléaire de l’homme de Néandertal de Vindija publiée en 2010 – qui a démontré une participation des Néandertaliens au génome de certaines populations d’hommes modernes –, ce travail met en évidence qu‘entre 4 et 6 p. 100 de gènes dénisoviens se retrouvent dans le génome des Mélanésiens actuels. À l’instar de la lignée des Néandertaliens, celle des Dénisoviens – dont l’histoire est très différente de celle d’Homo sapiens sapiens – s’est donc métissée avec des groupes d’hommes préhistoriques modernes, ancêtres des Mélanésiens actuels.

En août 2012, la revue américaine Science publie une nouvelle étude du génome nucléaire de Denisova 3. Les moyens techniques utilisés, qui ont nettement progressé pour préparer et extraire l’ADN ancien, permettent de séquencer pratiquement 99 p. 100 du génome nucléaire. De nouveaux résultats sont ainsi obtenus en comparant ce génome quasi complet à celui de onze individus actuels. Tout d’abord, la diversité génétique de la population des hommes de Denisova semble faible et la séparation de leur lignée d’avec celle des hommes actuels est dorénavant datée entre 812 000 et 793 000 ans. De plus, il est confirmé que la variabilité génétique des Mélanésiens, des aborigènes d’Australie et d’autres groupes humains des îles d’Asie du Sud-Est considérés pour cette analyse, par rapport à celle des autres hommes actuels étudiés, s’explique mieux si l’on considère que les Dénisoviens ont échangé des gènes avec la population préhistorique ancestrale de ces habitants du Sud-Est asiatique. Enfin, l’étude de la variabilité génétique des hommes actuels, par rapport à la séquence génétique du fossile de Denisova, démontrerait que des gènes auraient fait l’objet d’une sélection positive (accroissement de la fréquence des génotypes) après la séparation de notre lignée d’avec celle des Dénisoviens. Ces gènes sont associés au fonctionnement du cerveau, du système nerveux et du langage.

En 2015, c’est la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America qui publie les travaux sur l’ADN nucléaire ou mitochondrial de deux dents – Denisova 4, une très grosse deuxième ou troisième molaire supérieure droite découverte dans la couche 11.1, et Denisova 8, une autre très grosse molaire supérieure gauche mise au jour à l’interface entre les couches 12 et 11.4. Cette étude démontre que la diversité génétique mitochondriale des Dénisoviens traduit une histoire plus complexe que supposée jusqu’à présent et que celle de l’ADN nucléaire rapproche les Dénisoviens des Néandertaliens.

En 2018, Viviane Slon et des collaborateurs de l’institut Max-Planck publient dans Nature l’étude de l’ADN nucléaire de la pièce Denisova 11 – un petit fragment de la partie médiane (diaphyse) d’un os long – découverte en 2012 dans la chambre est de la grotte de Denisova. Ces travaux montrent qu’il appartient à un sujet féminin, supposé adolescent. L’étude de parties spécifiques de son génome – comparées à celles du Néandertalien (Denisova 5), du Dénisovien (Denisova 3) et d’un sujet africain actuel – montre que 38,6 p. 100 de ces régions portent des allèles connus au sein du génome néandertalien et 42,3 p. 100 des allèles dénisoviens. L’individu représenté par cet ossement Denisova 11, appelé Denny, a donc eu des ancêtres très proches de chacune de ces lignées et représente un métis de première génération. Il aurait eu une mère néandertalienne et un père dénisovien. De plus, ce dernier avait déjà eu des ancêtres néandertaliens (une dizaine de milliers d’années auparavant) qui n’étaient pas de la même lignée génétique néandertalienne que celle de la mère (qui elle est plus proche de fossiles néandertaliens ouest européens). Selon la compréhension de la stratigraphie du gisement, ce métis serait âgé de 90 000 à 110 000 ans.

Qui sont donc les Dénisoviens ?

L’homme de Denisova reste toujours bien mieux connu par son ADN que par la morphologie de ses vestiges dentaires ou osseux. Les données de la paléogénétique et de la paléogénomique plaident toutes pour l’existence d’une lignée humaine spécifique, dont l’individualisation est très ancienne et que l’on ne soupçonnait pas en Eurasie.

Selon les analyses de l’ADN nucléaire, les Dénisoviens ont donc une histoire commune avec les Néandertaliens, le dernier ancêtre qu’ils partagent étant vieux de près de 640 000 ans. Puis ces deux lignées ont échangé des gènes (on parle d’introgression) entre elles et avec les populations préhistoriques d’hommes anatomiquement modernes, ancêtres des Européens, Asiatiques et Mélanésiens actuels, mais non des Africains.

En ce qui concerne les Dénisoviens, leur contribution est de l’ordre de 5 p.100 au génome des habitants des îles Salomon (Papouasie-Nouvelle Guinée). Une étude publiée en 2019 et effectuée par une équipe internationale dirigée par Guy S. Jacobs, plaide pour l’existence d’au moins deux périodes d’introgression dont une très ancienne (il y a environ 350 000 ans). L’adaptation à l’altitude (dans un environnement pauvre en oxygène, dit hypoxique) des populations tibétaines actuelles serait aussi la conséquence d’introgressions génétiques d’ADN provenant d’une population préhistorique du type de celle des Dénisoviens.

Mandibule de Xiahe (Chine). Découverte au début des années 1980 dans la grotte de Baishiya, un sanctuaire bouddhiste à Xiahe (province chinoise du Gansu) situé à 3 280 mètres d’altitude, la mandibule de Xiahe (ici vue latérale), avec un âge estimé entre 155 000 et 163 000 ans, est uniquement représentée par sa moitié droite pourvue de deux dents (première et seconde molaires). Son étude morphologique et l’analyse de ses protéines ont permis de la rapprocher des hommes de Denisova (ou Dénisoviens), une lignée d’homininés définie en 2010 à partir de l’ADN d’un fragment d’un doigt mis au jour dans le sud de la Sibérie (Russie) et qui n’était connue que par quelques vestiges dentaires ou de main. (Dongju Zhang, Lanzhou University)

Le phénotype des Dénisoviens, c’est-à-dire ses caractères morphologiques déduits de vestiges osseux et dentaires, est peu connu car les restes sont peu nombreux ou fragmentaires. On avait toutefois observé les très grandes dimensions des deux molaires permanentes, avec pour l’une des racines puissantes et très écartées, et deux traits du morceau de pariétal (forte épaisseur de la voûte crânienne et présence d’un relief osseux au niveau de la zone d’insertion musculaire rappelant ce qui est connu chez certains Homo erectus récents et les Néandertaliens). Pour quelques chercheurs, qui fondent leur raisonnement sur les traits dentaires, les Dénisoviens seraient en fait déjà connus, à travers certains fossiles chinois (par exemple ceux de Xujiayao) qui représenteraient la même lignée.

Reconstitution de la phalange complète de l’homme de Denisova. Une équipe internationale de chercheurs a réussi en 2019 à reconstituer virtuellement la phalange distale Denisova 3 (en vue dorsale ici). Cette étude a permis de démontrer définitivement que ce morceau de doigt appartenait à un sujet immature (l’extrémité articulaire – partie bleue – n’est pas complètement fusionnée avec la base de la diaphyse – partie verte) et que sa morphologie est primitive, mais se rapproche plus de celle des hommes modernes que de celle des Néandertaliens.

(photo de la phalange : Eva-Maria Geygl, IJM, CNRS, Université de Paris ; reconstruction virtuelle : Bence Viola, Department of Anthropology, University of Toronto, Canada)

Une nouvelle contribution paléoanthropologique est venue alimenter nos connaissances sur la morphologie osseuse de certains fossiles chinois que l’on peut rapporter à la lignée des Dénisoviens. Elle a été publiée en mai 2019 dans la revue Nature par un panel de scientifiques de treize institutions différentes, sous la direction de Jean-Jacques Hublin (les chercheurs impliqués dans l’étude des vestiges humains de la grotte de Denisova n’étant pas coauteurs de ce travail). La découverte consiste en une hémi-mandibule droite (dénommée Xiahe, du nom du comté local) provenant probablement de la grotte-sanctuaire de Baishiya, située en Chine, en marge nord-orientale du plateau tibétain, à 3 280 mètres d’altitude. La mandibule y avait été déposée en offrande au début des années 1980. La mise en évidence de sa proximité avec la lignée des Dénisoviens a été possible grâce à l’analyse des protéines (constituant le protéome) de cet ossement et de leur comparaison avec ce que l’on connaît des humains actuels, des Néandertaliens et des Dénisoviens. Le fossile de Xiahe est plus proche des Dénisoviens que de toute autre lignée. Son âge varie entre 155 000 (± 15 000) et 163 000 ans (± 10 000), selon les datations radio-isotopiques (uranium-thorium) effectuées sur des encroûtements calcitiques adhérant au corps de la mandibule. La morphologie de cette mandibule et des deux dents (première et deuxième molaires permanentes ; agénésie de la troisième molaire, c’est-à-dire absence de sa formation) révèle que ce fossile appartenait à un sujet assez robuste avec un corps mandibulaire épais. Il s’agit certainement d’une mandibule non anatomiquement moderne car dépourvue de menton. Elle ressemble à d’autres mandibules rapportées au Pléistocène moyen (entre 780 000 et 130 000 ans) ou se situe, par sa forme globale, à la limite de la variabilité de quelques mandibules d’Homo erectus. La morphologie des dents permet, en revanche, de souligner quelques particularités telles que la présence d’une racine surnuméraire sur la deuxième molaire. Cette caractéristique est rare chez les humains actuels, même si elle est plus fréquente chez ceux qui sont originaires d’Asie. Elle a toutefois été notée (tout comme l’agénésie de la troisième molaire) sur une mandibule découverte en 2007 en mer de Chine, dans les eaux territoriales de Taiwan. Il s’agit du fossile de Penghu, essentiellement une hémi-mandibule droite, un peu mieux conservée que celle de Xiahe, avec ses deux prémolaires et ses deux premières molaires. La description de ce fossile méconnu a été publiée en 2015. Son âge pourrait varier entre 10 000 et 450 000 ans. Les similitudes morphologiques entre les dents de ces deux hémi-mandibules permettent aux auteurs ayant étudié le fossile Xiahe de proposer l’hypothèse que les Dénisoviens soient déjà connus (mais pas toujours identifiés) au sein des collections paléoanthropologiques chinoises du Pléistocène moyen et qu’ils puissent s’enraciner en Asie de l’Est.

Les Dénisoviens : une nouvelle espèce d’homininés ?

Peut-on parler d’espèce spécifique en ce qui concerne les Dénisoviens ? Avant de tenter de répondre à cette question, il faut se demander ce que l’on entend par espèce en paléoanthropologie et ce que ce terme signifie. Il n’y a pas de réponse consensuelle à cette double interrogation. Pour une majorité de chercheurs, il est légitime de parler d’espèces différentes lorsqu’il existe d’importantes différences anatomiques (donc génétiques) entre elles, sans pour autant considérer que cela rende impossibles quelques rares métissages sur certains territoires. Selon ce point de vue, on peut parler de « paléo-espèces » néandertalienne, dénisovienne et d’humains anatomiquement modernes alors considérés comme seuls représentants d’Homo sapiens. Mais nous savons que différentes introgressions génétiques ont été possibles entre ces trois paléo-espèces, probablement sur des territoires différents et à des périodes distinctes, dont certaines pourraient être assez anciennes – plus de 250 000 ans –, ce qui invalide l’idée d’une barrière génétique totalement hermétique entre elles. Pour une minorité de chercheurs qui préfèrent se référer à la définition biologique de l’espèce – à savoir l’appartenance à une communauté pouvant à un moment donné et sur un territoire donné se reproduire et engendrer une descendance fertile –, ces trois « paléo-espèces » ne seraient alors de fait que des sous-espèces d’Homo sapiens.

La découverte de la mandibule de Xiahe permet d’éclairer nos connaissances sur la variabilité phénotypique des Dénisoviens. L’ensemble des données scientifiques, qu’elles soient phénotypiques ou génotypiques, apporte donc un début de compréhension de l’histoire évolutive de ce groupe. Celle-ci se caractériserait par une dérive génique – comme pour la lignée néandertalienne – probablement en Asie orientale continentale. Toutefois, l’étude de la reconstitution complète de la phalange Denisova 3 – menée par des chercheurs français, américain, canadien et russes, et publiée en septembre 2019 – démontre que celle-ci présente une forme primitive et qu’elle n’a pas une morphologie dérivée comme l’ont les phalanges néandertaliennes. D’autres découvertes viendront enrichir nos connaissances et permettront de mieux comprendre l’histoire évolutive de ces lignées humaines.

Il reste aussi à connaître la variabilité des comportements des Dénisoviens. En Sibérie orientale, à Denisova, il y a environ 45 000 ans, ils semblent avoir été les artisans d’un Paléolithique supérieur « initial », particulièrement productif quant à la transformation de la matière dure animale ou minérale dans le but de fabriquer des objets. Ce Paléolithique supérieur, relativement à son ancienneté supposée, est plus riche et techniquement plus complexe que celui développé par des hommes anatomiquement modernes en Europe de l’Ouest il y a environ 40 000 ans. Pourtant, les Dénisoviens, comme les Néandertaliens, ont disparu pour laisser la place à une seule lignée humaine sur la Terre, celle dont nous sommes les descendants.

BIBLIOGRAPHIE

E. A. Bennett, I. Crevecoeur, B. Viola et al., « Morphology of the Denisovan phalanx closer to modern humans than to Neandertals », in Science Advances, vol. 5, no 9, eaaw3950, sept. 2019 (doi : 10.1126/sciadv.aaw3950) / F. Chen, F. Welker, C. C. Shen et al., « A late Middle Pleistocene Denisovan mandible from the Tibetan plateau », in Nature, vol. 569, no 7756, pp. 409-412, 2019 / J.-J. Cleyet-Merle, B. Maureille & J.-M. Geneste, Le Troisième Homme. Préhistoire de l’Altaï, catalogue d’exposition, Réunion des musées nationaux-Grand Palais, Paris, 2017 / K. Douka, V. Sion, Z. Jacobs et al., « Age estimates for hominin fossils and the onset of the Upper Palaeolithic at Denisova Cave », in Nature, vol. 565, no 7741, pp.640-644, 2019 / G. S. Jacobs, G. Hudjashov, L. Saaq et al., « Multiple deeply divergent Denisovan ancestries in Papuans », in Cell, vol. 177, no 4, pp.1-12, 2019 / Z. Jacobs, B. Li, M. V. Shunkov et al., « Timing of archaic hominin occupation of Denisovan Cave in Southern Siberia », in Nature, vol. 565, no 7741, pp. 594-599, 2019 / J. Krause, Q. Fu, J. M. Good et al., « The complete mitochondrial DNA genome of an unknown hominin from southern Siberia », in Nature, vol. 464, pp. 894-897, 2010 / M. Meyer, M. Kircher, M.-T. Gansauge et al., « A High-coverage genome sequence from an archaic Denisovan individual », in Science, vol. 338, no 6104, pp. 222-226, 2012 / D. Reich, R. E. Green, M. Kircher et al., « Genetic history of an archaic hominin group from Denisova Cave in Siberia », in Nature, vol. 468, no 7327, pp. 1053-1060, 2010 / S. Sawyer, G. Renaud, B. Viola et al., « Nuclear and mitochondrial DNA squences from two Denisovan individuals », in Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 112, no 51, pp. 15696-15700, 2015 / V. Slon, F. Mafessoni, B. Vernot et al., « The genome of the offspring of a Neanderthal mother and a Denisovan father », in Nature, vol. 561, pp. 113-116, 2018.

LES CODEX MAYAS

Éric TALADOIRE

On ne connaissait que trois manuscrits pictographiques mayas. Les datations, les analyses physico-chimiques de matériaux, l’entomologie, les études iconographiques et stylistiques récemment effectuées au Mexique sont venues confirmer en 2018 l’authenticité d’un quatrième, le codex Grolier, désormais appelé Códice Maya de México.

Les codex mayas sont des documents composés de feuilles de papier rectangulaires juxtaposées ou attachées, qui forment de longues bandes pliables en accordéon. Les feuilles étaient peintes recto verso. On lit donc le texte en continu, d’un côté, avant de retourner le manuscrit pour lire la suite. Les manuscrits conservés comportent essentiellement des almanachs, des calendriers, des tables de prédictions, presque toujours accompagnés de représentations de divinités et de créatures surnaturelles. Mais on y trouve aussi des allusions à la vie quotidienne, à l’agriculture et aux rituels.

De multiples supports d’écriture

L’évêque du Yucatán, Diego de Landa, fit brûler plusieurs manuscrits lors d’un autodafé en 1562. Encore convient-il de nuancer l’ampleur de ces destructions. On avance, sans chiffre précis, la destruction de centaines de codex. Mais Landa a peut-être aussi détruit des manuscrits coloniaux comme les Livres de Chilam Balam, puisque les Mayas ont commencé très tôt à transcrire leurs textes en caractères latins. Il ne faut pas minimiser l’importance de cette perte, mais rien ne permet d’évaluer le nombre de documents disparus ni leur nature. Seuls subsistaient donc trois codex, ceux de Dresde, de Paris et de Madrid, du nom des villes où ils sont conservés. Leur préservation est peut-être due à leur arrivée en Europe dès les premières années de la conquête espagnole. Peu avant le début de notre ère, bien avant les codex, les premiers textes apparaissent en Mésoamérique sur des supports de pierre. Les plus anciennes inscriptions proviennent de sites localisés dans l’aire d’influence de l’ancienne civilisation olmèque. La stèle de La Mojarra, plus tardive, porte un texte de 500 glyphes disposés en 21 colonnes. Sa complexité implique un développement antérieur de l’écriture, dont on ne connaît pas encore l’origine.

Les Mayas ont porté le système à un haut degré d’élaboration et laissé des milliers d’inscriptions, sur des stèles, des linteaux, des autels. L’escalier de Copán porte à lui seul un texte de 2 000 glyphes, ce qui en fait le document le plus long actuellement connu. L’écriture apparaît aussi sur d’autres supports : en 2012, des fouilles du site de Xultún (Petén) ont permis de mettre au jour une pièce dont les murs sont couverts de calculs astronomiques, de tables chronologiques. Il s’agit probablement de la résidence d’un prêtre astronome qui a transcrit ses observations sur un autre support que le papier. Cela suggère un usage encore limité des manuscrits. Sur des récipients céramiques, de petits objets portatifs en os ou en pierre fine, les inscriptions, moins officielles, désignent par exemple le propriétaire de l’objet. Cette écriture se différencie des inscriptions majeures par son aspect cursif, avec des glyphes aux formes plus rondes, un style que l’on retrouve dans les manuscrits pictographiques.

Le passage de la pierre au livre s’effectuerait au Postclassique (950-1521). Le papier provient de l’écorce d’un ficus (Ficus cotinifolia, Ficus padifolia), que l’on réduisait en pulpe, à l’aide de battoirs de pierre. On ajoutait à cette pulpe des liants, pour lui donner plus de résistance. Les feuilles ainsi obtenues étaient ensuite couvertes d’une fine couche de chaux qui servait de support aux inscriptions et aux images. La fabrication du papier remonte au moins au début de notre ère, et les battoirs qui servaient à le fabriquer ont été retrouvés dans l’ensemble de l’aire mésoaméricaine. Ainsi se pose la question de l’existence de manuscrits antérieurs qui n’auraient pas résisté à l’usure du temps. Il ne fait aucun doute que le papier était connu, mais servait-il pour autant de support à l’écriture ? En effet, les usages du papier sont multiples : il peut, par exemple, constituer le matériau de vêtements, de bannières, ou encore de rubans pour les offrandes de sang de l’autosacrifice.

Quelques fragments trouvés lors de fouilles sur des sites mayas du Classique ancien (300-600 apr. J.-C.), comme Uaxactún et Altun Ha, et du Classique récent et terminal (600-950), comme Nebaj ou Copán, suggèrent l’existence de manuscrits dont il est difficile d’estimer le nombre. Les fouilles ont mis au jour des blocs rectangulaires de chaux solidifiée et d’écailles de peinture, souvent dans des tombes de dignitaires. Ce sont les restes de codex dont la partie organique, le papier, s’est décomposée. Dans des conditions exceptionnelles de milieu sec, le papier a même pu se conserver partiellement. Des tests ont permis d’établir la présence sur certains d’entre eux de motifs polychromes, ce qui confirme leur caractère de manuscrit pictographique. Certains des mieux conservés ont été préservés avec l’espoir que de futures techniques permettront d’accéder aux informations contenues dans ces fragments.

Le codex de Dresde

Le codex de Dresde (ou Codex Dresdensis) se trouve à la Sächsische Landesbibliothek de Dresde depuis son acquisition en 1739 par le directeur de la Dresdener Bibliothek, Johann Christian Götze. Il se compose de 39 feuilles de 20,4 × 9 centimètres chacune, soit 78 pages dont 4 vierges. Sa longueur totale atteint 3,56 mètres. Son histoire antérieure reste inconnue, même si l’on peut supposer qu’il est parvenu en Autriche peu de temps après la conquête espagnole. La chambre forte où il était conservé fut inondée en 1945, lors du bombardement de Dresde pendant la Seconde Guerre mondiale, lui causant quelques dommages.

Codex de Dresde. On estime que le codex de Dresde provient de la cité maya de Chichén-Itzá. La divination et l’astronomie en constituent les parties principales, avec un catalogue des fêtes rituelles et des divinités qui y président. Bibliothèque nationale et universitaire de Saxe. (Universal History Archive/ Universal Images Group/ Getty Images)

À une époque indéterminée, le manuscrit a été divisé en trois morceaux, ce qui a entraîné quelques problèmes de pagination, résolus par les chercheurs qui l’ont étudié, d’Ernst W. Förstemann à John Eric S. Thompson. Le texte qui se trouvait dans la partie supérieure de chacune de ses feuilles a été effacé par l’eau ou l’humidité. Malgré ces détériorations, le Dresdensis est le plus beau des codex mayas et le mieux conservé. C’est aussi le moins coloré, certaines pages ne jouant que sur deux tons.

Thompson estime, d’après des différences stylistiques et le jeu des couleurs, qu’il est l’œuvre de huit scribes différents. Il avance une provenance de la cité de Chichén-Itzá et propose une datation du XIIIe siècle pour son élaboration. Une origine peu probable compte tenu des récentes révisions de la chronologie de Chichén-Itzá, qui situent la décadence de la cité entre 1000 et 1100 de notre ère. Le codex de Dresde est avant tout un traité de divination et d’astronomie. On y trouve en particulier des tables des cycles de Vénus et de la Lune, un catalogue des cérémonies du calendrier rituel de 260 jours et des fêtes agricoles, sous le patronage de leurs divinités respectives. C’est par l’étude de ce manuscrit que Förstemann est parvenu à déterminer la date d’origine du compte long des inscriptions mayas. À partir de cette date-origine, le jour 4 Ajaw, 8e jour du mois Kumk’u, débutent les cycles de temps successifs, les 13 baktuns qui s’achevèrent le 21 décembre 2012. Chaque page présente un rituel, une déité, une cérémonie, insérés dans une série de dates et de textes qui s’y réfèrent.

Le folio 74 est la seule page qui comporte un unique dessin, la représentation d’un déluge responsable de la destruction d’une Création antérieure. De sa gueule ouverte, le dragon céleste Itzamna semble vomir un torrent. Il domine directement la vieille déesse Ix Chel qui déverse une cruche d’eau sur la Terre. Elle est coiffée d’un serpent et porte des os sur sa jupe, symboles de mort. Sous la déesse, un dieu qui pointe deux dards vers la Terre pourrait représenter le Chac noir, la pluie destructrice. L’ensemble évoque la mort, la destruction. Le codex est surtout astrologique et divinatoire, avec une insistance sur les dangers qui menacent la stabilité du monde.

Le codex de Paris

Le codex de Paris est un fragment redécouvert en 1859 à la Bibliothèque nationale par Léon de Rosny, dans une corbeille de vieux papiers. Il se trouvait dans une enveloppe sur laquelle figurait une inscription en espagnol « … que fue… o de… Perez » (d’où son nom de Codex Peresianus