La Soute du Roi - Philippe Gregoire - E-Book

La Soute du Roi E-Book

Philippe Gregoire

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Beschreibung

Suite du premier livre "La route du Soi". On s'enfonce de plus en plus dans les viscères et humeurs tourmentées de ce jeune homme qui ne vit que de rêves et d'aventures, et occasionnellement de sexe et de romance. A moins que cela ne soit dans l'autre sens... Par générosité il nous livre tout. Et nous sommes tous pareils avec nos émotions d'humains imparfaits. Qu'il est bon qu'un gars comme lui nous emmène visiter nos zones d'ombre que nous nions trop souvent, faisant de nous des êtres incomplets... De pays en contrées perdues, riche de toutes ses aventures il nous livre ses secrets, plein de ses anciennes vies et de leurs scories émotionnelles remontées. De routes en déroutes, il trouvera le but de sa longue quête et se mariera sous l'eau pour ce qu'il est finalement venu chercher - l'amour profond - dans le plus pur protocole des Atlantes. Mots-clé : Sexe, aventure, vélo, réincarnation, vies antérieures, liens familiaux vicieux, libération, et... heu... sexe encore. EXTRAIT : Leçon du jour : comment déféquer tranquille, à l'arrière du bateau. Asseyez-vous pénards sur la balustrade arrière, en vous assurant bien sûr s'il n'y a personne qui vous mate, ou votre égo risque d'en prendre un coup, tellement la position est immodeste et choquante. Descendez votre caleçon en vous arrimant fortement les mains à la rambarde. Déplacez doucement vos fesses en arrière jusqu'au point de non-équilibre, et assurez-vous qu'il n'y ait pas de goélands gourmands qui planent derrière, et qui, pensant que ce qui va tomber est à manger, pourraient... enfin mieux vaut éviter cela. Soyez également sûr que la vague scélérate ne va pas non plus venir nuire à votre équilibre hasardeux, respirez un grand coup et poussez fort pour éjecter rapidement les matières qui font cale, ou fécales. Comme dirait un poète disparu : "Il est bon de détester nos ridicules en déridant nos testicules". Donc pour les chiottes, ça se fera cul nu, déféquant en chute libre à l'arrière du bateau, femmes comme hommes. Tout le monde pouffe de rires étouffés, jaunes, gênés, puérils...

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Ähnliche


TABLE DES MATIÈRES

1. Le

Bengladesh ? Quelle drôle d’idée

2. Champs de coton, et temps de cochon

3. Escape from the darkness

4. Premiers pas en Inde

5. Moto de rêve : Royal Enfield 1968

6. Mes amis les Tibétains

7. Direction le Népal

8. N’est pas laid qui veut

9. La caravane des Annapurnas

10. Et Anna purna

11. Je me thaïe

12. La plus belle île au monde

13. C’est fou, la vie

14. J’apprends le métier

15. Professionnel

16. L’eusses-tu cru ?

17. Histoire d’amour

18. Une journée au paradis

19. Mariage sous l’eau

20. Délicieuse routine

21. L’océan Indien

22. Les Maldives

NOTES DE L’AUTEUR

Ce livre est le deuxième volet des aventures rocambolesques de ce jeune homme qui part à la recherche de lui-même.

C’est la suite du premier livre « La Route du Soi », écrit en mars 2022.

La Soute du Roi, pour la contrepèterie bien sûr, et pour descendre un peu plus bas dans les viscères et les profondeurs de l’âme du héros, donc dans la soute à bagages et les puissantes réminiscences émotionnelles de sa vie actuelle, ainsi que celles de ses vies antérieures qui les accompagnent et qui façonnent son être.

On s'enfonce de plus en plus dans les viscères et humeurs tourmentées de ce jeune homme qui ne vit que de rêves et d'aventures, et occasionnellement de sexe et de romance.

A moins que cela ne soit dans l'autre sens...

Par générosité il nous livre tout. Et nous sommes tous pareils avec nos émotions d'humains imparfaits.

Qu'il est bon qu'un gars comme lui nous emmène visiter nos zones d'ombre que nous nions trop souvent, faisant de nous des êtres incomplets...

De pays en contrées perdues, riche de toutes ses aventures il nous livre ses secrets, plein de ses anciennes vies et de leurs scories émotionnelles remontées.

De routes en déroutes, il trouvera le but de sa longue quête et se mariera sous l'eau pour ce qu'il est finalement venu chercher - l'amour profond - dans le plus pur protocole des Atlantes.

Mots-clé : Sexe, aventure, vélo, réincarnation, vies antérieures, liens familiaux vicieux, libération, et... heu... sexe encore.

PRÉFACE

Ce livre est le deuxième volet des aventures rocambolesques de ce jeune homme qui part à la recherche de lui-même.

Comme dans mon premier livre, je relate au gré des pages mes commentaires 20 ans après, issus de mon expérience et surtout de ma conscience actuelle de ces faits anciens, de l’être que j’étais à l’époque, du chemin parcouru, des leçons acquises.

Je me permets donc d’agrémenter cette histoire de pensées conscientisées sur les faits de jadis, car en lieu et temps de ces aventures, je dois dire que je vivais bien moins « en conscience » que maintenant, je n’étais qu’un jeune adulte plein de testostérone, de rêves et de folies créatrices, et mon monde n’était pas conscientisé tel qu’il l’est actuellement, vingt ans après.

Lors de ces aventures à l’époque, je ne pensais pas à mes vies antérieures qui pouvaient guider mes choix ici ou là, je n’avais pas conscience de certains schémas inscrits en moi, répétitifs ou pas, je ne savais pas que des formes-pensées attachées à des émotions remontées de vies passées pouvaient avoir un impact sur ce que je vivais, je ne savais rien de ce qui touchait au monde subtil et invisible. Je parlais parfois aux Dieux, que j’imaginais comme des énergies venant de l’Univers, bonnes et bénéfiques pour moi.

Comme des gentilles entités mythologiques qui voulaient mon bien.

Dès lors, pardonnez le fait que je parle beaucoup de moi, que j’écrive au nom de ma voix intérieure, mais je pense que nous sommes tous pareils, avec les mêmes émotions, les mêmes doutes, désirs et envies, et j’espère que, à travers mes expériences et surtout la mise à nu de mes pensées, la dissection de mes ressentis intérieurs, je vous permettrai de vivre ce que je vivais à l’époque, conscient du fait que peu de gens osent prendre des risques et agir comme je le faisais en ces temps.

Je vous invite, par procuration, à un beau voyage récréatif, intérieur et extérieur.

Bonne lecture.

1. Le Bengladesh ? Quelle drôle d’idée !

Réveil lent. Les couches vaporeuses de mon dernier rêve s’estompent fébrilement, et je reprends doucement conscience de mon monde.

Nouveaux bruits, odeurs nouvelles… draps, murs, où suis-je ?

Ah oui, ça y est… je suis dans cet hôtel au drôle de nom dont je ne me souviens plus.

Je reprends le cours de la réalité créée hier.

Je suis arrivé à Dhaka, capitale du Bengladesh.

Qu’est-ce que je fous là, nom d’un chien ?

Non mais qu’est-ce qui m’a pris de venir ici ? Je savais au fond de moi que ça serait peut-être une ânerie, une de plus, ou plutôt une difficulté sur mon chemin, un truc en plus que je me rajoutais, sur une vie que je crée parfois d’une façon un poil complexe.

Eh bien là, je ne me suis pas raté.

Je voulais me lancer un défi, genre : « T’es cap de traverser le Bengladesh ? », tout en sachant très bien ce qu’allait répondre mon petit Jasper sur l’épaule droite : « Ben oui, of course ! Facile… ».

Mouais, maintenant que j’y suis, va falloir me lancer, et avec de la bonne volonté, car aujourd’hui je sens que j’en manque.

Je suis arrivé hier de Mandalay en Birmanie et, à la sortie chaotique de l’aéroport, je me suis renseigné pour trouver un boui-boui correct pas trop loin pour dormir. Premier contact avec les gens, la foule, la fourmilière. Mais je me sens trop décalé…

Aujourd’hui, je dois me lancer, affronter tous ces nouveaux visages entrevus hier, montrer ma face à tous.

Je suis dans la place. Faut y aller…

Ma guesthouse est à quelques rues du centre-ville. Un taxi m’y a déposé hier, tard. Je n’ai pas trop vu à quoi ça ressemble dehors.

Je sens comme un poids au-dessus de moi…

Je n’arrive pas encore à mettre des mots dessus.

Ça me paraît sombre, oppressant, un truc lourd, quoi… Suis pas à la fête.

Nous sommes le mardi 12 avril, deuxième jour à Dhaka.

Je suis allé me balader aujourd’hui, et c’est… comment dire… plutôt déroutant.

Peu de femmes, voilées pour la plupart, et perso je n’aime pas vraiment.

Beaucoup d’hommes donc, quasiment tous identiques. Grands, filiformes, maigres, cheveux noirs, comme leurs yeux et leur regard.

Et quand j’écris « beaucoup », vous n’imaginez pas à quel point.

Je ne me souviens plus exactement des chiffres, mais le Bengladesh est un des pays les plus pauvres sur la planète, et des plus peuplés aussi. Du coup, y’a vraiment beaucoup de monde dehors, partout…

Perso, ça m’angoisse. Déjà que je n’aime pas trop les foules, mais là, impossible d’y échapper. D’autant plus que je suis le seul étranger !

Alors, partout où je vais, se forment des attroupements devant moi.

Ce matin, ça me rendait nerveux, bien que je les comprenne.

Ils étaient tous là, agglutinés les uns aux autres, à me regarder, sans rien dire, sans bruit, sans échanger entre eux. Comme des zombies…

Flippant !

Et qu’est-ce que je peux dire ? « Foutez le camp » ? Non.

« Dégagez, laissez-moi en paix, fichez moi la paix ! », non plus.

Ils me regardent, c’est tout. Je suis leur passe-temps actuel. Ils n’ont rien à faire, alors ils regardent l’étranger, captivés. Ou morts, je ne le sais pas car personne ne bouge ou ne parle.

Je pense que je vais devoir vivre avec cette oppression durant toute la traversée de ce pays. Vas-y Phil, vis avec cette pression constante, toi qui n’aimes pas être le centre d’intérêt, ou être sous la lumière des projecteurs. Eh bien, je crois que tu t’es trouvé une belle épreuve !

Jeudi, 9h : j’ai dégotté un vieux livre de voyage sur le Bengladesh, certainement oublié par quel qu’autre touriste, dans cet hôtel miteux qui m’héberge. Il y a certaines curiosités à voir dans la capitale.

Je vais bouger aujourd’hui, j’ai des fourmis dans les pattes.

C’est drôle car je me trouve dans un pays musulman, c’est nouveau pour moi, et il y a des façons de faire… totalement inédites.

Comme manger avec une seule main, la droite.

Déjà, oui, on mange sans couverts. Ils ne s’emmerdent pas ici, tout le monde mange avec les mains. Ouah… non mais où est-ce que je me trouve ? En Afrique chez les zoulous ? C’est la préhistoire.

Bon, passé les premières minutes, je m’y fais, et ma foi, je dirais presque que ça me plaît. En général on mange du dhal, des lentilles avec du riz, et du poulet ou de l’agneau, ou du bœuf. Tout cela se mélange facilement et je peux arriver à faire une boulette avec le riz et les autres aliments, et pousser cette boule avec le pouce de sorte que cela rentre facilement dans ma bouche, sans m’en mettre partout.

Bon, je n’ai pas encore le truc, et pour le moment je me badigeonne allégrement de bouffe, comme le ferait un bébé.

Certains hommes me regardent avec leurs yeux rieurs, d’autres s’en foutent royalement. Ça prend quand même du temps pour arriver à manger en créant ces boules d’aliments d’une seule main.

Oui, une seule main, la droite. Car la gauche sert à se torcher le cul.

Ou du moins à l’essuyer avec le jet d’eau qu’il y a dans toutes les toilettes, à côté du bidet ou du trou.

Donc, on retient bien sa leçon : on se lave les fesses avec la main gauche, et on mange avec la droite. Et pas le contraire, hein... Sinon y’en a qui vont bien se marrer dans les restos !

Cette foule ! Tout le temps, partout, la foule des grands jours !

Sauf qu’ici, c’est tous les jours les grands jours… Et tous toujours collés les uns aux autres. Comme à la poste, au guichet. Normalement, nous autres occidentaux, on se met en file indienne et on attend. Ici, non, ils se pressent les uns contre les autres, les visages orientés vers l’ouverture du guichet, et ils parlent tous en même temps. Alors au début je pousse un peu, je repousse, je me balance de droite à gauche pour faire respecter mon espace privé, je joue des fesses, mais que diable… rien à fiche, c’est à qui passera le premier. Et je n’y arrive pas, je n’ai pas été éduqué de la sorte, je ne peux et ne veux pas me battre et pousser tout le monde pour avoir la parole ou ma place. Pour eux, c’est la normalité, le chaos est la règle, c’est dingue…

Dire que ce pays est inondé toutes les années, que revient toujours le malheur pour ce peuple qui vit aux embouchures colossales de quelques énormissimes fleuves, qui forcément débordent pendant les moussons annuelles.

Pauvres gens. Le karma, la fatalité, pourquoi restent-ils ici, sur cette terre qui enlève les leurs chaque année, lors de la grande parade mortelle des eaux ?

Pourquoi se réincarner ici, en fait ? Comment cela se peut-il ?

Sur ce fait précis, je pense que notre moi supérieur, notre conscience, suit son évolution normale, et dès lors, d’incarnations en incarnations, elle est censée nous proposer toujours plus d’expériences enrichissantes pour notre ascension.

Pourquoi donc nous incarner en Éthiopie et expérimenter la faim, la soif, et le dénuement le plus total, si nous les avons déjà vécus, si les expériences que ces difficultés nous procurèrent jadis ont déjà enrichi notre conscience ?

N’y aurait-il pas là une suite logique et cohérente, de vies en vies ?

Qu’aurions-nous donc à apprendre si durant plusieurs vies d’affilées nous continuions à vivre la famine et la peur de mourir, chaque jour ?

Excepté concernant les liens familiaux, qu’aurait la conscience à apprendre d’une vie précédente vécue de la même façon ?

N’oublions pas que la vie est un grand jeu, et que les Dieux lumineux (comme j’aime les appeler) ou les Forces Créatrices de la Lumière ou de l’Univers, savent nous pousser à bien jouer, en nous plaçant ou en nous incitant à chaque réincarnation à vivre dans un environnement propice à notre évolution et notre épanouissement, et ainsi nous permettre de continuer notre ascension sur le chemin de la lumière.

S’il est vrai que les groupes d’âmes se réincarnent ensemble, alors, par conséquent, nous avons toujours des karmas - ou liens karmiques - à ajuster avec l’un ou l’autre de nos anciens compagnons.

Mais expérimenter la vie sur la planète Terre ne se limite pas à tisser, réparer ou explorer les liens entre les gens. Elle offre d’éprouver d’autres sentiments, tels que la sécurité, la confiance, les peurs, les objectifs qu’on se fixe, le lien qu’on crée avec la nature, les animaux, etc.

C’est pourquoi je pense que si j’ai déjà vécu une vie pauvre en tout, que j’ai déjà souffert de la famine et de la soif, que j’ai déjà expérimenté le dénuement, à l’image d’une vie monastique par exemple, pourquoi revivraisje cela, que cela m’apporterait de plus ? Sauf à avoir bien déconné dans cette vie précédente et à devoir revivre le genre d’expériences qu’une telle vie peut m’apporter.

Ma conscience a certainement envie d’expérimenter des liens ou des nœuds plus profonds et complexes maintenant, en m’incarnant dans une société moderne, où la faim et la soif ont certes disparu, et où il se noue des karmas bien plus complexes que ceux des seules faim ou soif.

Les liens sont plus compliqués dans une grande ville où tout le monde a tout, où plus personne ne souffre corporellement, dans laquelle peuvent se développer des relations toxiques, épuisantes, torturantes, nocives. Il me semble juste d’écrire qu’en se mourant de faim, les gens n’ont pas le temps pour ces balivernes. Ce sont des sentiments et liens de sociétés riches que de se vampiriser par des jeux subtils de pouvoirs. Les prédateurs que nous connaissons tous ne sont pas issus de pays pauvres. En revanche, les proies le sont peut-être…

Les liens familiaux sont plus compliqués qu’au sein d’une tribu qui se meurt privée de tout, et je n’ai qu’à observer ma propre vie pour comprendre où se situent les plus gros karmas qui y ont été créés, et avec qui.

Ma famille proche. Exclusivement.

Ce père que je n’ai pas connu, ma mère qui m’aura maltraité sans jamais essayer de réparer ou s’excuser, et qui sera passée à côté de son destin, ma sœur qui aura pris tellement de distance avec moi alors qu’enfants nous étions si proches, voilà des bons karmas bien tendus, bien puissants, qui devront être ajustés, réparés, rabibochés dans une prochaine vie.

Et je dois dire que je ne m’y attendais pas, mais vraiment pas.

Je pensais que dans ma vie, les gros karmas seraient créés en dehors du précieux cercle intime, celui de la famille proche.

Que nenni ! Sur ce point-là, dans cette vie, je ne me suis pas loupé.

Papa, maman, ma chère sœur, soyez sûrs que ce n’est que partie remise, nous nous retrouverons de toute façon dans une prochaine vie pour régler nos histoires et les sérieux différends que nous aurons créés dans cette vielà.

Fait surprenant ici, il semble que le karaté soit le sport national.

Je vois beaucoup de jeunes dans les rues qui arborent leur tenue de karateka, avec leur ceinture de couleur selon leur niveau, et pas mal d’écoles de karaté.

Je suis entré dans l’une d’elles, fort de ma précieuse ceinture marron dans ma tête, et je me sentais un peu chez moi. Sauf que je ne l’étais pas. Et je faisais diversion, tout le monde regardant qui était ce téméraire étranger qui venait ainsi avec aisance dans leur dojo…

Quelle rigueur ! Tout le monde semble marcher au pas, ça crie, ça lance des « kiaiii » à la fin des mouvements pour ancrer l’énergie du chi avec un maximum de puissance, depuis le centre du ventre, au niveau du nombril.

Ils sont tous maigres, et étudient avec ferveur.

En fait, je pense que cela va bien avec leur religion… qui ne déconne pas.

Oh bon sang que non, on ne rigole pas chez les musulmans ! Rigueur et discipline, voilà qui semble édicter ce qui pourrait être la doctrine nationale.

Ai visité le marché du textile et de l’artisanat, pas loin d’ici. Sur le chemin, j’ai fait une halte dans un boui-boui pour le thé et une collation locale de bakarkhani, ce que tout le monde mange, une fois installé. C’est une sorte de pain, un peu fade, qu’on trempe dans le thé. Ça ne coûte rien. D’ailleurs il semble que tout ne coûte rien. Ou que rien ne coûte quelque chose. Bref, c’est pas cher.

Encore une fois, essentiellement des hommes… Mais où sont passées les femmes ?

Quelques touristes, pas beaucoup comparé à la Birmanie, et encore moins par rapport à la Thaïlande.

Mais c’est un fait : faut être fou, ou un peu con, pour venir visiter l’un des pays les moins organisés pour les touristes, peu fourni en restaurants et endroits accueillants pour les visiteurs âpres aux plaisirs.

Or je suis les deux…

Les hommes se tiennent par la main, ils ont l’air d’être tous frères, ou amis, ou amants, tellement ils sont collés ensemble. Pas évident pour moi de comprendre ces codes. Ça doit venir de leur religion…

Je me rends compte que ça risque d’être serré pour trouver des nanas qui vont me plaire. Comment je vais faire s’il y a peu de touristes girls, et que les locales sont toutes cachées ou invisibles sous des couches de voiles ?

Mouais… mon Philou, où est-ce que tu t’es encore fourré ?

Le marché des habits est incroyable. Partout des monticules de fringues éparses, étalages tenus par des familles ou des vendeuses, genre « toutes les fringues dont l’Europe ne veut plus » arrivent ici. C’est tellement en bordel que je me demande comment ils peuvent s’y retrouver, lequel est à moi, lequel est à toi, les gens prennent, remettent, paient ou pas, je ne peux pas le savoir.

C’est fatigant quand même, ce bruit, ces fourmis sans cesse en mouvement. Vivement que je rentre à l’hôtel et que je quitte cette capitale trop bruyante pour moi. Y’aurait encore des choses à voir, des lieux certainement beaux (quoique…) mais je le sens pas… trop pauvre, trop de gueux partout, trop de misère qui me frappe, flagelle ma sensibilité, me mets mal à l’aise.

Je bouge demain.

J’ai réussi à trouver une carte du pays. Faut que j’aille plein ouest.

Sur la carte, l’Inde n’est pas loin, mais y’a pas beaucoup de trains ou de cars, c’est encore peu développé. Et puis les gens n’ont certainement pas vraiment les moyens, ça expliquerait pourquoi y’a aussi peu de transports.

On est samedi matin, quatrième jour dans ce drôle et oppressant pays.

Je n’arrive pas à m’y faire. Cette pauvreté me sèche le cœur. Il crie à chaque heure son empathie pour tous ces misérables. Je n’ai franchement rien vu à ce jour d’aussi pathétiquement malheureux.

Pas grand monde semble aisé ou joyeux, ou tranquille. À part les enfants.

Les regards sont franchement noirs. Mais le pire, c’est que je ne vois pas la petite étincelle qui devrait normalement résider derrière ces yeux noirs.

C’est vide. Rien. Rien ne bouge derrière… Comme si les fils ne se touchent pas dans le cerveau, il manque le contact, y’a pas d’étincelle.

Allôôooo…. Y’a quelqu’un ? Pas le wifi à tous les étages, je crois…

Parfois j’ai envie de crier ça, quand j’ai devant moi 15 ou 25 personnes qui me zieutent debout, immobiles, lorsque j’attends un bus par exemple, un qui tarde beaucoup trop à mon goût.

Vision dantesque que ces zombies figés à trois mètres de moi, sans vie, sans bruit, sans se parler ni commenter ce qu’ils voient, moi.

On me dévisage comme si j’étais un Alien, fixement, et les minutes passent…

Et je crie intérieurement : « Allez-vous en ! Partez ! Laissez-moi tranquille ! ». Mais je ne peux pas. Comment le pourrais-je, déjà que je ne parle pas leur langue, et je perdrais contenance, je perdrais tout, y compris ma dignité. Rien d’autre à faire donc que de supporter cela, cette lourdeur, et encaisser sans broncher… Leçon de vie.

Déjà quatre jours d’oppression, dans cette étrange atmosphère lourde et pesante. Je me sens mal, mais je dois continuer.

En plus, moi qui aime un poil de confort, dormir dans des lits accueillants, des chambres rustiques mais jolies, entrer dans des beaux restaurants et découvrir des menus pleins de bonnes et belles choses, pouvoir visiter des villes agréables et me distraire presque joyeusement…

là, tout est à l’opposé.

Mais putain, qu’est que je fous là, quoi ?!

Ai rencontré des jeunes ce matin dans le hall de la pension, ils arrivent d’Inde. On échange des banalités sur ce qu’ils viennent de vivre. Ça sent bon l’étrangeté et les couleurs, c’est parfumé d’odeurs puissantes inconnues !

Franco et sa copine sont là pour visiter le pays, et comme moi ils se demandent un peu de qu’ils foutent ici.

Nous décidons de nous balader ce matin dans le quartier des beaux palais, au bord du fleuve Buriganga. Il s’y trouve un extraordinaire palais du XIXe siècle, résidence des nawabs de Dhaka, avec son emblématique façade rose pastel qui lui donne un air irréel et doux, avec son dôme et ses meubles d’époque. Au moins, si y’a pas tellement de choses à voir, il y fait frais. Tout est aménagé plus ou moins chichement, on sent le manque de moyens en général car tout est fait simplement, sans fioritures ou bling-bling extravagant, pour un palais qui fut certainement d’une beauté folle en son temps.

Pas mal de touristes locaux, et enfin des femmes non voilées, comme si les femmes plus fortunées pouvaient se permettre de montrer leur chevelure. Quasiment aucun touriste.

Un truc de malade ensuite…

Nous sommes attablés à la terrasse d’un café. Enfin… une terrasse, ça c’est un mot issu des pays modernes. Là, on est plutôt sur un jeté anarchique de tables sur un coin de trottoir bondé de gens, des dizaines de chaises en plastique tordues parsemées au milieu de ce chaos, et des gens en grappes, parlant fort de tout et de rien, dans un vacarme et brouhaha général.

Rien à voir donc avec une terrasse parisienne entourée de bacs de géraniums et des gens bien élevés qui discutent paisiblement. De plus, pas mal d’animaux en tout genre viennent taper la discute et s’incruster dans les groupes. Cela va des vachettes qui s’immiscent dans les discussions, aux chiens plus ou moins squelettiques qui sont là pour attraper les quelques morceaux de pains qui baignent dans un parterre boueux, quelques chèvres qui ont leur mot à rajouter à ce boucan, des pigeons du tiers-monde, avec juste assez de plumes pour recouvrir leurs maigres corps, et un ou deux rats qui passent suffisamment vite pour ne pas se faire bouffer par les chiens.

Ambiance « on ne sait pas si on reste ou si on fuit à grandes enjambées »… C’est crade.

Nous nous asseyons là où il reste un peu de place et commandons une bière et deux limonades.

Et là, nous assistons à une scène surréaliste : deux chiens, qui venaient juste de copuler dans la foule, au centre de tout le monde, n’arrivaient plus à se détacher, leurs sexes toujours fusionnés, comme ventousés. Ils se tenaient là, penauds, cul contre cul, tournés chacun de leur côté, essayant de partir mais ne le pouvant pas, leur sexe unis, vrillé dans un sens anormal pour le mâle… Ils sont restés comme cela une dizaine de minutes, parmi la foule un peu gênée, un peu hilare, dans une honte perceptible, où personne ne pouvait les aider.

Mangé sur la route du retour à la pension, du dahl au poulet, le repas classique, pour une misère.

Demain je bouge, et c’est tant mieux, faut que j’avance en direction de l’Inde, car il y a trop peu de plaisirs à disposition, je me sens dépérir…

2. Champs de coton, et temps de cochon

Cahin-caha, je suis brinquebalé de gauche à droite dans cette camionnette rouillée qui nous transporte, mes camarades et moi, vers Pabna, petite cité commerciale sur la route de l’Inde, à environ 300 km de Dhaka.

On traverse des champs où vivent des populations misérables, ça pue la pauvreté à des kilomètres à la ronde, on voit qu’il n’y a rien, jamais rien.

Mon œil d’occidental cherche non seulement quelques beautés, mais aussi un peu de réconfort, restaurants, échoppes, villages qui ressemblent à quelque chose, mais… rien, il y a tellement peu que je ne peux me départir de cette sensation de gêne qui me pétrit le cœur.

Comment peut-on habiter et vivre là ?

Les gens qui m’accompagnent sont comme moi ; d’ailleurs ça fait pas mal de temps qu’on ne se parle plus. L’oppression qu’on ressent tous nous empêche d’exprimer des mots légers, de déconner, de parler de tout et de rien. On ne rigole pas.

Heureusement qu’on a eu la bonne idée de louer un van pour nous tous, et qu’on puisse voyager ainsi sans poules, gosses, zombies nous dévisageant impassiblement comme nous en avons maintenant l’habitude.

Marc et Sophie, un couple de français voyageant depuis quelques mois en Asie veulent se rendre dans le nord du pays, il y aurait, selon eux, des choses intéressantes à voir… Mouais, je veux bien les croire mais s’il faut se farcir des dizaines d’heures pénibles pour voir quelques vielles pierres, ce sera sans moi.

Je ne suis pas en train de composer une thèse sur l’argile du Bengladesh au service de la construction de temples déglingués.

Deux israéliens également sont avec nous, ils veulent aussi aller en Inde.

Habillés comme des pouilleux, je pense pour mieux se perdre dans la foule ou se faire accepter, ils font presque peur à voir. Une carrière dans la mendicité leur tend la main, c’est sûr. Mais ils ne puent pas trop, alors on les tolère dans le van.

Enfin, van… façon de parler. Amas roulant de tôle, ça serait plus approprié. Au moins il avance, parfois bizarrement, mais nous progressons dans d’étranges accords musicaux et grincements d’insatisfaction du moteur…

Nous traversons moult villages anarchiquement structurés, avec pour la plupart des cases en terre et des gens qui s’affairent autour. Beaucoup sont dans les champs à traquer la pousse d’herbe mal incarnée qui refuse de grandir ici.

Toujours triste. Même le ciel l’est.

Nous nous arrêtons dans un boui-boui sans nom et sans confort. Nous mangeons quelque chose avec les doigts, buvons une eau brunâtre, et nous repartons après avoir fait notre rototo.

Arrivés crevés à Pabna en fin d’après-midi, dans un dernier sursaut et crachat du moteur, qui aura certainement fait son dernier voyage.

Pension minable, mais certainement haut de gamme dans le coin.

Je m’endors harassé par toute cette misère buvardée.

Partout la peine.

Je savais en venant ici que le pays était classé quelque chose comme quatrième plus pauvre au monde.

Je m’y attendais… mais est-on jamais prêt à cela, à autant ?

À cette période, le Bengladesh n’était pas encore connu pour ses usines Nike et la fabrication d’une grande partie des habits, chaussures, sacs et produits divers de marques européennes ou américaines, comme il le sera plus tard.

Ce sera pour une partie du peuple, le début de la remontada du pays grâce aux usines de textile et de chaussures qui vont porter le pays à un niveau de vie ou de décence humaine un peu plus élevé, notamment à Dhaka.

Mais là encore, peut-on vraiment parler de décence alors qu’il s’agit plutôt d’une forme d’esclavage moderne, ces gens travaillant beaucoup pour un salaire juste minimal, dans des conditions que les autres peuples n’accepteraient pas.

Et tout ça pour finir parfois englouti par l’immeuble qui se sera effondré sur ces travailleurs…

Pfffff….. toujours les plus pauvres qui morflent…

Pas grand-chose à dire, j’ai toujours ce nuage noir au-dessus de ma tête.

Faut que je bouge, et vite, sinon je vais finir gris moi-même.

Petite bourgade misérable, rien à faire ou à voir, et toujours ce manque de confort, de plaisirs. Cela ne me convient pas.

Ma lune en taureau nécessite toujours du plaisir, quoi que je fasse.

Pour moi, une journée sans plaisirs est une journée gâchée, presque.

Notre hôtel pour ce soir est un amas de planches qui tient debout. Mais uniquement en l’absence de vent, je suppose…

Qui dit planches, dit trous…. Hé hé hé… égal matage.

Mais mater qui ? Y’a personne de matable ce soir…

Mater, le voyeurisme. Suis-je vraiment normal ?

Mais qu’est-ce que « mater », sinon regarder quelqu’un à son insu, bien souvent par curiosité. Ou perversion. La perversion, c’est quand on se retrouve la bite à la main, ce qui m’arrive parfois, mais la majorité du temps, je suis attiré par du bruit et comme tout humain normal, la curiosité prend le dessus.

Surtout dans des environnements comme celui-ci, des vieux hôtels de planches, avec des toilettes préhistoriques et des trous partout pour zieuter les intimités… Souvent je me suis retrouvé dans des douches pleines de trous.

Des brèches ou des anfractuosités, bien souvent créées par d’autres humains, certainement plus pervers que moi.

Parfois, alors que mon œil descendait se coller au trou et voir qui était de l’autre côté, je me suis retrouvé avec un autre œil en face de moi !

Et pas toujours celui d’un homme !

Stupeur, surprise… et rigolades bien sûr.

Désolé les gens, mais je ne me sens pas plus vicieux que vous, je suis probablement plus curieux, oui. Et avec une sensualité plus forte aussi, toujours aux aguets d’une situation poussant à des pensées… sensuelles.

Comme une impression que rien n’a bougé depuis des lustres.

Des miséreux travaillant un lopin de terre, des animaux faméliques à leurs côtés, tenant à peine debout.

Rien, quasiment rien.

À manger, à faire, à apprécier.

Seul le sentiment de ne pas mourir prévaut.

Quels drôles de karmas pour tous ces gens, encore au stade où il leur faut se sustenter juste assez pour ne pas mourir. Doivent-ils, dans leur évolution, passer par la soif et la faim pour apprendre, et ensuite se réincarner dans des mondes ou sociétés plus modernes, pour s’affranchir davantage en subtilité, avec moins de besoins primaires, et d’autres expériences plus fines et/ou complexes à résoudre ?

Je bouge, je me rapproche de la frontière indienne.

Lentement mais sûrement.

Vous vous en doutez, je suis pressé de quitter ce pays, cette misère hideuse. Mon cœur est contrit, je ne trouve pas de plaisirs dans mes journées, je les vois comme une course contre la montre dans laquelle je dois me presser de traverser le pays, et uniquement pour satisfaire des plaisirs futiles, sans rien donner aux gens.

Je me trouve parfois égoïste, de ne toujours penser qu’à mes petits plaisirs.

Le couple de Français est parti de son côté, ils montent vers le Nord.

De toute façon on n’avait pas grand-chose à partager. Et les deux Israéliens sacs-à-puce vont aussi de leur côté, et je me fiche bien de savoir où.

Ils sont légèrement désagréables, voire même un peu antipathiques.

J’apprends au fil des conversations que les jeunes Israéliens, garçons comme filles, doivent faire un stage de trois ans dans l’armée lorsqu’ils ont 18 ans, c’est obligatoire. Dans des kibboutz ou ailleurs, je ne sais pas vraiment. Dans leur pays en tout cas. Et lorsque leur mission est terminée, forts et pleins de leurs pactoles économisés durant ces trois années, ils partent là où la vie n’est pas chère, en Asie du sud-Est.

On les voit donc partout en Thaïlande notamment, et on les reconnait facilement car ils se ressemblent tous. Un système pileux très fourni, cheveux et poils, barbes abondantes, teint mat, entre 20 et 25 ans, et surtout ils parlent fort et mal, sont arrogants voire impolis face aux populations locales. J’ai surpris plusieurs fois des gestes et des mots qui frisaient l’impolitesse et l’irrespect pour les petites gens croisées ici ou là.

Perso, je ne les aime pas vraiment, ils sont irritants avec leur arrogance naturelle. Je pense même que dans le classement des pires touristes au monde, ils doivent occuper le haut du tableau et monter sur une des trois ultimes marches.

Entre les chinois et les russes, bien sûr.

Donc les lépreux des kibboutz partent, belle et longue vie à leur cohorte de bactéries et microbes qui les accompagnent.

Je commence à être dérangé des intestins.

Ça fait du bruit, ça gargouille fort la nuit quand je suis allongé, et ils me crient leur désarroi face à ce que je vis, et surtout ce que je mange.

Ils commencent à relâcher du liquide et je ressens quelques petits maux de ventre et crispations.

Faut dire que j’ai beau faire attention à l’eau, de toute façon on ne peut pas y échapper. Qu’il s’agisse des fruits ou des salades dans les bouisbouis pour touristes, tout est quand même lavé à l’eau du robinet, et forcément quelques gouttes s’introduisent dans le système digestif et les intestins. Je pense être contaminé.

J’espère que ça ne va pas empirer.

Comme j’ai beaucoup de temps, j’écris.

À mes copains d’enfance restés en Suisse, à ma famille, à mes ex parfois.

Des lettres longues, de plusieurs pages. J’ai du temps.

Avec tout ce qui m’arrive, j’ai pas mal de choses à raconter, bien sûr.

Et mes potes, eux, ne se pressent pas vraiment pour m’écrire à leur tour.

Ok, il ne se passe pas grand-chose dans leur vie banale, je le comprends, mais je me sens parfois tellement seul que j’aimerais avoir plus souvent de leurs nouvelles.

Ma sœur et/ou ma mère me répondent environ tous les trois mois, en poste restante dans la prochaine ville où je me trouverai (j’essaie de bien calculer mes dates et mes villes), et mes potes eux, c’est plus tous les six mois qu’ils se donnent la peine de me raconter leur vie routinière.

Et y’a ma belle Amélie qui, elle, me répond souvent, quasiment tous les mois, en tout cas à chacune de mes lettres. Ma belle brésilienne – qui est en fait espagnole - aux petits seins et cul de rêve, et à la longue chevelure de déesse. C’est une de mes ex... ça n’a pas marché longtemps, on avait de la peine à communiquer pleinement. Je pense que j’étais un peu coincé, car elle était trop belle, trop pleine de quelque chose que je n’avais pas, moi qui ne voulais que m’amuser avec les filles et mes potes.

Elle désirait autre chose. Et ça n’a pas duré entre nous.

Mais j’aime lui écrire, et puisqu’elle me répond à chaque fois, alors je continue à échanger avec elle, et je la garde au chaud dans mon cœur…

De Pabna, j’arrive dans un autre bled nommé Ishwardi.

Alias, un des « trous du cul du monde ».

C’est bien ça, jolie et simple description de cet endroit charmant. Juste à côté de la frontière indienne. Encore deux ou trois kilomètres et j’en aurai fini.

Ai pris le bus local pour arriver ici, je ne vous raconte pas….

« Siiii…. Raconte-nous ! ».

Bon, ok…

Eh bien, vous imaginez le pire des vieux bus indiens en piteux état, enlevez quelques tôles de carrosserie, supprimez le pot d’échappement qui ne sert à rien, rajoutez une grosse fumée noire carbonique à l’arrière, et mettez-y environ 80 personnes copieusement entassées.

Vous avez là un parfait bus local des campagnes bangladeshies.

On finit le tableau par des gens sur le toit, entre des ballots de fringues, de plastiques divers et de matelas, et on lance le tout à 80 km/h sur des routes partiellement détruites.

Aucun mort ne fut à déplorer, quelques bleus sur les corps présents qui ont encaissé les dix heures de route défoncées, des cris et impétuosités parfois lorsqu’une poule tombait sur une tête endormie, mais dans le fond, ce fut un voyage bien agréable. Puisque je suis arrivé vivant.

Cassé en trois, mais vivant.

Je me trouve une pension locale à côté de la rue principale, pour pouvoir plus vite repartir demain.

Toujours pareil, des planches de bois pour séparer les chambres, peu de monde et encore moins de touristes.

Qui viendrait se perdre ici, hein ?

Faut être con, ou fou…

3. Escape from the darkness

Marcher dans la brume. Dans la grisaille du petit matin. C’est ce qu’il faut faire, et c’est ce que je fais.

Je longe une voie ferrée désaffectée, abandonnée.

L’herbe est rase tout autour, une grande étendue verte légèrement vallonnée, c’est paisible et calme. Des vaches ultra-maigres, qui rechignent à manger la terre, vu le peu d’herbe à disposition.

Des gens, ici et là, vaquent à leurs occupations.

Certains sont accroupis dans les champs, enveloppés de leur robe ou jupe.

Jouets cassés, sans vie.

Et un fou passe…

Sac à dos, légèrement courbé, ahanant à chaque pas, transpirant par litres, motivé par l’unique but de quitter cette pauvre contrée si peu accueillante.

On m’a indiqué la voie, ferrée, spirituelle, et à vol d’oiseau, pour quitter le pays : dans une dizaine de kilomètres se trouvera une sorte de bureau, avec une barrière, et c’en sera fini du pays, je serai en Inde.

« T’as qu’à aller tout droit, par là-bas… », dans un anglais petit chien et un geste de la main un peu hasardeux, genre « Va vers le nord-ouest, et suis les corbeaux… ».

Alors je marche, mes vingt kilos sur le dos, mes viscères toujours grouillantes et liquides, et ma ferme intention de quitter le pays rapidement et définitivement.

Jamais je ne suis sorti d’un pays de la sorte, dans un nuage brumeux et glauque, marchant ainsi dans la campagne isolée de quasiment tout, et ne sachant même pas si je suis dans la bonne direction.

Tu parles, dix kilomètres c’est long, facile de se perdre…

Suivre cette ancienne voie, à moitié recouverte de mousse et d’herbes, et marcher sans se poser de questions.

Sauf que des questions, là, maintenant, elles fusent dans ma tête. Avec la principale, celle qui revient tout le temps, en boucle, dans un mélange de colère, de rage contre moi-même, contre les Dieux, contre mon destin :

« Mais qu’est-ce que je suis venu foutre ici ? ».

Je croise des gens, qui semblent halluciner.

Imaginez le fond d’une campagne pauvre, quelques paysans en haillons avec leurs bêtes maigrichonnes, qui voient passer un gars venu d’on ne sait où, portant son sac à dos, marmonnant dans sa barbe d’une semaine on ne sait quelles diatribes, semblant pester à chaque pas…

Un Alien quoi.

Mais sans soucoupe, et pestant contre son équipage de l’avoir laissé là…

Deux heures sont passées. Je marche toujours.

Ça se calme un peu dans ma tête, je suis si près de la frontière indienne.

Au fait, que vais-je y faire, en Inde ?

Ah oui, m’acheter la belle moto de mes rêves, et filer me faire voir aux quatre coins du pays, frimer comme j’aime bien le faire parfois, discrètement, mais qu’on me voit quand même, et qu’on se pose des questions sur moi. Paraître le type un peu ténébreux qui passe, qui ne dit pas grand-chose, qui laisse derrière lui une trainée de mystères non résolus…

Hé hé… voilà donc un sujet intéressant, car… qui n’a pas joué à ce jeu-là ?

Qui n’a pas été tenté de paraître autre chose de plus valorisant que lui-même ?

Je veux bien sûr parler de la douce vampirisation énergétique qui nourrit tant de monde creux, ou vide.

Car la frime, c’est quoi ?

Frimer c’est se projeter dehors, y aller physiquement, pour faire le plein d’énergie. Se remplir du regard concupiscent des autres, se nourrir de l’admiration de ses semblables, ressentir la fierté d’entendre des « hooo, hééé… » sur ton passage, savoir que tu plais, que des gens ont envie de toi, aimeraient faire ta connaissance.

On est tous pareil, et que le premier ou la première qui n’a pas testé cela me jette la pierre.

C’est bon, on se sent bien, et l’air de rien si on pouvait se brancher sur un appareil électrique pour mesurer son énergie, il y aurait un pic nourrissant lorsqu’on frime avec conscience.

On se sent bien sur le moment, fort, puissant, presque heureux.

Jusqu’à ce qu’on rentre à la maison. En descente…

Car le pic ne dure pas.

C’est pourquoi j’aime le terme de vampirisation énergétique, prendre de l’énergie aux autres pour s’en nourrir brièvement, et vu que cela ne dure pas, on doit sans cesse reproduire cela, frimer de nouveau, se mettre en évidence dans ses meilleurs atours pour se faire à nouveau aimer et que l’énergie des autres soit à nouveau drainée vers nous.

Hollywood, les stars, la notoriété, la frime, ce pouvoir que cela procure, tout cela n’est qu’un jeu énergétique pour des gens vides.

C’est nourrissant un temps seulement.

Et il n’y a qu’à voir toutes les stars tombées de leur piédestal, trop vidées par ce jeu de la vampirisation. À force de chercher à l’extérieur ce qui pourrait nous nourrir, nous nous vidons petit à petit.

Tels des vampires.

Pourquoi voit-on autant de films de vampires depuis une quinzaine d’années ?

Un besoin actuel pour l’Homme d’observer ces phénomènes impulsifs, de les comprendre afin de s’en éloigner et n’en être plus sujets.

Lorsque les humains auront compris que ce n’est que ça, et qu’il vaut mieux prendre le temps de se remplir intérieurement d’autre chose, de notre propre énergie, de croyances positives, de pensées lumineuses et altruistes, de juste se recentrer plutôt que s’éparpiller, de se focaliser sur soi-même plutôt que sur ce que les autres vont penser de soi, alors ce besoin de considération sociale s’éteindra tout seul, et nous n’aurons plus besoin des autres, plus besoin de se nourrir de façon aussi primaire, en frimant.

Moi qui n’ai pas vraiment reçu mon lot de considérations positives de la part de mes parents dans ma prime enfance, il était clair et dessiné que je devrais, un temps, frimer parfois pour me nourrir de l’énergie des autres, avant de – le plus vite serait le mieux – comprendre qu’il y a mieux à faire et me recentrer.

J’ai donc eu mes années de gloire, ou de frime plutôt, plus ou moins consciente, lorsque je partis dans le sud de la France, au volant de ma superbe voiture de sport neuve, je m’offrai très rapidement des grosses bagouzes aux doigts (qui ne m’ont strictement servi à rien, sinon à frimer) et une énorme montre au poignet, que je ne regardais jamais, inutile puisque l’heure est affichée partout, sur nos téléphones, dans la voiture ou à la maison.

Ce n’était là que des éléments de frime, pour qu’on sache que j’avais réussi, pour qu’on chuchote sur mon passage « Oh mon dieu, qu’il est bien lui, qu’il est beau, qu’il est fort… », car j’en avais besoin, cela me nourrissait et je me sentais bien.

En fait, j’avais surtout besoin de le vivre physiquement et émotionnellement, sinon comment aurais-je pu comprendre les mécanismes invisibles derrière ce besoin ? Moi qui aime expérimenter par moi-même plutôt que découvrir des concepts pointus dans des livres, je peux maintenant parfaitement observer ces mécanismes toujours actifs chez beaucoup de gens.

Il suffit de voir le phénomène des selfies, une autre manière de dire au monde « Regardez comme je suis beau, ou belle, comme ma vie est magnifique... », et ainsi se nourrir de tous les « J’aime » reçus.

On a tous expérimenté cela, n’avoir aucun « J’aime » après avoir posté une super vidéo est carrément décevant. Alors que le contraire procure de la satisfaction.

On est bien là dans de la vampirisation énergétique, on se vend pour être nourri.

De ce point de vue, les réseaux sociaux participent en quelque sorte à l’émancipation du peuple car de plus en plus de gens commencent à se réveiller, en ont marre de ces attitudes selfiques, et sentent eux aussi que cela suffit, que c’est ridicule, qu’il faut arrêter, et se tournent vers plus profond, sentent le besoin de se recentrer.

4. Premiers pas en Inde

Marcher dans la brume. Dans la grisaille du petit matin. C’est ce qu’il faut faire, et c’est ce que je fais.

Les heures et la fatigue aidant, je suis dans un nuage vaporeux lorsque je me dirige cahin-caha vers une maison délabrée, à côté de la voie de chemin de fer, et une sorte de barrière rouillée qui a rendu l’âme depuis longtemps. La vie est en suspension, il n’y a que les bruits de la campagne, des oiseaux, le bruissement du faible vent, et mes pas dans la mousse et l’herbe rase. J’arrive devant la cabane et hèle d’une voix nasillarde si quelqu’un est là…

Un gars sort, hagard, suspicieux et débraillé. Tu parles, y’a jamais personne qui passe par ici, ça doit être le seul poste frontière d’Inde qui soit dans cet état et aussi reculé, perdu dans la nature, loin de toute ville.

Seuls les fonctionnaires lépreux doivent avoir le privilège de pouvoir venir ici pour finir leur vie. J’ai dû le déranger dans sa sieste ou son hébétude. Je passe au moins dix minutes dans mon anglais alambiqué à lui expliquer ce que je fous ici. Il semble comprendre la moitié de mes propos et consent à me filer un coup de tampon sur mon passeport.

Je partirai sous son regard curieux, il aura une belle histoire à conter dans son village, de retour chez lui ce soir. Un mec à moitié hagard, sorti de je-ne-sais-où, qui a débarqué du Bengladesh à pieds, pour arriver en Inde par cette voie que plus personne ne prend depuis des lustres…. Ça alors !

Je suis en Inde, ça y est !

Toujours la même campagne et la même pauvreté. Et j’avance…

Mon but est maintenant d’atteindre rapidement une grande ville pour retrouver de la vie, celle qui me plaît, des gens, de quoi boire avidement des jus de fruits frais, manger plein de bonnes choses, parler avec des gens intéressants, dormir confortablement si possible, enfin, tout ce que j’aime, quoi…

Boire un Saint-Nectaire, accompagné d’un nain sectaire.

Un village au loin. Des gens m’observent comme on examinerait un gueux venant du trou du cul du monde, ou bien un étranger complétement perdu. On m’indique une guesthouse-hôtel-pensionminable, je m’en fiche, je donne mon passeport et m’endors pour 18 heures non-stop.

On est bientôt à mi-mai, je ne serai resté que…. enfin, que… façon de parler, qu’un mois et demi dans ce magnif…. heu, ne nous emballons pas, cet étrange pays ultra-pauvre qui ne m’aura pas vraiment nourri, qui m’aura même un peu asséché dans mon amour pour l’humain et ma joie de vivre.

Un long mois avec un gros nuage noir et pesant au-dessus de moi.

Que cela signifie-t-il ? Que je n’étais pas à ma place ?

Qu’aurais-je fait dans ce pays qui ne me sert à rien dans mon développement personnel, si je suis déjà passé par le plus pur dénuement, la faim et la soif, si je n’ai plus rien à en retirer pour mon évolution ?

Cela me semble clair…

Je suis toujours aussi malade, mes intestins se tortillent dans tous les sens et parfois avec un bruit inquiétant, on dirait qu’un monstre gronde en moi, que je vais accoucher d’un Alien, quelque chose se prépare dans les bas-fonds de mes viscères… mon dieu, que c’est désagréable d’être mal en point, et de continuer à vivre dans des contrées inhospitalières quant à la nourriture et l’hygiène…

Il me faut vite que retrouver une alimentation de bonne qualité.

Mercredi, il fait beau, je me réveille dans une bonne literie. Ça faisait longtemps.