La Route du Soi - Philippe Gregoire - E-Book

La Route du Soi E-Book

Philippe Gregoire

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Beschreibung

C'est intime, brut, sensible, sexuel, drôle. Partagez les aventures d'un jeune homme qui a osé faire ce que la majorité n'osera jamais, et vivez son quotidien durant plus d'un an de l'Europe à l'Asie, en 1990. A tous ceux qui rêvent de vacances dans de grands hôtels, de voyages en groupe organisés, de farniente sur des chaises-longues-piscine ou qui aiment les croisières bondées, ce livre n'est pas pour vous. Mais si vous aimez voir du pays autrement, vous confronter à des situations loufoques, drôles, dingues, parfois torrides ou carrément glaçantes, alors vous allez vous régaler avec ce style sec et claquant, sans fioritures, et toujours avec humour et sensibilité. Des pages truffées de remises en question et de mises à nu de l'auteur. Il est comme vous. Ne sommes-nous pas tous pareils ? Vous entrez dans son coeur, qui n'est pas si différent du vôtre, avec peut-être un poil de courage en plus, et un besoin de nouvelles réponses spirituelles. Il nous livre sa version intime de ses expériences pour mieux comprendre nos vies. C'est du jour après jour. L'aventure nous emporte, on y est, on voyage et ça va vite ! Entre sérénité méditative et débauche, stupre et luxure en Asie. Des capitales bruyantes jusqu'au fin fond de la jungle thaïlandaise, dans un monastère bouddhiste entouré de cobras où sa vie prendra un nouvel essor spirituel, il nous emmène dans une aventure intérieure palpitante et chaude. Extrait : Au Reggae Pub, je me fais accoster par la plus jolie thaïe que j'aie jamais vue, très sexy, trop peut-être. Je ne saurais dire si c'est un mec ou une fille mais le résultat est stupéfiant, je suis ébahi, filet de bave aux lèvres.... Immédiatement après les « What's your name » habituels, il ou elle me propose de faire l'amour car ses parents sont pauvres et qu'elle veut se faire greffer un clitoris d'autruche ou quelque chose dans le genre. C'était de toute façon trop rapide pour que cela ne soit pas une pute qui tapine. Bon, gentiment je lui dis d'aller se faire voir chez les schtroumpfs et de se chercher un autre client, mais elle ne connait pas les schtroumpfs. Je retourne au bar. Là, je tombe sur une autre thaïe, jolie, gentille, pas agressive du genre « hello, what's your name, you want to fuck ? », donc plus dans mon état d'esprit idéalo-romantico-obsédé. On a passé la soirée à danser, s'embrasser. Dieu que c'est bon de retoucher une femme !

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Seitenzahl: 442

Veröffentlichungsjahr: 2022

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TABLE DES MATIÈRES

Départ, premiers tours de roues...

Fin des spaghettis, le vent porte vers la Grèce...

Libre et heureux en Grèce

Les Dieux de l'Olympie

Les Cyclades, Ios et la vie en blanc-bleu

Mykonos, et la vente du vélo

L’hiver arrive sur les îles

Fort comme un Turc !

La vallée des Schtroumpfs

Istanbul

Destination l'Orient, Bangkok...

Le Triangle d’Or

Débauche et descente aux enfers à Koh-Samui, je touche le fond

Sexe, alcool et rock & roll... Interlude, pub ésotérique

Fin des vacances

Retour à l'école : Les massages thaïs

Fin des massages thaïs

Malaises en Malaisie

Retraite au monastère

Les enseignements bouddhistes

Danse avec les cobras

Fin de la retraite monastique, un nouvel homme

L'île de rêve : Koh Pee Pee

Adam et Ève au Paradis

Krabi, Bangkok, et adieu la Thaïlande

Les Birmans: Des gens au cœur pur

Le visage de Myanmar

1. Départ, premiers tours de roues...

1er jour : réveil super glauque. Dormi une heure et demie dans les bras d’Helena après une nouba d’enfer avec les potes.

Faut dire que je me prépare depuis plus d’un an pour ce départ et que forcément la dernière soirée a bien été préparée.

J’ai invité tous mes potes et surtout toutes mes ex, genre le gars qui veut se la péter et se faire plaisir… Yep, mes sept dernières copines avec qui j’ai vécu quelque chose qui ressemblait à de l’amour, quelques nuits ou quelques semaines, histoire de me faire un petit délire et de choisir celle avec qui je veux passer la dernière folle nuit de mon ancienne vie. Elle sera mémorable et je ne veux pas la manquer. Me la jouer un peu aussi. Qui va me mériter une dernière fois ? Orgueilleux jeune homme que je suis. On s’est bien marré, beaucoup de bruit, de musique, d’herbe et d’alcool, et je les ai triées une dernière fois pour savoir dans les bras de laquelle je voulais jouir encore.

Et c’est Helena qui a remporté le gros lot, un paquet de viande imbibé d’alcool, à demi-mort.

Je me sens fragile, l’impression de ne pas vraiment savoir ce que je vais faire.

Le cœur et le mental un peu affolé. Même si tout cela aura été mûrement réfléchi, putain, ce n’est pas une mince affaire que de décider de partir loin, fermer une dernière fois la porte de son appartement en sachant qu’on n’y reviendra plus, et ne pas savoir où on va. Plus de boulot, plus de routines rassurantes, plus de potes à proximité, fin de contrat du boulot, rupture de bail pour mon appart, annonces à la famille, dures semaines précédentes…

Ça s’écroule dans mon cerveau un peu fragilisé, mais ça passe…ça tient, je dois le faire et je vais le faire. Je suis fait pour cela.

Je ferme la porte de chez moi, mets les clés définitivement dans la boite aux lettres, sors sur le trottoir avec mon vélo et son paquetage. Je suis très impressionné par ce que je suis en train de faire.

Je m’ébroue, grince, dérouille mon squelette, me force presque à enclencher les premiers tours de roues qui m’éloignent de ce que fut mon chez-moi, et cette vie si rassurante…

Pour comprendre le cheminement qui m’aura mené à accomplir ce voyage initiatique, il faut savoir d’où je viens.

Je suis né dans une famille pauvre de paysans Haut-Savoyards. Ma mère, adolescente, gardait des vaches, ce n’était qu’une simple fermière avec trop peu de bagage intellectuel pour être plus tard confrontée aux vices et à la prédation des hommes. Elle était belle, et ce qui devait arriver, arriva. A vingt ans, elle rencontra un beau-parleur du sud de la France qui la fit rêver et l’hypnotisa. Et il l’emporta au grand dam de ses parents, qui avaient vu venir le prédateur et l’avaient mise en garde. Mais l’amour ne rend-il pas aveugle ? Elle quitta donc ses vertes prairies savoyardes pour un petit village dans le sud de la France. Là, elle vit le vrai visage de son nouvel amoureux et fit connaissance des trottoirs.

Pas pour y flâner, mais pour y travailler... Car son mec était un mac, et par ses micmacs, elle se retrouva pute. Mais la petite paysanne qu’elle était n’était bonne à rien. Alors ils la débourrèrent, comme ils disaient dans le métier. Viols, punitions, humiliations, sévices, la panoplie brutale des exactions de proxénètes pour la rendre docile et malléable. Mais rien n’y fit. La nouvelle petite pute du quartier ne ramenait rien de clinquant et trébuchant le soir. Alors elle se fit engrosser, entre deux sorties de prison, par son minable de mec, mon père biologique.

Et moi je vis le jour un peu plus tard, un an après ma sœur. Enchanté.

Et je découvris avec joie les plaisirs… des pleurs, des sévices, des humiliations, et de la solitude de l’enfant.

Ma sœur et moi mangions parfois dans la gamelle des chiens, nous dormions quelquefois à la cave, nous ne servions à rien dans cette famille avide d’argent facile, et tous se réjouissaient que ma sœur plus tard serve au moins à quelque chose, dans 17 ans, sur le trottoir. Pendant ce temps-là, ma mère fut envoyée en Suisse pour qu’elle y travaille. Vu qu’elle était inutile dans le sud, autant qu’elle aille bosser là-bas et qu’elle ramène du fric…

La belle-famille nous gardait prisonniers chez eux, histoire de bien mettre la pression sur ma mère, pour qu’elle ne déconne pas, et surtout qu’elle envoie son salaire en fin de mois.

C’était le plan, et il dura trois ans.

Des premières années sans amour, sans une maman câline, sans affection. De plus, vu que le grand-père, qui vivait aussi sous notre toit, tomba gravement malade de la tuberculose, nous jetâmes nos jeunes corps dans cette maladie... Et hop, nous voici devenus tuberculeux. Et en route pour un préventorium à 50 km de toute habitation, à l’intérieur des terres, car cette maladie mortelle était très transmissible à l’époque. Nous avions respectivement cinq et trois ans et demi.

Ma sœur et moi y sommes restés 18 mois. Piqûres quotidiennes dans nos chères chairs, tous les enfants alignés en rangs d’oignions face au mur, avec les bonnes sœurs qui passaient derrière nous, à nous piquer les fesses comme des piliers de bar jouant aux fléchettes. Mauvais souvenirs que tout ça…

Bref, notre petit duo malingre aura quasiment passé les plus belles premières années de notre enfance sans câlins, tendresse, baisers et amour. Quand on sait que presque toute la psyché de l’enfant se construit durant cette période, on ne pourra pas dire qu’on s’est loupé pour avoir un sacré putain de début d’incarnation dans cette vie-là.

On continue…

Vers l’âge de cinq ans, ma mère est venue nous rendre visite au préventorium par un beau samedi d’été avec un homme et une voiture bleue, une coccinelle. Et ils nous kidnappèrent. Allez hop, plus d’enfants ! Nous avons été enlevés des griffes de cette belle-famille et de cet inhospitalier milieu hospitalier pour retourner en douce en Suisse et recommencer une vie plus normale, tous ensembles.

La fin est bien plus heureuse pour elle car elle aura osé demander le divorce et l’aura obtenu cinq ans après.

Nous n’avons jamais connu, ma sœur et moi, ce fils de pute de père biologique qui nous transmit sa génétique.

Je vous ai raconté ceci pour la raison suivante : démontrer comment des puissantes émotions négatives vécues peuvent se transformer en force positive pour l’individu.

J’ai toujours été bègue. Je n’ai commencé à parler que vers 21-22 ans. Des traumatismes profonds m’empêchaient de parler normalement. Trop d’émotions me nouaient la gorge. A moins que j’aie en plus remonté des scories émotionnelles d’une vie antérieure dans laquelle je serais, pourquoi pas, mort pendu ou étranglé dans une situation d’injustice… C’est une piste possible pour expliquer mes soucis de verbalisation.

Toujours est-il que, ne pouvant pas vraiment m’exprimer comme tout le monde sans attirer à moi quolibets et moqueries blessantes, j’ai développé un sens qui me permet de lire dans les corps. Oui, je lis dans les corps aussi ouvertement que dans un livre. Rien ne peut se cacher dans un corps en mouvement. Cela m’aura permis toute ma vie de voir la vérité se cacher derrière des mots et des actes, ou des truqueurs(euses) qui essaient de tricher derrière des gestes.

J’adore, c’est un don infaillible.

Ce début de vie m’aura aussi permis de développer une compassion énorme pour tout ce qui vit, et en particulier pour les animaux, comme on le verra plus tard.

C’est donc fort et fragile en même temps, de ces profondes blessures et traumatismes invisibles, que je décidai de braver le destin, de me secouer les puces, de me fouetter pour aller me trouver, me retrouver, aller chercher tout au fond de moi qui j’étais vraiment.

Et y’avait du boulot !

Mais ce que peu de gens savent et ont su - même mes amis d’enfance ne le surent pas à l’époque quand je les quittai - c’est qu’à la base, je suis parti de Genève-la-suissesse-bien-trop-tranquille pour une raison plus intime que celle de partir simplement à l’aventure.

Je voulais aller chercher celle qui deviendrait ma femme.

Ouais… je sais, c’est dingue.

Je le sentais inconsciemment au plus profond de moi, j’allais devenir prêt, je sentais que c’était le moment, à 29 ans, je me savais suffisamment fort pour construire à deux, bâtir quelque chose avec ma partenaire de cœur. L’envie de m’acoquiner sérieusement avec une femme, et pourquoi pas d’enfanter avec elle, me marier, pressait maintenant. Ce destin m’appelait. Les Dieux s’impatientaient à me voir végéter comme je le faisais depuis trop longtemps.

Inconditionnel rêveur que je suis, je venais de passer plus de dix ans de vie nocturne dans tous les milieux locaux de la nuit, et je n’avais pas trouvé celle qui pourrait devenir ma femme. Je pensais alors, à juste titre, qu’elle n’était certainement pas ici, pas dans cette ville.

Je devais donc partir la chercher, jusqu’à aller la trouver au fin fond de l’Australie…

Et donc, je partis.

Mais les Dieux ont toujours été très joueurs et taquins avec moi…

Dure journée. Train jusqu’à Toulon, attente demi-éveillé sur un banc en mode zombie, récupération du vélo. Nickel ! Installation des sacs et bagages sur le vélo. L’avant doit peser une quinzaine de kilos et l’arrière environ vingt. Un peu de fringues, des outils pour le vélo, des pièces de rechange, des rustines, des chambres à air, un peu de matos spécial camping léger, de quoi faire chauffer de l’eau, deux ou trois ustensiles de cuisine, pas grandchose en fait, le minimum. Les sacs pendent de chaque côté des roues, ça en jette ! L’expédition quoi, mais sans autocollants et sponsors. Le tout sur un quai. Photo qui sent grave le départ…

Ensuite monter dans l’énorme bateau d’acier. Pas beaucoup de monde, personnel sympa, j’ai une cabine privée et c’est tant mieux pour mes bagages.

Je suis naze, il est 21 heures et je me couche lorsque l’étrave commence à fendre l’eau.

Lendemain, forte houle au réveil, c’est le délire à la proue du bateau ! Les vagues dépassent de trois à cinq mètres le pont du navire. Ça tangue ! Une grande majorité des passagers font offrande de leur dîner à Neptune depuis le pont… les poissons sont contents.

Arrivée à PortoTorres : Je touche le sol de la Sardaigne. Premier contact. Ça va, la langue n’est pas trop perdue, faut secouer un peu le cerveau pour ressortir les acquis italiens d’école. Je me débrouille.

Ai trouvé une pension chez une mamma typique. Ou une typique pension chez une mamma. Me suis baladé. Rien à voir sinon des falaises raides et calmes. La mer est belle. Je suis relax. Demain, premier vrais tours de roues direction Alghero, à environ 30 km dans le sud.

Je respire à grands poumons, des grandes inspirations, je suis loin de chez moi et je commence à prendre conscience de que je suis en train de faire.

Mes mollets se souviennent encore du tour de Corse réalisé il y a deux ans.

Une fois qu’on a fait cela, on peut tout faire ! En Corse à quinze mètres du bord de mer, le dénivelé est encore sacrément pentu ! Un vrai tour de force mental que de continuer ! Sans parler du nombre de crevaisons à cause de ces petites épines en croix sur le bord des routes, typiques de là-bas. Aussi je suis content d’être sur du plat comparé à la Corse.

Idem pour le premier col d’une montagne. Lorsqu’on l’a fait, quelque chose se décoince dans la tête. Car ça n’en finit pas, ce n’est qu’une succession de virages montants, de tours de roues, de coups de pédale, de pénibilité, un chemin de croix pour un non-catholique parsemé de « j’en-ai-marre » dans la tête, un vrai test. Un test qui dure trois ou quatre heures. Oui, le premier col met à l’épreuve. Il s’en passe des choses dans la tête quand on pédale péniblement aussi longtemps. Un peu comme quand on se fait faire un grand tatouage… on voyage grâce à la douleur ! On ne sait pas si les cuisses vont lâcher en premier ou si c’est la tête qui va dire : « Halte, basta ! J’en peux plus, arrête-toi Phil, je ne sais même pas ce que tu es en train de faire, t’es fou ou quoi ? Ça te plait tant que ça d’avoir mal et de souffrir ? ». Et en persévérant, une fois en haut, au col, quelle satisfaction ! Quel long combat mené à bien ! Et on se dit qu’après avoir fait ça, on peut tout faire ! A moi le monde !

Mais pour l’instant je prends des forces, il faut dormir beaucoup, manger, être cool. Récupérer de cette dernière semaine avec sa succession d’adieux émouvants et de fêtes endiablées.

Plus d’un an que je le prépare ce départ. Tous les soirs je rentrais du boulot en étant focus sur le calme et la paix que je devais trouver dans mon cœur, je m’allongeais sur le canapé pendant 1 h 30 environ et je méditais, me répétant des mantras que j’avais créé avec des phrases courtes et fortes, comme « mon corps physique est indestructible », « ma force d’action est dynamique », mon énergie est illimitée », « ma créativité est infinie », « ma volonté est d’acier », « mon mental est puissant », etc… je les répétais en boucle, histoire de faire taire toutes les peurs naturelles tapies dans mon cerveau, qui surgissaient encore et toujours. Car il est facile de penser à un énorme projet comme celui-ci, et encore plus facile d’y renoncer, assailli que l’on peut être par toutes sortes de questionnements négatifs.

D’abord y penser mentalement. Est-ce que je pourrai le faire ? C’est long un tour du monde, plein d’inconnus, d’imprévus, de surprises, de peurs, de terreurs peut-être… T’es pas un peu fou Phil ? Ben si justement, j’ai toujours aimé les projets fous. Et tous mes copains, ma famille qui me disaient :

« Oui, oui, bien sûr… » avec un gentil regard compatissant, pensant que le doux rêveur ne le ferait pas.

Ben si, ça y est, il est sur la route le Phil…

Tous ces sacrifices financiers pour y arriver. Il y a un an je n’avais pas une tune, je claquais tous mes salaires en bêtises et en motos, car j’étais sans but.

Bon sang, si je pouvais retourner en arrière… que de fric dépensé inutilement !

J’ai pu mettre 15 000 euros de côté pour ce voyage. Me connaissant, ça me permettra de tenir un bon bout de temps. Il ne me faut pas grand-chose, je le sais. Je me fiche de dormir sur une paillasse et d’avoir peu. J’ai déjà vendu une fois tout ce que j’avais pour partir à Ibiza il y a sept ans, je sais que je n’ai besoin de quasiment rien. Par contre, la bouffe, ça, il ne faut pas y toucher. Mon palais est délicat et je suis un jouisseur des sens. Alors je ne ferai jamais l’impasse sur la bonne nourriture, ça c’est impossible.

Mon bike est un vieux clou costaud et lourd, déclaré volé aux assurances par un pote qui me l’a refilé. Il ne casse rien et c’est tant mieux car dans mon cas mieux vaut ne pas attirer les convoitises et passer discret. Au moins j’aurai moins à me soucier lorsque je le laisserai à quelque part. Je l'ai bricolé pour le consolider un peu, installé un porte-bagage à l’avant et à l’arrière, acheté quelques outils de réparation, un kit de rustines, une ou deux clés, ça devrait aller. Je n’ai pas besoin de beaucoup.

Une semaine avant de partir, j’ai essayé de tout vendre. Tout ce que j’avais.

Fringues, accessoires ménagers, des bricoles pour la moto et le vélo, bref, tout cela sous forme d’un gros tas au milieu de mon salon, et les copains et amis qui venaient parfois pour voir s’ils pouvaient trouver quelque chose à leur goût. Tout à 10 euros. Bon, je n’ai pas vendu grand-chose, mais ça débarrasse quand même, ça fait le vide.

Ça c’est quelque chose de vendre tout ce que l’on a ! De jour en jour, l’appartement se vide et la sensation de liberté grandit dans le cœur. Une sensation intime et liée à la peur, elle-même mélangée à de l’excitation et de l’angoisse. Ça fragilise de se séparer de tout ce qu’on a acquis, se sentir vide, comme appauvri, mais tellement plus libre.

Je me permets, épisodiquement dans ce livre, de livrer mes ressentis profonds et mes jugements subtils, trente ans après cette épopée, avec mes yeux et mon cœur actuels, afin d’analyser et de décortiquer mes pulsions de l’époque, puceau de la spiritualité que j’étais en ce temps.

Ce récit sera donc fréquemment entrecoupé de textes en italique qui sont mes notes et points de vue actuels, concernant la personne que j’étais à l’époque, après que j’eus rencontré sur ma route - et parfois épousé - des femmes précieuses, après des stages et séminaires de développement personnel, après moult soins esséniens reçus avec la bénédiction de la lumière divine, et surtout après davantage de maturité et d’expérimentations physiques de certaines lois de l’Univers, sur Terre.

Je souhaite sans prétention vulgariser des concepts pointus ou complexes à appréhender, tels que la réincarnation, nos vies antérieures, les voyages astraux, et d'autres plus simples (quoi que) comme les dogmes et religions sur Terre, notre santé, la nourriture, ou notre hygiène mentale. J’aime échanger sur des thèmes comme les schémas inconscients qui se répètent à notre insu, ou décortiquer des émotions que tout le monde ressent sans pouvoir trouver une signification profonde, en rapport ou pas avec notre prime jeunesse.

Tout ceci en fin de compte pour tenter de mieux comprendre qui nous sommes et ce que nous sommes venus faire ici, car après tout, ne sommes-nous pas similaires, nous tous, avec nos émotions? Nous vivons tous plus ou moins les mêmes traumas, déboires et accidents de la vie sous des angles personnels, mais ces expériences n’ont-elles pas pour but de nous faire grandir, jusqu’à notre jugement final, de retour dans la lumière, lorsque l’heure du bilan de notre vie aura sonné ?

Peur aussi car je ne suis pas comme tout le monde. La dualité en moi se transforme de jour en jour et j’ai toujours ce petit bonhomme sur mon épaule droite qui me dit : « C’est bien Philippe, fonce sans savoir où tu vas, sois cool, on est là pour t'aider, fais confiance ! », et l’autre sur l’épaule gauche : « T’es pas un peu fou toi ! Tu vas où comme ça ? Ce n’est pas comme ça qu’on doit vivre ! Et ton boulot que t’as quitté, une si belle carrière (on croirait entendre ma mère)… » Ben oui, car il a fallu démissionner. J’avais un super job, très bien payé, 6 000 euros de salaire, pas mal de diplômes obtenus les dernières années, tout ce qu’il me fallait matériellement. Et personne ne me comprenait… Ma vie n’avait pas vraiment de sens. Je survivais plus que je ne vivais, par des routines, des motos et des femmes.

Il me manquait quelque chose…

J’aspirais à de l’intangible, du non-palpable, sentir le souffle d’un vent nouveau sur mon visage, des odeurs, être surpris, ne pas savoir ce qui va se passer le lendemain, de l’inconnu.

Va expliquer ça aux gens rationnels et peureux, ceux qui parlent de retraite et ont une courte vision de leur futur…

Mais je suis Philippe.

Et j’ai tout quitté.

Suivant mon cœur et ses aspirations surprenantes.

Croire en ses rêves, avoir foi en soi et continuer d’avancer.

C’est difficile de continuer à croire en ses rêves quand on grandit, quand on devient adulte, quand on se marie, quand on prend des responsabilités au boulot. Ajouté à cela les grandes claques de la Vie…

Il n’y a pas grand monde dehors qui nous parle de cela, qui nous pousse sur ce chemin. Alors quoi ? Il faut tout oublier et se plier au Système, à la Matrice ?

Quitte à se perdre dedans ? Effacer la joie de l’enfant, l’excitation de la nouveauté ?

Le souci est que le Système n’a que faire des rêveurs.

Nous devons produire et consommer. Pas rêver et être heureux. À cela la Matrice n’a aucun intérêt. Cela ne rapporte pas le bonheur. Cela ne fait pas vivre le système hospitalier et médicamenteux par exemple.

Comment donc trouver en nous cette énergie différente pour rêver à autre chose, nous remettre à croire en nous, à la puissance de l’invisible, et au petit enfant qui dort toujours dans notre cœur ?

Personnellement j’ai ma méthode : lorsque je m’endors, ou juste avant que je me réveille, il y a toujours cet instant où je ne suis pas encore totalement dans mon corps, où mon corps éthérique flotte au-dessus de mon corps physique, et que je reprends conscience avec le monde. Cet instant est précieux, c’est celui des ondes alpha du sommeil/réveil. On peut s’auto programmer dans cette phase, tout seul, sans intervenant extérieur. Il suffit par exemple d’imaginer que le petit enfant que j’étais jadis est toujours là, lové dans une petite caverne accueillante au fond de mon cœur, et que je puisse lui parler. Lui demander ce qu’il veut faire, ce qu’il aimerait pour être heureux. Car ce petit garçon, c’est moi. Lui est moi. Lui sait ce qui est bon pour moi. Lui me dira toujours quoi faire pour que je sois heureux dans ma vie de tous les jours. Dès que je commence à lui parler, je crois que je peux arriver à tout, que tout est possible.

Il le sait lui. Il demande juste que j’affronte mes peurs, que je les prenne à contre-pied, que je retrouve le courage et que je fasse le premier pas. Il sait aussi que l’Univers réagira avec bienveillance dès mon premier mouvement, afin de m’indiquer les signes que je peux continuer.

C’est comme ça que ça marche pour moi. Quand j’ai une envie folle, quand je sens un truc de dingue dans mon cœur et que mon mental rationnel commence à le combattre, je sais que je tiens une idée de malade…

Comme ce jour où je suis entré dans un magasin de plongée en Thaïlande sur une île de rêve, et, sans y avoir jamais pensé, en ressortir instructeur un an plus tard. Une histoire de malade que je vous raconterai plus tard…

Et sur cette histoire née d’une idée folle, les douces folies ne firent que s’ensuivre…

De professionnel de la plongée je devins photographe sous-marin et fis parfois de superbes images durant deux ans. Je rentrai ensuite en France avec un bébé dans le coffre de ma femme, et décidai de les scanner car, d’une part il y avait sur les bureaux des étranges boîtes carrées contenant Windows 3.1, et d’autre part Internet se développait et on commençait à trouver sur la toile des tutoriaux pour créer son site web animé avec mille de trucs et astuces qui m’emballèrent grave. Alors je pondis mon premier site web rempli de photos qui faisaient rêver… Et devinez quoi ? J’ai gagné les Nets d’Or de Wanadoo en 2 000 !

Dingue, mes idées de gamin, d’enfant joyeux, voilà où elles m’ont mené ! Les gens avaient besoin de rêves à cette époque je suppose et je leur en procurais via mon site et ces photos.

Comme on peut le voir, rien n’avait été décidé à l’avance lorsque je pensais shooter des poissons sous l’eau, mais de persévérance joyeuse en ténacité méthodique, tout arriva, et même plus que ce que je pouvais imaginer.

Ce sont des exemples qui montrent qu’en s’écoutant, en faisant confiance à sa douce folie, en écoutant sa sage et gentille petite voix intérieure, cela peut donner naissance à une nouvelle portion de vie pleine de joie et d’amour…

Croire en ses rêves, agir et faire les premiers pas, continuer surtout à avoir foi en soi, et les portes de l’Univers s’ouvriront sur notre route !

N’est-il pas dit dans tous les grands livres dogmatiques que : « Aides-toi, et le ciel t’aidera… » ? Avance donc, et fais confiance !

Les cieux et les Dieux aiment les auda-cieux !

Et je me retrouve au début de ma route qui devrait me mener… je ne sais où.

Je ne réalise pas vraiment ce qu’il m’arrive, combien j’ai de la chance d’être libre et au début d’une grande aventure que beaucoup m’envieront plus tard et qui devrait me mener à l’est, à plusieurs milliers de kilomètres. Je vais là où je ne connais pas, je me suis déjà plusieurs fois trouvé dans cette situation et je dois dire que j'adore ça. Je suis un découvreur. Ça m'excite. Ça m'affole.

Ça fait peur et ça me rend puissant.

Et en vélo je dois dire que la sensation est encore plus intense. Car il faut seulement des bons mollets et de l’énergie. Alors arrive la question dingue qu’on ne se pose jamais dans nos sociétés, quand on va d’un point A à un point B : je vais au sud, au nord ou à l’est ?

La première fois où je me la suis posée cette question, jamais de ma vie je ne me suis senti aussi léger et libre, c’est grisant à en donner le tournis.

Mais pour l’instant, je vais déjà essayer de faire les 30 km qui me séparent de l’étape d’aujourd’hui sans m’exploser les jambes.

Je ressens un grand calme dans la tête. Ca y est ! J’ai commencé la transmutation de mon âme. Celle que j’attendais toutes ces fois où, allongé dans le canapé de mon salon, je méditais après le boulot en visualisant à cette aventure.

Pourvu que les Dieux m’aident, que les bons esprits soient avec moi, que je ne rencontre que des gens intéressants. Le reste, je m’en occupe !

J’ai toujours aimé vivre avec l’invisible, le monde immatériel, les esprits, les fantômes et les entités imperceptibles pour nos yeux d’humains. Cela fait partie de moi, je leur parle souvent, aux Dieux. Il me plaît d’imaginer des esprits puissants dans l’éther qui veillent sur moi, à qui je peux demander de l’aide ou une protection. Je sens que je suis aidé dans cette vie-là. Adolescent, j’étais déjà attiré dans les bibliothèques par les livres sur les extraterrestres, les ovnis.

Ensuite, sur les expériences paranormales, les sorties hors du corps, les voyages astraux, les vies antérieures… Merci à Lobsang Rampa et ses nombreux livres de poche qui m’ont tellement fait rêver par ses aventures spirituelles dans son monastère tibétain.

J’ai toujours été attiré par ce monde-là, toujours su qu’il existe, que c’est bel et bien vrai, que les crop-circles ne sont pas créés par des jeunes qui s’amusent avec des planches de bois, que les autres civilisations nous observent tranquillement et nous voient avec des yeux de parents amusés par ces différents peuples d’enfants qui habitent cette belle planète et ne savent même pas contrôler leur démographie, et en prélèvent quasiment toutes ses ressources.

Quels enfants ! Des sales gosses, oui, perclus dans leurs égos…

Cette terre est une planète intermédiaire pour décaper les âmes, détartrer les égos, permettre aux entités d’affiner leur essence afin de progresser dans les étages supérieurs et lumineux de la conscience supérieure, et poursuivre leurs aventures…

Alors oui, je parle aux Dieux, comme dans la mythologie ancienne, je les imagine jouant depuis leurs nuages avec les humains, sur le grand échiquier de la Vie, se riant parfois de nos déboires et toujours s’amusant avec nous. Cela me donne le sourire et parfois je leur en veux, ou je les remercie, tout dépend de ce que je vis…

En réalité je sais que c’est plutôt moi que je remercie. Car je fais partie du Tout.

Je suis fusionné à tout, et à tous. Et c’est mon âme que je félicite, comme si je me donnais une grande tape dans le dos. « Bravo Phil, bien joué ! ».

Dimanche 26 septembre : ce matin, j’ai mis les voiles rapidement. Hâte de commencer à pédaler.

Étape de 40 km. Environ deux heures à 20 km de moyenne. Pas mal pour commencer. J’arrive à Alghero. Je trouve un camping. Ce coup-ci, j’y suis !

Déballer mes affaires, plage pas mal, bled pas très intéressant mais je m’en fous. Monter la tente sous quelques regards curieux... Qui c'est ? D'où il vient ? Sensation qui ne me déplaît pas…

Toujours cette dualité bien présente en moi. J’aime passer inaperçu – avec le vélo chargé comme il l’est, c’est impossible – mais également être regardé, admiré.

Aaahhh… cet éternel besoin de considération à cause de cette petite enfance merdique ! Merci maman.

J’ai intérêt à pédaler le plus possible car, seul, les heures sont longues. Au moins, quand je pédale, je fais quelque chose.

C’est fou comme les Italiens sont frimeurs. Ils ont ça dans le sang. Le soir, les voitures roulent au pas, les unes derrière les autres, y’a des embouteillages dingues, et vas-y que je te fais trois fois le tour du centre pour bien montrer ma Fiat rutilante et pour qu’on me voie bien. C’est un rite, un culte ! Ils sont tous gominés, la lire baisse, ils mangent des patates mais y’a toujours de quoi s’acheter de la gomina.

J’ai rencontré un marocain travaillant en Italie, sympa mais contaminé par la frime. Monter dans la voiture pour aller chercher un paquet de clopes en face, musique à fond, fenêtres ouvertes. Putain, c’est des petites choses mais ça me gonfle !

Par contre, les Italiennes…. « bellissime » !

27 sept : lundi. Sacrée étape ! Je me lance, fidèle à moi-même - c’est à dire optimiste - sur la route qui mène à Bosa, à environ 40 km. Je fais 15 bornes, mais putain ça commence à grimper ! Ma providence a été un camionneur qui m’a pris sur son initiative, vélo dans sa benne, et je me suis rendu compte de ce qu’aurait pu être mon calvaire : 20 bons kilomètres de grimpette ! En plus, si j’avais dû m’arrêter en cours de route pour dormir, je n’avais rien à manger… Il m’emmène à Bosa, petit bled qui ne casse rien, la plus belle ville du monde d’après lui. Je continue un peu en ayant acheté de quoi me nourrir, et je m’arrête en haut d’une colline, dans une baraque en cours de construction mais abandonnée depuis longtemps. Je suis raide !

J’ai quand même beaucoup de chance ! Et merci à tous ceux qui m’aiment et me protègent du côté des anges ! Je m’explique : avant la côte, le camionneur s’arrête, c’est du bol non ? Ensuite, complètement épuisé, les yeux ruisselants de sel, je m’arrête devant cette demeure en construction, c’est encore du bol. Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’en cet instant y’a un orage baston ! Et des éclairs, et du tonnerre, et la pluie. Le déluge quoi…

Impossible de défaire la tente et de m’installer. Donc oui, du bon gros bol j’ai eu…

Je suis au premier, sur la terrasse abritée, y’a ni murs, ni balcon, ni fenêtres, tout est ouvert et la vue sur le petit coteau avec son pueblo d’en face est ravissante. Le hamac est installé dans la pièce de séjour et mes affaires sont déballées dans la salle à manger, ou ce qui devrait l’être car il n’y a rien, sinon un gros bidon et quelques briques, les murs à nu et des clous partout. Mon palace d’un soir !

Au menu : entrée – tomate mozzarella, sans huile ni vinaigre, sel, poivre, fourchette, assiette. Un délice ! Ensuite, comme plat principal, nous avons une bonne miche de pain du pays, exquise ! Pour le dessert, suprême raffinement, un velouté de banane brute ou un coulis de poires écrasées.

Humm… je reviendrai dans ce relais !

Et dehors, ça tombe. Je vais passer une nuit incroyable s’il pleut comme ça sans cesse !

Tiens, j’aperçois mon petit déjeuner de demain matin : du raisin de vigne à quinze mètres.

Mardi 28 : étape de montagne, 30 km. Dur ! Debout assez tôt, petit café dans mon réchaud spécial campeur que j’utilise pour la première fois, et départ vers un bled situé à 500 mètres d’altitude. Sur la carte ça paraît cool, à vélo c’est galère. Mon premier col. Bof, c’est pas grand-chose, suffit d’être sur le bon pignon et de pousser, inexorablement, sans cesse… Je suis arrivé en haut trempé. Et ensuite la descente. Il s’agit de ne pas prendre froid. Je le sais, mon point faible, c’est le haut des poumons. Enfance de tuberculeux.

Toujours avoir le pull autour de la taille et être à l’écoute de mon corps. Il fait moche aujourd’hui. Je fais encore quelques kilomètres mais j’en ai marre, je sens la pluie, je nage dans mes fringues crades, je prendrai le premier hôtel que je trouverai.

Vide, mortifié, je l’ai trouvé, avec une vue superbe sur une baie déserte et romantique, et cette mer bleu profond. De ma chambre je vois tout le village et la baie aux falaises déchirées et moulées par des milliers d’années d’érosion.

Mais quelque chose cloche dans ce début de voyage. Ou alors je ne suis pas au bon endroit. Quelque chose que je sens mal placé, décalé… Je voulais quand même de l’animation, pouvoir m’arrêter dans des petits bars au bord de la route, aller de camping en camping… Mais ici, tout est fermé ou tout ferme, image de désolation, les petits bars n’existent quasiment pas. La saison est finie. Il n’y a plus de touristes à part moi, et quelques allemands à moto, les campings sont fermés. Je n’avais pas pensé à ça ! Je recherche la tranquillité mais ça me rend un peu mélancolique et me mets de la pression.

Je ne voulais pas ça. Je me demande si je ne vais pas revoir mes plans pour la Grèce. Je n’aimerais pas non plus la solitude absolue. En plus, côté météo, le soleil est timide ! Faut que je cogite ça, ça me chagrine, ce n’est pas ce que j’avais pensé…

Mercredi 29 sept : Origiano. Etape de 30 km, assez longue et, sous la pleine lune, ça m’a paru encore plus long… son influence je suppose. J’ai décidé que demain, je rejoindrai Cagliari en bus car, pour ce trajet, le tracé quitte le bord de mer et moi, sur mon vélo, je ne me sens bien qu’au bord de la mer.

Je me trouve un coin tranquille sur une petite plage, suffisamment éloigné de la route pour ne pas être dérangé et je monte ma tente. Petite astuce toute mienne : planter quatre bâtonnets autour de la tente, à trois mètres de distance, et les joindre par un fil de pêche de façon à créer une ligne invisible autour de la tente. Terminer le fil par une petite clochette, et c’est fait, l’alarme sera déclenchée dès qu’un animal ou quelqu’un s’approchera de la tente, le fil fera office de butoir et ça devrait tinter et me réveiller. Je m’endors serein.

C’est dingue comme les Italiens sont fous de lunettes ! Ils en portent tous.

Femmes, filles, hommes, sur le nez, dans les cheveux, dans l’échancrure du pull, qu’il fasse beau ou pas, à l'intérieur ou dehors. Y’a que moi, touriste de passage, qui n’en porte pas. Je suis vite repéré…

1er octobre : deux jours que je suis à Cagliari. Suis arrivé en bus depuis Origiano directement à l’office du tourisme qui m’a indiqué une pension pas chère. J’y vais, c’est sympa. Ensuite visite de la ville une première fois à vélo, ensuite à pied. C’est superbe. Cagliari est sur un monticule où se niche la vieille ville, avec ses ruelles coupe-gorge, étroites, sinistres, mais où tous les artistes ont leur échoppe. Sculpteurs, peintres, soudeurs. C’est très impressionnant à voir. Et personne dans ces ruelles. Autre fait marquant, c’est le manque de terrasses dehors. Alors que les rues grouillent de gens, pas une seule terrasse. Une personne me dit que ce sont les sardes qui préfèrent se regrouper dans des tavernes. Et la « passegiatta » du soir est très colorée, les gens sont tous en beauté et déambulent tranquillement, passant et repassant jusqu’à cinq fois en un quart d’heure ! Les filles sont toutes très mignonnes, elles regardent avec insistance mais elles sont aussi assez courtes sur pattes, trop petites pour mon mètre quatre-vingt-huit, des petits cubes sur pattes quoi !

Je suis allé chercher mon billet pour le bateau pour vers l’Italie, pensant passer par Napoli, mais les départs pour cette destination sont tous les mercredis. Ce soir, un navire part pour Civittaveccia. Alors, bien que je n’aie jamais entendu ce nom-là, je prends. C’est au-dessus de Napoli et de l’autre côté, se trouve Ancona, base navale pour les départs vers la Grèce.

Mes cuisses prennent forme. Moi qui ne m’y suis jamais vraiment intéressé – ayant toujours trouvé mes jambes fluettes, voire maigres – je les trouve belles ! Elles prennent du muscle, du puscle et du vuscle, elles prennent une belle forme, j’en viendrais même à les trouver sexy et les mettre en avant, genre short un peu trop remonté assis à une terrasse de café, genre : « Hé, voyez le travail des ischio-jambiers et des mollets, pas mal hein ! Fixez-moi cette petite boule, là, qui ressort, accrochée à l’os, allez… voyez et admirez ce qui fut pendant trop longtemps une de mes contritions intimes, un de mes gros complexe, ces petite jambes fluettes… ».

Bref, je suis en forme.

Il faut dire que, adolescent, j’ai toujours été complexé. J’étais maigre. Bien trop désincarné, pas assez « les pieds-sur-terre », pas assez ancré dans la matière.

Plutôt tête en l’air, dans les étoiles. Jœ-le-rêveur quoi. Je me foulais allégrement et régulièrement les chevilles, si peu fixé que j’étais au sol, à la terre. On m’appelait Phil-de-fer tellement j’étais maigre. Le gars qui hésite à sortir quand il y a des gros coups de vent, quoi… Alors quand je le faisais, c’était souvent avec un jogging sous mon jeans, histoire de meubler un peu le contenant. Je sais, c’est triste… Je ne vous raconte pas la galère quand j’étais en boîte de nuit et que je devais aller pisser, toutes ces couches à sortir et à remettre, la chaleur en dansant, la transpiration, bref… Pas cool les complexes d’adolescent qui alourdissent sa vie et la compliquent.

Encore une fois, merci maman.

J’aurai mis environ vingt ans à m’en débarrasser, de ces complexes, à commencer à m’aimer véritablement, à me voir dans la glace sans ne voir que des défauts.

D’ailleurs faites un test sympa et rigolo : essayez de vous embrasser dans un miroir. Dans un ascenseur par exemple. Vous verrez, ce n’est pas aussi facile qu’on le croit, surtout si on y mets du cœur ! Moi ça m’aura pris du temps pour y arriver.

2. Fin des spaghettis, le vent porte vers la Grèce...

Samedi 2 octobre : c’est fou comme parfois notre destinée - en ne la contrôlant pas exactement mais en restant sur l’autoroute de notre voie de naissance - peut nous mener à ce qui est bon pour nous !

Ça faisait longtemps que je voulais aller à Rome, eh bien j’y suis, nom d’un poulpe braisé ! Comment j’y suis arrivé, nom d’un calamar frit ?

Pas de bateau pour Napoli, alors j’ai pris celui qui allait à Civitacitta.

Ensuite, après une traversée épique où je me suis fait jeter deux fois de la place où je dormais par des types qui étaient dans leur droit, j’ai fini par dormir dehors sur le pont, seul. Je n’avais pas froid et la pleine lune se reflétait sur la mer calme. Le pied ! Surtout avec de la bonne miouse dans les oreilles. Après cette traverse, j’ai sauté dans un bus qui allait à Rome, j’avais trop hâte d’y être. Un rêve d’enfant à deux heures et demie de bus. Le vélo couché dans la soute à bagages.

Arrivée à Rome, le premier hôtel repéré demande l’équivalent de 150 $! GASP ! Le suivant, 250 $… Aïe ! Enfin, ne voulant pas parcourir toute la ville avec un sac, qui était lui-même sur ce tas d’os qu’était devenu Philippe, qui était lui-même sur le vélo, épuisé, j’ai demandé à un type de me rencarder et j’ai eu la meilleure planque de tout Rome.

En l’occurrence, juste au début du centre « grosse foule de touriste », là où commence la zone piétonne, une pension au troisième étage, dans le genre d’immeuble impressionnant avec ses étages de dix mètres de haut et ses escaliers de 120 marches entre les étages. Imaginez, sur le toit… vue sur tout Rome !

Je suis à l’heure actuelle dans une minuscule chambre de trois mètres sur deux avec, comme lumière du jour, une petite lucarne bricolée d’un morceau de plexi posé sur l’ouverture. Résultat des courses : 25 $ pour deux ou trois jours, c’est parfait ! La pension est immense, il doit y avoir une vingtaine de chambres et le patron, très sympa, fait de la peinture dans son salon. Ambiance Léonardo da Vinci… Y’a vraiment un p’tit air des beaux-Arts de Rome depuis le début.

Muni d’un plan qui s’est avéré trop petit, je n’ai parcouru qu’une part réduite de la ville, 10 km2environ, pas grand-chose sur la carte, pour aller voir les horaires des bus pour Ancona, Bari ou Brindisi. J’ai marché, me suis perdu, ai acheté une carte plus détaillée, me suis arrêté sur des terrasses et j’ai enfin vu ce qu’était Rome, et pour moi, son symbole ultime : la fontaine de Trévi. Cette grandissime fontaine avec ces dieux essayant de dompter des chevaux puissants, le tout sur une cascade de marbre et d’eau. Bigre, que c’est beau et éblouissant ! Bien sûr, toute ces petites rues sont gorgées de touristes, et je prends un bon bain de foule, brasse dans un sens, crawl dans l’autre, j’aime bien, ce social incognito m’apaise.

Il faut que je fasse un peu de lessive, je suis crade.

Dimanche : c’est marrant, je commence à rêver en italien…

Hier soir, je suis sorti par la lucarne de ma chambre et j’ai été faire un tour sur les toits.

Rome, y’a tellement à dire ! C’est tellement beau ! Et drôle en cette saison. Tous ces touristes, un plan à la main et qui viennent vers moi, qui n’en ai pas, pour me demander où se trouve tel monument ou telle rue. Beaucoup de mariages aussi qui se font devant tous les grands monuments. À peu près devant tous les édifices que j’ai visités une grande limousine s’arrêtait pour laisser descendre des mariés qui montaient des marches d’escaliers où s’étaient agglutinés des dizaines de touristes en quête de repos. Insolite et beau à la fois.

La fontaine de Trévi est pour moi le must, je suis attiré par ces sculptures d’hommes forts, aux corps parfaits, tirant leurs chevaux, je pourrais y rester des heures, envoûté. Devant elle se trouve une esplanade avec un bassin d’eau contenant des milliers de pièces de monnaie par le fond, la tradition voulant qu’il faut faire un vœu, le dos tourné à la fontaine, et lancer la pièce par-dessus son épaule. Alors c’était le défilé des gens, touristes et locaux qui se faisaient prendre en photo en train d’accomplir le geste mythique.

J’ai assisté à une scène amusante dans laquelle un homme en haillons, ou presque, demanda une pièce à un groupe de touristes. Ceux-ci ne pouvaient refuser car ils s’apprêtaient à faire un vœu et ne pouvaient pas le jeter au risque de compromettre leur élan de bonté. Une fois la pièce en main, il s’écarta d’eux pour leur laisser croire qu’il allait lui aussi faire son vœu et ses petites affaires mais se tira en douce une fois qu’ils eurent le dos tourné. Ce n’était qu’une petite pièce mais la façon dont cela a été fait m’en a appris sur la ruse humaine !

Cet après-midi j’ai visité le Vatican. C’est à mon humble avis la huitième merveille du monde. Je suis monté tout en haut de la coupole par un dédale d’escaliers larges comme mes épaules et n’en finissant plus, pour sortir au sommet après un quart d’heure, épuisé comme tout le monde, mais davantage suffoqué par la beauté du panorama. Tout Rome à mes pieds. C’est le genre de phrase que César a souvent dû se dire!

Revenu des cimes, visite de la chapelle Sixtine, qui n’est que grandeur, marbre, faïences éblouissantes, sculptures grandioses, dorures, argents.

Quelle ampleur, cette voûte ! Il n’y a pas une place, pas un bout de mur qui ne soit décoré, orné. Ambiance de respect, d’admiration, d’humilité pour tout le monde, pour toutes ces fourmis qui marchent en levant le nez sur ce dallage de marbre peint ou sculpté. Je m’en suis pris plein les mirettes !

J’ai rencontré deux couples intéressants. Les premiers avaient passé deux semaines à vélo en Italie, et j’ai pu reparler français, et les seconds étaient canadiens et avaient visité Paris et Rome avant de rentrer chez eux. Ça fait du bien de parler avec des gens !

Le lendemain, repris mes affaires et mon vélo, direction la côte est. Et Brindisi, objectif Grèce.

Trajet cool, route plate, pas mal de trafic, je m’en fiche, je vais bientôt changer de pays et ça m’excite. Camping le soir où je trouve de la place.

Mercredi 6 : Brindisi, située sur le talon de l’Italie, presque tout au sud.

Ai trouvé un hôtel banal. Rien à voir si ce n’est que tous les touristes, sac au dos, s’y bousculent pour trouver un arrangement dans les agences de voyage pour la Grèce. En fait, dans la rue où je suis, il n’y a que cela. Tous les dix mètres, un bureau de billets de bateaux pour la Grèce. Je pars demain pour Patras à 14 heures.

J’ai rencontré un chic type à l’hôtel, un chico colombien et on a passé la soirée à rigoler en espagnol. Quel folklore que de jongler avec les langues, j’adore ça.

Aujourd’hui, avec Pablo, on a discuté avec des Tchèques qui n’avaient rien à manger. Des tchèques sans provisions. Rires. Ils sont venus ici et ont trouvé un travail dans un cirque pour se payer le billet de bateau pour aller à Haïfa, en Israël. Là-bas ils peuvent travailler la terre et gagner entre 1000 $ et 1200 $ par mois. Dans leur pays, ils gagnent l’équivalent de 200 $! Je me suis vraiment rendu compte que j’étais chanceux, qu’il ne faut pas que je montre que j’ai plus d’argent qu’eux ou que je dise que je vais très loin. Par souci philanthropique et respect envers les autres.

Ai pris le bateau pour la Grèce. Rencontré deux Allemands qui voyageaient avec leurs chiens. Ils sont cools, la nouvelle génération « grunge », ils vivent de tout et de rien, surtout de rien, font des tresses ou des tatouages pour vivre. Ils doivent avoir 20 ou 25 ans et sont partis pour « ils-ne-savent-pas-combien-de-temps ». Tout comme moi.

Il va falloir que j’apprenne l’alphabet grec car jusqu’à présent et à peu près partout dans le monde, l’alphabet est celui que nous connaissons.

Mais la Grèce à son propre alphabet. Le « R » devient le « P », une autre lettre forme le son « PH », etc…

Aux Dieux de l’Olympe, j’arrive !

Pour imaginer et entamer une aventure pareille, il faut se laisser aller à un état spécial : le lâcher-prise.

Très difficile pour la majorité d’entre nous. Certains signes astrologiques sont favorisés pour cela : les Poisson, car vagabonds, rêveurs et errants dans l’âme, quelques Scorpion, rois du jmenfoutisme, car cela aide à relativiser et se laisser vivre au gré des vents, les Verseau également. Les signes de terre ne sont pas vraiment disposés à se laisser guider par les Dieux, trop fixés au sol qu’ils sont, et les signes de feu sont plutôt du genre à provoquer les éléments et à mettre le pied dans la porte plutôt que de mettre genou à terre devant l’invisible et se laisser emporter…

Le lâcher-prise, l’ingrédient de base de cette aventure.

Indispensable pour tout aventurier en herbe. Si difficile à créer dans nos cerveaux tellement structurés, issus de sociétés civilisées et matérielles, habitués que nous sommes à nos vies de train-train, d’habitudes tenaces, de routines qui nous mènent et nous maintiennent dans le confort.

Un mot sacré ça, dont pas grand monde ne parle dehors. Notre confort !

Trop précieux qu’il est pour nous tous. Sauf qu’en fondant notre vie et nos décisions sur le principe du confort, le lâcher-prise risque de manquer à l’appel. Difficile de se foutre de tout et s’ouvrir à l’inconnu quand on nage en plein confort. Car le lâcher-prise c’est oser dire : « Allez tous vous faire voir ! », mais aussi « Qu’il en soit ainsi ! » et « Je m’ouvre à l’univers et à ce qu’il va m’apporter ». Nous en remettre aux Dieux, à Dieu, aux Forces Créatrices de l’Univers, ou nous en remettre à d’autres tout simplement, relève d’un vrai défi personnel. Pouvoir tout abandonner, ou nous abandonner nous-mêmes, au Tout. J’ose même prétendre que c’est trop difficile pour une majorité de personnes. Il faut avoir une sacrée confiance en nous ou en nos croyances pour tout abandonner et partir vers l’inconnu. Et peut-être qu’est là le plus grand obstacle pour tout le monde : croire en soi-même. Car n’ayant plus rien à quoi s’accrocher, il faut au moins que notre Moi s’impose, bon, sain et fort, et que nous puissions compter dessus, non ?

Le lâcher-prise, c’est aussi suivre nos instincts et donc être à l’écoute de nos ressentis intérieurs, des messages que le Sur-Moi nous transmet.

Je dois dire qu’en trente ans de voyages, chaque fois que je suis sur la route, hors de mes repères, je n’ai que mon instinct qui me garde et me conseille, et chaque fois que je décide de le suivre, je trouve des chemins intéressants, des ballades insensées, des événements ou des gens que je n’aurais jamais rencontrés sans la douce folie de m’écouter moi-même.

Faire confiance à l’Univers. Quatre mots magiques ! Impossible à réaliser sans être un yogi ou un être ultra-transcendé ? Eh bien non, en fait, c’est très facile. Il suffit de faire taire les peurs créées par notre mental et d’AGIR. Faire le premier pas. Une fois en route, dans l’action, impossible de mentir ou de tricher. Chaque pas, chaque geste, chaque tour de pédale est issu de cette confiance en nous, pour nous mener à notre objectif. Et les synchronicités arrivent, les messages que l’Univers ou les Dieux nous envoient depuis leur piédestal pour nous montrer que nous sommes sur la bonne voie, que nous pouvons continuer.

Le lâcher-prise contient donc des mots qui ne sont pas faits pour tout le monde, il naît avec des termes comme « aventure », « surprise », « inconnu », « je ne sais pas », et même « je m’en fiche » ou « peu importe ».

J’ai connu des gens qui ne pouvaient pas fumer un joint ou boire un verre de peur de tomber dans ce monde-là, un monde inconnu qui contient et apporte souvent de bien belles surprises.

3. Libre et heureux en Grèce

Béni soit ce soir où je me trouve en Grèce. Je suis content. Nouveau pays, nouveau peuple, nouvelle langue, nouvel alphabet, nouvelle monnaie et nouvelle mentalité. C’est un pays dans lequel je me sens bien pour avoir fait plusieurs fois les Cyclades en camping, avec une meuf ou tout seul.

La dernière fois que j’étais dans les Cyclades, c’était il y a quelques années ; j’avais rencontré en Suisse une jeune brésilienne magnifique qui me plaisait beaucoup. Un corps de gazelle qui m’enflammait les pupilles, je voulais la manger, la dévorer tranquillement comme le ferait tout prédateur affamé. Alors je l’ai invitée à aller sur les plages en Grèce avec moi, dans les Cyclades. Et nous sommes partis. Mais elle ne parlait pas français, et moi pas le portugais. Je ne vous raconte pas comment certaines heures peuvent être longues à la plage quand on n’a rien à se dire… Nous devions y passer une semaine, mais quatre jours après je l’ai ramenée à Genève car nous ne pouvions pas continuer à nous regarder dans le blanc des yeux des heures durant.

Ahhh la la… quand ton cerveau descend entre tes jambes, qu’est-ce que ça ne te fait pas faire, mon Philou !

Tout le monde s’est quitté à l’arrivée du bateau, les deux allemands avec leurs chiens, Pablo, mon copain colombien, j’espère que nous nous reverrons bientôt.