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La tentation de saint Antoine a hanté Gustave Flaubert (1821-1880) et l’a accompagné durant toutes ses années d’écrivain. Dès l’âge de vingt-quatre ans, lors d’un voyage en Italie, il découvre le tableau de Bruegel représentant les visions de l’ermite et rêve d’adapter la Tentation au théâtre, sans mésestimer la difficulté de la tâche : « Cela demanderait un autre gaillard que moi. »
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur La Tentation de saint Antoine de Gustave Flaubert
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
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Seitenzahl: 54
Veröffentlichungsjahr: 2017
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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.
ISBN : 9782852299061
© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.
Photo de couverture : © Monticello/Shutterstock
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Ce volume présente des notices sur des œuvres clés de la littérature ou de la pensée autour d’un thème, ici La Tentation de saint Antoine, Gustave Flaubert (Les Fiches de lecture d'Universalis).
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La tentation de saint Antoine a hanté Gustave Flaubert (1821-1880) et l’a accompagné durant toutes ses années d’écrivain. Dès l’âge de vingt-quatre ans, lors d’un voyage en Italie, il découvre le tableau de Bruegel représentant les visions de l’ermite et rêve d’adapter la Tentation au théâtre, sans mésestimer la difficulté de la tâche : « Cela demanderait un autre gaillard que moi. » En 1846, il accroche au mur de sa chambre une reproduction du tableau dont le « grotesque triste » a pour lui un « charme inouï ». En 1848, il s’attelle à son projet. En 1872, il s’y consacre toujours : « Au milieu de mes chagrins, j’achève mon Saint Antoine, c’est l’œuvre de ma vie puisque la première idée m’en est venue en 1845, à Gênes [...] et depuis ce temps-là, je n’ai cessé d’y songer et de faire des lectures afférentes. » C’est que, durant près de trente ans, Flaubert a remis trois fois l’ouvrage sur le métier.
En 1848, désireux de livrer son premier chef-d’œuvre, il y jette toute sa fougue de jeune homme. Il dépouille des centaines de livres érudits, comme les Mémoires ecclésiastiques de Tillemont, la Patrologie de Migne, l’Histoire du gnosticisme de Matter ou Les Religions de l’Antiquité de Creuzer. À partir de notes accumulées, il aboutit à un manuscrit énorme, boursouflé où il donne libre cours à l’exaltation mystico-philosophique qui marquait déjà des essais antérieurs tels que Un rêve d’enfer, La Danse des morts ou Smarh. Des jours durant, en 1849, il lit son texte à ses amis Louis Bouilhet et Maxime du Camp qui, abasourdis, inquiets pour son équilibre nerveux, lui enjoignent d’abandonner ces extravagances romantiques et de s’imposer le sujet de roman le plus banal qui soit : ce sera Madame Bovary. Aussitôt le livre paru, en 1856, Flaubert reprend le manuscrit de La Tentation et l’élague, ne gardant que 193 feuillets sur 541. Il décide toutefois de ne pas le publier et se contente d’en donner quelques extraits dans la presse. Enfin, en 1870, après l’échec de L’Éducation sentimentale, alors que les Prussiens occupent sa maison, il retourne une fois encore à ce que Baudelaire appelait la « chambre secrète » de son esprit.
La version qu’il publie en 1874, la seule éditée de son vivant, est la plus épurée des trois et n’a conservé qu’un tiers du texte initial. Antoine a perdu son cochon, bête de carnaval qui reprenait les propos du saint dans un écho dérisoire. Le grand drame de 1849, qui surpassait dans la démesure le Faust de Goethe, paraît réduit à un synopsis et n’a gardé, dans l’éventualité d’une représentation, qu’un minimum d’indications scéniques : « C’est dans la Thébaïde, en haut d’une montagne, sur une plate-forme, arrondie en demi-lune, et qu’enferment de grosses pierres. » Quant à la multitude grouillante des scènes et des personnages, elle se résume à quelques épisodes et figures stylisés.
L’œuvre s’ouvre sur un monologue du saint qui se plaint de la solitude et de l’ennui dus à sa condition d’ermite et évoque les jours heureux d’autrefois. Alors qu’il s’absorbe dans la lecture du Livre des Apôtres, des visions voluptueuses l’assaillent, puis apparaît la reine de Saba qui essaie de le séduire et qu’il repousse. Lui succède Hilarion, son ancien disciple, devenu un enfant-vieillard, qui se livre à une critique des textes saints et fait surgir l’interminable défilé des hérésies.
C’est ensuite au tour des idoles tombées et des dieux défunts d’apparaître un par un sur la scène. Enfin Hilarion qui, devenu immense, incarne désormais la Science, propose à Antoine de voir le Diable. Celui-ci l’entraîne dans l’immensité de l’univers dont il s’applique à lui démontrer l’absence de sens et de créateur. Antoine, qui a refusé d’adorer Satan, est néanmoins si abattu qu’il songe à se donner la mort. Celle-ci entreprend de l’attirer, de même que sa rivale, la luxure, mais, s’étant ressaisi, il les ignore. Lui apparaissent alors tous les monstres de la mythologie. Ce grouillement fantastique des formes du vivant, perceptible jusque dans l’infiniment petit, lui redonne enfin l’envie d’exister : « O bonheur ! bonheur ! J’ai vu naître la vie [...]. Je voudrais avoir des ailes, une carapace, une écorce, souffler de la fumée, porter une trompe [...], me blottir sur toutes les formes, pénétrer chaque atome, descendre jusqu’au fond de la matière, être la matière ! » Il fait le signe de la croix et se remet en prières.
Pourquoi La Tentation a-t-elle si longuement et de manière si obsédante occupé l’esprit de Flaubert ? Il entre ici en jeu, très certainement, un processus d’identification. Sorte d’ermite laïque, ayant trouvé dans sa maison de Croisset sa thébaïde et dans l’écriture son cilice, voué lui aussi à la solitude et aux visions, Flaubert s’est projeté ou représenté dans Antoine. À cela s’ajoute son amour viscéral pour l’Antiquité, qui l’amènera avec Salammbô à vouloir ressusciter Carthage. Vers 1845-1846, cet amour s’exprime de façon itérative dans sa Correspondance : « J’ai l’amour de l’Antiquité dans les entrailles. » Mettre en scène Antoine et ses visions, n’est-ce pas rassembler et condenser des siècles de civilisation et de croyances, et, par conséquent, rassembler et condenser toute la documentation qui s’y rapporte ?
Or c’est justement là la passion de Flaubert, cette libido sciendi sur laquelle se fonde son œuvre. Abattre des pans entiers de bibliothèque, accumuler les notes, constituer des dossiers, tel est le travail préalable auquel est soumise l’écriture de chacun de ses romans, Madame Bovary excepté, et qu’inaugure La Tentation : les chimères et les fantasmagories qu’elle présente ne sont pas le fruit de l’imagination, mais d’un savoir méticuleux, puisé aux meilleures sources de l’époque. Romancier documentaliste, écrivain chercheur, Flaubert dote ainsi la littérature d’un nouveau statut. « Le XIXe