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Extrait : "RICHARD, se levant : Ohé ! maître Orsini, notre hôte, tavernier du diable, double empoisonneur ! il paraît qu'il faut te donner tous tes noms avant que tu répondes. ORSINI : Que voulez-vous ? du vin ? SIMON, se levant : Merci, nous en avons encore ; c'est Richard le savetier qui veut savoir combien ton patron Satan a reçu d'âmes ce matin."
À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN
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EAN : 9782335054750
©Ligaran 2015
Philippe d’Aulnay
La taverne d’Orsini à la porte Saint-Honoré, vue à l’intérieur. Une douzaine de Manants et d’Ouvriers à des tables à droite du spectateur ; à une table isolée, Philippe d’Aulnay, écrivant sur un parchemin ; il a près de lui un pot de vin et un gobelet.
BURIDAN.
GAULTIER D’AULNAY.
PHILIPPE D’AULNAY.
ORSINI.
SAVOISY.
LOUIS X.
DE PIERREFONDS.
RICHARD.
ENGUERRAND DE MARIGNY.
LANDRY.
SIMON.
SIRE RAOUL.
JEHAN.
UN ARBALÉTRIER.
UN GARDE.
UN PAGE.
MARGUERITE DE BOURGOGNE.
CHARLOTTE.
UNE FEMME VOILÉE.
PAGES, GARDES.
Paris 1314.
Philippe d’Aulnay, Richard, Simon, Jehan, manants, puis Orsini, puis Landry.
Ohé ! maître Orsini, notre hôte, tavernier du diable, double empoisonneur ! il paraît qu’il faut te donner tous tes noms avant que tu répondes.
Que voulez-vous ? du vin ?
Merci, nous en avons encore ; c’est Richard le savetier qui veut savoir combien ton patron Satan a reçu d’âmes ce matin.
Ou, pour parler plus chrétiennement, combien on a relevé de cadavres sur le bord de la Seine, de la tour de Nesle aux Bons-Hommes.
Trois.
C’est le compte ! Et tous trois, sans doute, nobles, jeunes et beaux ?
Tous trois nobles, jeunes et beaux.
C’est l’habitude… Étrangers tous trois à la bonne ville de Paris ?…
Arrivés tous trois depuis la huitaine.
C’est la règle… Du moins, ce fléau-là a cela de bon, qu’il est tout le contraire de la peste et de la royauté : il tombe sur les gentilshommes et épargne les manants. Cela console de la taxe et de la corvée. – Merci, tavernier ; c’est tout ce qu’on voulait de toi, à moins qu’en ta qualité d’Italien et de sorcier, tu ne veuilles nous dire quel est le vampire qui a besoin de tant de sang jeune et chaud pour empêcher le sien de vieillir et de se figer…
Je n’en sais rien.
Et pourquoi c’est toujours au-dessous de la tour de Nesle, et jamais au-dessus, qu’on retrouve les noyés…
Je n’en sais rien.
Maître !
Tu n’en sais rien ? Eh bien, laisse-nous tranquilles, et réponds à ce jeune seigneur, qui te fait l’honneur de t’appeler.
Maître !
Messire ?
Un de tes garçons taverniers peut-il, moyennant ces deux sous parisis, porter ce billet ?
Landry !… Landry !
Voici.
(Il se tient debout devant Philippe, tandis que celui-ci scelle la lettre et met l’adresse.)
Fais ce que te dira ce jeune seigneur.
(Il s’éloigne.)
C’est égal, maître ; si je m’appelais Orsini, ce dont Dieu me garde ! si j’étais maître de cette taverne, ce que Dieu veuille ! et si mes fenêtres donnaient, comme les tiennes, sur cette vieille tour de Nesle, que Dieu foudroie ! je voudrais passer une de mes nuits, une seule, à regarder et à écouter, et je te garantis que, le lendemain, je saurais que répondre à ceux qui me demanderaient des nouvelles.
Ce n’est pas mon état, Voulez-vous du vin ? Je suis tavernier et non veilleur de nuit.
Va-t’en au diable !
Lâchez-moi, alors.
C’est juste.
(Orsini sort.)
Écoute, gars : prends ces deux sous parisis et va-t’en au Louvre ; tu demanderas le capitaine Gaultier d’Aulnay, et tu lui remettras ce billet.
Ce sera fait, messire.
(Il sort.)
Dis donc, Jehan de Montlhéry, as-tu vu le cortège de la reine Marguerite et de ses deux sœurs, les princesses Blanche et Jeanne ?
Je crois bien !
Il ne faut pas demander maintenant où a passé la taxe que le roi Philippe le Bel, de glorieuse mémoire, a levée le jour où il a fait chevalier son fils aîné, Louis le Hutin ; j’ai reconnu mes trente sous parisis sur le dos du favori de la reine ; seulement, de monnaie de billon, ils étaient devenus drap d’or frisé et épinglé, As-tu vu le Gaultier d’Aulnay, toi, Simon ?
(Philippe lève la tête et écoute.)
Sainte Vierge, si je l’ai vu !… Son cheval du démon caracolait si bien, qu’il a mis une de ses pattes sur la mienne, aussi d’aplomb que s’il jouait au pied de bœuf ; et, comme je criais miséricorde, son maître, pour me faire taire, m’a donné…
Un écu d’or ?
Oui ! un coup du pommeau de son épée sur la tête en m’appelant cagou.
Et tu n’as rien fait au cheval et rien dit au maître ?
Au cheval, je lui ai vertueusement enfoncé trois pouces de ce couteau dans la culotte, et il s’est en allé saignant ; quant au maître, je l’ai appelé bâtard, et il s’est en allé jurant.
Qui dit que Gaultier d’Aulnay est un bâtard ?
Moi.
Tu en as menti par la gorge, truand !
À moi, les enfants !
Mort au mignon !… au gentilhomme !… au pimpant !
Holà, mes maîtres ! faites attention que mon épée est plus longue et de meilleur acier que vos couteaux.
Oui ; mais nous avons dix couteaux contre ton épée.
Arrière !
À mort ! à mort !
(Ils forment un cercle autour de Philippe, qui pare avec son épée.)
Les mêmes, Buridan.
Il entre, dépose tranquillement son manteau ; puis, s’apercevant que c’est un gentilhomme qui se défend contre des gens du peuple, il tire vivement son épée.
Dix contre un !… Dix manants contre un gentilhomme, c’est cinq de trop.
(Il les frappe par derrière.)
Au meurtre !… au guet !
(Ils veulent se sauver ; Orsini paraît.)
Hôtelier du diable, ferme ta porte, que pas un de ces truands ne sorte pour donner l’alarme : ils ont eu tort… (Aux Manants.) Vous avez eu tort.
Oui, monseigneur, oui.
Tu le vois, nous leur pardonnons. Restez à vos tables ; voici la nôtre… Fais apporter du vin par mon ami Landry.
Il est en course pour ce jeune seigneur ; j’aurai l’honneur de vous servir moi-même.
Comme tu le voudras ; mais dépêche. (Se retournant vers les Manants.) Est-ce qu’il y en a un qui parle là-bas ?
Non, monseigneur.
Par mon patron, messire, vous venez de me tirer d’un mauvais pas, et je m’en souviendrai en pareille occasion si je vous y trouve.
Votre main ?
De grand cœur.
Tout est dit. (Orsini apporte du vin dans des pots.) À votre santé !… Porte deux pots de celui-là à ces drôles, afin qu’ils boivent à la nôtre… Bien. (À Philippe.) C’est la première fois, mon jeune soldat, que je vous vois dans la vénérable taverne de maître Orsini ; êtes-vous nouveau venu dans la bonne ville de Paris ?
J’y suis arrivé il y a deux heures, justement pour voir passer le cortège de la reine Marguerite.
Reine ? Pas encore.
Reine après-demain ; c’est après-demain qu’arrive de Navarre, pour succéder à Philippe le Bel, son père, monseigneur le roi Louis X, et j’ai profité de son avènement au trône pour revenir de Flandre, où j’étais en guerre.
Et moi, d’Italie, où je me battais aussi. Il paraît que la même cause nous amène, mon maître ?
Je cherche fortune.
C’est comme moi. Et vos moyens de réussite ?
Mon frère est, depuis six mois, capitaine près de la reine Marguerite.
Son nom ?
Gaultier d’Aulnay.
Vous réussirez, mon cavalier ; car la reine n’a rien à refuser à votre frère.
On le dit : et je viens de lui écrire pour lui annoncer mon arrivée et lui dire de me joindre ici.
Ici, au milieu de cette foule ?
Regardez.
Ah ! tous nos gaillards ont disparu.
Continuons, puisqu’ils nous laissent libres. Et vous, puis-ne vous demander votre nom ?
Mon nom ?… Dites mes noms ; j’en ai deux : un de naissance, qui est le mien, et que je ne porte pas ; un de guerre, qui n’est pas le mien, et que je porte.
Et lequel me direz-vous ?
Mon nom de guerre, Buridan.
Buridan… Avez-vous quelqu’un en cour ?
Personne.
Vos ressources ?
Sont là (il frappe son front) et là (il frappe sa poitrine), dans la tête et dans le cœur.
Vous comptez sur votre bonne mine et sur l’amour ; vous avez raison, mon cavalier.
Je compte sur autre chose encore ; je suis du même âge, du même pays que la reine… J’ai été page du duc Robert II, son père, lequel est mort assassiné… La reine et moi n’avions pas alors, à nous deux, l’âge que chacun de nous a seul maintenant.
Quel est votre âge ?
Trente-cinq ans.
Eh bien ?
Eh bien, il y a, depuis cette époque, un secret entre Marguerite de Bourgogne et moi… un secret qui me tuera, jeune homme, ou qui fera ma fortune.
Bonne chance !
Dieu vous le rende, mon soldat !
Mais cela ne commence pas mal.
Ah !
Oui ; aujourd’hui, comme je revenais de voir passer le cortège de la reine, je me suis aperçu que j’étais suivi par une femme. J’ai ralenti le pas, et elle l’a doublé… Le temps de retourner un sablier, elle était près de moi. « Mon jeune seigneur, m’a-t-elle dit, une dame qui aime l’épée vous trouve bonne mine ; êtes-vous aussi brave que joli garçon ? êtes-vous aussi confiant que brave ? – S’il ne faut à votre dame, ai-je répondu, qu’un cœur qui passe sans battre à travers un danger pour arriver à un amour… je suis son homme, pourvu toutefois qu’elle soit jeune et jolie ; sinon, qu’elle se recommande à sainte Catherine et qu’elle entre dans un couvent. – Elle est jeune et elle est belle. – C’est bien. – Elle vous attend ce soir. – Où ? – Trouvez-vous, à l’heure du couvre-feu, au coin de la rue Froid-Mantel ; un homme s’approchera de vous, et dira : "Votre main ?" Vous lui montrerez cette bague et vous le suivrez. Adieu, mon soldat, plaisir et courage !… » Alors elle m’a mis au doigt cet anneau, et a disparu.
Vous irez, à ce rendez-vous ?
Par mon saint patron, je n’ai garde d’y manquer !
Mon cher ami, je vous en félicite… Il y a quatre jours de plus que vous que je suis à Paris, et, excepté Landry, qui est une vieille connaissance de guerre, je n’ai pas rencontré un visage sur lequel je pusse appliquer un nom… Sang-Dieu ! je ne suis cependant pas d’âge ni de mine à n’avoir plus d’aventures.
Les mêmes, une femme voilée.
Seigneur capitaine…
Qu’y a-t-il, ma gracieuse ?
Deux mots tout bas.
Pourquoi pas tout haut ?
Parce qu’il n’y a que deux mots à dire, et qu’il y a quatre oreilles pour entendre.
C’est bien… Prenez mon bras, mon inconnue, et dites-moi ces deux mots… (À Philippe.) Vous permettez ?…
Faites !
Une dame qui aime l’épée vous trouve bonne mine ; êtes-vous aussi brave que joli garçon ? êtes-vous aussi confiant que brave ?
J’ai fait vingt ans la guerre aux Italiens, les plus mauvais coquins que je connaisse ; j’ai fait vingt ans l’amour aux Italiennes, les plus rusées ribaudes que je sache… et je n’ai jamais refusé ni combat ni rendez-vous, pourvu que l’homme eût droit de porter des éperons et une chaine d’or… pourvu que la femme fût jeune et jolie.
Elle est jeune, elle est belle.
C’est bien.
Et elle vous attend ce soir.
Où, et à quelle heure ?
Devant la seconde tour du Louvre… à l’heure du couvre-feu.
J’y serai.
Un homme viendra à vous, et dira : « Votre main ? » Vous lui montrerez cette bague, et vous le suivrez… Adieu, mon capitaine ; courage et plaisir !
(Elle sort. La nuit commence à venir doucement.)
Ah çà ! c’est un rêve ou une gageure.
Quoi donc ?
Cette femme voilée…
Eh bien ?
Elle vient de me répéter les paroles qu’une femme voilée vous a dites.
Un rendez-vous ?
Comme le vôtre.
L’heure ?
La même que la vôtre.
Et une bague ?
Pareille à la vôtre.
Voyons.
Voyez.
Il y a magie… Et vous irez ?
J’irai.
Ce sont les deux sœurs.
Tant mieux ! nous serons beaux-frères.
Par ici, mon maître.
(Après avoir introduit Gaultier d’Aulnay, il passe chez Orsini. – Nuit.)
Buridan, Philippe et Gaultier d’Aulnay.
Chut ! voici Gaultier… À moi, frère, à moi !
(Il lui tend les bras.)
Ta main, frère… Ah ! te voilà donc ! c’est toi et bien toi ?
Eh ! oui.
M’aimes-tu toujours ?
Comme la moitié de moi-même.
Et tu as raison, frère. Embrasse-moi encore… Quel est cet homme ?