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Et si une simple poupée d’enfance détenait le pouvoir de façonner tout un destin ? Témoin muet des bonheurs fragiles et des blessures enfouies, Julie, la poupée au sourire figé, traverse les générations comme une ombre fidèle. À travers ses yeux de faïence, elle observe l’intimité d’un couple ordinaire, Marcel et Henriette, que rien ne semblait devoir ébranler. Mais lorsque les échos de la Grande Guerre remontent à la surface, le passé s’invite, implacable, dans le présent. De l’Aisne en 1916 à l’Italie contemporaine, en passant par les terres marquées de l’Est de la France, ce roman tisse les fils d’une mémoire vive, entre secrets de famille et résilience. Quel poids l’histoire impose-t-elle à ceux qui veulent l’oublier ? Et si ce jouet cassé n’était pas seulement le témoin, mais le fil conducteur de tout ce qui devait advenir ?
À PROPOS DE L'AUTEUR
Après Le mérou, Alain Saunier signe La trace, son deuxième roman. Ingénieur à la retraite, maître praticien en programmation neurolinguistique – PNL –, il met sa passion pour l’analyse du comportement humain au service d’une fiction où se croisent mémoire intime et grande histoire. Nourrie de récits documentés et d’épisodes personnels, cette œuvre explore les blessures invisibles qui marquent une vie entière.
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Seitenzahl: 184
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Alain Saunier
La trace
Roman
© Lys Bleu Éditions – Alain Saunier
ISBN : 979-10-422-7509-9
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
Ce roman est une œuvre de fiction. Toute ressemblance avec des organisations, personnes, existantes, ou ayant existé, serait fortuite et indépendante de la volonté de l’auteur.
Il n’y a pas de chemin vers la paix ; la paix est le chemin.
Mahatma Gandhi
La littérature mythologique arthurienne relate l’histoire instructive d’un jeune Gallois, Perceval, qui, fuyant la demeure d’une mère trop protectrice, voire castratrice, finit par devenir Chevalier. Cette fuite fut, avant tout, le seul moyen d’échapper à l’étouffement que peut engendrer un amour inconditionnel et surprotecteur. On raconte, par exemple, que durant son enfance, Perceval fut découvert en pleurs à côté d’un petit oiseau mort qu’il avait tué accidentellement. Pour éviter que cela se reproduise, sa mère fit abattre tous les oiseaux du parc dans lequel le petit garçon avait l’habitude de jouer.
Devenu adulte, Perceval s'est mis en quête du Graal, une épreuve d'une importance capitale pour lui et pour la chevalerie du temps. La légende raconte que, chaque nuit durant l’épreuve, il a dû dormir dans un lit différent. C’est ce qui l’a amené à croiser la route de personnes diverses qui lui ont transmis de précieuses leçons. Notamment, avec le Roi Pêcheur, il explore la dimension spirituelle de son inconscient. Plus tard, une sorcière lui permet de développer le nécessaire doute pour ne pas faire d’erreur. C’est en se battant contre le chevalier orgueilleux qu’il apprend à rétablir la vérité. Avec Keu, le sénéchal, il comprend ce qu’est la jalousie. Sa cousine lui fait prendre conscience de sa culpabilité. Et lorsqu’il est en compagnie de Blanche Cœur, il est surpris par l’amour. D’autres personnes telles que la femme à l’anneau, Sagremore le démesuré, Gauvain et enfin le roi Arthur qui l’accueille à sa table, ont façonné le chevalier qu’il est devenu.
La quête de Perceval était, avant tout, la recherche d’un remède à la culpabilité qu’il ressentait depuis la mort de sa mère, survenue à la suite de son départ. Toutefois, durant son aventure, il a découvrit le secret de famille que sa mère lui avait caché. Son père était un chevalier et avait trouvé la mort en servant la chevalerie. La mère de Perceval voulait épargner son fils d’un destin similaire.
En puisant l’énergie de ses rencontres, Perceval a acquis cette paix intérieure, cet équilibre recherché sans doute par tous. Cette paix n’est accessible qu’en répondant aux Questions existentielles.
Henriette, notamment, mais aussi Marcel, Alban, Prado et Mayor, les principaux personnages de ce roman, sont également à la recherche d’une réponse à leurs questions existentielles. Perceval, durant sa quête, a rencontré les personnes qui l’ont conduit vers sa vérité, vers son Graal. Sera-ce également le cas pour les personnages de ce roman ?
La « Grand-rue ». On aurait pu simplement la baptiser « La Rue », parce qu’à Lucey, il n’y en a qu’une… de rue… ou quasiment. En effet, Lucey est ce qu’on appelle un « village-rue », archétype du paysage rural lorrain. À son extrémité ouest, se dresse fièrement l’église. Elle a été consacrée le 21 septembre 1733 et était alors dédiée à saint Hilaire. Un grand et haut escalier, semi-circulaire, en pierre de taille, s’élance vers le portail d’entrée. Les marches, qui ne sont pas faciles à escalader pour les plus anciens, font aussi office d’estrade lors des mariages pour les groupes qui se font photographier. Chaque famille a sur un bahut ou dans la niche au centre du buffet en bois de la cuisine, un cadre abritant la photo d’un groupe posant fièrement sur ces marches. Depuis l’église, la Grand-rue descend en serpentant légèrement vers l’est et vers la route menant au village de Lagney. Toutes les maisons sont mitoyennes et présentent sur l’espace public le minimum d’ouvertures, héritage de la décision, prise en 1798, d’imposer les portes et les fenêtres. Pour éviter les taxes, les habitants ont alors construit des demeures étroites et très profondes, composées principalement de pièces borgnes éclairées par des cheminées vitrées, sortes de puits de lumière, appelés Flamandes. Typique des maisons de Lucey, cette caractéristique est influencée par les constructions du nord de la France et de la Flandre, d’où le nom « flamande ». Quelques tas de fumier devant les maisons trahissent la présence de bétail, mais le village vit essentiellement du travail de la terre, notamment de la vigne, et les jeunes gens qui s’apprêtent à partir vont par conséquent manquer. Le père d’Albert n’est pas le seul à s’en préoccuper.
Albert, quant à lui, il est fin prêt ! Cela fait trois ans qu’il s’y prépare, et c’est le moment qu’il attendait avec un soupçon d’impatience. C’est pour lui une question d’honneur et, surtout, il a l’impression qu’il va, pour la première fois de de sa jeune vie, servir à quelque chose. Albert est fier de porter un uniforme. Il s’est rendu chez le photographe de Toul, qui a tiré le cliché, sous la forme d’une carte postale en noir et blanc. Le jeune soldat a entendu parler de la photo en couleur, mais il n’en a jamais vu. Ce serait évidemment plus chic, mais, même en noir et blanc, le cliché qu’il a offert à ses parents a de l’allure. On l’y voit, appuyé d’une fesse sur une table blanche, devant une tapisserie représentant des nuages, la moustache bien taillée, les cheveux enduits de brillantine et peignés de chaque côté, avec une raie sur le milieu du crâne. Il a bien évidemment offert une épreuve à la jeune Madeleine, qui l’attendra, et ils se marieront, bientôt, à son retour.
Il a reçu une formation au maniement des canons et est affecté à un escadron d’artillerie. Le lieu n’est pas encore connu, mais il est sûr qu’il ira vers l’est pour repousser l’ennemi au-delà du Rhin. La mère d’Albert, qui assiste au rassemblement des mobilisés devant la mairie de Lucey, alterne entre fierté et inquiétude. Le père, quant à lui, n’a pas d’état d’âme : il faut récupérer ce que les Allemands ont pris à sa patrie. Même s’il ne connaît rien de ces territoires, il est convaincu qu’il faut reconquérir l’Alsace et une partie de la Lorraine, et c’est l’orgueil et la fierté d’avoir un fils qui va venger les anciens qui prévaut sur toute autre considération. Et puis, cela ne durera pas longtemps : avant l’hiver le fiston sera de nouveau à la maison, car nos militaires sont bien préparés. Ce qui est fâcheux, c’est qu’il lui manquera deux bras forts pour faire les récoltes qui se profilent, en ce début du mois d’août 1914. Comme pour se convaincre que l’événement est nécessaire, certains habitants du village ont sorti les drapeaux bleu-blanc-rouge et les agitent devant les mobilisés qui se mettent en rang. Beaucoup sont là, sauf Madeleine qui préfère cacher ses yeux rougis.
La région de Toul, depuis quelques années, se prépare à vivre des moments tumultueux. Ainsi, un fort a été construit sur le plateau situé au nord de Lucey, à une altitude d’environ quatre cents mètres. Appelé Fort Plessis-Praslin, il donne la possibilité de surveiller les routes et les voies ferrées qui mènent à Paris, Verdun et Ménil-la-Tour. Son emplacement le range parmi les forts d’arrêt (ou forts d’artillerie) capables de se défendre de tous les côtés. Il peut ainsi venir en appui des forts de Trondes, de Bruley et d’Écrouves. Le fort Plessis-Praslin possède un poste optique qui l’autorise à communiquer avec le fort de Liouville sur les hauts de Meuse. L’armement total s’établit à près de vingt-cinq pièces d’artillerie. L’édifice dispose dans ses magasins de plus de cent tonnes de poudre et de cinq cent mille cartouches et peut accueillir au moins six cents hommes. Dans l’infirmerie, on peut soigner une trentaine de soldats blessés. L’approvisionnement en eau est assuré par trois citernes pour une contenance totale de six cents mètres cubes. Deux fours permettent de confectionner trois cents rations de pain. Un autre fort, celui de Trondes, est construit à l’extrémité du plateau de Lucey. Plus petit, il contrôle efficacement le passage vers Trondes. Son nom d’origine est « batterie ouest de Lucey ». De cette façon, Lucey participe grandement à la place forte que constitue Toul.
Albert se dit que le commandement fait bien d’ordonner aux mobilisés de se rendre plus loin vers l’Est. Ainsi, il tiendra, il en est sûr, ses parents et sa chère Madeleine, loin du tumulte du conflit. Sa fiancée n’est pas là, cela l’attriste, et du coup l’excitation de l’aventurier se transforme petit à petit en une sorte d’angoisse. Alors, pour se donner du courage, il chante dans sa tête les chansons apprises lors de son service militaire. La Marseillaise, bien évidemment, mais aussi :
Vous n’aurez pas l’Alsace et la Lorraine,
Et malgré vous nous resterons Français,
Vous avez pu germaniser la plaine,
Mais notre cœur, vous ne l’aurez jamais.
Mais le chant n’a pas l’effet attendu. Au moment de se mettre en marche pour se diriger vers l’intersection de la Grand-rue et de la route de Lagney, Albert gamberge. Reverra-t-il son village, sa Madeleine, ses parents ? La guerre n’est pas le jeu dans la nature qu’il appréciait durant les entraînements. Selon une rumeur, les civils ont été évacués de Verdun. Cela ne signifie-t-il pas que la situation est tout à coup plus préoccupante ? Peut-être que celui qui a été assassiné il y a quelques jours au café du Croissant, rue Montmartre à Paris, avait raison. Il aurait fallu rassembler les ouvriers des deux pays afin qu’ils fassent pression sur leurs édiles, pour éviter le conflit armé. Il se retourne une dernière fois pour photographier mentalement son « chez lui ». Il prend une profonde respiration pour humer l’odeur des mirabelliers dont les fruits commencent à mûrir.
On partait avec des fleurs sur le cœur et l’illusion d’une guerre brève. On devait revenir avant les vendanges, juste à temps pour le dîner.
Roland Dorgelès
En Meuse, dans la forêt, la faune abondante a l’habitude de vivre en toute quiétude. Il n’est pas rare, à la lisière des chemins, d’y croiser des chevreuils à la fois curieux et craintifs, ou d’entendre dans les fourrés les grognements des sangliers. Durant la période de reproduction, le promeneur peut même être surpris par le cri rauque et puissant qu’est le brame du cerf. Les sous-bois regorgent de champignons en automne, et les ramasseurs qui osent s’aventurer hors des chemins se régalent, une fois rentrés de leur balade, avec une fricassée de cèpes, de trompettes de la mort ou de « jaunottes ». L’humus dégage une odeur terreuse relaxante. Le soleil joue avec les arbres en créant des faisceaux tantôt blancs lorsqu’il est au zénith, tantôt orangés à l’approche du crépuscule.
Alors quel événement peut affecter ce havre de paix de deux cent mille hectares ? Qui voudrait bouleverser l’alternance des couleurs chatoyantes de la flore au fil des saisons ? Quel autre bruit pourrait couvrir celui des feuilles bousculées par le vent ? Quel autre chahut pourrait masquer le chant des oiseaux ?
Pourtant, les petits habitants de la forêt observent depuis leur cachette un étrange manège. Des tubes d’acier montés sur roues se sont arrêtés à plusieurs endroits du territoire. Des édifices en béton ont été érigés çà et là et perturbent l’harmonie des clairières ensoleillées. Des hommes se cachent dans des tranchées, sortes de balafres effectuées dans un sol que le temps avait tant adouci. Des bruits nouveaux se sont invités : des cliquetis métalliques, des coups de klaxon, des claquements de portes, des paroles vives et brèves, des cris, des coups de hache plus fréquents que ceux des bûcherons qu’on a l’habitude de voir ici. La nuit, qui d’ordinaire est si noire, sauf les jours de pleine lune, est perturbée par des lumières nouvelles, et le hibou n’a plus le privilège, avec son amie la chauve-souris, de parcourir l’espace quand l’obscurité s’est établie. Un remue-ménage nouveau vient leur faire concurrence.
Albert essaye de se remplir de l’énergie de la forêt. Celle-là n’est pas très différente de la sienne. Les feuillages des arbres de Lucey sont identiques à ceux qui l’entourent et cela devrait être de nature à le rassurer. Il aurait presque apprécié cette vie bucolique si elle n’avait pas l’objectif qu’il imagine funeste. Autour de lui, on s’active avec frénésie. Les uns creusent, les autres abattent des arbres afin que l’équipe des bâtisseurs utilise le bois pour construire des abris avant d’y installer des couchettes. Chacun a un rôle, car il ne faut pas perdre de temps. La vie s’organise, mais chacun espère secrètement que ce travail ne serve à rien. Les cigarettes sont un antidote à l’angoisse qui monte chaque jour un peu plus. Albert déplore l’absence de nouvelles et observe avec inquiétude, au loin, à l’est de la Meuse, une activité discrète, mais probablement belliqueuse. Il entend le sourd grondement des trains de nuit allemands. Mais le commandement leur répète qu’ils sont là en faction seulement, et cela est traduit par certains soldats ainsi : « Cette partie du front restera paisible. »
Alors que la lumière du jour vient juste de se faufiler entre les planches de son abri, ce 21 février 1916, Albert est réveillé par un bruit qu’il voudrait être celui d’un orage. À Lucey, des orages, il en a vu des « carabinés ». Les habitants du village les craignent, car si le soleil du mois d’août fait mûrir les grappes, les orages de grêle, qui suivent les journées de chaleur, font éclater les grains et condamnent la récolte à venir. Albert sort précipitamment de son abri en essayant fébrilement de boutonner sa veste. La consigne est de dormir habillé et ainsi les soldats peuvent être rapidement à leur poste si le besoin s’en fait ressentir. Aussi, Albert avait retiré uniquement sa veste avant de s’allonger sous sa couverture. Il reste quelques instants interdit, tétanisé devant le tableau qui se déploie devant lui. Au-delà de la Meuse, des canons sortis de nulle part crachent leurs obus. Des gerbes de feu accompagnent les projectiles qui se dirigent vers son camp. Devant lui, le sol tremble, la terre jaillit en geysers, et les corps désarticulés des soldats postés à l’avant sont projetés dans les airs. Le croyant qu’était Albert avait des difficultés à imaginer ce qu’est l’enfer. Eh bien, il est là, devant ses yeux : l’enfer. Il se demande un moment s’il n’est pas déjà mort, et si Dieu n’a pas voulu l’accueillir dans son paradis. Le vacarme, que font les obus tombant au rythme d’un toutes les trois secondes, l’empêche d’entendre les ordres de ses supérieurs. « Caporal, qu’est-ce que vous foutez… À votre batterie, nom de Dieu ! » Albert se ressaisit, appelle ses « hommes » pour aller armer la batterie dont il a la charge.
L’artillerie française est, durant la bataille qui commence, largement surclassée par celle de l’ennemi. Avec seulement quelques canons de marine capables de menacer les batteries adverses, elle doit faire face à une armée qui dispose de pièces modernes en très grand nombre. Il faudrait les canons sur rail promis par Pétain et Nivelle pour rivaliser avec les Allemands. Pourquoi n’arrivent-ils donc pas ? En attendant, Albert et ses « hommes » doivent se contenter d’un canon de 75… un « lance pierres » face à des fusils.
Mais il faut charger ! tirer ! et encore charger ! et tirer !
Les soldats de l’équipe qu’Albert commande passent leurs rares moments de repos dans deux abris distincts, séparés d’une dizaine de mètres l’un de l’autre. Le caporal partage son temps entre les refuges pour remonter le moral de ses « gars ». Alors qu’il quitte un abri pour rejoindre l’autre, il entend une déflagration derrière lui. Il se jette au sol par réflexe, les mains sur la tête. Ce qu’il observe en se relevant le sidère. La cabane qu’il vient de quitter est éventrée et ne semble abriter que la mort. Albert pense, tout de suite, qu’il va devoir trouver une sépulture digne de ses camarades et continuer le combat pour défendre la cote 304. Si Dieu le maintient en vie jusqu’à la fin de la guerre, qui le croira lorsqu’il racontera ce que lui et ses compagnons ont vécu. Personne, alors il se taira.
La bataille de Verdun dura trois cents jours. 300 000 soldats y perdirent la vie et 400 000 revinrent blessés.
Des bruits de botte, martelant le béton gris du couloir, sort Louise de l’état de léthargie dans lequel elle était plongée. Les pas s’arrêtent devant sa cellule. La caporal se redresse en entendant le son caractéristique du petit volet qui glisse, permettant à l’œil inquisiteur du gardien d’observer à l’intérieur cachot. Puis elle écoute le tintement, presque harmonieux dans ce lieu sordide, des clés du trousseau qui s’entrechoquent. Le grincement du pêne de la serrure, qui se retire de son logement pour se rétracter à l’intérieur du mécanisme, lui indique qu’on vient lui rendre visite. Elle voit alors la lourde porte pivoter sur ses gonds. La lumière qui s’est engouffrée dans la cellule l’éblouit, si bien qu’elle a du mal à distinguer l’homme qui se tient debout devant elle. Néanmoins, elle connaît le motif de cette visite qu’elle attendait, non sans crainte.