Le Candidat - Gustave Flaubert - E-Book

Le Candidat E-Book

Gustave Flaubert

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Beschreibung

Extrait : "MUREL : Pierre, où est M. Rousselin ? PIERRE : Dans son cabinet, monsieur, Murel ; ces dames sont dans le parc avec leur Anglaise et M Onésime... de Bouvigny ! MUREL : Ah ! cette espèce de séminariste à moitié gandin. J'attendrai qu'il soit parti, car sa vue seule me déplaît tellement !..."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de qualité de grands livres de la littérature classique mais également des livres rares en partenariat avec la BNF. Beaucoup de soins sont apportés à ces versions ebook pour éviter les fautes que l'on trouve trop souvent dans des versions numériques de ces textes. 

LIGARAN propose des grands classiques dans les domaines suivants : 

• Livres rares
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Seitenzahl: 113

Veröffentlichungsjahr: 2015

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EAN : 9782335049749

©Ligaran 2015

Personnages

Paysans, ouvriers, etc.

ROUSSELIN, 56 ans.

MUREL, 34 ans.

GRUCHET, 60 ans.

JULIEN DUPRAT, 24 ans.

Le comte de BOUVIGNY, 65 ans : THOMASSE.

ONÉSIME, son fils, 20 ans : RICHARD.

DODART, notaire, 60 ans : MICHEL.

PIERRE, domestique de M. Rousselin.

Mme ROUSSELIN, 38 ans.

LOUISE, sa fille, 18 ans.

Miss ARABELLE, institutrice, 30 ans.

FÉLICITÉ, bonne de Gruchet.

MARCHAIS.

HEURTELOT.

LEDRU.

HOMBOURG.

VOINCHET.

BEAUMESNIL.

UN GARDE CHAMPÊTRE.

LE PRÉSIDENT DE LA RÉUNION ÉLECTORALE.

UN GARÇON DE CAFÉ.

UN MENDIANT.

L’action se passe en province.

Les mots entre deux crochets ont été supprimés par la censure.

Acte premier

Chez M. Rousselin. – Un jardin. – Pavillon à droite. – Une grille occupant le côté gauche.

Scène première

Murel, Pierre, domestique.

Pierre est debout, en train de lire un journal. – Murel entre, tenant un gros bouquet qu’il donne à Pierre.

MUREL

Pierre, où est M. Rousselin ?

PIERRE

Dans son cabinet, monsieur Murel ; ces dames sont dans le parc avec leur Anglaise et M Onésime… de Bouvigny !

MUREL

Ah ! cette espèce de [séminariste] à moitié gandin. J’attendrai qu’il soit parti, car sa vue seule me déplaît tellement !…

PIERRE

Et à moi donc !

MUREL

À toi aussi ! Pourquoi ?

PIERRE

Un gringalet ! fiérot ! pingre ! Et puis, j’ai idée qu’il vient chez nous… (Mystérieusement.) C’est pour Mademoiselle !

MUREL, à demi-voix

Louise ?

PIERRE

Parbleu ! sans cela les Bouvigny, qui sont des nobles, ne feraient pas tant de salamalecs à nos bourgeois !

MUREL, à part

Ah ! ah ! attention ! (Haut.) N’oublie pas de m’avertir lorsque des messieurs, tout à l’heure, viendront pour parler à ton maître.

PIERRE

Plusieurs ensemble ? Est-ce que ce serait… par rapport aux élections ?… On en cause…

MUREL

Assez ! Écoute-moi ! Tu vas me faire le plaisir d’aller chez Heurtelot le cordonnier, et prie-le de ma part…

PIERRE

Vous, le prier, monsieur Murel !

MUREL

N’importe ! Dis-lui qu’il n’oublie rien !

PIERRE

Entendu !

MUREL

Et qu’il soit exact ! qu’il amène tout son monde !

PIERRE

Suffit, monsieur ! j’y cours ! (Il sort.)

Scène II

Murel, Gruchet.

MUREL

Eh ! c’est monsieur Gruchet, si je ne me trompe ?

GRUCHET

En personne ! Pierre-Antoine pour vous servir.

MUREL

Vous êtes devenu si rare dans la maison !

GRUCHET

Que voulez-vous ? avec le nouveau genre des Rousselin ! Depuis qu’ils fréquentent Bouvigny, – un joli coco encore, celui-là, – ils font des embarras !…

MUREL

Comment ?

GRUCHET

Vous n’avez donc pas remarqué que leur domestique maintenant porte des guêtres ! Madame ne sort plus qu’avec deux chevaux, et dans les dîners qu’ils donnent, – du moins, c’est Félicité, ma servante qui me l’a dit, – on change de couvert à chaque assiette.

MUREL

Tout cela n’empêche pas Rousselin d’être généreux, serviable !

GRUCHET

Oh ! d’accord ! plus bête que méchant ! Et pour surcroît de ridicule, le voilà qui ambitionne la députation ! Il déclame tout seul devant son armoire à glace, et la nuit, il prononce en rêve des mots parlementaires.

MUREL, riant

En effet !

GRUCHET

Ah ! c’est que ce titre-là sonne bien, député ! ! ! Quand on vous annonce : « Monsieur un tel, député. » Alors, on s’incline ! Sur une carte de visite, après le nom « député » ça flatte l’œil ! Et en voyage, dans un théâtre, n’importe où, si une contestation s’élève, qu’un individu soit insolent, ou même qu’un agent de police vous pose la main sur le collet : « Vous ne savez donc pas que je suis député, monsieur ! »

MUREL, à part

Tu ne serais pas fâché de l’être, non plus, mon bonhomme !

GRUCHET

Avec ça, comme c’est malin ! pourvu qu’on ait une maison bien montée, quelques amis, de l’entregent !

MUREL

Eh ! mon Dieu ! quand Rousselin serait nommé !

GRUCHET

Un moment ! S’il se porte, ce ne peut être que candidat juste-milieu ?

MUREL, à part

Qui sait ?

GRUCHET

Et alors, mon cher, nous ne devons pas… Car enfin nous sommes des libéraux ; votre position, naturellement, vous donne sur les ouvriers une influence !… Oh ! vous poussez même à leur égard les bons offices très loin ! Je suis pour le peuple, moi ! mais pas tant que vous ! Non… non !

MUREL

Bref, en admettant que Rousselin se présente ?…

GRUCHET

Je vote contre lui, c’est réglé !

MUREL, à part

Ah ! j’ai eu raison d’être discret ! (Haut.) Mais avec de pareils sentiments, que venez-vous faire chez lui ?

GRUCHET

C’est pour rendre service… à ce petit Julien.

MUREL

Le rédacteur de l’Impartial ?…Vous, l’ami d’un poète !

GRUCHET

Nous ne sommes pas amis ! Seulement, comme je le vois de temps à autre au cercle, il m’a prié de l’introduire chez Rousselin.

MUREL

Au lieu de s’adresser à moi, un des actionnaires du journal ! Pourquoi ?

GRUCHET

Je l’ignore !

MUREL, à part

Voilà qui est drôle ! (Haut.) Eh bien, mon cher, vous êtes mal tombé !

GRUCHET

La raison ?

MUREL, à part

Ce Pierre qui ne revient pas ! J’ai toujours peur… (Haut.) La raison ? c’est que Rousselin déteste les bohêmes !

GRUCHET

Celui-là, cependant…

MUREL

Celui-là surtout ! et même depuis huit jours… (Il tire sa montre.)

GRUCHET

Ah çà ! Qui vous démange ? Vous paraissez tout inquiet.

MUREL

Certainement !

GRUCHET

Les affaires, hein ?

MUREL

Oui ! mes affaires !

GRUCHET

Ah ! je vous l’avais bien dit ! ça ne m’étonne pas !…

MUREL

De la morale, maintenant !

GRUCHET

Dame, écoutez donc, chevaux de selle et de cabriolet, chasses, pique-niques, est-ce que je sais, moi ! Que diable ! quand on est simplement le représentant d’une compagnie, on ne vit pas comme si on avait la caisse dans sa poche.

MUREL

Eh ! mon Dieu, je payerai tout !

GRUCHET

En attendant, puisque vous êtes gêné, pourquoi n’empruntez-vous pas à Rousselin ?

MUREL

Impossible !

GRUCHET

Vous m’avez bien emprunté à moi, et je suis moins riche.

MUREL

Oh lui ! c’est autre chose !

GRUCHET

Comment, autre chose ? un homme si généreux, serviable ! Vous avez un intérêt, mon gaillard, à ne pas vous déprécier dans la maison.

MUREL

Pourquoi ?

GRUCHET

Vous faites la cour à la jeune fille, espérant qu’un bon mariage…

MUREL

Diable d’homme, va !… Oui, je l’adore. Mme Rousselin ! Au nom du ciel, pas d’allusion !

GRUCHET, à part

Oh ! oh ! tu l’adores. Je crois que tu adores surtout sa dot !

Scène III

Murel, Gruchet, madame Rousselin, Onésime, Louise, miss Arabelle, un livre à la main.

MUREL, présentant son bouquet à madame Rousselin

Permettez-moi, madame, de vous offrir…

MADAME ROUSSELIN, jetant le bouquet sur le guéridon, à gauche

Merci, monsieur !

MISS ARABELLE

Oh ! les splendides gardenias !… et où peut-on trouver des fleurs aussi rares ?

MUREL

Chez moi, miss Arabelle, dans ma serre !

ONÉSIME, avec impertinence

Monsieur possède une serre ?

MUREL

Chaude ! oui, monsieur !

LOUISE

Et rien ne lui coûte pour être agréable à ses amis !

MADAME ROUSSELIN

Si ce n’est, peut-être, d’oublier ses préférences politiques.

MUREL, à Louise, à demi-voix

Votre mère aujourd’hui est d’une froideur !…

LOUISE, de même, comme pour l’apaiser

Oh !

MADAME ROUSSELIN, à droite, assise devant une petite table

Ici, près de moi, cher vicomte ! Approchez monsieur Gruchet ! Eh bien, a-t-on fini par découvrir un candidat ? Que dit-on ?

GRUCHET

Une foule de choses, madame. Les uns…

ONÉSIME, lui coupant la parole

Mon père affirme que M. Rousselin n’aurait qu’à se présenter…

MADAME ROUSSELIN, vivement

Vraiment ! c’est son avis ?

ONÉSIME

Sans doute ! Et tous nos paysans qui savent que leur intérêt bien entendu s’accorde avec ses idées…

GRUCHET

Cependant, elles diffèrent un peu des principes de 89 !

ONÉSIME, riant aux éclats

Ah ! ah ! ah ! Les immortels principes de 89 !

GRUCHET

De quoi riez-vous ?

ONÉSIME

Mon père rit toujours quand il entend ce mot-là.

GRUCHET

Eh ! sans 89, il n’y aurait pas de députés !

MISS ARABELLE

Vous avez raison, monsieur Gruchet, de défendre le Parlement. Lorsqu’un gentleman est là, il peut faire beaucoup de bien !

GRUCHET

D’abord on habite Paris, pendant l’hiver.

MADAME ROUSSELIN

Et c’est quelque chose ! Louise, rapproche-toi donc ! Car le séjour de la province, n’est-ce pas monsieur Murel, à la longue, fatigue ?

MUREL, vivement

Oui, madame ! (bas à Louise.) On y peut cependant trouver le bonheur !

GRUCHET

Comme si cette pauvre province ne contenait que des sots !

MISS ARABELLE, avec exaltation

Oh ! non ! non ! Des cœurs nobles palpitent à l’ombre de nos vieux bois ; la rêverie se déroule plus largement sur les plaines ; dans des coins obscurs, peut-être, il y a des talents ignorés, un génie qui rayonnera ! (Elle s’assied.)

MADAME ROUSSELIN

Quelle tirade, ma chère ! Vous êtes plus que jamais en veine poétique !

ONÉSIME

Mademoiselle, en effet, sauf un léger accent, nous a détaillé tout à l’heure, le Lac de M. de Lamartine… d’une façon…

MADAME ROUSSELIN

Mais vous connaissiez la pièce ?

ONÉSIME

On ne m’a pas encore permis de lire cet auteur.

MADAME ROUSSELIN

Je comprends ! une éducation… sérieuse ! (Lui passant sur les poignets un écheveau de laine à dévider.) Auriez-vous l’obligeance ?… Les bras toujours étendus ! fort bien !

ONÉSIME

Oh ! je sais ! Et même, je suis pour quelque chose dans ce paysage en perles que vous a donné ma sœur Élisabeth !

MADAME ROUSSELIN

Un ouvrage charmant ; il est suspendu dans ma chambre ! Louise, quand tu auras fini de regarder l’Illustration…

MUREL, à part

On se méfie de moi ; c’est clair !

MADAME ROUSSELIN

J’ai admiré, du reste, les talents de vos autres sœurs, la dernière fois que nous avons été au château de Bouvigny.

ONÉSIME

[Ma mère y recevra prochainement la visite de mon grand-oncle, l’évêque de Saint-Giraud.

MADAME ROUSSELIN

Monseigneur de Saint-Giraud votre oncle !

ONÉSIME

Oui ! le parrain de mon père.

MADAME ROUSSELIN

Il nous oublie, le cher Comte, c’est un ingrat]  !

ONÉSIME

Oh ! non ! car il a demandé pour tantôt un rendez-vous à M. Rousselin !

MADAME ROUSSELIN, l’air satisfait

Ah !

ONÉSIME

Il veut l’entretenir d’une chose… Et je crois même que j’ai vu entrer, tout à l’heure, maître Dodart.

MUREL, à part

Le notaire ! Est-ce que déjà ?…

MISS ARABELLE

En effet ! Et après est venu Marchais, l’épicier, puis M. Bondois, M. Liégeard, d’autres encore.

MUREL, à part

Diable ! qu’est-ce que cela veut dire ?

Scène IV

Les mêmes, Rousselin.

LOUISE

Ah ! papa !

ROUSSELIN, le sourire aux lèvres

Regarde-le, mon enfant ! Tu peux en être fière ! (Embrassant sa femme.) Bonjour, ma chérie !

MADAME ROUSSELIN

Que se passe-t-il ? cet air rayonnant…

ROUSSELIN, apercevant Murel

Vous ici, mon bon Murel ! Vous savez déjà… et vous avez voulu être le premier !

MUREL

Quoi donc ?

ROUSSELIN, apercevant Gruchet

Gruchet aussi ! ah ! mes amis ! C’est bien ! Je suis touché ! Vraiment, tous mes concitoyens !…

GRUCHET

Nous ne savons rien !

MUREL

Nous ignorons complètement…

ROUSSELIN

Mais ils sont là !… ils me pressent !

TOUS

Qui donc ?

ROUSSELIN

[Tout un comité] qui me propose la candidature de l’arrondissement.

MUREL, à part

Sapristi ! on m’a devancé !

MADAME ROUSSELIN

Quel bonheur !

GRUCHET

Et vous allez accepter peut-être ?

ROUSSELIN

Pourquoi pas ? Je suis conservateur, moi !

MADAME ROUSSELIN

Tu leur as répondu ?

ROUSSELIN

Rien encore ! Je voulais avoir ton avis.

MADAME ROUSSELIN

Accepte !

LOUISE

Sans doute !

ROUSSELIN

Ainsi, vous ne voyez pas d’inconvénient ?

TOUS

Aucun. – Au contraire. – Va donc !

ROUSSELIN

Franchement, vous pensez que je ferais bien ?

MADAME ROUSSELIN

Oui ! oui !

ROUSSELIN

Au moins, je pourrai dire que vous m’avez forcé ! (Fausse sortie.)

MUREL, l’arrêtant

Doucement ! un peu de prudence.

ROUSSELIN, stupéfait

Pourquoi ?

MUREL

Une pareille candidature n’est pas sérieuse !

ROUSSELIN

Comment cela ?

Scène V

Les mêmes, Marchais, puis maître Dodart.

MARCHAIS

Serviteur à la compagnie ! Mesdames, faites excuse ! Les messieurs qui sont là m’ont dit d’aller voir ce que faisait M. Rousselin, et qu’il faut qu’il vienne ! et qu’il réponde oui !

ROUSSELIN

Certainement !

MARCHAIS

Parce que vous êtes une bonne pratique, et que vous ferez un bon député !

ROUSSELIN, avec enivrement

Député !

DODART, entrant

Eh ! mon cher, on s’impatiente, à la fin !

GRUCHET, à part

Dodart ! encore un tartufe celui-là !

DODART, à Onésime

Monsieur votre père qui est dans la cour désire vous parler.

MUREL

Ah ! son père est là ?

GRUCHET, à Murel

Il vient avec les autres. L’œil au guet, Murel !

MUREL

Pardon, maître Dodart. (À Rousselin.) Imaginez un prétexte… (À Marchais.) Dites que M. Rousselin se trouve indisposé, et qu’il donnera sa réponse… tantôt. Vivement ! (Marchais sort.)

ROUSSELIN

Voilà qui est trop fort, par exemple !

MUREL

Eh ! on n’accepte pas une candidature, comme cela, à l’improviste !

ROUSSELIN

Depuis trois ans je ne fais que d’y penser !

MUREL

Mais vous allez commettre une bévue ! Demandez à Me