Le chant de la Résistance - Audrey Berche - E-Book

Le chant de la Résistance E-Book

Audrey Berche

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Beschreibung

Entrez en Résistance ! Qu'est-ce qu'il y a derrière le mot Résistance ? Voilà une question qui tourmente l'esprit d'Hannah Depuis juin 1940, la France est plongée dans les années les plus noires de son histoire. Humiliée, vaincue, est occupée par l'Allemagne Nazie. Hannah Brunet, dès juillet 1940, dit non à la défaite, à l'oppression et à la soumission. Elle entre dans la Résistance et mène ses missions au plus près de ses ennemis quitte à mettre sa vie en danger. La jeune femme et ses compagnons sont déterminés à se battre pour leurs idées : sauver la France de la tyrannie allemande. Entends le chant de la Résistance, lève-toi, bats-toi, redonne à notre pays le nom qui lui a été enlevé. Illustrations : Alysson Detilleux

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Seitenzahl: 474

Veröffentlichungsjahr: 2024

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À propos de l’auteur

Audrey Berche est née en région parisienne le 16 juin 2002. Dès son enfance, elle se passionne pour les histoires en tout genre. Poussée par son imagination débordante, elle commence à écrire sa première histoire en CM2, inspirée par les légendes de Sleepy Hollow. Bien que cette histoire n’aille jamais plus loin que les premières pages, elle continue d'imaginer de nombreux univers imaginaires dont elle pourrait conter les histoires. En 2014, après avoir visionné un documentaire sur la Résistance française, elle se promet d'un jour écrire un ouvrage sur ce sujet. Mais par manque de connaissances, elle ne débute pas le travail.

Poussée dans la passion de l'histoire par deux de ses professeurs d'Histoire-Géographie, elle commencera l'écriture par une petite nouvelle sur la guerre ; elle poursuivra ensuite l'écriture en jonglant entre les nouvelles et la poésie avant de reprendre son projet initial fin 2019 : la Résistance. Ainsi de sa plume, naît 1944 - Entrez en Résistance. Pendant un an, elle écrira son premier roman, dont vous découvrez ici, la nouvelle édition.

Mes activités

Note de l’auteur

Il s'agit ici d’une nouvelle version de 1944 - Entrez en Résistance devenu Le chant de la Résistance et s’inscrivant dans la série 1944. Ne passant pas par une maison d'édition classique, le manuscrit n'a pas été vérifié par des professionnels, je m'excuse d'avance pour les coquilles qui pourraient être trouvées dans le roman.

Je tiens à préciser qu’il s’agit également d’une fiction historique, c’est-à-dire que le roman s’inspire de faits et de personnages réels. Pour que l’intrigue soit cohérente, je me suis permise de prendre quelques libertés afin de justifier la présence de mes personnages à un point précis et à un moment donné.

Table des matières

Avant-propos

Première Partie

Prologue

Chapitre 1

Romain

Chapitre 2

Limiter les déportations

3 – Flash-back

Romain

Chapitre 4

Distraire l’ennemi

Chapitre 5

Sympathiser avec les Allemands

6 – Annexe

La petite fille

Chapitre 7

L’ambassade

Chapitre 8

L’arrestation

9 – Flash-back – Henry

Chapitre 10

Drancy

11 – Flash-back – Hannah

12 – Flash-back

Hannah et Friedrich

Chapitre 13

Auschwitz

Chapitre 14

Retour à Paris

Deuxième Partie

15 – Sapiens sous les étoiles

16 – Annexe – Arnaud

Chapitre 17

Comme l’oiseau en cage

Chapitre 18

Henriette Brunet

Chapitre 19

Retour au combat

20 – Annexe – Romain

Chapitre 21

Les vagues de Normandie

Chapitre 22

Corbeau noir

Chapitre 23

Le pauvre étranger voyageur

Chapitre 24

Règlement de comptes

Chapitre 25

Avis de recherche

Chapitre 26

Interrogatoire

27 – Annexe – Friedrich

Chapitre 28

Près du but

Chapitre 29

Libération

Épilogue

Avant-propos

Ce roman a pour but de vous rappeler que des personnes ont existé et qu'elles ont sacrifié leur vie pour vaincre l'humiliation et la tyrannie que la France a subie pendant les années 1940 à 1944.

Il est important de nous souvenir à la fois de ce que l'humanité a fait de pire pour permettre aux victimes de continuer d'exister. Là est l'une de nos responsabilités : fournir l'essence de vie à ceux qui sont tombés. Car l'oubli est bien pire que la mort. Pour les pharaons de l'Égypte antique, vous ne cessiez pas d'exister lorsque votre cœur ne battait plus, mais lorsque plus personne ne prononçait votre nom. Alors ensemble, nous continuerons de prononcer leurs noms.

En raison de la difficulté à trouver des informations concernant les personnages réels de ce roman, il est possible qu’il y ait des anachronismes involontaires.

Comme il s’agit d’une fiction historique, j’ai pris la liberté de faire faire des choses aux personnages réels qu’ils n’ont, en théorie, pas fait de leur vivant. Dans ce roman, Pierre Brossolette et Émile Bollaert mènent des actions qu’ils n’ont pas réellement faites, connaissent

des personnes qui n’ont jamais existé, et tiennent des propos qu’ils n’ont pas tenus. Ils sont représentés de manière respectueuse et en aucun cas leurs portraits dressés dans ce roman ont pour but de salir leur honneur et leur mémoire.

Chers lecteurs, chères lectrices, si vous continuez à lire cet ouvrage, que vous le trouviez bon ou mauvais, vous vous engagez à perpétuer le devoir de mémoire envers les femmes, les hommes et les enfants qui sont tombés pendant la Deuxième Guerre mondiale.

« Souviens-toi, n'oublie jamais »

Bonne lecture à vous

Première Partie

Entrez en Résistance

Aux portes de la baraque,

Huit ans elle pose ses marques,

Dessin de l'enfer qu'elle entrevoit,

Sapiens par le bout de ses doigts.

Démon lui arrache son cahier,

Elle prend un autre papier,

Dessin de toute brillance,

Sapiens par sa conscience.

Traînée dans la poussière,

Ses pieds dessinent dans la terre,

Chante sur le sol froid et dur,

Sapiens dans l'escalier obscur.

Danse derrière les portes de l'enfer,

Gaz tombant sur la pierre,

Nul n'aura eu son humanité,

Sapiens pour l'éternité.

Prologue

— Mettez-le sur l'hôtel de ville ! Rendez la commune à la France ! lui crie le soldat de la Résistance.

Sur le dos du cheval, Hannah se saisit du drapeau tricolore. Les larmes coulent le long de ses joues, elle ne veut pas abandonner un frère sur le front. Le soldat frappe la croupe du cheval et l'animal s'élance au grand galop. Hannah le regarde et crie son nom, mais, s'empressant de monter à cheval et de partir au galop en direction de l'ennemi, son ami ne répond pas. Plusieurs coups de feu partent, et le Français s'effondre à terre alors que sa monture poursuit sa route. Un objet tombe aux pieds du soldat, un bruit sourd se fait entendre et la silhouette de son ami disparaît à jamais, dévorée par le bruit d'une explosion qui se dissipe, derrière le son des vagues s'écrasant sur les plages de Normandie.

Paris, 2 avril 1942.

Hannah passe chaque jour deux bonnes heures dans ce café parisien à attendre que des officiers de la Gestapo se montrent et prennent leur pause habituelle. Elle se place non loin d'eux, prend discrètement un livre et un thé pour ne pas attirer l'attention sur elle ; et elle écoute, prête à attraper au vol toutes informations qu’elle transmettra à son supérieur, qui les fera remonter jusqu'aux oreilles de de Gaulle. Voilà un an qu'elle espionne les Allemands.

Âgée de vingt-trois ans, Hannah met son énergie au service de son pays. Le souvenir de son père, resté à Lille, lui donne la force de se battre, la jeune Française n'oublie pas d'où elle vient, ni où elle va. Son courage et sa détermination en vue de libérer la Nation qui l'a vu naître, alimentent cette force et font d’Hannah un atout de la Résistance parisienne. Sa joie de vivre et son sourire remontent le moral de ses camarades dans les moments difficiles. Henry, son employeur, ami et mentor, voit en elle un espoir ; et beaucoup de jeunes de la Résistance renvoient aux aînés cet espoir de redonner à la France, la liberté qui fait sa grande fierté.

Ainsi donc la voilà, assise dans ce café, à écouter attentivement les Allemands. Elle ne connaît pas les noms de ces officiers, elle sait seulement qu'il s'agit d'SS-Untersturmführer, des sous-lieutenants de la Gestapo. Ils discutent de leur vie pendant un bon moment puis, Karl Bömelburg, lieutenant-colonel SS s'installe, sans douceur, à leur table. Le café est vide mais Bömelburg se méfie d'Hannah ; elle est toujours assise à sa table en train de lire son livre. Le lieutenant-colonel passe devant elle et bouge « accidentellement » une des chaises, mais elle ne relève pas la tête, laissant croire qu'elle est complètement plongée dans sa lecture. Il rejoint les deux autres officiers et se met à parler à voix basse. En gardant une attitude parfaitement naturelle, Hannah tend ses deux oreilles et intercepte un maximum d'informations.

Au moment de partir, l'un des Allemands, plus précisément le bras droit de Bömelburg, fixe son regard sur Hannah pendant un instant. Elle n'y prête pas attention et rapidement, le soldat tourne les talons et rejoint son équipe.

Après avoir attendu une bonne demi-heure que les SS soient partis, elle quitte le café et gagne son appartement où l'attend Brossolette en traversant les rues décorées d’uniformes ennemis. Elle vérifie discrètement de temps à autre, que personne ne la suit puis ferme doucement à clé la porte de son appartement tout en lâchant un soupir, satisfaite d’avoir une fois de plus, réussi à revenir chez elle sans se faire prendre. Son supérieur observe la rue sans un mot, légèrement dissimulé derrière le grand rideau qui masque le début de la fenêtre devant laquelle il se tient. Elle s’approche de lui d’un pas léger tout en penchant légèrement sa tête sur le côté, puis décide de rompre le silence pesant qui plane dans la pièce.

— Je pourrais très bien être un soldat allemand, vous ne regardez pas dans ma direction, comment pouvez-vous être sûr que je suis bien votre petite souris ?

— Je vous ai vu entrer dans le bâtiment, bonjour Hannah, dit-il en se retournant enfin.

— Bonjour Pierre.

— Alors, votre journée a-t-elle porté ses fruits ? Avant que vous ne répondiez, asseyez-vous, j'ai pris la liberté de vous préparer du thé.

Hannah s'exécute et s'assoit doucement sur l'un des fauteuils devant la table basse où est déposé un plateau en argent avec deux tasses contenant un thé difficile à trouver depuis le début de la guerre.

— Il y avait les deux officiers habituels, ils… ils n'ont rien dit d'intéressant, mais, ils ont été rejoints par Karl Bömelburg.

— Et alors ? A-t-il dit quelque chose qui pourrait nous être utile ?

— Il a essentiellement parlé des déportations juives vers la Pologne, mais il a également dit qu'on lui avait fait part de projets concernant les offensives contre l'URSS.

— En a-t-il dit plus ?

— Non, il a précisé qu'il n'en savait pas plus, seulement que si c'était nécessaire, certains soldats seraient rappelés en Allemagne pour partir sur le front soviétique ensuite. Ils n'ont rien évoqué de plus.

— Très bien, dans ce cas je ne vais pas m'attarder ici. Merci beaucoup Hannah pour votre contribution, votre aide nous est précieuse.

— C'est moi qui vous remercie Pierre.

— Continuez ce que vous faites, mais faites attention à vous. S'ils vous démasquent, vous êtes morte.

— Je ferai attention.

Pierre ne s'attarde pas, il quitte son amie en sortant de l'appartement de la jeune femme. Hannah dépose ses notes sur la table de son salon ; elle se retourne et se dirige vers la grande bibliothèque, dans laquelle elle prend une boîte dissimulée derrière quatre gros livres, qu’elle dépose sur la table. Puis, elle l'ouvre et y glisse les petits morceaux de papier qu'elle a, avant cela, arrachés de son carnet. Elle referme la boîte et la remet à sa place, à l'abri des regards indiscrets.

Légèrement fatiguée par cette journée, elle s'en va dans la salle de bain sans prendre la peine de fermer la porte en bois, puisqu’elle est seule. Elle ouvre la fenêtre qui donne sur une ruelle où personne ne peut l'observer, afin de laisser la pièce être submergée par l'air et les sons du printemps. Elle fait couler l'eau dans la baignoire, et pendant que cette dernière s'inonde d'une marée d'eau douce, la petite Française de vingt-trois ans se délaisse de ses vêtements, les uns après les autres. Elle attache ses cheveux bruns à l'aide d'une pince, puis elle se glisse délicatement dans son bain, de manière à ne pas laisser l'eau du meuble de faïence se délivrer de son emprise. Elle penche sa tête en arrière et dépose le bas de son crâne sur le rebord. Hannah ferme les yeux et profite de ce moment de tranquillité.

Un bruit soudain la fait sursauter, laissant quelques vaguelettes d'eau s'échapper de la baignoire pour aller embrasser le sol. Elle se redresse dans son océan et tourne la tête vers l'origine du bruit. Un corbeau noir s'est posé sur le rebord de sa fenêtre, il l'observe et croasse de temps à autre, mais le bruit qui sort du bec de l'animal est aussi désagréable que l'Allemand qui hurle des ordres de sa voix cassée. Son plumage est aussi sombre que les désastres de la guerre ; et les reflets offerts par la faible luminosité qui atteint l'oiseau, traduisent l'image que cet être lui renvoie : le mal. Il est le corbeau noir qui, de ses grandes ailes ébène, balaye l'honneur des Français.

Chapitre 1
Romain

Lille, 9 septembre 1943,

Dans la commune du Nord de la France, sous le commandement allemand rattaché à la Belgique, Romain Brunet et son épouse Marie Brunet, ont choisi de demeurer dans la ville où ils ont construit leur foyer. À Lille, l'occupation allemande se fait sentir dans chaque coin de rue, l'organisation de la ville obéit aux règles des Allemands, chaque citoyen est soumis à l'autorité allemande, et le moindre pas de travers n'est pas laissé sans conséquences. L'humiliation de la défaite, les réquisitions, le rationnement... Chaque trait de l'occupation pèse sur le moral des Lillois, et la défaite devient, à chaque nouveau lever de soleil, un peu plus difficile à surmonter. Mais quand donc tout cela se terminera-t-il ? Peut-on lire dans le regard des nombreux Français, qui chaque jour, font la queue les uns derrière les autres, tel du bétail, pour ne percevoir qu'une centaine de grammes de pain. La vie calme et paisible semble si loin, le soleil ne s'est pas montré depuis si longtemps, et les corbeaux noirs envahissent les rues, les rendant assourdissantes de leurs croassements. La charge morale de la défaite a bien poussé quelques-uns à s'opposer à l'occupant, mais à Lille, les mouvements de Résistance restent bien moindres. Les attaques importantes se font rares et les Lillois se limitent essentiellement à des actes de désobéissance et de presses illégales. Les Brunet connaissaient une femme d'une quarantaine d'années qui faisait la classe à des enfants de dix à onze ans. Elle vivait non loin du couple et ils se croisaient fréquemment les dimanches de beau temps, lorsqu'Hannah était enfant, ses parents l'emmenaient dans les jardins où ils y croisaient leur voisine enseignante. Quelques mois après le début de l'occupation, les autorités allemandes lui ont imposé de lire des discours à la gloire du IIIe Reich. Quand cette dernière a refusé, ils l'ont arrêtée, et Romain n'a plus jamais entendu parler d'elle.

Les époux Brunet se sont toujours opposés à la défaite. Ils portent encore dans leur cœur et dans leur mémoire, la lourde trace de la dernière guerre. Romain s'est engagé dans la guerre dès ses dix-huit ans en 1915 et a eu la possibilité de laisser le champ de bataille derrière lui à l'automne 1917. Il en avait déjà trop vu, et n'aurait pu survivre à cet enfer, si son père n'était pas parvenu à le coller derrière un bureau municipal jusqu'à la fin des hostilités. Marie, sa très chère épouse, s'était portée volontaire pour soigner les blessés dans les hôpitaux des villes, suffisamment loin du front pour ne pas cauchemarder à chaque fois que son esprit tentait de quérir la moindre minute de repos. Les deux Français se connaissent depuis l'enfance et se sont mariés en janvier 1918, aucun d'eux ne souhaitait risquer de quitter ce monde, avant d'avoir pu unir sa vie à celle de l'être qu'ils aimaient par-dessus tout.

Hannah vit le jour un an et demi plus tard, au mois de juin 1919, la guerre était terminée et les deux très jeunes parents étaient pleins d'espoir pour le monde dans lequel leur fille allait grandir. Pendant plus de vingt ans, Romain et Marie se sont efforcés d'offrir à Hannah un foyer chaleureux, des parents aimants et tout le bien-être qu'une famille puisse apporter.

La famille, voilà bien la raison qui empêche Romain de suivre ses convictions et de s'opposer aux nazis. Il peut le faire, il le sait, il peut résister de mille manières. Mais sa loyauté envers sa famille le pousse à la protéger avant tout, il se souvient de sa voisine enseignante, arrêtée, dont les enfants ont été laissés sans rien. Après la guerre, Marie a choisi de demeurer au foyer pour élever Hannah, et même quand leur fille est devenue grande, son épouse a continué de vivre uniquement aux dépens de Romain. Alors, si lui empruntait cette voie et qu'il lui arrivait quelque chose, qu'adviendrait-il de Marie ? Romain s'efforce également de préserver un foyer dans lequel Hannah pourra se réfugier si elle souhaite revenir près de ses parents. Il choisit donc de ne pas aller dans le sens de l’occupant ; vivre avec les Allemands oui, leur obéir sans se poser la moindre question non. Chaque fois qu'il aperçoit quelqu'un aller contre la volonté des occupants, il fait mine de n'avoir rien vu. La passivité, la position entre la résistance et la collaboration, c'est cette place que Romain a choisie, aussi longtemps qu'il puisse être en mesure de la conserver.

Le professeur et auteur de nouvelles, quitte son foyer comme chaque début d'après-midi pour rejoindre le directeur du collège où il enseigne le français depuis vingt ans. Avec la défaite, l'enseignement souffre de l'occupation ; nombreux sont les enseignants absents ; certains se sont exilés en zone sud, quand elle était encore libre. D'autres sont détenus en Allemagne, quand il y en a qui sont morts ou bien portés disparus. Quelques professeurs sont entrés dans la Résistance, et ont été arrêtés. Est-ce qu'il en reste encore ? Ça, Romain l'ignore.

Lorsque Romain arrive, il salue le concierge et se dirige vers le bureau de son supérieur. Les locaux sont déserts, les autorités allemandes ont encore réquisitionné cinq salles de classe dans le collège pour en faire des dortoirs pour les soldats de la Wehrmacht. Nombreux sont les établissements qui servent à l'armée allemande. Que ce soit pour en faire des hôpitaux, des postes de commandement, des camps militaires ou des entrepôts d'armement, les écoles se voient utilisées pour diverses tâches qui vont à l'opposé de leur devoir d'origine : transmettre du savoir. Romain n'a plus qu'une classe de garçons en quatrième, il les voit seulement deux heures dans la semaine pour leur enseigner la maîtrise de la langue française, le reste du temps, il travaille sur le programme scolaire et aide le directeur dans ses tâches.

En fin de journée, alors que Romain s'apprête à quitter l'établissement, il surprend une conversation entre le directeur et un autre enseignant qui semblent inquiets.

— Que se passe-t-il pour que vous affichiez une telle mine ? demande Romain.

— Vous n'avez pas entendu les sirènes ? Un élève est venu prévenir que la Gestapo a localisé des résistants dans le quartier derrière le collège, apparemment en fouillant les maisons ils y ont mis le feu.

Romain écarquille les yeux et prend un air paniqué, il s'agit du quartier où se trouve sa maison.

— Mais savent-ils qui sont les résistants ?

— De ce que le gamin a dit, ils ont perquisitionné plusieurs maisons en plus au cas où.

Romain ne perd pas de temps, et s'enfuit en courant, par crainte que les Allemands s’en prennent à tout le quartier. Il court, le cœur battant si fort que c'est la seule chose qu'il puisse entendre. Il arpente les rues les unes après les autres, son estomac se tord, son esprit craint le pire. En traversant, il manque de se faire renverser par une camionnette. Mais il n'y prête pas attention et continue de traverser à toute allure les dernières rues qui le séparent de son foyer. Il arrive enfin devant sa maison, et son cœur s'éteint devant le sinistre qui se présente à ses yeux. Les flammes jaillissent à travers les fenêtres, et une épaisse fumée noire s'en échappe. Bien que la maison ne commence à s'écrouler sous l'embrasement, il se jette dans la fournaise à la recherche de son épouse. Il crie son nom puis camoufle sa bouche dans son bras et tente de respirer le moins possible. L'air est irrespirable et la chaleur si intense, mais Romain ne recule pas et entre dans la salle de séjour. Au milieu des flammes et du chaos, elle est là, gisant sur le sol, elle ne bouge pas, son mari l'appelle puis court près d'elle tout en toussant, tant l’air ambiant est devenu toxique. Romain ne cherche pas sur l'instant à savoir comment elle va, il la prend dans ses bras et s'empresse de sortir de la maison avant que tout ne s'écroule. Il s'éloigne de leur foyer avant de s'effondrer par terre, ne prenant pas le temps de reprendre sa respiration, il prend Marie dans ses bras et l'appelle à répétition, espérant qu'elle ouvrira les yeux, se mettra à tousser ou à donner n'importe quel autre signe de vie. Mais ne voyant aucune réaction chez son épouse, il colle son oreille sur sa poitrine ; sa cage thoracique ne se soulève plus, comme si tout son corps avait appuyé sur stop, et son cœur, lui, semble avoir cessé de battre, non pas pour son mari, mais pour la vie. Le visage de Romain se noie dans ses perles salées, il répète encore et encore le nom de son amour tout en caressant son visage, priant pour un miracle. Mais son doux visage reste sans mots, sans émotions, sans toute la joie qui faisait Marie Brunet, Romain reste seul, impuissant, dans sa peine devant le brasier qui consume son foyer.

Quelques jours après la tragédie, Hannah Brunet descend le cœur lourd sur le quai de la gare de Lille. Elle scrute tout le lieu mais soupire de déception en n'y trouvant pas la présence de son père. Il est trop chagriné pour venir, pense-t-elle. Elle prend le peu d'affaires qu'elle a apportées et quitte la gare avant de prendre la direction du domicile de sa tante, Henriette. Hannah traverse le Vieux Lille, une zone de la ville peuplée de vieilles maisons toutes plus jolies les unes que les autres. En traversant les différentes avenues, elle se remémore son enfance où elle parcourait toute la commune à vélo, suivie par sa mère à pied. Son corps se couvre de frissons, rempli par la nostalgie qui l'envahit ; mais le paysage a nettement changé, si beaucoup de maisons n'ont pas perdu de leur charme, pour d'autres le sort a été complètement différent. Les bombardements ont rayé de la carte un certain nombre de foyers, les incendies en ont ravagés des dizaines et nombreux sont les murs à être criblés d'impacts de balles.

Le regard d'Hannah se perd sur des tracts, placardés sur tous les murs d'une rue. Dessus, elle peut voir des photographies d'hommes et de femmes, pour lesquels les mots "terroriste", "communiste" ou encore "Juif" sont inscrits sous leur nom en guise de qualificatifs. Il s'agit là de résistants arrêtés par la Gestapo qui sont jetés en pâture pour donner une leçon à quiconque voudrait rejoindre la Résistance. Mais ce n'est pas cela qui révolte le plus Hannah ; au centre de l'affiche, une série de noms de victimes, attribuées au commando de résistance éliminé par les Allemands il y a quelques jours. Parmi tous ces noms, Hannah y voit celui de sa défunte mère, voilà ce que les Allemands font de la mémoire de Marie Brunet, ils l'utilisent pour de la propagande. Ce qui se présente sous ses yeux apporte une nouvelle fois à Hannah la confirmation qu'elle a eu raison de s'engager dans ce combat, pour que les véritables responsables des pertes civiles soient chassés hors de son pays. Son sang se met à bouillir dans ses veines, elle jette un œil autour d’elle et constate que la rue est chargée d'âmes errantes. Elle ferme les yeux et prend une grande inspiration, il serait bien trop risqué d’arracher les affiches devant tant de monde.

Hannah arrive au domicile de sa tante, elle lève la tête pour détailler quelques secondes l’habitation devant laquelle elle est arrivée. Elle se retrouve face à une petite maison dans une rue où chaque foyer est soudé aux autres, dont la façade présente un style architectural ancien comme si la maison était là depuis une éternité.

Elle se saisit du marteau qui orne la porte et frappe doucement sur cette dernière. Derrière, elle peut entendre des pas délicats se rapprocher jusqu'à ce que la porte s'ouvre. Henriette Brunet apparaît dans l'encadrement et sourit à la découverte de sa nièce qu'elle n'avait pas vue depuis quatre ans. Hannah s'avance légèrement et prend sa tante dans ses bras, soulagée de la trouver en bonne santé.

— Je suis tellement heureuse de te voir ma chérie, lui dit tendrement la quinquagénaire.

— Moi aussi ma tante.

Hannah se défait de l'étreinte et pause ses mains sur le haut des bras de sa tante en signe d'affection puis Henriette s'écarte légèrement pour laisser sa nièce pénétrer dans la maison.

— Est-ce que Papa est là ? demande Hannah.

— Il est au cimetière. Il y passe ses journées depuis que ta mère y a été enterrée.

— J'aurais voulu être là...

— Tu n'aurais probablement rien pu faire, voire, peut-être que toi aussi, tu serais morte.

— Je sais bien, je veux dire, être auprès de Papa pour traverser tout ça. Il avait besoin de moi, répond-elle, en baissant la tête, le regard rongé de culpabilité.

Henriette s'approche de sa nièce et pose doucement sa main sur son épaule.

— Tu es présente maintenant, c'est tout ce qui compte. Et puis, sans ligne téléphonique, il n'y avait plus que le courrier pour te transmettre l'information... Ne te sens pas coupable, tu es venue aussi rapidement que tu le pouvais.

En guise de réponse, Hannah se contente d'esquisser un sourire timide.

— Je vais aller le rejoindre, si cela ne te dérange pas, prévient Hannah délicatement.

— Je t'en prie, c'est ton père, il passe bien évidemment avant moi.

Une fois de plus, Hannah offre un sourire délicat à sa tante. Elle pose rapidement ses affaires dans le couloir juste au pied de l'escalier, puis elle s'empresse de quitter la maison et se met en route pour le cimetière. Elle traverse alors à nouveau le Lille occupé, sous le commandement allemand. Mais où est donc passée sa ville natale, se demande-t-elle. Pourrait-elle un jour la retrouver ? Hannah ne rêve que d'un avenir où son pays sortirait vainqueur de la tyrannie, où les vraies couleurs françaises revêtiraient à nouveau les hôtels de ville, où Vichy et l'Allemagne ne seraient plus qu'un lointain souvenir.

Elle arrive au cimetière, parcourant les allées le cœur lourd à l’idée de découvrir la dernière demeure de sa mère, elle cherche son cher père des yeux. Après quelques minutes, elle aperçoit la silhouette de l'homme qui l'a élevée ; elle s'approche de lui et l'appelle, mais ce dernier ne réagit pas. L'homme de quarante-sept ans se tient debout face à la tombe de sa défunte épouse et regarde dans le vide, comme si le monde avait disparu autour de lui. Les appels de sa fille raisonnent dans ses oreilles mais son esprit refuse de les prendre en compte. Hannah arrive à sa hauteur et se place derrière lui, elle l'entoure de ses bras et pose sa tête contre le haut de son dos.

— Je suis tellement désolée. dit-elle, la voix tremblante et les yeux humides.

Romain ne réagit pas et continue de fixer la dernière demeure de son amour. Hannah le serre un peu plus contre elle, de peur qu'il ne s'effondre.

— Rentre avec moi s'il te plaît, demande-t-elle inquiète. Rentre avec moi, il ne reste plus rien de notre vie ici. Je ne veux pas rentrer sans toi, et apprendre plus tard qu'il te sera arrivé quelque chose à toi aussi. Je t'en conjure Papa, rentre avec moi sur Paris.

— J'avais juré de lui offrir ma protection, finit-il par décrocher comme premiers mots.

— Si elle n'a pas pu s'enfuir, c'est qu'elle a été surprise par les flammes, tu n'aurais probablement pas pu la sauver si tu avais été présent.

— J'avais juré...

— Tu n'es pas responsable, le coupe-t-elle alors qu’une larme s’échappe de ses yeux.

Le regard de Romain reste vide, Hannah le libère de son étreinte et vient se placer à ses côtés en lui prenant la main.

— Tu te fais du mal à rester là et à fixer une réalité que tu ne peux changer. S'il te plaît rentre avec moi, je veux qu'on traverse cela ensemble.

Il tourne la tête vers sa fille et la regarde, désolé, les larmes aux yeux. Après quelques secondes, Romain prend son unique fille dans les bras.

— Je suis désolé, tellement désolé…

— Je suis là maintenant.

Sans lâcher sa main, Hannah s'accroupit et pose son autre main sur la pierre tombale de sa mère.

— Je veillerai sur lui, je te le promets maman.

Elle se relève et adresse un petit regard à son père pour lui donner le signe du départ. Romain acquiesce, regarde une dernière fois ce qu'il reste de son épouse dans ce monde, puis prend une grande inspiration avant de tourner les talons et de suivre sa fille à travers les allées du cimetière, jonchées de tombes de tous les côtés.

Les deux Français rejoignent la demeure d'Henriette. Une fois rentrés, Hannah monte ses quelques affaires à l'étage avant de les rejoindre au rez-de-chaussée, installés autour de la table du salon. Elle s'assoit à côté de son père et lui prend la main, désireuse d'être au plus près de celui qu'elle aime plus que tout au monde. Sa tante lui propose une tasse d'eau chaude aromatisée à la menthe pour remplacer le thé.

— Que comptez-vous faire désormais ? demande Henriette en regardant son petit frère.

— Je ne sais pas, toute ma vie est réduite en cendres, répond Romain, sur un ton sans la moindre joie.

— Si tu pars avec moi, commence Hannah, tu pourras loger chez moi, il y a une autre chambre. Henry pourra te donner du travail à la librairie également.

— D'ailleurs, comment se porte-t-il ? demande Henriette.

— Il va bien, il passe son temps à rouspéter sur les Allemands et se plaint de ne pas pouvoir se gaver de viande et de vin.

— Il n'a jamais aimé les Allemands, ajoute Romain.

— Je ne comprends vraiment pas pourquoi, ironise-t-elle. Mais revenons à ce que nous disions. J'aimerais vraiment que tu partes avec moi Papa, quand j'ai eu la lettre d'Henriette, j'ai eu tellement peur qu'il puisse t'arriver quelque chose entre l'annonce du décès de maman et mon arrivée. Je ne serai jamais tranquille à l'idée de repartir loin de toi.

— Pourquoi ne restes-tu pas ?

— La vie est meilleure dans la capitale par rapport à Lille, tu peux me croire.

— Je devrais quitter mon emploi.

— Tu le détestes depuis que les programmes sont contrôlés par les Allemands, ajoute Henriette. Ça te permettrait de faire une pause et d'être avec ta fille.

— Vous avez raison, je n'arrive plus à vivre dans cette guerre, en restant là, à préparer un enseignement qui ne me ressemble plus juste pour ne pas nous attirer de problèmes, mais voilà où ça nous a mené. Hannah, tu veux bien me laisser la nuit pour y réfléchir ?

— Oui bien entendu. Prends le temps dont tu as besoin. Je reste là aussi longtemps qu’il le faudra.

La journée défile, et la nuit s'installe. Après le dîner, et après avoir aidé sa tante avec la vaisselle du repas, Hannah monte à l'étage. Elle s'avance dans le couloir, soucieuse de la discussion qu'elle doit avoir avec son père. Elle s'arrête devant la dernière porte du corridor, et frappe doucement le bois qui la sépare de lui. De l'autre côté, elle entend un léger « entre » de sa part. Elle pose sa main sur la poignée en métal et ouvre doucement la porte, laissant apparaître Romain, assis sur le lit, la tête perdue dans ses mains. Hannah s'avance et s'assoit à ses côtés puis pose sa main dans le dos de son père.

— Il y a une chose dont je dois te parler, annonce-t-elle calmement.

Romain relève sa tête et tourne son regard vers sa fille.

— Quand je t'ai dit que tu pouvais loger chez moi, je ne parlais pas de l'appartement qu'Henry m'a trouvé quand je suis arrivée dans la capitale, non celui-là est trop petit.

— Mais où vis-tu dans ce cas ?

— Avenue Opéra, dans le deuxième arrondissement.

— Ça ne doit pas être donné, comment as-tu pu emménager dans un tel endroit en pleine guerre ?

— C'est un logement qu'on a attribué à mon... compagnon.

— Tu vis avec un homme ? Pourquoi est-ce que je l'apprends qu'aujourd'hui ?

— Je ne savais pas comment vous alliez réagir avec maman...

— Hannah...

— Friedrich n'est pas si semblable aux autres Allemands. Quand on le regarde, on a l'impression que c'est un mouton qui suit le loup par peur d'être mangé.

— Mais que fais-tu avec lui ? lui demande le professeur, abasourdi par l’annonce de sa fille. Comment Henry a-t-il pu laisser passer cela ?

— Je suis une adulte Papa, tu auras de plus en plus de mal à garder la main sur ce que je fais. Ne t'inquiète pas, si je reste avec cet homme c'est que je sais que je ne crains rien.

— Je n'approuve pas vraiment cette nouvelle que tu m'annonces là…

— Je sais bien, je te demande seulement de me faire confiance.

— Ces gens ont tué ta mère, ajoute Romain en signe de désapprobation.

— Ces gens sont les Allemands du commandement de Belgique. Friedrich est détaché à Paris.

Romain souffle, faisant comprendre à sa fille que la nouvelle ne passe pas.

— Si je le fais, c'est que c'est la meilleure chose pour tous, un jour, tu comprendras mon choix, en attendant, je te demande seulement de croire en ta fille et de lui faire confiance.

Il regarde Hannah un instant et finit par acquiescer d'un signe de tête.

— Je voudrais quand même te demander quelque chose, ajoute Hannah. Comment Maman est-elle morte ? L'explication qu'Henriette a donnée dans sa lettre n'est pas claire.

— Il y avait un commando de résistants dans le quartier. Ils ont incendié leurs maisons, le feu s'est répandu et a touché la nôtre. Ce n'était qu'un « accident », finit-il en imitant des guillemets avec ses doigts.

— Tu n'as jamais songé à rejoindre un mouvement de résistance ? demande-t-elle, la voix hésitante.

— Si, mais j'avais peur que si je me faisais prendre, qu'ils ne s'en prennent à toi, à ta mère ou à ma sœur. Et on voit bien où nous en sommes aujourd'hui. Peut-être que j'aurais dû prendre le risque le jour où on me l'a proposé.

Hannah sourit à son père. Elle est rassurée de savoir que c'est une cause qu'ils partagent tous les deux. Peut-être qu'une fois à Paris, elle pourra lui expliquer son combat et donc la véritable raison de sa liaison avec le SS. Elle espère qu'il la soutiendra, comme il l'avait fait lors de son départ pour la capitale.

Le lendemain, le grand brun descend dans la cuisine avec toutes ses affaires, alors que les deux femmes sont en train de prendre le petit déjeuner avec le peu qu'il y a dans la maison.

— Si on veut ne pas arriver trop tard chez toi, on devrait partir avant dix heures, je ne connais pas les horaires de trains par cœur mais je sais qu'il y en a deux aujourd'hui pour la capitale, annonce Romain en entrant dans la cuisine.

— Alors, tu viens avec moi ! s'exclame sa fille en se levant pour serrer son père contre son cœur.

— Je souhaite pouvoir veiller sur toi et tes choix de vie farfelus.

— Je t'aime.

— Termine de manger et va donc récupérer tes affaires.

Hannah se retourne et attrape sa tartine de beurre, elle la place entre ses dents puis monte à l'étage précipitamment. Elle entre dans la troisième chambre, attache ses cheveux bruns à l’aide d’une pince afin de libérer ses épaules de leur poids et s'empresse de récupérer le peu d'affaires qu'elle avait déballées. Elle ferme sa valise et dévale les escaliers, manquant de tomber tout en terminant sa tartine. Elle s'approche de son père et l'embrasse tendrement sur la joue avant de se tourner vers sa tante.

— On t'écrira aussi souvent que possible, c'est promis.

Henriette s'approche de sa nièce et la prend dans ses bras.

— Prend bien soin de ton père, il est très têtu alors garde un œil sur lui.

— J'y veillerai.

Romain embrasse sa sœur avant de la serrer contre lui pour lui dire au revoir. Puis père et fille quittent la maison et prennent la direction de la gare. Sous le pas pressé de Romain, ils y parviennent rapidement, comme à l'arrivée d'Hannah, la gare regorge de soldats allemands. Ils se dirigent vers un des guichets, tenu par une femme dans la trentaine, vêtue d'un chemisier blanc et portant des lunettes dont les branches se perdent dans ses cheveux bruns et bouclés. Un SS qui se tient aux côtés de la femme détaille les deux Français des pieds à la tête.

— Pour quelle raison souhaitez-vous vous rendre sur Paris ? demande l'officier en allemand.

— Mon père, veuf depuis quelques jours, commence Hannah dans la même langue, souhaite venir vivre près de moi à Paris.

— Et vous allez l'héberger ?

— Oui, enfin, il vivra dans l'appartement que nous occupons mon compagnon et moi. Peut-être le connaissez-vous, il s'agit de Friedrich Strauss, second du chef de la Gestapo parisienne.

— Je connais Bömelburg, mais pas les hommes qui le suivent. Prenez vos tickets et allez-y. Je vous présente mes condoléances pour la perte de votre mère.

Hannah lui sourit, récupère les tickets de train et place une main dans le dos de Romain pour lui faire signe de partir. Une fois assez loin du guichet, il sort de son silence.

— C'est hypocrite de présenter des condoléances quand on a une part de responsabilité dans le décès d'une personne...

— Il ne disposait d'aucune information sur les circonstances de la mort de maman, mais je comprends que ça t'agace, je ressens la même chose.

— Je ne savais pas que tu maîtrisais aussi bien la langue allemande.

— Au départ j'avais le même niveau que toi : des facilités pour le comprendre mais des difficultés pour le parler. Mais ça fait maintenant presque deux ans que je fréquente Friedrich.

— J'ai une question à ce propos, est-il au courant que je viens vivre chez vous ?

— Je lui ai dit avant de partir que je souhaitais te ramener. Il n'a pas bronché et est ravi de pouvoir te rencontrer.

— Je suis navré mais ce ne sera probablement pas réciproque.

— Je ne t'en tiendrai pas rigueur !

Les deux Français montent dans la quatrième voiture et s'installent à l'avant du wagon.

— Tu n'as pas perdu tes papiers d'identité dans l'incendie ? demande Hannah.

— Non, je les ai toujours sur moi.

— Heureusement, parce que les contrôles dans les trains sont fréquents et si tu ne les as pas, c'est un véritable calvaire de plusieurs jours pour prouver que tu n'es ni un étranger, ni un Juif.

— Louée soit l'occupation, nous faisons plus attention à nos affaires... ironise Romain.

Le train se met en route, sur le trajet, comme indiqué par Hannah, les Allemands effectuent des contrôles à chaque arrêt pour vérifier l'identité des passagers. Cette fois-ci, pas d'arrestation. Mais lors des passages d'officiers, la sueur dégoulinante du front de certains, laisse penser à Hannah que des passagers voyagent avec de faux papiers. Heureusement, aucun ne s'est fait prendre.

Le train arrive à Paris au bout de trois heures et trente minutes, en descendant du wagon, Hannah aperçoit Friedrich sur le quai. Elle fait un signe à son père puis se dirige vers son compagnon. Heureux de la retrouver, il la prend dans ses bras et l'embrasse avant de se tourner vers son père. L'homme grand et blond tend sa main au professeur.

— Vous devez être Monsieur Brunet, dit-il en français avec un fort accent, je suis heureux de faire votre connaissance.

— Moi de même, ment Romain en se saisissant de la main de son interlocuteur.

— Je vous présente toutes mes condoléances pour votre épouse. J'aurais souhaité accompagner Hannah mais mon travail me retenait ici.

— Ce n'est rien. Et nous préférions rester en famille.

— Bien, si vous n'attendez personne, je vous propose de rentrer j'ai préparé le déjeuner.

— Je rectifie, plaisante Hannah, je vais le préparer car ce qu'il fait est toujours immangeable.

Friedrich sourit puis se saisit de la valise d'Hannah. Les trois adultes se mettent en route vers l'appartement du couple dans le deuxième arrondissement. Romain découvre alors le Paris occupé, semblable à Lille sur la présence de l'occupant. La guerre s'y fait toute petite, pourtant on en ressent la présence comme si un bombardement allait tomber d'une minute à l’autre.

Arrivés dans l'appartement, Hannah aide son père à s'installer dans la chambre qu'il occupera.

— Tu as une morphologie semblable à celle de Friedrich, je vais te prêter ses vêtements en attendant de t'en acheter des neufs. À part cela, tu es ici chez toi, fais ce que tu veux, mais ne t'installe pas sur le bureau de Friedrich, si tu en as besoin, on t'en apportera un.

— Je pense que ça me sera utile pour écrire, à ta tante par exemple.

— Bien, je te laisse t'installer, je vais aller voir quel massacre Friedrich nous a fait dans la cuisine et je t'appellerai pour déjeuner.

Romain sourit et acquiesce, Hannah tourne les talons et sort de la chambre pour rejoindre son amant dans la cuisine. Il s'était, à la grande surprise d'Hannah, bien débrouillé et avait préparé un poulet avec de la soupe de poireaux et de pommes de terre. Il est bien plus facile pour les officiers de la Gestapo de contourner les règles de rationnement et de bénéficier d'une plus grande quantité de nourriture. Friedrich a transmis à Hannah une décharge lui permettant d'aller faire des achats seule ; Hannah en profite alors, le plus souvent, pour prendre des denrées en plus qu'elle apporte à Henry.

— Que va-t-il faire maintenant ? demande Friedrich tout en vérifiant l'assaisonnement de son plat.

Hannah appuie son dos contre le plan de travail et goûte à son tour la préparation.

— Il va travailler dans la librairie d'Henry sauf si un poste d'enseignant est disponible dans le coin. Hum... c'est drôlement bon.

— Tu vois que je ne suis pas mauvais. Je peux lui en trouver un.

— Ne le prends pas pour toi, mais il aime se débrouiller seul, j'ai dû insister pour qu'il vienne ici.

— Je vois, s'il change d'avis, ma proposition tiendra tant que je serai en mesure de le faire.

— C'est très gentil de ta part, finit-elle en déposant un baiser sur sa joue. Je vais mettre le couvert.

Pendant le repas, Friedrich raconte d'abord tout ce qui concerne son travail et dont il a l'autorisation de divulguer. Il est heureux de pouvoir servir son pays bien que certaines des tâches dont il a la charge lui déplaisent fortement.

— Mais maintenant, poursuit-il, parlons de vous Romain. Vous êtes professeur ?

— Oui. Enfin j'essaye. C'est devenu compliqué avec la guerre, moins d'élèves, moins d'heures de classe et je pense que si j'étais resté, le collège aurait fini par fermer pour être réquisitionné.

— C'est le problème avec la guerre, ajoute Friedrich, il faut faire des compromis.

— Je sais bien…

Romain n'est pas en accord avec son interlocuteur, mais il préfère faire profil bas plutôt que de rentrer dans un débat qui pourrait afficher son désaccord avec la politique d'occupation et compromettre la place de sa fille. Pour Romain, vivre sous le même toit qu'un SS n'allait pas être chose facile.

Chapitre 2
Limiter les déportations

Paris, 2 janvier 1944.

Il est environ deux heures du matin, Friedrich dort profondément ; Hannah en profite alors pour fouiller discrètement dans les affaires de son compagnon, à la recherche d'une information à transmettre à la Résistance. Mis à part des listes de déportation, elle ne trouve rien dans le bureau de l'Allemand. Et depuis un moment déjà, il y a une pénurie d'information ; Hannah craint désormais de se faire prendre par son père qui dort dans l'autre chambre. Elle ne sait comment lui dire, ni même si elle doit le faire. Lui avoir caché sa relation avec Friedrich est déjà un fait difficile à vivre, mais ce point-là, si Romain l'apprenait de la mauvaise manière, il lui en voudrait très certainement.

Depuis quatre mois elle se fait très discrète. Elle a insisté auprès d'Henry, son parrain et employeur, pour que lui non plus ne dise rien. Mais c'est très probable que son très cher père finisse par découvrir la vérité. Mais comment s'y prendre ? Qu'il soit au courant le met immédiatement en danger, si elle venait à être découverte et que la Gestapo apprenait qu'il a connaissance de ses activités, il serait pris pour cible et torturé pour leur donner des réponses. Elle ne peut faire prendre un tel risque au dernier de ses parents. Mais plus elle y réfléchit, plus elle se questionne sur les opinions de son père, et elle se persuade de plus en plus qu'il pourrait vouloir s'engager dans le combat, et cela, elle ne sera jamais en mesure de l'empêcher.

La bonne nouvelle, c'est que Friedrich apprécie Romain. Lui-même désireux de plaire à la famille de la femme qu'il aime, il est toujours très cordial avec le quadragénaire. En réalité, Friedrich espère pouvoir épouser Hannah, et de par la complicité qu'il a pu observer entre cette dernière et son père, il n'y parviendra pas si sa relation avec Romain Brunet n'est pas bonne. Gagner la confiance des Allemands est donc assez facile à faire pour son père ; peut-être pourront-ils alors fonctionner en duo.

Le meilleur atout que le groupe de résistants possède est la langue. Hannah maîtrise parfaitement l’allemand ; quant à Romain, il trébuche de temps en temps mais se débrouille et arrive à se faire comprendre des Allemands. Quant à eux, ils maîtrisent à peu près le français. Mais c'est certainement Friedrich qui se débrouille le mieux ; il vit depuis un an avec Hannah et il se force à parler français avec elle pour mieux communiquer chaque jour qu’il passe à Paris. Ils n'ont donc aucune difficulté à communiquer entre eux, ce qui facilite le travail d'espionnage d'Hannah.

Pendant qu'Hannah continue de chercher des informations tout en restant sur le qui-vive, Friedrich se réveille et réalise qu'elle n'est plus à ses côtés dans le lit. Il se lève, inquiet, et se dirige vers la salle principale. Au son des pas se rapprochant d’elle, Hannah referme vite le tiroir avant de se déplacer près de la bibliothèque en faisant mine de regarder les livres qui y sont rangés.

— Que fais-tu debout à une heure si tardive ? lui demande Friedrich surpris de la trouver dans le salon.

— Je n'arrivais pas à dormir, alors je me suis levée.

— Et qu'est-ce que tu fais ?

— Je regarde les livres que tu as.

— Il y en a un qui te plaît ?

— Celui-là me tente beaucoup.

Elle lui tend un livre de la bibliothèque. C'est un roman allemand sur l'enfance d'un auteur du dix-septième siècle. Il le prend et inspecte la première puis la quatrième de couverture.

— Je ne l'ai pas trop aimé ce livre, mais ma mère l'aime beaucoup.

— Tu me le conseilles quand même, ou c'est à éviter ?

— Tu devrais plutôt lire celui-là.

Friedrich repose le livre et en tend un autre à Hannah avant de passer sa main dans ses cheveux blonds, attendant la réaction de sa compagne.

— Jules Verne ? Je les ai tous lus.

— Mais il est toujours bon à relire.

Hannah prend le livre en souriant et le pose sur le bureau. Elle se retourne vers Friedrich et lui prend la main.

— On devrait retourner se coucher.

Au petit matin, Hannah se prépare à quitter l'appartement. Son excuse d'aujourd'hui est qu'elle doit aller à la rencontre d’un homme qui est venu à la librairie où elle travaille, la veille, pour lui donner un livre qu'ils n'avaient pas sur place. Friedrich ne se pose pas de question et a confiance en elle. En réalité, Hannah doit retrouver Pierre dans son appartement du sixième arrondissement. Le problème qui se présente devant elle, c'est que comme elle l'avait proposé à son père quand elle est venue le chercher à Lille, il a été embauché à la librairie d'Henry. Mais elle ne voit pas d'autre excuse à donner à son compagnon qui la questionne toujours sur ses journées. Alors quand les deux Français marchent dans la rue en direction de la librairie, elle n'a d'autre choix que de trouver une nouvelle excuse, mais cette fois, pour son père.

— Pars devant, je vais passer voir une amie avant d'aller travailler, annonce-t-elle en s'arrêtant à une intersection.

— Tu ne veux pas que je t'accompagne ?

— Non, cela va te mettre en retard. Vas-y, je m'arrangerai avec Henry.

— Tu peux y aller après sinon.

— Je préfère le faire maintenant, je crains d'oublier si j'attends ce soir. Je dois juste récupérer une bricole et j'arrive.

— Hum d'accord...

Romain regarde sa fille avec insistance, espérant qu'elle en dira plus. Mais la résistante reste de marbre et fait un signe à son père avant de s'en aller sur la rue de gauche. Le professeur la regarde s'éloigner, et lorsque sa silhouette disparaît derrière le dernier bâtiment de la rue, il se tourne et reprend sa route, intrigué par son comportement étrange.

Hannah descend la Rue de Richelieu ; elle traverse le Jardin du Palais Royal avant de passer devant le théâtre de la Comédie Française sous un ciel grisâtre, menaçant de pluie qui semble la suivre alors qu’elle traverse la grande cour du Louvre pour emprunter le pont du Carrousel. D’un pas décidé, elle longe les quais de Seine en vérifiant que nul ne s'intéresse à elle et termine sa route en se dirigeant vers un immeuble à deux quartiers du Panthéon. Puis au coin d'une rue, elle entre dans un bâtiment et monte jusqu'au troisième étage où l'attendent Pierre et Jacques Bingen. Elle entre dans l'appartement et salue les deux hommes.

— Bonjour à notre petite souris, commence Pierre, comment vous portez-vous ?

— Très bien merci, mais j'ai dû mentir une fois de plus à mon père, et cette situation me déplaît de plus en plus.

— Je comprends que cette situation vous embarrasse. Pourquoi ne pas lui proposer de nous rejoindre. Vous m'aviez confié il y a quelques semaines qu'il y avait déjà songé.

— Je vais y réfléchir.

— À part cela, vous tombez bien, nous avons eu de nouvelles informations.

— Quel genre d'informations ?

— L'Allemand avec qui vous vivez, il a bien une part de responsabilité dans les déportations ? demande Bingen.

— Oui, c'est lui qui est chargé de transmettre les listes de départ à Drancy, données par son supérieur.

— Si ces listes n'arrivent pas à destination, il n'y pas de déportation n'est-ce pas ?

— En théorie, non. Les chefs de camp doivent attendre l'ordre de faire partir un convoi avec les bonnes personnes.

— Très bien, ajoute Pierre. Il y a un convoi qui doit partir la semaine prochaine, assurez-vous qu'il ne parte pas.

— D'accord, est-ce qu'il y a autre chose ?

— Non, tout est bon pour nous.

Hannah ne s'attarde pas, avec un sourire cordial, elle salue les deux hommes et quitte l'appartement. En sortant de l'immeuble, elle tombe sur un SS qui semblait observer l'endroit où elle était. Elle fait comme si elle n'avait rien remarqué et que rien ne l’inquiétait, salue l'officier et s'éloigne.

Elle traverse la ville et s'arrête un moment sur les quais de la Seine où elle observe les gens qui s’y baladent, tentant au mieux de se faufiler dans la masse d’Allemands qui occupent le Paris occupé. Et même si les Allemands perdent de plus en plus de terrain, pour Hannah, cette guerre n'a que trop duré ; elle doit se terminer et au mieux, par la défaite des Allemands. Mais elle doit aussi penser qu'il y a un risque que les Alliés perdent la guerre et que la France demeure allemande par la suite. La jeune brune redoute que cela se produise, et elle y a mûrement réfléchi. Si l'Allemagne gagne la guerre, la France restera occupée, et donc Friedrich demeura ici, voilà sa porte de sortie. Depuis le temps qu'elle le côtoie, elle se l'avoue, elle l'apprécie. Il est loin d'être aussi... nazi que les autres. Même s'il fait de son mieux pour suivre les ordres qu'on lui a donnés, il fait preuve de plus d'empathie que les autres soldats allemands et il a parfois du mal à suivre certaines demandes de sa hiérarchie. Si Friedrich n’a jamais désobéi jusqu’ici, ce n’est pas l’envie qui lui manque. Hannah se sent en sécurité avec lui, elle sait qu'il ne lui fera pas de mal. Ce qu'elle ignore cependant, c'est ce qu'il peut lui faire s'il vient à apprendre ses activités.

Si les Alliés perdent la guerre, peut-être que la jeune Française restera avec Friedrich. Mais une chose est plus que sûre, elle n'arrêtera jamais de se battre. Elle n'abandonnera pas aussi facilement l'idée que la France doit être libre et elle fera tout pour que cela arrive. Hannah est prête depuis toujours à se battre pour son pays, à mourir pour lui. Quoi qu'il puisse se passer, elle luttera et mourra s'il le faut, pour que la France demeure libre et insoumise.

Elle se souvient encore de ce que sa mère lui disait, que son pays est merveilleux et qu'elle ne doit jamais laisser quiconque le prendre. Son père s'est battu pour lui, alors elle se doit de faire de même. Pendant toute son enfance, ses parents lui ont enseigné un sentiment d'appartenance à la France très fort, et aujourd'hui, elle vit encore avec ces valeurs. Si elle ne défend pas son pays, qui le fera ? Oui, elle n'est pas seule, mais combien de gens sont prêts à tout pour sauver la France de la tyrannie nazie ? Il y a Pierre, ça elle le sait. Elle a également confiance en Henry, mais les autres ? À part les deux hommes, elle ne connaît pas personnellement beaucoup de résistants. Pierre lui parle souvent d'Émile Bollaert, qui est quelqu'un d'important au sein de la Résistance. Et si Hannah ne l'a encore jamais rencontré, c'est parce que son supérieur refuse puisqu’il est dans le collimateur de la Gestapo. Le faire entrer en contact avec Hannah serait donc un risque pour elle ainsi que pour sa couverture. Même être en contact avec Pierre est dangereux pour la libraire ; c'est la raison pour laquelle il essaye au mieux de la tenir loin de lui le plus possible, parce que si on les voit ensemble, ils commenceront à la suspecter. Pour Pierre, si les nazis apprennent qu'une des personnes qu'ils côtoient se jouait d'eux, le sort qu'ils lui réserveront sera certainement bien pire que celui qu'ils appliquent aux résistants pendant leurs interrogatoires.

Hannah s’arrête devant un parc où ses yeux bruns scrutent la petite étendue d’arbres, de buissons et de bancs ; le petit parc peu joyeux n'étant pas très fréquenté, elle se pose sur un banc et commence à déguster son déjeuner sans se soucier de ce qui l'entoure. Un corbeau se pose sur un crucifix attirant l'attention d’Hannah. L’oiseau, imposant comme elle n’en a jamais vu dans cette ville, fixe ses yeux ténébreux sur la Française. Il est aussi noir que le néant et pousse des cris semblant sortir des enfers. Elle pose son morceau de pain sur un mouchoir, afin de récupérer dans son sac sa flasque d’eau. Après s’être emparée de son breuvage, elle détourne le regard vers son sandwich et découvre que ce dernier s’est envolé. Elle lève la tête, stupéfaite, à la recherche du voleur, et aperçoit à quelques mètres d’elle, le corbeau se délectant de son repas. Elle se lève, agacée que sa petite pause ait été écourtée. Puis, avant de quitter les lieux, elle adresse un regard glacial à l’animal qui ne semble pas se préoccuper du mécontentement d’Hannah.