Le Choix de la Grâce - Sorelle Meleugouo - E-Book

Le Choix de la Grâce E-Book

Sorelle Meleugouo

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Beschreibung

Il a toujours aimé avoir raison, jusqu'au jour où avoir raison signifie que tout a terriblement mal tourné.
Dany Képhalé voulait bien faire et toujours être présent pour sa famille et pour les autres, mais il apprendra que parfois ce n’est pas tout le monde qui accepte d’être aidé. Faisant face à un grand défi dans l’entreprise familiale, il va essayer encore une fois de donner un coup de main avant de se rendre compte qu’il n’aurait peut-être pas dû.
Elle voulait seulement aider, mais comme cela a souvent été le cas dans sa vie, elle se retrouve à nouveau seule, souffrante dans la nuit sans espoir d’être acquitté.
Charis Serrano, est une jeune infirmière passionnée par les enfants et leur bien-être. Elle a fait abstraction de ses rêves après une erreur qu’elle paie encore aujourd’hui. Elle va essayer de se reprendre en main, mais son passé n’aura de cesse de la poursuivre sans répit.
Dans ce temps de confusion et d’épreuve, Dany et Charis entament une amitié timide - aucun des deux n'étant sûr à 100% de pouvoir faire confiance à l'autre. Mais au fur et à mesure que les jours passent et que les choses semblent revenir dans l’ordre ils trouvent des choses en commun et leur amitié grandit.
Mais alors un drame et des révélations poignantes apparaissent encore en plein jour, laissant le doute et la confusion reprendre le dessus.
Ce qui a commencé dans l'obscurité peut-il s'épanouir dans la lumière ? Sont-ils prêts à accepter la grâce qui leur est donnée ?
Ce roman chrétien contemporain est le troisième tome de la série Képhalé : les choix de la vie de l'auteure Sorelle Meleugouo.
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Si vous aimez les histoires chrétiennes réconfortantes axées sur l'amour, la foi et la famille, ne manquez pas de consulter les autres livres Sorelle Meleugouo.
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Le choix du destin


Le choix du pardon

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Le choix de la grâce

Tome 3 de la série Képhalé : les choix de la vie

Sorelle Meleugouo

Vera Editions

Le Choix de la Grâce, Tome 3 | Série Képhalé – « les choix de la vie »

Copyright © 2023 de Sorelle Meleugouo. Tous droits réservés.

Illustration de la couverture conçue par Vera Éditions.

Les textes bibliques mentionnés sont tirés de la version Louis Segond révisée, édition 1910, sauf indications contraires. Tous droits réservés.

Code ISBN : 9798853160149

Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les lieux et les événements sont les produits de l'imagination de l'auteure. Ils sont utilisés de manière fictionnelle et ne doivent pas être interprétés comme réels. Toute ressemblance avec des événements réels, des lieux, des organisations ou des personnes, vivantes ou mortes, est une coïncidence.

Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, stockée dans un système de récupération, ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, électronique, technique, photocopieuse, enregistrement ou autre, sans autorisation écrite expresse de l’auteure.

Sommaire

PersonnagesPrologueChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13Chapitre 14Chapitre 15Chapitre 16Chapitre 17Chapitre 18Chapitre 19Chapitre 20Chapitre 21Chapitre 22ÉpilogueRemerciementsLaissez un motÀ propos de l’auteureQuestions de discussionÉgalement par Sorelle Meleugouo

Not all books include dedications, but many authors choose to share a special thank you to someone(s) who have made an impact on the writing of the book. This may be on a personal or professional level and can range from heartfelt to comedic and anything in between.

Dedication text is traditionally center aligned.

Et nous avons tous reçu de sa plénitude, et grâce pour grâce ; car la loi a été donnée par Moïse, la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ…

JEAN 1 :16-17

La volonté de Dieu ne peut jamais vous conduire là où la grâce de Dieu ne peut vous garder.

INCONNU

Personnages

• Paul Oscar Képhalé – père ( Le choix du destin, Tome 1)

• Diehl Képhalé – mère (Le choix du pardon, Tome 2)

• Maya Lin Képhalé (Lin)

• Daniel Képhalé (Dani) Tome 3

• Elias Képhalé (Eli)

• Camille Képhalé (Cami)

• Ruben Képhalé

Prologue

—Tante Bettania, on va attendre encore longtemps ?

— On attendra le temps qu'il faut chérie, ta mère est allée voir.

Pourquoi c'était si long ? Ça faisait des heures que Charis Serrano et sa tante étaient dans cette salle et personne ne disait rien sur l'état de sa petite sœur Maria. Après plusieurs heures d'insistance, sa tante avait enfin accepté de l'emmener voir sa sœur.

Charis était dévastée. Tout ce qui se passait maintenant c'était sa faute. Si elle avait obéi à sa mère et n'était pas sortie, peut-être qu'elles seraient en train de jouer ensemble toutes les deux dans le salon, comme elles avaient l'habitude de le faire.

Il ne se faisait pas très tard quand Charis avait demandé à Maria de l'accompagner à la cuisine prendre de l'eau à boire. Elle s'en souvenait comme si c'était hier. C’était le dimanche après-midi et la veille, elle avait fêté son douzième anniversaire. Il y avait encore quelques traces de confetti dans l'allée et leur tante avait promis à leur mère qu'elle allait s'en occuper. Maria, elle, avait encore 9 ans et était convaincue que son anniversaire serait plus époustouflant que le sien. Une fois dans la cuisine, le chien, Bruno les avait suivies parce qu'il pensait que les petites filles voulaient jouer. C’est pourquoi il dressait ses oreilles à l'affût de la moindre occasion de courir chercher une balle.

— Bruno non ! Mama a dit de ne pas sortir aujourd'hui. Le vent est trop fort, avait tonné Charis, avant de prendre une bouteille d'eau et de la tendre à sa petite sœur. Une fois abreuvées les deux petites filles sortirent ensemble et arrivées au milieu du salon, Maria s'arrêta brusquement et se retourna pour faire face à Charis.

—On a oublié Grissly près de la piscine. Charis secoua la tête.

—Non, Grissly est dans la chambre, là-haut. La peluche préférée de Maria quittait rarement son chevet, et il était presque impossible qu'elle l’ait oubliée dans le jardin la veille.

— Il n'est pas là-haut ; je vais le chercher

—Maria, non !

Mais sa sœur courait déjà en direction de la baie vitrée qui menait à la piscine. Résignée, Charis la suivit. Elle devait l'empêcher de sortir. Leur mère leur avait expressément demandé de ne pas sortir. Sur la volée, elle traversa la porte et une rafale de vent la frappa au visage si fort qu'elle faillit perdre l'équilibre, mais elle réussit à se maintenir debout. Elle avança doucement et appela sa sœur sans réponse. Lorsqu'elle put apercevoir la piscine dans toute sa longueur une autre rafale de vent la poussa en arrière, mais elle eut le temps de voir que sa petite sœur gisait sans mouvement dans la piscine.

— Maria ! Sors rapidement de l'eau, maman ne sera pas contente.

Mais sa petite sœur ne réagissait pas, Charis s'approcha encore un peu, et vit qu'une flaque rouge s'étendait de plus en plus à côté de la tête renversée de Maria. Prise de panique, elle se mit à crier :

— Maman ! Maman ! !

Elle avait maintenant peur de bouger. Elle cria encore plus fort, et resta dans cette position jusqu'à ce que sa tante vienne la déloger et lui dire de rester dans un coin de la maison pendant que les secours prenaient soin de sa petite sœur.

Elle resta avec sa tante pendant les jours qui suivirent et ne pouvait s'empêcher de demander où était sa petite sœur à longueur de journée. Elle avait peur pour elle, et son image inerte dans la piscine n'avait cessé de la hanter. Elle en avait même fait des cauchemars. Sa mère lui avait demandé ce qui s'était passé, et lorsqu'elle avait voulu répondre elle avait crié « Je t'avais pourtant dit de ne pas sortir. Comment as-tu osé me désobéir ? Tout ça c'est de ta faute. »

Même si sa tante l'avait immédiatement amenée dans sa chambre en lui disant que sa mère ne pensait pas ce qu'elle disait, Charis savait que c'était faux. Maintenant dans cet hôpital froid, où personne ne venait leur donner des nouvelles, la petite fille était fatiguée et lasse d'attendre. Ça faisait maintenant près d'une semaine qu'elle n'avait pas vu sa sœur et que sa mère ne lui parlait pas non plus. Après un autre moment d'attente, elle vit sa mère arriver de l'autre côté de l'interminable couloir. Sa tante se leva pour l'accueillir, toujours en tenant la main de Charis.

— Pourquoi tu l'as amenée ? s'écria sa mère !

— La petite insiste pour voir sa sœur. Qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

Sa mère ne lui jeta même pas un regard et continua de parler à sa tante comme si elle n'existait pas

— Je t'avais dit de la garder loin d'ici Bettania. Ce n'est ni le moment, ni l'heure.

— Mais pourquoi ? C'est bien l'heure des visites.

— Elle est encore entrée au bloc et ça dure depuis des heures.

Sa mère ne cacha pas son impatience. Charis remarqua aussi qu'elle n'avait pas ses boucles d'oreilles et qu'elle n'était pas maquillée, pourtant sa mère ne sortait jamais sans se maquiller. Il y avait dans ses yeux quelque chose d'étrange. Elle paraissait plus vieille que la dernière fois qu'elle l'avait vue, la fois où elle avait aussi vu sa petite sœur pour la dernière fois.

— Maman, comment va Maria ? Regarde je lui ai apporté Grissly. Elle sera contente de le voir.

Sa mère se retourna vers elle avec des yeux qui jetaient des éclairs et avant qu'elle ne dise quoi que ce soit, deux médecins s'approchèrent par derrière et les interrompirent.

— Madame Serrano, est-ce qu'on peut parler ?

Sa mère les suivit de quelques pas et ils s'éloignèrent dans le couloir. Charis et sa tante continuaient de les observer parler. A un moment donné, l'un des médecins mit sa main sur le bras de sa mère, pendant que celle-ci fondait en larmes en poussant de cris de douleur.

— Non, ma fille. Ce n'est pas possible, ma petite fille.

Sans même savoir pourquoi, Charis se mit aussi à pleurer en gémissant, car au fond d'elle-même, elle comprenait qu'elle ne reverrait plus jamais sa petite sœur.

Chapitre 1

Daniel Képhalé éteint le moteur de sa Pick up et ramena sa main droite sur le volant. Son teint noir ocre reçut de plein fouet les derniers rayons de la journée. Il ne réfléchit pas un autre instant et attrapa la courroie du tube de transport des plans qu'il enfourcha sur son épaule et sortit le plus rapidement possible. D'un pas vif, il rejoignit la maison de ses parents qui se dessinait devant lui comme une villa sans fin. Du haut de ses vingt-huit ans, il se précipita à l'intérieur à la recherche de la seule personne responsable du chaos qu'il était en train de vivre.

— Où est-ce qu'il est ? demanda-t-il lorsqu'il se trouva nez à nez avec sa mère, Diehl Képhalé, dans la cuisine. Elle au contraire, avait un teint couleur de miel et son corps élancé contrastait en tout point avec celui de Dani. Il était grand avec des épaules carrées. Il avait le regard direct et les cheveux coupés courts. C'était bien l'une des seules choses qu'il n'avait pas en commun avec ses autres frangins, en dehors de son teint. Il commença à pâlir. Ce qui arrivait quand il était sous la panique ou empreint à la colère. Diehl leva les yeux brusquement vers lui. Il était certes entré sans faire de bruit mais maintenant que le semblant de stupeur qu'elle avait possiblement ressenti était passé, elle déposa ses mains sur le plancher plein de farine et son regard annonçant qu'un sermon était sur le point d'arriver, se posa sur lui. Mais Dani ne se laissa pas influencer et lui demanda encore :

— Maman où est-ce qu'il est passé ?

— Peut-être que si je savais de qui il s'agit je pourrais mieux t'aider. Et puis quelles sont ces manières ? Tu as perdu ton éducation en cours de route ?

Elle avait raison sur tous les points, mais la colère qui bouillonnait en Dani depuis plus d'une heure maintenant n'était pas sur le point de tomber. Il fallait qu'il trouve son idiot de petit-frère le plus rapidement possible. Il avait ruiné sa journée et si ce n'était que cela il aurait tout simplement appelé, mais c'était bien trop grave.

— Ruben, ton petit protégé, où est-il ?

Et ce n'était pas une exagération. À peine il avait fini de prononcer sa phrase que le concerné entra dans la cuisine chargé de courses qu'il déposa sur la table. Dani ne lui laissa pas le temps de souffler. Avant même que celui-ci note sa présence, il s'était déjà rué vers lui.

— Qu'est-ce que tu as fait des plans ?

D'abord surpris, Ruben fit un pas en arrière et leva les mains pour se protéger. Dani voulait être patient, mais il n'y arrivait pas. Ruben tourna son regard en direction de leur mère comme pour chercher du renfort. Dani n'avait rien exagéré à son sujet. Ruben passait plus de temps dans les jupes de leur mère qu'avec qui que ce soit. Ce qui l'avait toujours agacé, il ne voulait absolument rien faire à part rester dans une cuisine à concocter des plats à tomber par terre. Mais ce soir ce n'était pas le moment. Dani avait besoin de réponses sans attendre.

— Ruben, réponds à ma question.

— Je ne sais pas de quoi tu parles, maugréa-t-il.

— C'est quoi le problème Dani ? demanda alors leur mère que Dani continua d'ignorer.

— Où sont passés les plans que je t'ai donnés au bureau cet après-midi ?

Ruben cligna des yeux et le regarda à nouveau.

— Je les ai remis à M. Navarro comme tu me l'as demandé.

Dani s'attendait à cette réponse, mais il ne savait pas que ça allait autant le troubler. Parce que même si Dani avait des doutes dans sa tête, il était clair que son petit frère disait la vérité. Ruben était le dernier de la famille, avec sa jumelle Cami. Il était sérieux et travailleur, même s'il démontrait plus son ardeur au travail dans une cuisine qu'avec le job qu'on lui avait donné à Képhalé Construction et Services, l'entreprise familiale. Il aimait plus passer son temps à cuisiner et créer des recettes qu'autre chose. Il fallait que Dani se relaxe un peu pour être sûr de poser les bonnes questions. Il s'éloigna de Ruben de quelques pas et s'adossa sur le plancher.

— Ceci est très sérieux. Je ne suis pas ici par plaisir, alors réfléchis bien avant de répondre à ma question. Quand tu es sorti du bureau qu'est-ce...que...tu...as...fait ?

Même s'il était sérieux, Ruben était aussi le rêveur de la famille. Il cligna encore des yeux. C'était sa façon à lui d'absorber les informations qu'on lui donnait. Plus petit ça lui avait valu quelques moqueries à l'école, parce qu’il n'était pas comme les autres enfants. C'est peut-être pour cela qu'il avait trouvé refuge dans les bras de leur mère, bien trop souvent. A 20 ans il était bien plus mature, mais il restait toujours autant attaché à elle. Cami sa sœur jumelle avait déjà manifesté plusieurs fois le désir de partir de la maison et de vivre dans son propre appartement. Mais Ruben avait l'air de se plaire ici et ne semblait pas le moins du monde être prêt à partir où que ce soit. Bien entendu, les parents leur avaient demandé de prendre leur temps et de bien réfléchir à ce qu'ils voulaient faire. Leur mère ne voulait pas qu'ils se précipitent même si trouver un appartement pour eux était la chose la moins difficile à faire. Le contraire aurait étonné Dani car leur mère avait bien souvent le dernier mot. Celle-ci interrompit le fil de ses pensées.

— Dani qu'est-ce qui se passe ? C'est quoi cette histoire de plans ?

— M. Navarro m'a appelé. Les plans que Ruben lui a donnés ne sont pas les bons, répondit Dani en pointant du doigt le tube noir qu'il tenait encore à l'épaule tout en surveillant les moindre faits et gestes de son frère.

— Tu en es sûr ?

Dani soupira et répondit.

— Je suis allé moi-même sur place pour vérifier. Ce ne sont pas les plans dessinés par Jordi. Et Joël ne reconnait pas ces plans là non plus. Il faut que Ruben me dise ce qu'il a fait après avoir quitté le bureau.

Celui-ci se gratta la tête en regardant ses baskets. Ensuite il leva le regard et déclara.

— Je suis parti à l'adresse qu'il m'a donnée. C'était à 15 min alors j'ai décidé de marcher. J'avais passé toute la journée assis au bureau alors je voulais me dégourdir les jambes.

— D'accord, jusque-là je te suis. Ensuite ?

— Ensuite rien du tout, j'ai longé la rue. Il faisait beau et le ciel était dégagé. Après la pluie du matin, même l'air sentait bon.

Il n'y avait que Ruben pour faire attention à ce genre de détails. C'était même aussi pour cela que malgré ses réticences Dani l'avait forcé à venir travailler à KCS quand il n'avait pas de cours à l'université. Il avait contesté au-début, mais en tant que l'aîné des garçons et le directeur des projets dans l'entreprise, Dani avait tout fait pour le convaincre. Tout le monde dans la famille savait que Ruben n'aimait pas les travaux manuels dans les chantiers, alors Dani l'avait envoyé au département d'architecture, où il allait pouvoir travailler de temps en temps avec leur mère. Même si elle n'allait au bureau que deux à trois fois par semaine à présent, elle gérait encore cette branche de l'entreprise.

— J'attends la fin de l'histoire.

Ruben mit les mains dans les poches avant de son pantalon jean et répondit avec agacement :

— Comme je t'ai dit je suis allé directement à l'adresse qui était marquée sur le papier. Je suis passé devant une boutique qui vendait des glaces. Il faisait chaud alors j'ai eu envie d'en manger. Il y avait la queue mais les tables n'étaient pas toutes occupées. Devant moi il y avait une jeune dame qui... Oh mon Dieu !

Il se figea et fronça le visage. Alors finalement Dani avait raison. Il s'était effectivement passé quelque chose.

— Qu'est-ce qui s'est passé ?

— Je suis désolé. Je crois que... bégaya Ruben.

— Désolé de quoi ? reprit Dani.

— La dame qui était devant moi a eu un problème et je crois qu'on a échangé de boite. — Il ne manquait plus que ça, se dit Dani — Mais c'était un accident je te le promets. Je n'ai pas fait exprès. Ses mains qu'il n'arrêtait pas maintenant de toucher et d'entrelacer démontraient clairement son affolement.

Qu'il soit paniqué n'allait absolument pas résoudre le problème et ça n'allait pas non plus aider à comprendre ce qui s'était passé avec ses plans. Dani leva les mains pour lui faire signe de se calmer.

— Ruben, calme-toi et dis-moi comment ça s'est passé ?

— Elle ne pouvait pas payer et prendre sa commande en même temps. Alors, elle m'a proposé de tenir sa boite, pendant... qu'elle cherchait la monnaie dans son sac à main. Et moi je lui ai passé la mauvaise boîte en retour, parce qu'elles étaient de la même couleur.

— Ce n'est pas possible !

Il s'était débrouillé pour prendre un tube avec des plans architecturaux, trouver quelqu'un dans la ville avec le même tube et l'échanger avec lui. C'était aussi vraisemblable qu'inconcevable. Dani se garda de le dire tout haut parce qu'il savait l'effet que ça ferait. Ce n'était pas qu'il ne croyait pas son frère, mais il était tellement choqué qu'il se demandait ce qui lui avait pris de lui faire confiance. Il pensait qu'il serait un atout pour KCS, pas un fardeau.

— Je suis désolé Dani, je te promets que je ne m'en suis pas rendu compte.

Leur mère les interrompit en disant :

— Écoute, si les plans ont été échangés, on peut très bien en imprimer d'autres. Où est le problème ?

— Jordi est en vacances depuis trois jours. C'est lui qui a conçu les plans qui sont dans son ordi et avant de partir, il a fait exprès de ne pas de laisser de numéro de téléphone pour le joindre.

Et dire que c'était Dani lui-même qui le lui avait conseillé !

— Alors, on attend qu'il rentre tout simplement. Je ne comprends pas ce qui te met dans cet état chéri.

— Ce n'est pas un contrat où nous avons les pleins pouvoirs maman ! Nous sommes en partenariat avec Navarro. La mairie a demandé à avoir deux entrepreneurs pour aller plus vite. Mais le pire c'est que nous allons être très en retard si dans quelques semaines ces plans ne sont pas validés. Et notre réputation va en prendre un coup. Nous parlons bien d'un projet qui vaut plusieurs milliers d'euros. Et toi Ruben tu viens de tout faire foirer !

Celui-ci se couvrit le visage de ses mains. Dani ne voulait pas le culpabiliser davantage mais il ne pouvait pas non plus cacher sa frustration.

— Une minute les garçons, on va trouver une solution. D'accord ? On reste calme.

Comment pouvait-elle lui demander de rester calme ? Elle savait très bien ce que tout ceci voulait dire. Elle était dans le même secteur depuis maintenant plus de 20 ans. Même si elle décrochait peu à peu, elle savait qu'ils pouvaient perdre beaucoup plus que leur réputation dans cette affaire. Brusquement, Dani se dirigea vers la porte. C'était déjà plus qu'il ne pouvait supporter et il avait besoin d'air.

— Hey, où vas-tu comme cela ? scanda sa mère.

— Je vais au bureau. Il faut bien trouver une solution. Où d'autre veux-tu que j'aille ?

— Il est tard, tu ne vas pas retourner au bureau à cette heure. Viens t'assoir, nous allons dîner. Ensuite on discutera au calme pour voir quelles possibilités s'offrent à nous.

Cassé dans son élan, il ne répondit pas. Il savait bien qu'il ne pouvait rien faire maintenant, mais il espérait quand même avoir une idée à mettre en place pour demain. Sa mère avait raison. A trois, ils iraient beaucoup plus vite et si son père les rejoignait ce serait encore mieux. Paul Oscar Képhalé était à la tête des infrastructures de Barcelone depuis plusieurs années et puisque cette situation n'était pas comme les autres, un coup de main ne serait pas de refus. Car Dani ne désirait rien d'autre que de sortir de ce cauchemar.

* * *

Deux jours plus tard, Dani n'avait toujours rien comme solution. En tant que directeur des projets à KCS, il était au centre de presque tous les contrats en cours. Il occupait le poste depuis 4 ans maintenant et même s'il avait eu largement le temps de faire ses preuves, il n'avait toujours pas droit à l'erreur. Mais la première erreur qu'il avait faite était d'embaucher son petit frère et de l'envoyer directement au mauvais département. Tous les enfants Képhalé avaient travaillé dans l'entreprise familiale quand ils étaient plus jeunes, que ce soit pendant les vacances d'été au lycée, ou plus tard. Ce qui le surprenait encore plus c'était que Lin, Eli et lui étaient les seuls à avoir eu la fièvre du travail à KCS. Cami et Ruben n'étaient pas du tout intéressés. Lin, l'aînée et lui-même étaient maintenant à plein temps dans l'entreprise aux côtés de leurs parents. Tandis qu’Eli, le troisième avait décidé de faire carrière dans la police. Dani espérait encore qu'un jour il décide de revenir et qu'ils puissent ensemble s'occuper de KCS. C'était leur rêve d'enfants en tout cas. Ce qui était curieux c'était que les deux derniers, jumeaux de surcroit, avaient totalement décidé d'avoir d'autres passions. Cami ne voulait rien faire d'autre que la musique et le piano était son instrument favori, tandis que Ruben avait été charmé dès le plus bas âge par les arômes de plats cuisinés par Alex et Joana les parents adoptifs de leur mère.

Ils auraient peut-être dû le laisser aller travailler avec Alex dans son restaurant, mais il s'était dit que s'il apprenait autre chose, peut-être qu'il pourrait choisir sa carrière en étant conscient qu'il y avait un monde en dehors des épices. Et aujourd'hui il payait les conséquences de cette décision. La concertation avec ses parents n'avait rien donné. Il n'avait toujours pas trouvé le moyen d'avoir d'autres plans avant le délai qui avait été fixé. Ce qui ne faisait qu'accentuer sa frustration en ce début d'après-midi.

Deux coups secs frappés à sa porte attirèrent son attention. Dani n'avait pas de rendez-vous aujourd'hui, mais il ne pouvait pas se cloitrer dans son bureau et ruminer sa frustration bien plus longtemps.

— Entrez !

La porte s'ouvrit sur Lin, qui s'avança vers lui. Sa sœur était d'une beauté surprenante. Sa présence dans une pièce rendait l'environnement totalement différent. Elle avait un an de plus que lui mais ils étaient amis depuis tellement longtemps que ça ne comptait plus, sauf quand elle voulait lui passer un savon. Aujourd'hui elle arborait une jupe et un tailleur de couleur bordeaux, avec des talons aiguille si hauts qu'il se demandait comment elle faisait pour marcher dans ces chaussures. Son maquillage toujours aussi parfait rehaussait la couleur rosée de sa peau couleur pêche et de ses yeux marron. Ces choix de couleur étaient maintenant une chose à laquelle tout le monde s'était habitué, tout le monde sauf leur père peut-être.

— Tu as une minute ?

— J'ai besoin de distraction, dit-il en l'accueillant avec un sourire.

— Alors je ne suis pas la bonne personne. Est-ce que tu as quelque chose pour le dossier de Navarro ? lui demanda-t-elle en s'asseyant en face de lui.

— Malheureusement rien du tout, — déclara-t-il en soupirant de frustration. Il m'a déjà envoyé deux mails. Je ne lui parlerai pas tant que je ne sais pas quoi lui dire.

— Pourtant il va bien falloir que tu lui parles. Dani, la pression est de notre côté. Il nous faut ces plans.

C'était quelque chose qu'il savait déjà et en tant que leur responsable financier, elle venait encore lui ajouter son stress. Il n'avait pas besoin de cela. Mais soudain une idée lui traversa la tête. Il prit alors le tube de plan qu'il n'avait pas quitté des yeux de la journée et il se précipita vers la porte.

— Demande à la cellule informatique de continuer à essayer d'accéder à l'ordinateur de Jordi et je veux qu'à partir d'aujourd'hui tous les documents de KCS soient partagés. Plus personne n'aura un accès privé.

— D'accord... mais où tu vas ? cria-elle derrière lui.

— Je vais essayer quelque chose.

En passant devant la salle de conférence vitrée, il vit Ruben assis de dos à l'intérieur devant son ordinateur. Il avait dit qu'il préférait travailler ici plutôt que dans un bureau. C'était normal. Il avait une vue directe sur toute la ville de Sabadell. Ce qui était la distraction dont il avait besoin. Dani se mit à l'entrée et frappa du doigt deux fois sur la porte.

— Debout, on y va.

Ruben le regarda avec une surprise qu'il ne cachait pas. Dani n'avait pas le temps de lui expliquer. Il fallait qu'ils arrivent à leur destination le plus tôt possible.

Grâce à Dieu, Ruben s'exécuta sans poser de question. Il ferma son ordinateur et le suivit. Le trajet de l'ascenseur au parking ne dura que quelques minutes. Dani donna à Ruben le tube noir avant d'entrer dans la voiture. Une fois sur la route, il alluma le GPS et dit à Ruben :

— Entre l'adresse du vendeur de glace !

— Pardon ? lui demanda Ruben avec un regard étonné.

— Nous allons faire un tour chez ce vendeur de glace.

Ruben était toujours aussi déconcerté ; Dani savait qu'il devait le rassurer. Mais pour l'instant il ne pouvait pas le faire. Son manque de sérieux et d'attention était la cause de toute cette histoire. Il savait que Ruben se sentait coupable. Il ne l'avait pas vu, ni lui avait parlé depuis qu'il avait quitté la maison de ses parents il y a deux jours. Mais la vérité c'était qu'il avait évité tout contact avec son frère pour ne pas déverser toute sa frustration sur lui. Il devait tout simplement lui pardonner sa faute et passer à autre chose. Le problème c'était que ce n'était pas aussi facile.

— Pas la peine, je connais le chemin. Prends la première à droite.

Quelques minutes plus tard, Dani chercha à se garer en face du vendeur de glace. Ce qui n'était pas une tâche facile car la rue était assez bondée. Quand enfin il éteignit le moteur, il scruta les environs et arrêta Ruben avant que celui ne se glisse dehors.

— Hey, attends une minute ! — Celui-ci se figea dans son mouvement et attendit sans le regarder en retour. Ce que tu as fait est très grave et je ne veux pas que tu penses le contraire. Il y a beaucoup de choses en jeu dans cette affaire, mais je comprends que ça pouvait aussi m'arriver à moi.

— Est-ce que ça veut dire que je ne suis pas viré ? lui dit-il avec hésitation.

— Essayons d'abord de retrouver ces plans, lança Dani en sortant de la voiture, ensuite nous discuterons de ton sort.

Chapitre 2

Le seul fait que Ruben s'inquiète pour son poste était une grosse surprise pour Dani. Il pensait que Ruben n'avait que faire de son travail à KCS, et que c'était peut-être pour cela qu'il avait été si négligent, même si ce qu'il lui avait dit était vrai. Cela pouvait lui arriver à lui-même. Mais il fallait aussi qu'il sache prendre ses responsabilités en main, il n'était plus un enfant.

Une fois sur le trottoir, les deux hommes se dirigèrent vers l'entrée de la boutique. La chaleur étouffante de Sabadell à cette période de l'été se faisait sentir. Même avec un simple polo, Dani ressentait le besoin de retourner dans son bureau climatisé.

— Tu penses qu'elle pourrait être encore là aujourd’hui ?

D'après l'histoire de Ruben c'était juste à cet endroit qu'il avait rencontré cette dame.

— Aucune idée, mais on peut essayer de se renseigner sur elle. Tu as dit qu'elle avait une carte pour l’hôpital ? Ruben hocha la tête de façon positive.

— Qu'est-ce qu'elle a commandé ? Ruben le regarda comme surpris qu'il lui pose cette question. — Ne me dis pas que tu n'as pas remarqué la saveur de sa glace ?

Dani était sûr que Ruben connaissait même la couleur de ses yeux. C'était un don chez son petit-frère, il était aussi fin dans les détails qu'un peintre. Il fixait son attention sur beaucoup de choses sans importance pour la plupart du temps, mais qui aujourd'hui étaient cruciales s'ils voulaient avoir une chance de retrouver les plans qu'il avait échangés.

— Si en effet, euh, une glace à la vanille et saveur café, avec un supplément café et un double expresso le tout à emporter.

— Ça fait beaucoup de café !

— Oui et j'ai même fini par payer un euro de plus pour elle.

— Comment ?

— Sa carte de crédit ne prenait pas, et elle a cherché dans son sac du liquide pour régler, et il lui manquait un euro. Je lui ai proposé de le payer pour elle. Et quand je lui ai rendu sa boîte et bien...

— D'accord, prions pour que quelqu'un se souvienne d'elle ici.

Ils entrèrent dans la boutique. Elle était à moitié bondée, ce qui est normal. La majorité était des parents avec leurs enfants assis aux tables et le reste des gens était debout à côté des vitrines ou en train d'attendre leur commande.

Quand leur tour arriva c'est Dani qui parla en premier au vendeur qui s'était approché.

— Excusez-moi, nous avons besoin d'un renseignement.

Le vendeur les regarda en fronçant les sourcils. Dani espérait de tout cœur qu'il soit plus que coopératif parce qu'il avait besoin de toutes les informations qu'il pouvait avoir sur cette femme.

— Dites-moi !

— Mon frère, — il pointa le doigt sur Ruben qui était resté en retrait — a accidentellement échangé cette boîte avec une de vos clientes il y a deux jours. Nous aimerions beaucoup pouvoir la lui rendre et reprendre la nôtre.

— Euh, comment puis-je vous aider ?

Cette fois-ci, c'est Ruben qui répondit :

— C'est peut-être fou, mais c'est une dame qui travaille à l'hôpital d'à côté. Entre vingt-deux et trente ans, brune.

Le vendeur réfléchit un instant, sans dire quoi que ce soit, et il s’écoula comme une éternité avant qu'il ne dise un mot.

— Je ne sais pas, quand est-ce que vous avez dit que vous avez fait l'échange ?

— Il y a deux jours, ici même.

Ruben fit un geste pour montrer que c'était exactement là où il se tenait.

— Attendez, je vais appeler ma mère. Elle connait mieux les clients que moi. Elle pourra mieux vous renseigner.

Pendant qu'il allait chercher sa mère en cuisine, Dani et Ruben reculèrent pour laisser les autres clients passer leur commande aux autres serveurs. Ruben scrutait les vitrines là où étaient les différentes saveurs de glaces. Entre chocolat, fraise, vanille et autres saveur rares, son envie d'en manger ne se cachait pas du tout sur son visage. Mais un seul regard de Dani lui fit comprendre qu'ils n'étaient pas là pour se faire plaisir. Il fit vite de se retourner et Dani se dit que c'était mieux qu'ils restent concentrés.

Une dame de peut-être la soixantaine se rapprocha d'eux avec un sourire.

— Bonjour. Mon fils m'a dit que vous avez égaré quelque chose dans notre boutique.

— Oui mais c'était en fait un échange entre mon frère et une de vos clientes. Cette boîte lui appartient et nous aimerions bien rentrer en possession de la nôtre le plus rapidement possible.

— D'accord, comment était-elle ?

Ruben lui indiqua avec plus de précision comment était cette jeune femme.

— Ah l'infirmière. Oui je la connais. Elle travaille à l'hôpital qui est à 100 mètres de l'autre côté de la rue. C'était à peu près à cette heure-ci n'est-ce pas ?

— C'est exact. Est-ce qu'elle est régulière dans votre boutique ?

La dame ne réfléchit pas avant de répondre. Elle gardait ses mains dans les poches de son tablier et avait le sourire de quelqu'un qui était heureuse de son travail.

— Depuis deux mois environ. Elle passe toujours entre 2 et 3h et demie.

— Vous pensez qu'elle viendra aujourd'hui ?

— Je ne sais pas. Généralement elle vient tous les trois jours. Mais je n'étais pas au comptoir aujourd'hui donc je ne peux pas vous dire si elle est déjà passée ou pas.

— Si vous la voyez, s'il vous plaît pouvez-vous lui passer ma carte ? C'est extrêmement important, nous devons reprendre cette boîte et sûrement elle voudra reprendre la sienne.

— D'accord, jeune homme ; je ne manquerai pas.

Elle se retourna et s'en alla. Dani était tellement content qu'il ne pouvait se contenir

— Ça s'est passé mieux que ce que je pensais. Il fit un grand soupir de soulagement — merci mon Dieu.

— Tu penses qu'on pourra la retrouver ?

— Je ne sais pas, mais c'est déjà bien qu'on sache qui c’est. Il est presque 14h. Soit elle est déjà passée, soit elle ne viendra peut-être plus. Demain on revient et on attend de voir ce qui se passe.

— D'accord. — Pendant qu'ils se dirigeaient vers la sortie Ruben reprit derrière Dani : « Est-ce qu'on pourrait prendre une glace pour maman ? Je sais que ça va lui faire plaisir. »

Dani le regarda avec un demi-sourire qui ne masquait pas son amusement. Il savait très bien ce que son frère essayait de faire.

— Vas-y ! Je t'attends dans la voiture, tant que tu y es prends-en pour moi aussi.

Il reprit la boîte et se dirigea vers la voiture.

Une fois à la maison de leurs parents, Ruben se dirigea directement dans la cuisine pour entreposer leur achat dans un lieu sûr. En août, la ville était comme un four. Dani ne comptait pas rester longtemps, mais il voulait bien dire à sa mère quelles étaient les avancées de la situation. Il s'assit dans le grand salon en attendant qu'elle descende.

Son téléphone vibra

— Du nouveau ?

Il avait été naïf de penser que Lin allait lui laisser déserter le bureau sans explication. Mais au moins, il savait qu'elle était de son côté, et que cette situation la rendait aussi inquiète que lui. Même si pour elle, c'était à cause de tous les zéros qu'il y avait sur ce dossier.

— Peut-être.

Lin : — Vaudrait mieux, on n’a pas encore réussi à joindre Jordi.

— Et son ordi ?

Lin : — Toujours rien.

Dani étendit les pieds et essaya de se détendre ; le sofa sur lequel il était assis était tellement confortable qu'il se demandait pourquoi il n'avait pas le même dans son appartement. En levant les yeux il s'émerveilla du fait que la maison de ses parents lui rappelait tellement de souvenirs. Il y avait passé presque toute son adolescence. Même si au fil des années elle avait connu beaucoup de changement, le bâtiment était un rappel des constants changements qu'il avait eu dans sa vie.

Après avoir parcouru plusieurs maisons d'accueil, un jour était apparu dans son orphelinat ce jeune couple mixte qu'il avait eu de la peine à apprécier du premier coup. D'abord parce que ses anciens parents d'accueil lui avaient toujours fait comprendre qu'il ne serait jamais accepté parce qu'il n'était pas comme les autres. Même si le fait que Dani soit noir ait été un problème constant dans ses interactions avec les gens, aujourd'hui il était heureux que Diehl et Paul Oscar aient décidé un jour de le prendre chez eux.

C'était la cinquième fois qu'un couple décidait de l'avoir. Comme la procédure l'exigeait, il y avait d'abord une période probatoire, une période qu'il n'avait jamais réussi à passer auparavant parce que ses anciens parents d'accueil le faisait toujours retourner à l'orphelinat avant.

Lorsqu’il était rentré pour la quatrième fois, il s'était dit qu'il valait mieux ne plus rêver. Personne ne voudrait jamais de lui puisqu'il avait déjà sept ans. C'est là qu'il avait rencontré Lin. Elle avait intégré l'orphelinat en son absence. A ce moment-là, elle pleurait tout le temps, et tellement que Dani avait décidé de la réconforter. Ils étaient devenus amis. Il ne lui avait pas demandé son histoire, même s'il savait que quelle qu'elle soit, elle devait être aussi dévastatrice que la sienne. Il lui avait juste dit que ça allait bien se passer. Au début, elle ne lui répondait pas, et pendant plusieurs semaines Dani avait pensé qu'elle aussi elle ne voyait rien en lui à part sa couleur de peau. Mais un jour alorsqu’elle avait cessé de pleurer et que Dani aussi s'asseyait à côté d'elle sans rien dire depuis plusieurs jours, elle osa enfin lui demander pourquoi il ne disait rien. C'est alors qu'ils étaient devenus inséparables. Dani la protégeait des autres enfants un peu plus grands et plus agressifs qui ne voyaient en elle que le moyen d'assouvir leur méchanceté. Même si plus tard, Dani allait découvrir que c'était beaucoup plus de la frustration et de la douleur qu'autre chose.

— Ça va chéri ?

Sa mère le tira de ses pensées et il tourna les yeux vers elle, pour la découvrir sur le pas de l'escalier. Elle était toujours aussi rayonnante. Secrètement il l’avait admirée, observée et même idolâtrée jusqu'à ce qu'il découvre une autre personne qui la surpassait complètement. Mais il n'avait jamais eu le courage de lui demander pourquoi elle avait décidé de le garder, lui. Eli et Lin avaient aussi été adoptés en même temps que lui. Et il avait toujours pensé que son frère et sa sœur étaient les enfants idéaux, mais pas lui. Est-ce qu'elle pourrait comprendre ses peurs et même sa frustration ? Ce n'était pas seulement parce qu'ils étaient blancs mais aussi parce que Dani savait qu'il était un peu une tâche dans cette famille peu conventionnelle.

— Ça va maman, et toi ? Tu as passé une bonne journée ?

Dani ne manqua pas de remarquer la lueur perplexe dans ses yeux quand il changea de sujet. Elle était bien trop intelligente pour rater quoi que ce soit sur ses enfants. Mais il était content qu'elle ne s'attarde pas là-dessus. Il n'était certainement pas prêt à subir une séance d'interrogatoire de sa mère, et il était bien placé pour savoir qu'elle obtenait toujours ce qu'elle voulait. Elle s'approcha et s'assit sur la chaise en face de lui.

— Oui, je n'ai pas pu aller au bureau aujourd'hui. J'ai assisté à mes réunions en ligne. Au fait, toujours rien avec les plans de Jordi ?

Dani se releva de sa chaise et répéta avec frustration ce qu'il venait de dire à sa sœur.

— Non, rien. J'ai fait un tour avec Ruben chez le vendeur de glace où il a commis son crime et on est sur la trace de cette infirmière. J'espère la retrouver au plus vite, pour qu'elle me rende ce qui m'appartient.

— Ne sois pas si dur avec ton frère et ce n'est pas la faute de cette femme non plus, contesta sa mère avec véhémence.

Dani savait qu'elle avait raison, mais il était à la phase où il devait trouver un coupable. Ce n'était jamais facile aussi de se dire qu'il aurait dû faire le travail lui-même. Il respira fort et murmura :

— Je suis désolé. Mais je suis en train de devenir complètement fou avec cette situation. Il aurait peut-être été mieux de ne pas nous engager dans ce dossier.

— Tout n'est pas encore joué. Sa mère pointa du doigt la boite qu'il avait posée sur la table basse plutôt et reprit : « C'est cette boîte que Ruben a échangée avec cette dame ? »

Il hocha la tête, sa mère la prit et l'ouvrit doucement,

— J'ai déjà vérifié maman. Ce ne sont pas les bons ! avança-t-il. Mais essayer de la dissuader ne servait à rien.

— Oui mais on peut toujours retrouver cette dame à partir de ses plans.

— Je ne comprends pas !

Sa mère sortit les plans de la boîte. Il y avait plusieurs feuilles. Elle les étala sur la table et regarda attentivement.

— Généralement, je mets une signature sur les miens. Alors, si celui qui a fait ces plans est aussi un professionnel, il devrait y avoir un moyen de l'identifier.

Pourquoi Dani n'y avait pas pensé avant ? Finalement venir lui-même déposer Ruben n'était pas une si mauvaise idée. Pendant que sa mère examinait les plans, Dani l'observa avec l'espoir qu'elle lui donnerait un nom, un numéro, n'importe quoi qui lui permette d'avoir à faire quelque chose. Elle mit ses lunettes et regarda avec plus d'attention les feuilles. Mais au fur et à mesure qu'elle regardait les plans, son visage se serrait et Dani ne comprenait pas pourquoi. Elle enleva le premier plan et passa au second, et au troisième. Mais quand Dani s'apprêtait enfin à lui poser la question, elle s'exclama :

— Oh !

— Quoi ?

— Ce sont les plans d’un édifice et d'un coffre-fort.

— Je te demande pardon ? s’exclama-t-il.

— Viens voir.

Dani se leva sans demander son reste et fit le tour de la table pour s'asseoir à côté de sa mère sur l'accoudoir.

— Là regarde. Ceci c'est le bâtiment principal ; ici il y a la localisation de ce que je pense être une grande chambre forte.

— Tu en es sûre ?

— Certaine. Le deuxième est encore plus précis.

— Oh mon Dieu !

— La question c'est, qu'est-ce que cette infirmière fait avec des plans d'une maison avec un si grand coffre-fort ? Je crois que ton petit-frère s'est mis dans quelque chose de pas net du tout.

Dani sorti son téléphone de la poche intérieure de sa veste et annonça.

— J'appelle Eli.

— C'est une excellente idée.

* * *

— Et qu'est-ce que tu veux que je fasse ?

— Est-ce que tu as compris ce qu'on vient de te dire ?

Eli les avait rejoints une heure plus tard à la maison et il n'était pas du tout prêt à les aider.

— Ce n'est pas un délit d'avoir en sa possession les plans d’un bâtiment.

— Pas n'importe quel bâtiment !

Son petit frère s'arrangea plus confortablement sur sa chaise et leur dit.

— Écoute. Elle n'a commis aucun délit que je sache. Comme Dani s'apprêtait à répondre, il le coupa, du moins pas encore. Et je ne comprends pas pourquoi vous êtes dans cet état. Peut-être qu'elle a une bonne raison.

Dani était encore plus perplexe qu'au début. Il voulait simplement la retrouver et ce que sa mère avait découvert ne lui plaisait pas du tout. Mais ce qui l'intriguait encore plus c'était le fait qu'Eli ne voyait pas le sérieux de l'affaire. Qu'il refuse de l'aider était une chose, car leurs rapports n'étaient plus ce qu'ils étaient il y avait maintenant plusieurs années. Mais qu'il refuse aussi de se comporter comme l'inspecteur qu'il était dans cette affaire, c'était sans précédent.

— Tout ce que je dis c'est que c'est bizarre. Premièrement parce que c'est totalement inhabituel de rencontrer quelqu'un en possession de ce genre de plans.