Le Choix du Destin - Sorelle Meleugouo - E-Book

Le Choix du Destin E-Book

Sorelle Meleugouo

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Beschreibung

Les secrets ne sont jamais assez bien gardés.
Paul Oscar pensait que tout allait bien... jusqu'à ce que la vie ne devienne un cauchemar.
Il est jeune et plein d’ambitions et de rêves pour son avenir et très fier de sa famille qu’il connaît toujours soudée. L’entreprise familiale est son héritage et le rêve de la diriger un jour n’a jamais quitté son cœur. Quelques mois avant que cela ne devienne réalité, il tombe sur un secret de famille qui ruine littéralement toutes les conceptions qu’il s’était fait de la vie.
Lorsque Diehl entre dans sa vie, il se demande qui est cette femme au sourire chaleureux, à la personnalité sympathique, et à la foi qui lui est étrangère. Diehl est différente des femmes du cercle social de Paul Oscar, ce qui la rend intrigante pour lui. Cependant, la connaitre crée de grand changement dans sa vie.
Vouloir une vie tranquille, paisible et sûre ne devrait pas être trop demandé.
Diehl ne rêve que d’une seule chose, obtenir son diplôme d’architecte et gagner son indépendance. L’horizon lui sourit, les propositions de travail ne manquent pas. Mais ce qu’elle ne sait pas, c’est que même les plans les plus méticuleux finissent parfois par tomber à l’eau. Car lorsqu'elle fait la rencontre de Paul Oscar elle se demande si aider ceux qui en ont besoin devrait lui coûter si cher.
Finalement sommes-nous maîtres de notre destin ?

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Le Choix du Destin

Tome 1 de la série Képhalé : les choix de la vie

Sorelle Meleugouo

Vera Editions

©2021 Le Choix du Destin, Tome 1 | Série « Képhalé, les choix de la vie » Version revue et corrigée Novembre 2021

© 2021 Sorelle Meleugouo. Tous droits réservés.

Code ISBN : 9798515801793

Couverture : Sorelle Meleugouo

Sauf indication contraire, les textes bibliques utilisés sont tirés de la version Louis Segond révisée, édition 1910.

Les personnages et les événements décrits dans ce livre sont fictifs. Toute similarité avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, est une coïncidence et n'est pas le choix délibéré de l'auteure.

Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite, stockée dans un système de récupération, ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, électronique, technique, photocopieuse, enregistrement ou autre, sans autorisation écrite expresse de l'auteure.

Sommaire

DédicaceIntroductionPrologueChapitre 1Chapitre 2Chapitre 3Chapitre 4Chapitre 5Chapitre 6Chapitre 7Chapitre 8Chapitre 9Chapitre 10Chapitre 11Chapitre 12Chapitre 13Chapitre 14Chapitre 15Chapitre 16Chapitre 17Chapitre 18Chapitre 19Chapitre 20Chapitre 21Chapitre 22Chapitre 23Chapitre 24Chapitre 25Chapitre 26ÉpilogueRemerciementsNote de l’auteureÁ propos de l’auteureQuestions de discussionÉgalement par Sorelle Meleugouo

Je dédie ce livre à ma mère Nicole Kengne, sans le sacrifice de laquelle je ne serais pas ce que je suis.

« Mes destinées sont dans ta main… »

Psaumes 31 :16a

Introduction

Lorsque je suis devenue une chrétienne née de nouveau en 2011, j'étais déterminée à partager ma foi avec beaucoup de monde. Même si c'était parfois difficile parce que je ne voulais pas offenser mes anciens amis et même les membres de ma famille qui ne partageaient pas ma foi en Jésus comme Seigneur et Sauveur. J'ai beaucoup hésité et parfois je suis restée silencieuse. Cela a créé une frustration intérieure qui m'a amené à me poser beaucoup de questions sur ma vie et sur ce que je voulais devenir plus tard.

Le tome 1 de cette histoire, « Képhalé, les choix de la vie » en est le résultat. En écrivant Le Choix du Destin, l'histoire de Paul Oscar, Diehl et les autres, j'ai beaucoup appris sur moi-même et sur Dieu. J'ai surtout appris que le courage et la force viennent de Lui, lorsque nous nous abandonnons complètement à Lui et que nous le laissons prendre le dessus. Il nous donne non seulement la force de faire l'impossible mais aussi les mots pour dire la bonne chose au bon moment quand nous voulons démontrer et manifester notre foi.

Je pense être une chrétienne qui a encore beaucoup à apprendre et qui lutte parfois avec de nombreux défauts et fautes, mais Jésus m'a appris à utiliser l'écriture pour faire exprimer certaines réalités que je n'arrive parfois pas à articuler avec ma voix. Et même, lorsque j'écris, Il répond à des questions que je n'ose parfois même pas poser à voix haute.

Chacun des personnages de ce livre joue un rôle crucial dans la compréhension du tome 1 et de toute la série. J'ai demandé à Dieu de me donner sa vision et son point de vue sur les choses et lorsque je lis les Écritures, je trouve toujours un aspect qui me parle et influence substantiellement la façon dont je vois mes personnages et leurs différents parcours.

La vérité est que je commets souvent des erreurs mais Dieu est toujours très patient avec moi et, comme le GPS, lorsque je me trompe de direction, Il sait toujours comment me rediriger jusqu'à ce que j'arrive au bon endroit.

Vous vous demandez sans doute ce que cela a à voir avec le livre que vous allez lire, mais je vous assure que cela a tout à y voir.

Je suis bien consciente que le concept de fiction chrétienne est encore nouveau dans le monde francophone et qu'il y a encore un long chemin à parcourir avant qu'il ne soit plus totalement étranger à la plupart des gens. Mais je suis convaincue que la fiction est divertissante, et qu'une bonne écriture dans ce genre particulier vous captive et retient votre attention. C'est peut-être pour cela que certaines personnes peuvent rester debout jusqu'à 3 heures du matin parce qu'elles veulent finir leur roman. Mais je crois qu'au-delà de ce fait, la fiction peut aussi être un moyen pour les gens de grandir dans leur foi, d'être transformés et pourquoi pas de croire tout simplement en Jésus.

C'est pourquoi, mon désir en écrivant des romans est d'abord de répondre à un besoin que j'avais depuis longtemps. Ensuite, en écrivant, j'ai voulu partager ma foi, mais maintenant je veux tellement plus. Je veux que les gens qui lisent mes histoires aient leur propre rencontre avec le Dieu de la Bible. J’aspire à ce qu'ils ne se contentent pas de croire et d'être transformés mais qu'ils soient aussi des sources de transformation pour les autres.

Je prie pour qu'en lisant ce livre, vous rencontriez Jésus, si ce n'est déjà fait, et si c'est le cas, que vous viviez une nouvelle expérience.

Prologue

Car, comme le Père ressuscite les morts et donne la vie, ainsi le Fils donne la vie à qui Il veut.

JEAN 5 :21

L’arrivée aux urgences d’une jeune fille enceinte et dans un état critique avait mobilisé tout le service de néonatalité et la docteure Képhalé. La patiente était toujours inconsciente quand ils la mirent sur un lit et l’emmenèrent immédiatement en salle de réanimation. Elle était sous oxygène et la situation paraissait désespérée.

— Qu’est-ce qu’on a ? demanda la Docteure Abigaël Képhalé qui entra essoufflée par une course de cent mètres. Elle venait d'avoir trente ans et ses longs cheveux noirs étaient attachés en queue de cheval. Elle attrapa à la volée le stéthoscope qu'une des infirmières tenait à la main et ausculta la jeune femme inerte. L’infirmière principale qui observait les moniteurs répondit :

—… Femme de dix-huit ou dix-neuf ans, enceinte de trente-quatre ou trente-six semaines. La patiente démontre les signes d’un arrêt cardiaque et est inconsciente…

Le docteur Képhalé continua son examen minutieux de la patiente en regardant les moniteurs auxquels elle était branchée et qui faisait un sourd bruit incessant. Le temps passait vite et ses signes vitaux ne penchaient pas en sa faveur. Il fallait agir vite.

—D’accord. Est-ce que quelqu’un peut me dire comment elle s’appelle ?

C’est alors que la patiente ouvrit péniblement les yeux. Faible et déconcertée, elle était aveuglée par les lumières. Elle semblait ne pouvoir rien distinguer, elle murmura :

—Na… talia…

—Qu’est-ce que vous dites ?

—… Je m'appelle Nata… lia…

—Natalia vous êtes, je pense, beaucoup trop faible. Nous allons devoir pratiquer une césarienne…

—Promettez-moi que vous allez faire ce qu’il faut pour… Paul, mon bébé.

Elle réussit tant bien que mal à lui saisir la main et la supplia, le visage en larmes.

Le docteur Képhalé ne répondit pas. Elle ne savait que trop bien où ce genre de promesse pouvait l’amener. Mais tout à coup les moniteurs se mirent à siffler bruyamment, pendant que la jeune fille perdit à nouveau connaissance.

—Elle s’enfonce. Bipez tout de suite les Docteurs Mayo et April. Ensuite appelez le bloc !

Avoir cette promotion n’avait pas du tout été facile. Le poste de chef du service de néonat était l’un des plus importants de cet hôpital. Mais le docteur Képhalé avait réussi à le décrocher, et elle avait pour ambition de non seulement révolutionner les choses mais aussi de former les meilleurs médecins du pays. Elle était bien loin de s’imaginer que son petit paradis allait virer au cauchemar dès le premier jour. Après être sortie du bloc elle était totalement dévastée. Même si le petit garçon avait survécu et c’était plutôt une bonne nouvelle, elle était à peu près sûre que sa vie resterait à jamais marquée par cette journée. Il avait tardé quelques secondes avant de pleurer ; des secondes qui avaient paru une éternité. Mais pour finir, entendre ses cris avait soulagé tout le bloc. Le docteur Képhalé n’avait jamais été autant heureuse d’entendre un bébé pleurer après une opération, il avait comme redonné de l’espoir dans le bloc. L’espoir que peut-être… sa mère vivrait assez longtemps pour le voir grandir. Mais maintenant l’illusion était totalement éteinte ; plus d’espoir, rien. À peine arrivé dans ce monde, il était déjà orphelin.

Chapitre 1

L'insensé met en dehors toute sa passion, Mais le sage la contient.

PROVERBES 29 :11

Sabadell Del Vallès (Barcelone), 23 ans plus tard …

—Dis-moi Diehl, tu vas t’inscrire à nouveau en cours de philosophie cette année ? demanda Francisca — que tout le monde appelait Paqui—, en entrant brusquement dans la chambre de Diehl comme d’habitude, sans frapper avec un livre entre les mains.

—Non, c’est juste un bouquin intéressant que je suis en train de lire en ce moment.

—Ah bon ? Il parle de quoi ? La fin du monde version Platon ?

Elles éclatèrent ensemble de rire.

Diehl était une jeune étudiante de vingt-trois ans, jolie et réservée. Ses courts cheveux ondulés et crépus témoignaient de son héritage africain. Sa peau couleur miel ne faisait qu'un avec ses grands yeux marrons. Paqui, vingt-quatre ans, avait quant à elle des cheveux longs et bouclés, et des yeux noirs et pétillants. Elle était fine et grande de taille. Avec sa peau brillante couleur sienne, elle aurait très bien pu être mannequin, mais elle avait choisi de faire carrière dans le droit. Diehl au contraire était de taille moyenne et avait pour rêve de devenir architecte et de dessiner les meilleurs plans que le monde ait connus. Les deux filles étaient peut-être d'apparences différentes, mais elles s'aimaient comme des sœurs. Elles étaient amies depuis des années et en commençant l’université elles avaient emménagé ensemble. Elles étaient comme deux faces opposées d’une pièce, tellement différentes mais inséparables.

—Dépêche-toi. Nous avons une demi-heure pour retrouver Bianca.

Il était très exactement cinq heures quinze et Diehl n’avait pas du tout envie d’abandonner son lit. Elle avait complètement oublié que leur dernière sortie matinale entre filles était aujourd’hui.

—Encore quelques minutes s’il te plait.

—Non, tu vas nous mettre en retard. C’est le dernier jour, alors fais un effort Dee.

Diehl était sûre que Paqui faisait cela exprès, juste pour l’énerver. Ce n’était pas un secret d’état que Diehl ne supportait pas du tout les exercices et la sueur et tout ce qui va avec. Cependant Paqui n’était pas du genre à la laisser faire ce qu’elle voulait. C’est pourquoi elle avait déboulé dans sa chambre pour l’enlever de son gracieux sommeil. Pendant qu’elles entamaient ce mois d’octobre, la chaleur de l’été commençait à s’estomper et la fraicheur de l’automne se faisait déjà ressentir. À cette heure-ci, il faisait un tout petit peu frais dehors. Cependant Diehl n’avait pas le choix, surtout avec ce regard inquisiteur de Paqui. Diehl réussi tant bien que mal à enfler ses chaussures, même si elle était à peu près certaine d’avoir mis ses chaussettes à l’envers. Et ce n’était même pas le plus gros problème.

—Il fait froid !

—Arrête de te plaindre Dee.

Elles avaient retrouvé Blanca quelques minutes après et les trois filles se dirigeaient vers le grand parc de la bibliothèque. Chaque semaine, elles changeaient d’itinéraire afin de ne pas tomber dans une routine ennuyante.

—Les filles, je n’arrive pas à croire que dès la semaine prochaine, les cours reprennent, s’exclama Paqui en soupirant.

—Fini les vacances ! J’ai tellement hâte ; cette année j'achève enfin mes études.

Diehl était particulièrement fière d’elle-même. Elle avait rêvé de cela presque tous les jours pendant cinq ans et elle était enfin sur le point de réaliser son rêve.

—Ne sois pas si enthousiaste Dee ! Le monde du travail est moins excitant que tu le crois, lui dit Bianca.

Celle-ci travaillait dans une agence de tourisme depuis deux ans. Elle avait une masse capillaire modeste, des cheveux bruns, brillants et lisses. Sa peau diaphane avait souffert de quelques coups de soleil pendant cet été et c'était en partie à cause de son travail. Elle avait une forte personnalité et était toujours souriante. Cet été, elle n’avait pas été très présente ; elle avait beaucoup voyagé et avec la hausse du nombre de touristes à Barcelone ces dernières années il était clair qu’elle avait beaucoup de travail. Elle commençait à se faire une place dans l’entreprise. Elle avait même été l’employée du mois à trois reprises cette année. Son rêve était d’ouvrir sa propre agence et de promouvoir le tourisme dans toute l’Espagne.

—En fait, cette année, moi j'aimerais bien faire quelque chose de différent. Je veux me démarquer et créer de l'impact dans la vie de quelqu'un.

—Ah oui ? Mais je croyais que c’était déjà ce que tu faisais, lui répondit Bianca. Nous avons organisé un camp d’été et quand je me suis déplacée vous êtes allées à Olot et à Vic avec le groupe des jeunes…

—Oui, c’est vrai ; et c’était génial, mais je veux un peu plus.

—Plus c’est-à-dire ? reprit Paqui. Elles s’étaient arrêtées près d’un arbre et Bianca s’adossa un instant en se tournant vers Diehl.

—Je veux quelque chose de différent. J’aimerais que ce soit plus… je ne sais pas mais j’ai l’impression que je devrais aussi chercher à faire un travail au niveau individuel. En commençant par une personne, juste une seule. Ça peut être un voisin, un camarade ou le facteur —Elles explosèrent de rire ensemble— mais juste une personne… je voudrais vraiment être un canal pour quelqu’un vous comprenez ?

—Si tu ressens cela dans ton cœur, alors nous allons prier dans ce sens pour toi. Et comme il est écrit, il y a de la joie au ciel… s’exclama Paqui en regardant Bianca qui continua :

—pour un pécheur qui se repent… —Celle-ci sourit à Diehl comme si elle voulait lui faire une confidence.

—J’ai beaucoup aimé ces vacances-ci, les voyages, les excursions qu’on a faites, les rencontres… Décidément, je voulais que ça dure un peu plus…

—C’est vrai que tu as beaucoup voyagé Bianca, en dehors de notre camp d’été tu es allée en Allemagne je crois… et aussi en…

—Californie, Bianca répondit très enthousiaste. Oui, ensuite je suis allée en Papouasie. Il faut que nous y allions un jour les filles. La plage est paradisiaque, les gens sont accueillants et l’ambiance est superbe. C’était vraiment très bien.

Cependant Paqui lui dit avec un ton sceptique :

—Tu as fait des rencontres hein, et tu ne nous as rien dit. Tu pourras nous présenter à tes nouveaux amis ?

Tout à coup Bianca regarda sa montre et coupa la conversation en lançant :

—Oh, il se fait tard. Je vais devoir y aller. J’ai du travail qui m’attend. Nous nous voyons à l’église mercredi les filles !

—Salut princesse ! Prends soin de toi ! lui dit Diehl pendant qu’elle s’éloignait d’un pas rapide.

— Dee, tu penses qu’elle va bien ?

— Pourquoi me demandes-tu cela ? Si ça n’allait pas on le saurait. Tout le monde vit cette transition à sa manière. Des vacances à l’école et au travail ; certains sont enthousiastes, d’autres pas. Surtout que Bianca travaille, alors c’est différent. Elle n'est jamais assez ouverte avec ces choses de toutes les façons.

— Oui tu as sûrement raison. Nous y allons aussi ? Et elles prirent ensemble l’autre direction.

Le lendemain, pendant que Diehl rentrait de son stage, elle se souvint encore de la conversation qu’elle avait eue avec ses amies. Même si celles-ci n’avaient pas semblé très enthousiastes devant les objectifs que Diehl avait émis pour cette année, ils n’en demeuraient pas moins importants. Diehl était contente d’être à la fin d’un parcours qu’elle avait entamé il y a quelques années. Son diplôme d’architecte était tout ce qui lui manquait pour entrer dans le monde professionnel. Elle avait hâte d’achever sa dernière année et de décrocher enfin un vrai travail. En attendant, elle avait encore trois heures de service dans le restaurant d’Alex où elle était serveuse quelques jours par semaine.

Alex, le propriétaire du restaurant n’était pas seulement son patron mais aussi son père adoptif et son pasteur. Deux rôles qu’il assumait avec beaucoup d’aisance. Travailler dans le restaurant avait été difficile au début, Diehl avait eu peur de ne pas être à la hauteur. Mais Joana la femme d’Alex l’avait beaucoup encouragée à essayer à nouveau. C’était pour elle un excellent moyen de pallier les problèmes de communication et de sociabilité de Diehl. Aujourd’hui, trois ans plus tard, cette dernière avait fait beaucoup de progrès. Elle n’avait pas beaucoup d’amis, mais elle avait réussi à sortir de son cocon.

Elle était devenue très proche de Paqui au fil du temps, jusqu’à ce qu’elles décident d’emménager ensemble dans le même appartement. Bien que l’idée soit venue au préalable de Joana et que Diehl l’avait combattue de toutes ses forces, car elle ne voulait aucunement abandonner la maison familiale. Ils avaient finalement tous réussi à la convaincre que c’était une bonne idée de commencer l’université en ayant son propre espace même si Paqui et elles ne vivaient qu’à quelques rues de chez Alex et Joana.

Bianca s’était ajoutée au tableau quatre années plus tôt. Elle fréquentait leur église et participait régulièrement à leur réunion de jeunes. Il était naturellement très difficile de rester loin de Bianca. Comme un aimant, elle attirait tout ce qui était autour d’elle. Avant d’entrer dans le restaurant pour prendre son service, Diehl se souvint qu’elle devait rappeler Bianca. Après tant de journées sans avoir de ses nouvelles, l’inquiétude n’avait pas quitté son cœur depuis trois jours. Même si c’était presque ridicule, Diehl ne pouvait pas s’empêcher de se demander pourquoi son amie était si bizarre ces derniers temps.

— Salut !

— Hello princesse ! J’essaye de te joindre depuis hier…

— Désolée Diehl, un peu occupée avec le boulot. Ma directrice est absente ces jours-ci alors…

— D’accord, je comprends. Alors, raconte comment ça se passe ?

— T’inquiète je gère…

— Je sais, mais je te demande comment tu vas.

— Ça va… Désolée Dee. Il faut que je te laisse. J’ai des choses à faire.

Et Bianca raccrocha le téléphone. Il fallut quelques secondes à Diehl pour comprendre que ce n’était pas une coupure accidentelle. Son amie lui avait bel et bien raccroché au nez. Le choc était plus vif que la surprise qui venait avec. Peut-être que Diehl en faisait trop et que ce n’était rien de grave, mais après cet épisode, il était difficile de ne pas se poser des questions. Elle allait réessayer plus tard.

— Hey cielo 1!

Diehl se retourna pour découvrir Alex à l’entrée du restaurant. C’était un homme de taille moyenne, avec des cheveux bruns coupés courts et des yeux verts. Il était toujours simple mais élégant dans son habillement. Sa stature ne laissait rien transparaître au fait qu’il était au milieu de la quarantaine, à part peut-être les quelques cheveux gris que l'on pouvait remarquer dans sa barbe de trois jours. Il tenait à la main plusieurs documents et paraissait épuisé.

— Salut, Alex ! Ça va ? Tu sors ?

— Oui. Je vais avec Adri pour vérifier certaines commandes. Le stock du magasin s’épuise et c’est la deuxième fois ce mois-ci.

— C’est une bonne nouvelle. Les affaires marchent. Tu devrais être content non ?

— Tu as raison, dit-il en souriant lui aussi. — Il avait une parfaite dentition et se vantait toujours en disant que sa mamie, c’est-à-dire sa mère en avait pris grand soin. — Oui Diehl. Je devrais être plus reconnaissant envers Dieu. Le restaurant est en train de grandir et c’est aussi grâce à toi.

— Moi, je ne suis qu’une serveuse. Je ne fais rien de plus que transporter des assiettes.

— Et ça c’est justement le plus important parce que le serveur est…

— …la vitrine du restaurant, termina Diehl en riant avec joie. Alex n’était jamais triste bien longtemps. Ça va tu n’es pas trop épuisé ?

— Ah petite fleur ne t’inquiète pas pour moi. Je vais très bien. Ah ! Au fait, Joana a dit que tu peux passer prendre tes gamelles à la maison.

— Super. Elle m’avait dit qu’elle me ferait son fameux poulet au chili.

Alex la regarda avec perplexité.

— Je ne comprends pas pourquoi elle te fait à manger alors que tu peux en prendre autant que tu veux au restaurant.

— Ton poulet à toi aussi est très bon, mais...

— Je ne vais pas entrer dans les histoires de mère et fille.

— Je suis complètement d’accord. Je vais me mettre en selle, lui dit Diehl en se dirigeant vers les cuisines.

— Ok, je reviens dans quelques minutes. Je n’en ai pas pour longtemps.

Quelque temps après avoir commencé son service, bien après l’heure du dîner, le restaurant était à moitié bondé. La majorité des tables étaient occupées, mais l'une d'entre elles au centre était en train de se libérer. Deux jeunes hommes et trois filles entrèrent. Ils avaient entre dix-neuf et vingt-cinq ans et ils s’assirent tous à la table numéro douze. Naturellement, Diehl se dirigea vers eux et leur tendit la carte :

— Bienvenue chez-nous. Voulez-vous un rafraîchissement pendant que vous étudiez la carte ?

L’un des garçons se tourna pour lui faire face. Il avait dans ses yeux gris argentés quelque chose d’étrange. Diehl pensait qu’il allait dire quelque chose, mais il se ravisa et s’assit. Son ami tira sa chaise avec un peu de peine ; il était un peu moins grand que le blond mais il dépassait quand même Diehl de la tête. Celui- là était brun, avec des cheveux ondulés court. Il paraissait aussi désorienté et totalement ailleurs.

— Hey Oscar, ça va ? lui demanda l’une des filles en passant sa main sur son bras, un geste anodin mais qui démontrait une certaine intimité. Il ne répondit pas et se tourna vers elle et dit :

— Je veux un double whisky avec deux glaçons.

Il fit le tour de la salle et semblait scruter les lieux. En plus d’être désorienté, il paraissait angoissé ; ce qui attira davantage l’attention de Diehl. Au bout de quelques minutes elle comprit immédiatement que ces personnes étaient à moitié ivres et les garçons plus que les filles.

Moi je prendrai la même chose reprit l’autre en s’adressant à Diehl.

— Excusez-moi, leur dit-elle.

Mais elle n’eut pas le temps de finir sa phrase

— Moi je voudrais plutôt un verre de vin blanc, le meilleur que vous ayez.

— …Quant à moi, je voudrais…

— Excusez-moi messieurs et dames ! les interrompit-elle encore. Quand ils la regardèrent tous ensemble avec curiosité, elle se rendit compte qu'elle avait parlé un peu fort. Toutefois, elle continua— : je suis désolée mais nous n’allons pas pouvoir vous proposer de boisson alcoolique.

Le brun qui s’appelait Oscar s’exclama.

— Pardon ?

— J’ai dit…

— J’ai entendu ce que tu as dit chérie, mais je n’ai pas compris. Comment ça, vous ne proposez pas d’alcool ?

Il paraissait avoir repris le contrôle, mais son regard était toujours autant absent, bien qu’intense… Ils étaient d’un bleu clair avec les pupilles dilatées. Diehl se racla la gorge et répliqua :

— Premièrement, vous ne m’appelez pas chérie, ensuite c’est exact monsieur, nous n’allons pas pouvoir vous proposer des boissons alcooliques ; politique de la maison. Je pense que vous avez besoin de quelque chose de moins fort pour…

— C’est stupide… répondit Oscar.

— Je vous demande pardon ? lui demanda-t-elle.

— Quoi ? Tu n’es pas allée à l’école pour ne pas comprendre ce que je dis ? Ah bien sûr...

Diehl essaya de se contenir au maximum pour ne pas éclater de colère. Parfois certains clients pouvaient être bizarres et même impolis, cependant jamais elle n'avait eu à faire à des clients si agressifs. Elle savait que ce jeune homme était à moitié ivre, mais ce n'était pas une excuse. Elle ne voulait pas être celle qui allait mettre de l'huile sur le feu. Surtout pour ne pas créer de scandale dans le restaurant. Avec la journée qu’elle avait eue, elle se sentait déjà assez fatiguée, mais il fallait à tout prix qu’elle garde son calme ; même si elle n'était pas sûre de pouvoir tenir bien longtemps.

—…Pardonnez-moi monsieur, mais dans notre établissement…

Mais Oscar monta encore d’un ton.

1 Chérie

Chapitre 2

Qui abandonne l’ami de sa jeunesse, Et qui oublie l’alliance de son Dieu ;

PROVERBES 2 :17

Diehl sentit le vent se plaquer sur son visage quand il passa devant elle dans le même mouvement. Pendant presqu’une seconde, elle avait pensé qu’il allait se ruer sur elle. Mais la violence de ses paroles avait été plus intense et debout au milieu de la salle elle était sous le choc. Elle ne tremblait pas, mais elle avait peur. Les autres se levèrent et le suivirent vers la sortie. Diehl les regarda s’éloigner, encore étonnée de ce qu’elle venait de vivre. Les clients avaient observé la scène et toute la salle était silencieuse ; Diehl ne savait pas très bien quoi faire. Elle se demandait bien ce qu’elle avait fait de mal. La politique du restaurant était très claire. Les clients dans leur état n’avaient pas droit à plus d’alcool. Et Alex s’était assuré que tout le monde respecte cela. Celui-ci la rejoignit dans la salle...

—Dee, ça va ?

—Oui, Alex ne t’inquiète pas. Ce n’est rien, lui répondit-elle même si elle était encore en état de choc.

—Mais qu’est-ce qui s’est passé ? C’était une très bonne question.

—À vrai dire, je n’en sais rien du tout. Ils voulaient des boissons et moi…

—Ils t’ont fait du mal ? Lui demanda-t-il en posant ses mains sur ses épaules et en la regardant plus attentivement.

—Non, non ! C’est juste que, je ne m’y attendais pas…

—Attends, je vais aller voir s’ils…

—Non Alex, s’il te plait. Ils sont partis. C’est bon, d’accord ? On reste calme.

—Calme ? Cette situation n’est pas normale ; tu viens d’être agressée ici dans le restaurant.

Techniquement, ce n’était pas une agression. Elle avait juste eu une altercation avec un client. Mais Alex avait raison sur un point, ce n’était pas normal.

—Mais n’exagérons rien Alex ! Je vais très bien, d’accord ?

Alex la scruta encore un moment. Les clients les regardaient toujours curieusement. S’étant rendu compte de cela, Alex lui dit :

—Viens, on va dans la cuisine et tu vas prendre une pause.

—Je n’ai pas besoin de prendre une pause Alex. Je suis très calme.

Elle ne voulait pas qu’il soit comme cela avec elle, qu’il la regarde encore comme une victime. Ce n’était pas bien grave ce qui venait de se passer. Elle n’allait pas s’effondrer comme une gamine. Mais elle savait aussi qu’il ne pouvait pas s’empêcher de se faire du souci. Alex était toujours en train de s’en faire pour pas grand-chose.

—D’accord, prends cette pause pour moi, pour que moi je me calme. Petite fleur, un tel comportement est inquiétant. Je ne veux pas que tu viennes subir ce genre de choses ici. Que dirait Joana ?

A la mention du nom de sa mère adoptive, Diehl capitula. D’abord, parce qu’elle savait que Joana lui demanderait immédiatement d’arrêter de venir travailler, et ensuite parce qu’elle comptait demander à Alex de ne rien lui dire.

—C’est d’accord !

—Oui ?

Diehl ne voulait pas arrêter de travailler à cause de cela, mais Alex avait raison. C’était mieux qu’elle prenne une pause.

—Oui. Mais tu ne dis rien à Joana. Il respira un coup et acquiesça.

—Allons-y.

Diehl ne voulait pas non plus que Joana s’inquiète et qu’ils se mettent à deux pour lui demander de prendre une pause permanente avec le restau. Pour l’instant, c’était la seule chose qui l’aidait encore à avoir un petit équilibre dans sa vie. Même si au début elle ne voulait pas trop prendre le poste que lui proposait Alex. Elle avait fini par comprendre l’importance d’interagir avec les gens.

La situation était assez inconfortable. Diehl s’était repassé la scène mille et une fois dans sa tête mais elle n’avait toujours pas réussi à comprendre ce qui s’était passé avec Oscar. La seule conclusion qui s’imposait c’était que son état d’ivresse y était pour beaucoup. Mais c’était bien ça le problème. Il lui avait paru saoul au début, mais après quelques minutes il lui avait semblé être dans son état normal.

À la fin du service au restaurant, pendant qu’Alex et les autres employés tenaient une réunion, le restaurant étant déjà fermé et la salle vide. Diehl s’assit à l’écart seule. Le choc était passé et elle avait repris le travail normalement bien que sous le regard scrutateur d’Alex, qui n’avait cessé de lui tourner autour jusqu’à la fin.

En regardant dehors, Diehl se demandait bien où il pouvait être maintenant. Avait-il réussi à se procurer plus d’alcool ? Dans la ville n’importe quel vendeur le lui aurait donné. Sabadell n’était pas une si petite ville, bien que le centre était connu de tous et que Diehl voyait presque les mêmes visages tous les jours et surtout les week-ends.

Finalement, elle prit son téléphone en se souvenant qu’elle devait rappeler Bianca ce soir-là. Mais dans son élan elle décida de lui envoyer un message.

—Salut toi !

—. Salut !

—Tu as une minute ? On s’appelle !

—Désolée, je suis un peu prise, lui dit Bianca.

—C’est devenu très fréquent. —Dernièrement— Bianca.

—Je t’ai dit que j’étais désolée Diehl.

Son agressivité au téléphone n’était pas normale. Ça ne lui ressemblait pas du tout

—Oui je sais. Quand est-ce qu’on se voit ? lui demanda alors Diehl pour atténuer l’atmosphère.

—…Pourquoi ?

—Je ne sais pas… Pour discuter !

Comment est-ce qu’elle pouvait poser une question pareille ? Est-ce qu’elles avaient besoin d’une raison pour se voir. Elles étaient amies après tout.

—De quoi ?

—Bianca !

Son attitude commençait à devenir agaçante.

—Oui ?

—J’ai l’impression que tu m’évites… ?

—Je ne t’évite pas Diehl ! Je suis juste un peu occupée avec le boulot, c’est tout. Et là tout de suite, je suis fatiguée.

C’était la même excuse la dernière fois.

—J’aimerais beaucoup te voir. Je ne veux pas te faire de reproche, mais ça fait deux semaines que tu ne viens plus à nos rencontres. Je ne te vois pas non plus à l’église. Je m’inquiète pour toi… et aujourd’hui, il s’est passé un incident au restaurant et j’aimerais en parler avec toi…

—Je suis désolée…

—Tu ne cesses de dire que tu es désolée Bianca. Ça devient bizarre. Tu sais je peux venir te rendre visite…

—Non, ça va aller. Je t’appelle la semaine prochaine d’accord ?

—Sûre ?

—Certaine !

—Ok.

Elle était encore plus distante que d’habitude, éludant les questions de Diehl et changeant à chaque fois de sujet. Ceci n’était pas normal. Diehl le savait bien, mais que pouvait-elle bien faire ? Elle avait dit qu’elle la rappellerait et Diehl attendait de voir si réellement elle allait le faire. « Oh Seigneur ! pourquoi je ne peux m’en empêcher ? Je ne m’inquiète souvent pour rien, mais je sais très bien lorsqu’on essaye de me mentir. Je ne dis pas que Bianca n’est pas très honnête, mais elle est de plus en plus bizarre. » Et Diehl avait le pressentiment qu’elle n’allait peut-être pas tenir sa promesse. Et si ce n’était que ça !

Le lendemain, après le bureau, Diehl alla au restaurant comme d’habitude. La soirée passait assez vite, et les clients étaient satisfaits. Elle avait demandé à Marc et à Paqui de passer la voir quand ils auraient une minute pour discuter. Marc était leur responsable de groupe à l’église et avec Paqui et Bianca ils passaient tout leur temps libre ensemble. Paqui n’avait pas de cours ce jour-là, alors elle pouvait passer à tout moment, mais Marc et elles avaient décidé de venir ensemble. Même s’ils étaient dans la même université à Barcelone, Diehl trouvait qu’ils passaient déjà beaucoup de temps ensemble. Mais elle se disait que ce n’était que son imagination, car elle aussi était la plupart du temps avec eux. Ils arrivèrent pile à l’heure de sa pause. Lorsqu’ils furent installés, ils se tinrent les mains pour prier comme ils le faisaient chaque fois, mais cette fois-ci Bianca n’était pas là.

Marc était le quatrième et le seul garçon du groupe. Il était grand et mince. Contrairement à la mode du moment, il ne laissait aucun cheveu sur son menton. Il enleva ses lunettes de soleil ; ce qui permit à Diehl de découvrir ses yeux marron foncé qui ne quittaient pas Paqui. Il étudiait la médecine et il aimait aussi beaucoup les exercices physiques tout comme cette dernière. Ils avaient même commencé à prendre des cours de kick boxing l’année dernière et Diehl ne se souvenait même plus pourquoi ils avaient arrêté. En cette période d’été, Marc se coupait les cheveux, parce qu’il disait qu’il faisait très chaud, mais Paqui n’aimait pas qu’il le fasse. Il était catalan et ses parents vivaient à Vic à soixante kilomètres par route de Sabadell.

—… Alors quoi de neuf au boulot ? Raconte-moi. Et aussi tes premiers jours d’école, demanda Marc.

—...Hum plutôt bien. Je suis un peu occupée avec quelques travaux à rendre dans deux semaines, et Bianca m’a zappée cette semaine à notre séance de prière. Tu sais qu’elle est ma partenaire de ce mois, mais elle n’est jamais venue. Je ne sais pas pourquoi…

—Ah bon ? C’est vrai que depuis notre retour à l’école, je ne l’ai presque plus revue, répondît Marc.

—J’ai aussi essayé de la joindre —dit Paqui— mais je n’ai pas pu discuter avec elle et je l’ai aussi trouvée distante. Je suis sûre que son boulot n’est pas toujours facile, surtout en ce moment où sa directrice est absente.

—Oui tu as sûrement raison.

—Et sur quoi est-ce que tu travailles en ce moment ?

—On a un nouveau projet dans le centre de Gérone, et nous devons finaliser les plans le plus tôt possible pour pouvoir commencer les travaux justes après janvier.

—Wow, ça parait important ! reprit Marc.

—Oui, de quelques millions d’euros seulement.

—Sachant qu’ils allaient vouloir s’attarder sur le sujet, Diehl jeta encore un coup d’œil à sa montre. Il lui restait vingt minutes avant la fin de sa pause—. Mais ce n’est pas pour parler de mon stage que je vous ai demandé de venir. J’aimerais qu’on organise une causerie évangélique dans mon école. Qu’est-ce que vous en dites ?

—…Une causerie quoi ?

—Une causerie évangélique !

—Du genre grande campagne en plein air, un concert et tout ? reprit Marc.

—Non, non, surtout pas. Des gens ont essayé de le faire au campus ; ça n’a pas donné grand-chose. Je pense plutôt à une marche dans toutes les classes pendant quelques jours, leur expliqua-t-elle.

—Hum… et comment tu comptes organiser ça ? Lui demanda Marc.

—Eh bien, nous adressons une demande au Doyen, nous formons deux équipes de quatre ou cinq personnes et nous faisons une descente dans les salles aux heures creuses. Pendant deux ou trois jours, nous allons dans le max de classes possibles.

—Moi ce que je voudrais savoir, c’est pourquoi tu préfères des descentes dans les classes ? lui demanda Paqui.

—En fait, je pense qu’il faut changer de stratégie, et parler directement aux étudiants ; comme si c’était individuellement tu vois. Comme nous ne pouvons pas rencontrer chacun seul et que les rassembler est trop difficile.

—En fait, tu veux plus de proximité ! déclara Paqui.

—Et ils en ont besoin. Je veux vraiment parler de Jésus à mes camarades. Il le faut. Hier, tu as dit quelque chose qui m’a extrêmement touchée. Tu as dit que nous avons le plus grand trésor du monde en nous, Jésus-Christ. Et nous devons le partager. Et Il le faut. Dernièrement, je suis arrivée au campus et sur mon chemin jusqu’au bureau de mon prof, j’ai observé à quel point les étudiants ont besoin de connaitre la vérité. Je vous le promets, c’est terrible ce que j’ai entendu. Le pire c’est qu’ils ne le savent même pas. S’il vous plait, faisons quelque chose ; il faut faire quelque chose pour eux.

— …

—D’accord, — répondit Marc — nous allons prier, que le Seigneur nous montre clairement comment procéder.

Ils continuèrent à discuter de la partie technique du projet et prièrent avant de se séparer.

—Ma pause est terminée. On s’appelle ?

—Oui. Salut !

—Ne traîne pas ce soir, lui dit Paqui en l’embrassant.

—D’accord, à tout à l’heure !

Chapitre 3

Eh bien, ces gens-là se comportent de la même manière : entraînés par leurs fantaisies, ils pêchent contre leur propre corps, ils méprisent l'autorité de Dieu, ils insultent les êtres glorieux du ciel.

JUDE 1 : 18

Paul Oscar Képhalé rentra chez lui après trois jours de folie. Il gara sa voiture dans l’allée et il monta l’escalier de la maison assez péniblement. C’était un trois-pièces très confortable au rez-de-chaussée d’un immeuble au centre de Barcelone. Ses amis et lui avaient fait la fête trois jours durant sans s’arrêter. En entrant dans la cuisine, il sentit un malaise dans sa poitrine. Le souvenir de cette serveuse ne le quittait pas —Comment est-ce qu’on peut employer une personne pareille ? — Elle lui avait coupé l’appétit. Il ne se souvenait même plus du nom du restaurant. Dans le cas contraire, il y serait retourné pour lui demander des comptes et exiger qu’elle lui demande pardon. Elle pensait pouvoir lui donner des leçons à lui, — Paul Oscar — ! Bien qu’entre temps il avait bu plus d’une bouteille et pris quelques pilules, il s’en souvenait très clairement, Cette fille méritait une bonne leçon. Arrivé dans son salon, pendant qu’il déposait ses affaires, son téléphone sonna. C’était sa mère, encore… :

—Bonsoir maman chérie. Comment tu vas ?

—Bonsoir, fiston, je vais bien. Et toi ? Tu as bien commencé les cours ?

—Oui, oui maman, ça va. C’est un peu intense, mais… ?

—Encore quelques mois et ce sera fini.

—Oui maman. Comment vont papa et les filles ?

—Il va bien, mais il est très occupé…

—Comme d’habitude.

—Les filles aussi vont bien ; je crois qu’elles sont en train d’étudier…

—… Ou de s'entretuer. Tu ne devrais pas les laisser seules dans une même pièce maman. Elles ne se supportent pas ! reprit-il en souriant. Ses petites sœurs avaient vingt et seize ans, et elles ne s’entendaient pas très bien. Il ne savait pas pourquoi, mais il y avait comme une certaine rivalité entre elles qu’il ne comprenait pas.

—Je sais mon chéri. C’est pourquoi dorénavant, chacune reste dans sa chambre ; comme cela, plus de cris ni de bagarre.

—C’est une bonne idée. Et toi comment tu vas ? Ça se passe bien à l’hôpital ?

—Oui, ça peut aller. J’ai beaucoup plus de réunions que d’interventions. Mais je garde un bon rythme.

—D’accord, si ça ne te stresse pas trop ça va. Mais tu devrais mettre un temps à part par semaine pour consulter ou aller au bloc. C’est ce que tu aimes faire, exercer. Tu ne dois pas perdre la main, même si maintenant tu es la directrice de l’hôpital.

—Oui, tu as sûrement raison. Ça me fera du bien. Au fait Junior, ton père a discuté avec un de ses vieux amis, le Professeur Ferre. C’est bien lui ton encadreur cette année n’est-ce pas ?

—Oui, je ne savais pas que papa et lui se connaissaient…

—Ce sont de vieux camarades de classe. Ils se connaissent depuis Marseille.

Oscar et Abigaël Képhalé avaient décidé de s'installer en Espagne il y avait plus de vingt ans. Sa famille et lui allaient de temps en temps pour visiter ses grands-parents du côté de Marseille, mais il se sentait beaucoup plus Espagnol que Français, en vérité. C'est pour cela qu'au lieu d'aller faire son cycle d'ingénieur en France, il avait préféré venir à Barcelone ; ici il ne se sentait pas complètement dépaysé et il avait toujours sa famille très proche de lui.

—Ah d’accord. Et qu’est-ce que papa lui a dit ? Tu le sais ?

Son père n'était pas du genre à le surveiller, mais il pouvait avoir passé un mot à son ami pour lui donner un coup de main ; et Paul Oscar lui en était reconnaissant. Ceci voulait dire que cette année allait être bien mieux que ce qu’il avait envisagé.

—Je ne sais pas trop, mais ton père est plutôt heureux que ce soit son ami qui supervise tes travaux ; et tu n’as pas à t’inquiéter mon chéri. Travaille dur et tout se passera bien.

— D’accord maman.

Exactement ce qu’il espérait sauf pour le fait de travailler dur.

—Tu es déjà à la maison ?

Il ne pouvait pas lui dire qu’il avait passé les trois derniers jours à faire la fête avec ses amis. Elle n'avait pas non plus besoin de savoir qu’il avait prévu de déserter les cours demain pour essayer de récupérer.

—J’ai passé toute la journée à la maison à étudier. Je m’apprête même à aller au lit.

—Tu as mangé quelque chose ?

—Oui maman. Tu sais, je ne suis plus un bébé !

Sa mère s'inquiétait toujours pour rien, Il ne restait plus qu'elle vienne jusqu'ici pour vérifier que son lit était fait.

—Peut-être, mais tu restes toujours mon bébé à moi, Paul.

—Maman… bon il faut que je te laisse. Bonne nuit !

—D’accord, mange quelque chose d’abord, et bonne nuit, mon chéri.

Il fallait toujours qu’elle soit sur son dos. Au moins, elle n’avait pas remarqué son état d’ébriété actuel. Même si sa mère était un médecin chevronné, exerçant depuis maintenant plus de trente ans Paul Oscar savait très bien comment la duper.

Il vivait à Barcelone depuis maintenant cinq ans. Après son Bac, il avait décidé de poursuivre des études de génie civil. Bien qu’au départ sa mère n’était pas d’accord avec le fait qu’il aille en Catalogne, son père l’avait convaincue d’accepter. Celui-ci voulait le meilleur pour son fils unique. Alors, tout s’était finalement arrangé.

Paul Oscar avait toujours voulu vivre à Barcelone ; c’était son rêve depuis le lycée. Et pas du tout pour l'université, mais pour la liberté. Il n’avait plus sa mère sur le dos et il était totalement indépendant. Il avait la liberté de prendre ses petits comprimés quand c'était nécessaire. En cinquième année, il avait opté pour le même cursus que son père car il espérait diriger l’entreprise familiale de construction plus tard. Il fallait juste qu’il décroche son diplôme.

✽ ✽ ✽

Six semaines plus tard…

Un matin en salle de classe, Paul Oscar et ses amis discutaient de l’incident survenu avec cette serveuse quelques semaines plus tôt :

—…Je t’assure, c’est ce qu’il a dit ce jour-là. Et Oscar a perturbé la serveuse, elle est restée bouche bée.

Perturber n'était peut-être pas le mot approprié pour décrire comment il l'avait traitée.

—Elle n’avait pas à me répondre ! Moi je suis le client et elle ose hausser le ton avec moi. Heureusement pour elle, j’étais de bonne humeur ce jour-là… disait Paul Oscar en pianotant sur son téléphone.