Le cœur des recherches - Grégory Gerard - E-Book

Le cœur des recherches E-Book

Grégory Gerard

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Beschreibung

Le cœur des recherches regroupe trois histoires se déroulant sur trois décennies et reliées entre elles par un fil conducteur.
Tout commence dans les années 80, lorsque soixante-treize signaux, provenant de notre galaxie, sont captés par le radiotélescope d’Arecibo. Très vite, un lien est établi entre ces derniers et des anonymes du monde entier ayant récemment exploré la mort avant d’être miraculeusement réanimés.
Puis, vers la fin des années 90, deux jeunes journalistes Portugaises, enquêtant sur les E.M.I, découvrent ce que les autorités ont tenté de cacher dix ans plus tôt.
Et enfin, au courant des années 2010, un prix Nobel de physique, qui vit de conférence en conférence, se retrouve malgré lui au centre de l’affaire signant ainsi l’épilogue de ce mystère.


Plongez dans ce récit bouleversant au cœur de nombreuses recherches et effectuez-y les vôtres.


À PROPOS DE L'AUTEUR


Passionné par l’univers et ses mystères, Grégory Gerard s’intéresse également aux nombreux témoignages d’expérience de mort imminente relatés tout autour du monde. Faisant intervenir la physique quantique dans ses écrits, il cherche à faire un possible lien entre la vie ailleurs et la vie après dans Le cœur des recherches.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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Grégory Gerard

Le cœur des recherches

Roman

© Lys Bleu Éditions – Grégory Gerard

ISBN : 979-10-377-6360-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Au professeur Luc Montagnier,

Prix Nobel de médecine en 2008,

Ainsi qu’à toutes les victimes du terrorisme,

qu’il soit religieux, idéologique ou d’état.

Le jour viendra où vous penserez que tout est fini. Ce sera le commencement.

Louis L’amour

Banlieued’Adelaïde,Australie,29juin1986

Épuisé, il s’endort sur son volant. La semi-remorque de trente tonnes fait aussitôt une violente embardée sur la droite et traverse le terre-plein de la voie à double sens, ne laissantaucunechanceàlapetiteForddeJudithetSamuelquis’encastredanssonessieu arrière à grande vitesse. Les premiers témoins sortent de leurs véhicules, obligés de s’approcher auplusprèsdudramepour apercevoirlacitadinequin’estplusqu’unbloc de tôle compressé sous la remorque du camion, comme soudée à elle. À l’intérieur, Samuelestprisonnierdutoit.Untoitpliécommelerabatd’uneenveloppefroissée.Son sang coule goutte à goutte sur les jambes de sa femme, allongée sur le plancher, elle-même incarcérée entre la banquette arrière et le tableau de bord, ces deux éléments désormais séparés de seulement quelquescentimètresaprèsla violenceinouïe duchoc. ÀpeineJuditha-t-elleletempsderéaliserquesonmarin’estplus,sesyeuxseferment dans un dernier râle.

Depuis plus de 5 minutes déjà, Matthew masse le cœur de Judith en rythme quand Stephany y intercale des insufflations au ballon à oxygène. L’équipe de secours est arrivée rapidement sur les lieux, mais dans leur esprit, l’acharnement médical dont ils font preuve maintenant ne sert finalement qu’à justifier la grande difficulté qu’ils ont éprouvée à désincarcérer ce corps meurtri.

— Putain,t’asvuquic’est?s’exclameMatthewtoutenmassant.
— Non?Pourquoi…tulaconnais?
— Bah,c’estlaprésentatricedetélé,non?JudithHopper?
— Ohmerdet’asraison…ondiraitbienoui…

LemédecinarriveenfinsurleslieuxetregardelesconstantesdeJudith.

— Çafaitcombiendetemps?
— Presque10minutes,répondStéphany.

Ilinspireprofondémentsousleregarddel’équiped’urgencequicomprend immédiatement.

— Bon,lesenfants,jecroisqu’onpeutarrêter.Vousavezfaitdubontravail.

Heuredudécès?

— 8 h 36àmamontre,répondMatthewenreprenantsonsouffle.

Ilselanceàdébrancherl’appareillagemédicaldeladépouillequandStéphanyl’en empêche soudainement en projetant son bras en barrage.

— Attends,jecroisqu’il yaquelquechose…Onaunpouls…

Le médecin s’agenouille à ses côtés et constate l’incroyable.

— OhouinomdeDieu… Elleestrevenue…Allez,onl’intube.Bravolesenfants.

Chapitre 1

Les signaux

L’hommeestunaccidentdeparcoursdansuncosmosvideetfroid. Ilestunenfantduhasard.

HubertReeves

Alban fait mine de ne pas y penser, mais tout lui rappelle la fin des vacances. Le petit déjeuner de ce matin, où les nouveaux arrivants commencent déjà à sesentirchezeuxaprèsseulementdeuxjours,leramènetroissemainesauparavant.Pour le retour, le décalage horaire sera difficile à digérer, et c’est au boulot qu’il devra réadapterson horloge interne. Iltenteencore une foisde chasser cette idée de sa tête et dépliemaintenantsaserviettesurlesablefin.Ilsortsonradiocassettepuissecoucheen se servant de son sac comme oreiller. La plage est quasi déserte à cette heure matinale, alors il appuie sur lebouton «lecture ».

«J’aidusuccèsdansmesaffaires, j’ai du succès dans mes amours, je change souvent de secrétaire.

J’aimonbureauenhautd’unetour, d’où je vois la ville à l’envers, d’où je contrôle mon univers… »

La bouche ouverte, il somnole dès les premières paroles de sa chanson préférée. D’autres riches vacanciers commencent à arriver sur la plage privée de l’hôtel Saint-Régis de Bora Bora, puis passent leur chemin en regardant Alban. Ils posent leurs affaires plus loin, cherchant eux aussi leur tranquillité mais ne voulant surtout pas déranger la sienne. Alban ouvre un œil. Sa femme sort de l’eau et s’approche de lui. Il se redresse.

— Alorselleestbonne?
— Ohqueoui…Maintenantunboncocktail.
— Iln’estque9heuresdumatinmachérie,onvaattendreunpeupeut-être?
— Letempsderentreretdeprendreunedouche,ilserabien l’heure.

Célia a pris l’habitude de boire un cocktail sur la terrasse de leur luxueux appartement privédel’hôtel,toujoursenmilieudematinée,etcedepuislepremierjourdesvacances. Toujoursle même, un «Colonel»biendoséenvodka.Elle ytient.Ellequid’ordinaire ne boit que très peu, savoure désormais ce breuvage lui faisant tourner la tête dès la premièregorgée.C’estladémarchelentequ’ilsreprennentlecheminlesmenantjusqu’à l’hôtel, et à cet instant, il est très facile de deviner ce qu’ils ont en tête : «Les petits matins au paradis, c’est terminé ». Ils passent le hall d’accueil où un jeune couple fraîchementarrivéfeuillettelesbrochuresd’activitésdel’hôtel.Dujetskiàl’hélicoptère en passantpar la sortie aux dauphins,Alban et Célia les ont toutes faites, plusieurs fois mêmepourcertaines.Elleouvrelaportedeleurappartement,puisprendimmédiatement la direction du téléphone. C’est en la refermant et en posant ses affaires de plage dans l’entrée qu’Alban la voit déjà composer le numéro de la réception. Il s’assoit sur le canapé puis l’observe. Elle semble attendre qu’un interlocuteur daigne lui répondre, et il aperçoit une forme d’agacement sedessiner surle visagede safemme. Merde,se dit-il. Il lui faut sa dose quotidienne et à heure fixe désormais. Elle raccroche maintenant le téléphone dans un soulagement perceptible puis vient s’avachir sur le canapé en déposant sa tête sur les cuisses d’Alban.

— J’aipasenviederentrer…
— Moinonplus.Maisc’estcommeça.Toiaumoins,tubossespas.
— Ho… Tuteplains maisjesuissûrequet’escontentdeleretrouvertonboulot.

Alban sourit.

— Unpeu,c’estvrai,maisunesemainedeplus…
— Etalorscommeçajebossepas?T’esgonfléquandmême!
— Oui,oui,maistoitutravaillesdelamaison.J’aimeraisbienmoi.

Célia regarde son mari avec un petit sourire.

— On serait deux alors? On ne se supporterait pas. Mais de toute façon, tu te fous de ma gueule, je le sais. T’es content de reprendre le boulot et d’y retourner dans ton centre. Ça t’a manqué, pendant 3 semaines.

Albanluirendsonsourire.Oui,iladoresonmétier.Aprèssesétudesd’ingénieuretson doctorat en poche, il avait aussitôt choisi de consacrersa vie à l’astrophysique. Les débouchés étaient pourtant très minces, et le seul recruteur potentiel au Canada n’était déjà à l’époque que le centre spatial de Saint Hubert, dont il passa immédiatement le concoursd’entrée.Uneréussite.Hautlamainmême,cequiluiavaitvalulerespectdes doyensdel’institutionquivoyaientenluiunélémentclédanslapoursuitedeleurtravail. Ilysacrifiaenrevanchesavieprivée,etc’estdanscecontextequ’ilrencontraCélialors d’undéplacementprofessionnelauPortugal,il ya 4ans. Uneconférenceàlaquelleelle assistaitparcuriositél’afaittomberamoureusedecepetitgringaletaulookdepremier de la classe. Il avait parlé avec tant de passion de l’univers et de sa création qu’elle en avait rêvé la nuit suivante. De lui et de l’univers. Elle était revenue le lendemain, vêtue de sa robe rouge, tranchant avec le sombre des costumes cravates du reste de la salle pleine à craquer. S’il avait été marié, il aurait divorcé, se disait-elle. Il était célibataire, et repartit en couple, mais en retard d’une semainepar rapport à la date prévue.

Célia estartiste-peintreetacommencéàvendresespremièrestoileslorsqu’elleestarrivéeau Québec.Elle s’est depuis diversifiée et se distingue dans l’illustration graphique. Beaucoup d’images de manuels scolaires d’histoire-géographie portent sa griffe, pour l’enseignement secondaire essentiellement. De l’argent, ils en ont, mais pour ce qui est dutempslibrepourenprofiter,c’estuneautrehistoire.LeurstroissemainesàBoraBora furent leurs premières vacances depuis leur rencontre.

Quand Célia peut elle-même organiser son emploi du temps, Alban, lui, ne choisit pas ses jours de congés. Là ou n’importe quel employé ferait appel au syndicat pour protester quant à son rythme de travail, Alban se rend au centre spatial non seulement chaque jour de la semaine avec des horaires lui faisant souvent voir le soleil se lever et se coucher de son bureau, mais aussiquelquesfoislesweek-endsetjoursfériés.Unrythmeeffrénéquisemblepourtant le satisfaire. Jamais il n’a pesté, ni même rechigné à se rendre au centre sur un simple coupdetéléphone.Céliaquantàelleneditrien.Ill’avaitprévenuedèsledébutdeleur relation. «Je t’aime, mais j’aime mon métier », et il ne manquait d’ailleurs pas de lui rappelerlecontextedeleurrencontre.«SijesuisvenuauPortugal,c’estgrâceaucentre, etsitum’asaimé,c’estaussigrâceàcequej’yfais».Célialuirépondtoujoursavecun sourire, en l’accompagnant quelques fois d’un simple petit « oui » tout en douceur.

La sonnette de leur luxueux appartement retentit, et Célia se lève d’un bond en s’appuyant sur les cuisses de son mari. Elle ouvre la porte et accueillepoliment le Polynésien qui se trouve derrière avec un petit chariot sur lequel estposéunplateau.Elleleprend enremerciantl’employéd’uneminauderiesouriante, puis se rend lentement vers le canapé et s’empresse de prendre son verre pour finalement en aspirer une gorgée de la paille.

Albanattrapesa«Hinano»,unebièretahitienne,puisl’apportedirectementàseslèvres sans en vider son contenu dans le verre prévu à cet effet.

DuseldemerséchébrillesurlajouedeCélia.

— Tudevaispasprendreunedoucheavantdetesaouler ?

Célia finit d’avaler sa deuxième gorgée.

— Ho… C’est toi qui me saoules. C’est encore les vacances non? Si je veux puer, je peux.
— OK,maissituprendspasdedoucheavantce soir,tudorssur lecanapé,enfinoùtu veuxmaispasdanslelitavecmoi!
— Pasdeproblème.J’vaispuerpendantunmoisetonenreparle…répondCélia en riant.

Alban éclate de rire. Il se lève puis se dirige vers la baie vitrée sa bière à la main. Il contemplel’océanPacifique,àdéfautdulagonbienplusnetetbienplusbleu,maissitué del’autrecôtédeleurappartement.Mêmeenpleinjour,laluneestbienvisible,etc’est désormais sur elle que son regard se porte.

Unastre,savie.Albanpréfèrelanuit,etsurtoutici.Lafaiblepollutionlumineusepermet d’admirer les étoiles par millier. Il yreste toujours aussi longtemps qu’il le peut, avant que Célia ne le tire finalement de ses songes, le laissant quand même et à chaque fois profiter quelques minutes de son ciel chéri.

— Y’a pas d’étoiles à c’t’heure-ci vient lui susurrer Célia dans l’oreille et l’enlaçant tendrement par derrière.

Albanluimontrelaluned’unindextendu,sansunmot,puisseretourneetlaserredans ses bras pour l’embrasser.

— Y’atoujoursdesétoiles.Onnelesvoitpas,c’esttout.

Il l’embrasse encore puis continue sa phrase.

— Elles,ellesnousvoient…
— Haha…çat’excited’êtreespionné…

Albanportemaintenantsafemmedansleurchambre.Ilest11 h 12,etleuraviondécolle deBoraBorademainmatinà6 hpourunchangementàPapeeteà9 h 35,etunretour à Montréal via Los Angeles. Les belles vacances sont finies. Les plus belles de leur histoire, se disent-ils, couchés sur le lit à eau de leur suite à 1400 dollars la nuit.

En ce matin du 13 septembre 1986, le soleil est de la partie, comme pour les narguer. C’estavecleursbagagessurlechariotqu’ilsattendentleurcorrespondanceàl’aéroport deTahiti.Céliaestassisesurlagrossevalise,Albandeboutàsescôtés,s’intéressantau panneau des vols aux départs.

— Disaurevoirauxpalmiers,onembarqueporte1.

Ils se dirigent vers les embarquements où la guérite des douanes devient synonyme de non-retour. Célia tend son passeport ainsi que celui de son mari, puis elle se retourne. Iris,lapiloted’hélicoquilesavaitemmenésenbaladeau-dessusdesépoustouflants paysages, les interpelle de loin d’une main levée avec un franc sourire.

Elleestenchemisetteblanchegalonnée,etattendvisiblementsespassagersdujourdans lehalldel’aéroport.AlbanetCélialuirépondentd’unsignede mainenthousiaste,puis disparaissent dans la zone de duty-free.

Undébutdevolplaisant.Toutcommenceaveclesurclassementdontbénéficielejeune couple dès leur montée dans l’avion, pour la branche Papeete – Los Angeles. Ces choses-là sont rares se ditAlban, quand Célia ne se pose pas de questions et commence déjà à apprécierl’espace disponibledontelle bénéficieralorsqu’elle arrive àhauteur deleurs sièges de première classe. Quelle chance ! se dit finalement Alban en s’assoyant confortablement. De son hublot et alors que les moteurs du Boeing 747 d’AirFrancenesontpasencorelancés,ilpeutapercevoirIrisprendreplacedansson hélicoptère sur le tarmac, avec ses passagers déjà attachés à l’intérieur.

Quatreanssansvacances,quandmême,maispourunepremière,toutétaitparfaitsedit-il.LeJumbojetestalorsrepoussésurleparkingduterminal,etc’estdansunbruitsourd queles4réacteursdémarrent.Legrosporteur effectuesondernierviragesurleseuilet s’aligne sur la piste, pour finalement libérer la poussée de ses puissants moteurs. Rotation, puis les 300 tonnes de métal s’arrachent de la planète.Alban a le frontposé sur le hublot. « Bye bye Polynésie ».

L’atterrissage à Los Angeles réveille brutalement le jeune couple, et l’inversion de poussée des réacteurs vient faire vibrer la structure tout entière. Le Boeing roulant maintenant au pas, Alban détache déjà sa ceinture et regarde Célia bâiller en s’étirant.

— Tuasbiendormimoncœur?

Célialuiréponddansunnouveau bâillement.

— Oui…Onessayedequitterl’aéroportpourmangerenville?
— J’saispassionaletempsavantlechangement,maisonvaessayer.

Arrivésdanslehalldel’aéroport,Albanregardelespanneauxd’affichagepuissemble calculer le temps qu’ils ont devant eux avant leur embarquement pour Montréal. Une escapade amoureuse dans LosAngeles le temps d’un repas serait une bonne transition, se disent-ils.

— On a trois heures devant nous avant l’embarquement. Et encore une heure avant le décollage… on tente le coup ?
— Ohqueoui…

Ilsmarchentmunisdeleurssimplesbagagesàmainverslasortieoùsontcensésattendre les moyens de transport, quand un appel aux usagers vient résonner dans les haut-parleurs de l’aéroport.

«LespassagersTremblayCéliaetTremblayAlbansontattendusaupointinformationà l’entrée principale des arrivées ».

Il faudra que cette annonce soit aussitôt répétée pour qu’ils se regardent, les yeux écarquillés.

— Qu’est-cequec’estquecettehistoire?lanceAlban.
— Jesaispas…Lesbagagespeut-être?
— Bah… cenepeutêtreque ça.

Alban marche inquiet vers le point information quand sa femme l’est tout autant, mais pour d’autres raisons « Fais chier… On ne va pas pouvoir sortir. »

Arrivés à quelques pas du kiosque, une hôtesse d’accueil les regardes’approcher, puis Albanse présenteà elle :

— Bonjour,jesuis…
— VousêtesM.Tremblayc’estbiença?
— Toutàfait.
— JepréviensM.Winklerpourvous.

C’est sur ces mots qu’elle échange un sourire avec Célia en guise de bonjour, puis décrochesontéléphonepourappelercemystérieuxM.Winkler.Céliaregardesonmari avec un «tu le connais ?». Alban prend le temps réfléchir, puis lui répond d’un petit signe de tête négatif, les lèvres pincées.

— M.Winklerseralàd’iciuneminute.
— Mais…quiestM.Winkler?Ilyaunproblèmeavecnosbagages?
— Non non, ne vous inquiétez pas pour vos bagages, et M.Winkler est le directeur de l’aéroport.

L’hôtesseportesonattentionsurl’écrand’ordinateurlaissantlejeunecoupledans l’incertitude,puisrelèvelatêteauboutdequelquessecondes.

— Levoilà.

Alban se retourne et aperçoit un homme imposant en costume sombre marchant dans leurdirection.Celui-ciluioffredéjàsamainalorsqu’iln’estencore qu’àquelquesmètres. Il marche la main levée, et finit par trouver celle d’Alban qu’il empoigne vigoureusement.

— BonjourM.Tremblay,jesuisGrégoryWinkler,directeurdel’aéroportLAX.Jesuis mandaté par votre supérieur du centre spatial canadien. Pouvons-nousaller dans mon bureau ? Oh, votre épouse également bien sûr !

Alban,perplexelesuitmaintenantencompagniedesafemme. « Qu’est-cequec’estque cettehistoire? » serépète-t-ilenboucle. « Pourquoilecentrenepeut-ilpasattendrequeje sois à Montréal? Qu’y va-t-il de si important que ça, au point de mettre les autorités américaines dans la partie ? »

Arrivés dans le couloir réservé au personnel, M. Winkler prend la parole sans se retourner :

— Je suis désolé de ne pas vous avoir récupéré directement à votre sortie d’avion, mais il y a eu un quiproquo avec votre numéro de vol. Nous vous attendions sur le vol d’Hawaiien Airlines dans une heure.

Unefoisdevantlaportedesonbureau,ilseretourneets’adresseàAlban,embarrassé.

— Ilseraitpeut-êtrepréférablequemadameattentedansnotresalonprivé.

AlbanregardeCéliaquiacquiesceimmédiatement.Ellesedirigealorsversuneporteà quelques pas de là, invitée par un assistant qui ressemble plus à un majordome qu’à un professionnel de l’aéronautique. À l’intérieur, un bar et des canapés luxueux lui rappellentlestandingdeleurhôtel,puiselleydisparaîtaprèsavoiréchangéundernier regard avec son mari. Une fois dans les appartements de M. Winkler, celui-ci invite Alban à s’asseoir puis fait de même derrière son bureau. Il décroche le téléphone et appuie sur une touche.

— Jedoisvousmettreencontactavecvotredirecteur,M.Joss.

Après quelques secondes à attendre la tonalité de mise en ligne, M. Winkler répond à son interlocuteur :

— M.Joss?GrégoryWinkler,LAX,jevouspasseM.Tremblay.

Alban prend le combiné.

— AlloBertrand?
— BonjourAlban… Vous devez vous demander ce qu’il se passe, et bien que du bon, quedubon…Jesuisdésolédenevousavoir pasinformédèsvotrearrivéeàl’aéroport de Tahiti, mais la nouvelle venait seulement de tomber. J’ai à peine eu le temps de vous surclasser, et… voilà, vous partez pourArecibo, directement de LosAngeles.
— Leradiotélescope?
— Absolument.Ilyadessignauxtrèsprometteurs.Soixante-douzeexactement,ettous différents.

Albanestpétrifiésurplace.

— Soixante-douze?
— Absolument.
— Quelleprovenance?
— C’estlàoùçadevientvraimentintéressant…Soixante-douzeprovenances différentes. Ils viennent tous des quatre coins de notre galaxie, comme coordonnés entre eux. Le dernier signal reçu il y a une heure provient d’une étoile de la région d’Antares, envoyé en direction de notre planète il y a… plusieurs centaines d’années, enfin, vu sa localisation dans la galaxie, faites vous-même le calcul… Les autres signaux proviennent également de positions tout aussi éloignées.

Enfant,Albanétaitbègue.Ilavaitvaincuceproblèmed’élocutionàforcedetravailavec unorthophoniste,maisavaitaussieudesrechutes.Toutessousl’effetd’unstressintense, comme lors de son mariage avec Célia. Ce stress qu’il sent monter en lui l’inquiète à reprendre la parole. Par prudence, il limite ses réponses par de simples mots.

— D’accord. Compris.
— VousdécollezpourPortoRico.M.Winklera toutprévu,quantàvotreépouseCélia, elle pourra reprendre sa correspondance comme prévu pour Montréal.
— Bien.
— Ahoui,vousserezaccompagnéd’unhomologueaméricaindétachédelaNASA,le professeur FreddyBoda.
— Bien.
— Je vous recontacte une fois que vous serez sur place… et sinon, avez-vous bien profité de ces vacances au paradis ?
— Ouioui,bien…
— Bon…Allez,faitesbonvoyageAlban.

LeprofesseurFreddyBoda…rienqueça,seditAlban.Ilavaitlusesouvragesetassisté à quelques-unes de ses conférences lorsqu’il préparait sa thèse. « Le pape » de l’astrophysique mondiale allait faire le voyage avec lui. Mieux, travailler et collaborer avec lui. Cela n’est pas pour diminuer son stress. L’idée d’échanger en personne avec cet homme, unanimement reconnu dans la profession comme étant le plus grand spécialiste de la question, provoque en lui de vraies décharges d’adrénaline. Il suit M. Winklerjusquedansle salonprivatif,etlebesoinluivienttrèsvitedeprendreunverre d’alcool. Il rejoint Célia accoudée au bar, qui sirote son cocktail favori.

— Ehbien,lesvacancesnesontpasterminéesàcequejevois !

Elle lui rend son sourire d’un air soulagé.

— Alors?T’essiimportantqueça?Qu’est-ce quisepasse?
— JeparspourPortoRico,leradiotélescope…
— Quoi?

M.Winklerpassederrièrelebarenécoutantlejeunecouple,ets’adressantàAlban.

— Vousprendrezbienunverre?
— Ehbien…Lamêmechose.Un«Colonel».
— Moiaussi,pourquoipas.Marvinvousnousservez ?Décapsulerlesbièresc’estbon pour moi, mais s’agissant de cocktail je laisse faire le professionnel.

Sonassistantleremplaceetcommenceàsortirlesingrédientsnécessairesàlaréalisation des boissons. M. Winkler vients’asseoirà côté du jeune couple,regardeAlban en se grattant le crâneet se lance :

— Alorsvous,vousêtesastrophysicien?
— Oui,enfinj’essaye.
— Vous êtes d’une modestie déconcertante. C’est une fonction, enfin un statut, qui demandetantd’annéesd’études,desacrificesansdoute…Jepensebienquecen’est pas une profession qui court les rues… Mais de tous les astrophysiciens, vous êtes employépouruncentrespatial,alorsjusque-là,riend’anormalc’estvrai,mais… Vousdevez quand même occuper uneplace conséquente,non? Suffisamment pour quevotrehiérarchiefasseappelàvousalorsquevousêtesenescaledansle2eplus gros aéroport des États-Unis, et ce avec l’appui de nos gouvernements respectifs… Le directeur de la NASAen personne a affrété un jet privé pour le professeur Boda etvous-même.C’estbiensimple,uneheureavantvotrearrivée,montéléphoneadû sonner une dizaine de fois. J’ai même eu le secrétaire d’État au bout du fil. J’étais avecluilorsqueMarvinm’annonçaitquevousn’étiezpassurlebonvol.Vousvous en rendez compte ? Le secrétaire d’État des États-Unis. Rien que ça !

Albanréfléchitenexpirantlourdement,puisrépond.

— Je vais être tout à fait honnête avec vous : je n’ai pas tous les tenants de ce qui se passe, maisjedispose desuffisammentd’informations, après madiscussionavecle professeur Joss, et ce que j’ai entendu me bouleverse bien plus que cette logistique quis’est mise en place autourde cetteaffaire.Vousvoulezsavoirsi cequeje viens d’apprendre mérite que le secrétaire d’État des États-Unis s’y intéresse? C’est ça? La réponse est oui. Sans aucun doute. Votre président en personne viendrait lui-mêmemeservirmoncocktailquecelam’impressionneraitmoinsquecequejeviens d’entendre de la bouche de Bertrand Joss tout à l’heure. Voilà.

M. Winkler tourne la tête vers Marvin. Celui-ci approche maintenant les cocktails devantlesdeuxhommessousleregardégarédeCélia.M.Winklerprendlesien,aussitôt suivi parAlban. Il le regarde droit dans les yeux :

— C’estsigravequeça?
— Non, mais c’est une information qui si elle était confirmée, serait mille fois plus importante que la découverte de notre continent par Christophe Colomb.
— Qu’avons-nousdécouvert ?
— Ehbien…J’imaginequejesuistenuausecretdésormais.Parlesecretdéfensemême. Ne venez-vous pas de me dire que le secrétaire d’État des États-Unis était dans la partie? Nul doute que votre président lui-même, ainsi que le mien, et… probablement que la majorité des chefs d’État du monde entier le sont aussi. Je suis tenu au secret.

Ilseretourneverssafemme:

— C’estvalablepourtoiaussi.

La tension est palpable dans le petit salon. Sa femme n’en revient pas. Elle ne le reconnaît pas, comme si une distance inexpliquée venait de s’installer.

M. Winkler, lui-même, n’est plus le directeur d’un grand aéroportaméricain, mais un simple citoyen curieux et inquiet. Son costume sur mesure semble bien grand devant Alban, pourtant vêtu de façon décontractée, en mode «retour de vacances ». Petit gringalet au visage bronzé comme n’importe quel vacancier qui ne se soucierait pas de son apparence physique. Rien à voir pourtant avec l’homme public qu’est M.Winkler.

— Jesuistenuausecretmaisjepeuxvousmettresurlavoie.Jenepeuxpasgarderça pour moi. C’est tellement…

Céliaexpirelentement,laboucheronde.M.Winklerretientsarespiration.

— Après vous avoir dit que cette information était mille fois plus importante que la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb, votre question était : qu’avons-nous découvert ? C’est bien ça ?

M.Winklerselance:

— Oui?
— Ehbiennousn’avonsriendécouvertdutout. Alban inspire profondément :
— Il semblerait en revanche que la Terre vienne d’être découverte par un Christophe Colomb galactique…

C’estensortantdusalonqueCéliasemetàpleurer.Sonémotionnepassepasinaperçue dans le couloir les ramenant jusqu’au terminal, et elle le traverse maintenant sous le regard des autres passagers. Alban lui tient la main et la serre contre elle de temps en temps, puis arrivés dans l’espace d’attente de la porte d’embarquement 001, il la prend dans ses bras. L’espace 001 est celui dédié aux vols privés, la plupart en petits jets. M. Winkler les rejoint maintenant, puis s’adressant àAlban :

— LeprofesseurBodavientd’atterrir,ilseralàd’uneminuteàl’autre.

Aprèscetteannonce,Albansembleréfléchir.Ilsedirigeverslagrandebaievitréeavec sa femme, puis se retourne vers M. Winkler :

— Etd’oùarrive-t-il?
— DeHouston.
— Alorsilfaitundétourpourvenirici?
— Ehbien…oui,probablement.
— Ilnevientquepourmerejoindre?
— Ça,jen’aipasl’information.Vousleluidemanderez.Maintenant,jepensequeoui. C’esteffectivementprobablequ’ilaitfaitledétourpourvous.Quandjevousdisque vous êtes d’une modestie déconcertante… Vous ne vous rendez sans doute pas comptede votrevraie valeur.Puis-je me permettreenattendant qu’ilarrivede vous raconter une petite histoire ?

AlbanregardesafemmepuisseretourneversM.Winkler.

— Volontiers…
— Àmoinsquevousnepréfériezpassercesinstantsd’attenteavecvotrefemme…
— Nevousinquiétezpas,allez-y.
— Celapeutl’intéresser,elleaussi.

CéliaserapprochedesdeuxhommestandisqueM.Winklerlesinviteàs’asseoirsurla banquette. Il reste debout, attendant qu’un avion qui vient de mettre la poussée de ses réacteurs décolle. Une ambiance sonore acceptable revenue, du moins pour un aéroport, il regardeAlban puis Célia sur laquelle son regard s’attarde.

— Vousêtesinquiètemapauvrepetite?Jepensequevousnedevriezpas.

Ils’assoitàsontoursurunebanquette,leurfaisantface,puisprendlaparoleenjoignant les mains :

— J’aicinquante-neuf ans.J’aieu mapremièrelicencedepilote àdix-neuf ans,c’était en1946.Justeaprèslaguerre.J’aifinimacarrièrecommepilotedelignesurBoeing 757.Maisauparavantj’aiétépilotedechassedansl’USairforcesurunepériodede dix-neufans.En1965,j’étaisaffectésurlabasedeRamsteinenAllemagne,etalors quejevolaisdenuitavecmonF4Phantomau-dessusdelaforêtnoireetàtrèshaute altitude, eh bien…

M.Winklersereprendets’adressedirectementàAlban:

— Nousparlonsbiendevieextra-terrestre… enfin,votreallusiondetoutàl’heure?Du moins la possibilité qu’ils existent ?

Albanacquiesced’unpetithochementdetête.

— Eh bien… J’étais dans mon chasseur bombardier F4, nous étions deux à bord. Mon navigateur se trouvait enplace arrière. Je vous disça avant d’aller plusloin, car il a observé la même chose que moi. Un genre de… cigare, enfin, un ovale aplati que nous avons estimé de la taille d’un terrain de football est apparu sur notre travers droit,àlamêmealtitude.Nousavonsd’abordcruàunaviondeligne,maisàbienle regarder,nousavonséliminécettehypothèseenquelquessecondes.C’estalorsqu’il a accéléré. Une accélération foudroyante, nous laissant sur place. Le phénomène se reproduisit quelques minutes plus tard, mais cette fois-ci dans nos une heure. Une lumièresedégageaitparcequej’appelledeshublots,aunombredecinqetdechaque côté. Une lumière blanche éclatante, comme divine… L’objet s’est alors mis lentement dans nos midis, comme pour bien se montrer à nous, puis s’est élevé petit àpetitpourencoreunefoisaccéléreràunevitessequel’onpeutqualifierde…enfin, inhumaine. Ce que je veux dire, c’est que nous ne possédons pas la technologie nécessaire pour fabriquer un engin comme ça, de plus l’accélération nous tuerait. Nous étions dans un état de stress intense, oui, mais après coup, nous avons réalisé que jamais nous n’avions été en danger. Nous avons pris ça comme une démonstration de force, et pas forcémentcomme une mise en garde. Un genre d’exhibition, de « meeting aérien », rien que pour nous. Je n’ai jamais parlé de ça à personne. Vous êtes les premiers. Ce que je veux vous dire, c’est « n’ayez pas peur ».

Voilàunmomentmaintenantqu’AlbanetCéliasontdevantlabaievitrée,leursregards perdus au loin. Ils se tiennent par la main.

— Tuvasencorevoyagerenpremièreclasse.Jepensemêmequetuvasêtreauxpetits soins, veinarde.

Célia sourit, inutile qu’elle réponde à haute voix. Alban a compris sa pensée «Je préféreraismillefoisêtredanslecentre-villedeLosAngelesavectoi,àmangerunvrai hot-dog, à parler de nos vacances passées et envisager les futures ».

Après un long et tendre sourire complice, ils aperçoivent le professeur Boda marchant vers eux.

— Madame, monsieur Tremblay bonjour, Freddy Boda, enchanté.

Iltendunemainfermequ’Albann’hésitepasàserrerpuisreprend :

— Eh bien,ce trajet jusqu’à Porto Rico nous laissera le temps de faire connaissance. Je vous laisse avec votre épouse. Notre avion est prêt, je vous y attends à l’intérieur. Alban et Célia se regardent. C’est le moment, difficile pour elle. Pour lui aussi, mais il sesentcommesoulagé,carsiprèsdelafinalitédutravailqu’ilafournitoutescesannées.

Ilromptlesilencelepremier:

— JenevaispasvivreàPortoRicohein,j’aimetropleslacsetlesétendues canadiennes… Je reviens vite et en attendant, fais une peinture.
— Surquoi?
— Ce que tu veux. Laisseparler tes émotions, je crois que tu asta dose. On fera tonvernissage tous les deux à la maison, en petit comité.

Ilss’embrassentmaintenantdansuneétreinteinterminable,passionnés.Albans’éloigne d’elle progressivement, puis finit par lâcher ses doigts. Il marche à reculons, puis se retournesurunultimebaiserdelapaumedelamain.Ils’engagesurl’escalatormenant au tarmac et disparaît.

Aprèsdesprésentationsetdescongratulationsmutuelles,c’estavecunLasVegasvisible des hublots de gauche, et comme toujours démesurément illuminé que les confrères entrent dans le vif du sujet, et comme pour donner le ton, le professeur Boda se lance :

— J’ai travaillé sur le signal «wow!»du 15août 1977, et la désinformation de notre gouvernementàson sujetatrèsbienfonctionné.Jesuis sûrque même vousprenez ce signal comme une erreur instrumentale.

Lesignal«Wow!»enprovenanced’unelointaineétoileen1977avaitéténomméainsi à cause de l’annotation au crayon de son découvreur sur la bande papier d’enregistrement.Lescientifiqueavaitétéstupéfiédevoiràquelpointcesignalpouvait correspondre à ceque le projet de recherche de vie extra-terrestre attendait. Le signal «Wow»avaitmislemondescientifiqueenémoi,jusqu’àcequ’uncommuniquéofficiel affirme qu’il s’agissait en fait d’un parasite.

Albanrépondconfus:

— Eh bien oui, c’était une erreur instrumentale… Enfin c’est officiel, j’ai même personnellement vu les données…
— Non,cen’étaitniunparasiteniuneerreurinstrumentale.Lasingularitédecesignal, etlefaitqu’ilreprésenteuneréférencepournous,ehbien…C’estsa fréquence. Dix kilohertz. En effet, comme vous le savez, aucun phénomène naturel n’émet sur un spectre aussi étroit. Ce ne pouvait être qu’intelligent.
— Dixkilohertz?Maiscenesontpasleschiffresannoncés!Vousêtesentraindeme dire que le véritable compte rendu a été tenu secret ?
— Je viens de vous le dire : la désinformation a fonctionné jusque dans notre propre communauté, avec l’aide bien sûr de quelques-uns d’entre nous, dont moi.

Alban pensait être au bout de ses émotions ce soir. Seulement voilà, il est maintenant question de révélation. L’homme de science qu’il est se doit de rester calme, enfin, pragmatique et professionnel,ne s’excitant de rien, de surcroîtdanssondomaine, mais là…LeprofesseurBodavientdeluirévélerunsecretd’État.L’idéeluieffleurel’esprit de lui poser la question pour le crash de Roswell, et cela doit se voir sur son visage car le professeur Boda reprend immédiatement la parole :

— Quantausujetdeshypothétiquescontactsquel’humanitéauraitpuavoird’unefaçon oud’uneautreavecuneentitéextra-terrestre,celademeureunsecret.… commeceux qui auraient eu lieu par exemple à la suite d’un crash. Je veux dire, si un contact de cettenatureabieneulieu,c’estunsecretmêmepourmoi.Toutcequejepeuxvous dire, c’est qu’à ce sujet, il y a bien plus de balivernes qui ont été racontées que de vérités.
— Vous pouvez donc poser une limite entre baliverne et vérité ? Si c’est le cas, c’est que vous en savez bien plus que vous ne le laissez croire.

LeprofesseurBodasourit:

— Celanenousaiderapas.Vousdevezcomprendrequecequisepasseaujourd’huiest bien plus important et en tous points, de ce que nous avons observé, calculé et interprété jusqu’ici. Et cette fois-ci, vous êtes dans le match. Ce qui se passe aujourd’hui me dépasse. Comme vous.
— Quesepasse-t-ilaujourd’hui?
— Quevousa-t-ondit?
— Bertrand Joss m’a parlé de 72 signaux, tous de provenances différentes. Le dernier venait d’une étoile proche d’Antares.
— Alors vous en savez autant que moi. Nous pouvons pour la durée de vol restante essayerd’envisagerleshypothèses.Niplusnimoins.Encequimeconcerne,jen’ai rien d’autre à vous apprendre. Enattendant,trinquonsàcettenouvelle!

Unsignedemain,etl’uniquehôtesses’approchedesdeuxhommesassisfaceàfacesur de grands fauteuils en cuir, et leur propose une collation. Le professeur Boda se lance sur un «Champagne! » alors qu’Alban qui sent encore les effets du «Colonel » s’adresse à lui en souriant :

— Ilsetrouvequej’aidéjàaccusélecoupàl’aéroportavecM.Winkler…Alorscesera un café pour moi.
— Sagedécision!pourmoiceseraChampagnemademoiselle. Le professeur Boda se retourne vers Alban :
— Vousaimezl’avion?
— Oui beaucoup. Je suis pilote en fait. Enfin, je suis pilote amateur. Mon père l’est aussi,c’estluiquim’adonnélegoûtdel’aéronautique.Ilpossèdedesavionsanciens, des biplans pour la plupart, et je volais avec lui avant même de savoir marcher.
— Danscecas,celavousferasûrementplaisirdevisiterlepostedepilotagedecepetit jet ?
— Letrajetseralong,alorspourquoipas?

Lesdeuxhommesselèventpuisrejoignentl’avantdel’appareilledoscourbé.Laporte du poste de pilotage est entrouverte, et le commandant de bord Larry Marechal les accueille en souriant :

— Onvientprofiterdelavue?

Alban aperçoit alors une escorte de deux chasseurs F16 de chaque côté, et en avant du petitLearjetprivé.Décidément,jevaisfinirparcroireM.Winklersurl’importanceque je représente se dit-il. C’est en pensant à ce dernier et en voyant les deux avions de chasse qu’il se remémore son histoirelorsqu’il était en vol au-dessus de la forêt noire. Ne pas en avoir peur, oui. Mais de toute façon, la question ne se pose pas. Il ne s’agit que de signaux.

— Ahvousêtespilote?

Le professeur Boda avait laissé Alban à ses songes et entamé une discussion avec le commandant de bord. Pour un passionné d’aviation commeLarry Marechal, discuter aéronautique avec un autre pilote alors même qu’il est aux commandes ne lui pose pas de problème, bien au contraire.Alban se reprend et répond :

— Oui,enfinprivé,etmalicenceestexpiréedepuisfortlongtemps…
— Asseyez-vousàmadroitealors,çavarevenir.

Albans’assoitenplacecopilote,etleprofesseurBodaprendcongésurcesmots :

— Messieurs,deux pilotes dans cet avion, me voilà pleinement en confiance. Je vais sereinement boire ma coupe de Champagne.

IlsetourneversAlban:

— Nousreprendronsnotrediscussiontoutàl’heure.Jevaisréfléchirdemoncôté. Amusez-vousbien.

Albann’écoutequ’àmoitiélescommentairesdeLarry.L’avionestencroisièredetoute façon. Un palier et une vitesse établie, le travail du pilote ne se résume qu’à surveiller les paramètres et tenir le cap. Harry comprend qu’Alban ne tient pas à échanger plus queça,etillelaisseprofiterdusiègedecapitainesansplusdeparoles.Lejeunehomme fixe maintenant le chasseur à sa gauche. «Ce matin encore, j’étais à Bora Bora. » Les choses se sont enchaînées à une vitesse folle. Incroyable scénario du reste. Toutes ces nouvelles, arrivées les unes après les autres, se mettent en place petit à petit dans son esprit. Depuis le début de cette histoire, c’est la première fois qu’il les met bout à bout pour tenter de les analyser.Quelque chose cloche se dit-il. Il ne saurait dire quoi, mais c’est son ressenti. Le professeur Boda lui avait-il tout dit? Ou devait-il s’attendre à un nouveaurevirement,quelquechosequivienneenflammercettesituationdéjàbrûlante ? Il y a quelque chose qui cloche. Ces signaux s’ils existent ne peuvent être uniquement interprétés comme simple salut amical et fraternel. Ce sont les prémices de quelque chosedeplusgrand,bienqu’amicaloui,çailneveutpasendouter,maissoixante-douze provenances différentes peuvent-elles être le fruit du hasard ? Rien que dans ce bombardement d’ondes radio toutes dirigées vers la terre, il ya sans doute un message clair. « Oui, c’est à vous que nous nous adressons ».

Ilfermesesyeuxlentement,sanspouvoirs’enempêcher.

AlbantournelatêteversLarrydèsquecelui-cidébuteson messageau contrôleur.

«November678bravohôtel,onarriveverticalOrlando,niveau290, 330nœuds ». Larry lui sourit :

— Biendormi?
— Oh,jenedormaispasvraiment.Si?
— Vousétiezailleurspourtant.
— Pasbienloin,rassurez-vous.En revanche,j’étaisàBoraBoracematin! Alban regarde le chasseur sur sa gauche.
— Tiens,desTomcat?C’étaitpasdesF16toutàl’heure?
— Vous voyez que vous avez dormi ! La Navy a pris le relais il ya vingt minutes. On atterrit à San Juan d’ici une petite heure.

Alban se lève en se contorsionnant dans le petit poste de pilotage puis se dirige vers l’arrière de l’appareil.

— Mercipourtout.
— Y’apasdequoi.

Le professeur Boda dort profondément sur son siège. Alban reprend sa place sans un bruit, puis descend le dossier. «Dormir encore, tant que je le peux… Cela étant, je pense que le temps risque de nous manquer ».

***

Houston,USA,centreopérationneldelaNASA,24 heures plus tôt

— Onmeleconfirmeprofesseur,3nouveauxcasquicorroborentnotreaffaire.
— Onenestsûr?
— Ouiprofesseur.

IlaccompagnesadernièreaffirmationentendantuntélexauprofesseurBodaquecelui-ciattrapelamaintremblante.Ils’assoit,enprendconnaissanceattentivement,puislève les yeux au ciel en reposant le document sur la table.

— Pouvez-vousappelerlecentrespatialCanadien?J’aimeraism’entreteniravecle professeur Joss.
— Biensûrmonsieur,jefaisçaimmédiatement.

LeprofesseurBodasortmaintenantdelasalle deconférenceetsedirigedanslehall.Il introduitunepiècedanslamachineàcaféets’appuiesurelled’unbras.«Putain…c’est complètement dingue cette histoire… »

Celafait35ansquecetastrophysicienexerceunmétierquinecomptequ’unepoignée d’homme sur la planète, alors il est normal que l’extrême spécificité de sa fonction lui ait apporté quelques stupéfactions durant toutes ces années, certaines même très bluffantes, mais là, il ne sait que penser. Il est déconcerté par cet enchaînement et se résout finalement à demander de l’aide à ses homologues étrangers malgré la confidentialité particulière de l’affaire.

— Monsieur,jesuisenligneavecleprofesseurJossducentrespatialcanadien.

LeprofesseurBodaboitsoncaféd’unetraiteetlèvesonbraslibreen guisederéponse, puis jette le gobelet dans la poubelle et accoure dans le bureau. Il attrape le combiné.

— AlloBertrand?
— Oui,BertrandJossàl’appareil,bonjourFreddy… Vousavezlesmêmesnouvelles que moi je suppose ?
— Oui, 3 nouveaux cas… 1 homme au Chili miraculeusement réanimé après une méningite,1autreenJordaniesuiteunefusilladeetunefemmeenAustraliedans un accident de voiture, et apparemment elle est connue, enfin, célèbre, je crois que c’est une présentatrice vedette dans son pays.
— Exactement, et ça s’est passé il y a quelques semaines aussi. Comme les autres, ce qui porte leur nombre à 68 désormais, comme les signaux.
— Nous sommes donc sûrs de ça ? Je veux dire, les signaux reçus par les radiotélescopes ont réellement un lien direct avec tous ces anonymes qui sont revenus de la mort ?
— Oui, je dirais même que c’est un grand et définitif oui. Par exemple, le vingt et unième cas, vous vous souvenez de cet homme électrocuté enAllemagne et qui est revenu à la vie après un acharnement de réanimation ? Eh bien ce cas est étroitementliéauvingtetunièmesignal,celuienprovenancedel’étoileEpsilon et envoyé en direction de notre planète il ya plusieurs siècles. C’est maintenant unecertitude.Il ya aussides dizaines d’autres cassur les soixante-huitqui ne laissent plus aucun doute sur leurs liens propres avec les autres signaux, alors voilà,c’estincroyablemaisc’estainsi.Chaquesignalavecsapropreprovenance dansnotregalaxiesembleêtreliéàunmiraculé,enfinappelez-lescommevous voulez… Comme si quelque chose dans l’univers avait un lien direct avec ces personnes ayant exploré la mort, avant d’en revenir comme par miracle.
— Bon… Je vais personnellement me rendre à Porto Rico pour superviser les opérationssurplace, car… d’autres signaux continuent d’arriver apparemment, et…j’avaispenséàvotrepetitjeunepourm’accompagner,le docteur Tremblay.
— Alban?Pourquoipas,maislà,iln’estpasdisponible,ilestenvacances.
— Alors,faites-lerevenirsurle champ.
— Ce ne sera pas nécessaire, il est prévu qu’il rentre demain par avion avec sa femme, alors cela peut attendre vingt-quatre heures peut-être ?
— Ouibiensûr,maisoùsont-ilsenvacances?
— IlssontàBoraBora,enPolynésiefrançaise.
— Danscecas,ilsvontfaireescaledemainàLosAngelespourleur