Le gouffre - Amor Saadaoui - E-Book

Le gouffre E-Book

Amor Saadaoui

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Beschreibung

Ahlam, jeune fille née dans une famille marquée par des traditions strictes et une éducation conservatrice, voit sa vie basculer lorsqu’elle découvre, grâce à sa tante et à sa cousine, un univers où règnent liberté et modernité. Entre la lumière de ce nouveau monde et l’ombre des valeurs rigides qui l’ont façonnée, son cœur oscille, tiraillé entre ses aspirations personnelles et le poids des attentes familiales. Désormais libre, Ahlam se retrouve face à un dilemme : saura-t-elle s’épanouir dans cet horizon de possibilités ou se laissera-t-elle happer par les incertitudes de cette transition ? Une histoire qui explore la quête d’identité, le chemin vers l’émancipation et les défis posés par l’héritage culturel.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Imprégné par la littérature classique, Amor Saadaoui embrasse avec conviction la voie de l’écriture. Ses œuvres, nourries par l’héritage des grands auteurs des XIXᵉ et XXᵉ siècles, révèlent un style à la fois riche et intemporel, invitant le lecteur à redécouvrir la profondeur et l’élégance de ces périodes marquantes.

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Seitenzahl: 156

Veröffentlichungsjahr: 2025

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Couverture

Page de titre

Amor Saadaoui

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le gouffre

Conte

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Copyright

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

© Lys Bleu Éditions – Amor Saadaoui

ISBN : 979-10-422-6173-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je dédie ce roman aux jeunes de ma ville Feriana La Rose

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le renouveau renaîtra aux pieds de la Roche Noire.

Le gouffre

 

 

 

 

 

Le père est un petit commerçant. Sa boutique contient des graines de semences, des légumineuses, des plantes médicinales, des herbes desséchées et des mélanges fantastiques de plantes aromatiques. Les femmes emploient ces dernières pour parfumer leurs maisons. Elles les brûlent dans un feu doux pendant les fêtes et spécialement la nuit de vendredi. Il vend aussi des bonbons pour les petits et quelques articles de confiseries pour les écoliers. Des friperies sont accrochées au mur et à de gros clous mal enfoncés au bois épais de la vieille porte. Il se tient souvent sur une chaise en plastique blanc rendue apparemment confortable par un mince coussin rouge. Il montre son contenu à travers le tissu rendu presque transparent par l’usage. Ce petit commerçant s’appelle Okba. Ses voisins l’appellent par déférence Si Okba. Il porte souvent une « jellaba ». Une sorte d’habit qui couvre le corps du cou au bas des genoux et une petite ouverture en haut de la poitrine. Il traîne deux longues manches et deux poches profondes au niveau des hanches, dont chacune est capable d’abriter un nouveau-né. Sa tête n’est jamais nue. Une « kachta » de tissu fin et blanc rayé de jaune serre son crâne et descend sur la partie supérieure de son dos. Son visage est clair, d’un teint attirant avec de jolis yeux bleus. Son nez surplombe une petite bouche rose. Une barbe brune et mal entretenue cache le pourtour de son visage. Il parle peu et ses contacts sont limités. Il vit refoulé sur lui-même et tient souvent le « moushaf Sacré » (le Coran) qui est toujours à la portée de ses mains. Il ne se lasse pas de le lire et s’efforce de l’apprendre par cœur. Cela lui procure beaucoup de joie et le rend très heureux.

« Vivre en compagnie de la parole de Dieu, c’est le but de ma vie », dit-il souvent aux rares personnes qui le fréquentent. Les voisins et les habitants du quartier lui vouent beaucoup de respect et l’abordent avec douceur et cordialité. Les enfants le craignent et redoutent son silence. Ils préfèrent faire leurs achats chez les autres vendeurs même quand leurs boutiques sont un peu plus éloignées.

Si Okba n’aime pas qu’on lui parle de ce qui se passe chez les autres. Il repousse les curieux qui osent se mêler de ses affaires. Il dit :

« Occupons nous de nos défauts et corrigeons nos défaillances. Cela nous éloigne des médisances et des calomnies, et protège les autres de notre méchanceté. Que Dieu nous pardonne et qu’il soit satisfait de notre conduite ! »

Okba est l’un de ces hommes qui ont courageusement participé à la lutte armée pour la libération de la patrie. On le compte parmi les « moujahidines » du premier rang. D’origine kabyle, il s’est rallié aux redoutables guérilleros des montagnes de L’aurès. Ces montagnes de l’est du pays ont vu les plus durs combats entre les hommes du FLN (Front de libération nationale) et l’armée coloniale. Il ne parle jamais de ce passé glorieux et garde ses armes, ses tenues de combat, des photos et des pièces officielles qui justifient ses sacrifices. Il les range dans une caisse en bois, tenue fermée. Personne, à part sa femme, ne sait exactement ce qu’elle contient. Peu de personnes connaissent le passé et les exploits que Okba a moissonnés aux champs de l’honneur. Il dit que cela est un devoir, il l’a accompli et il ne mérite pas de récompense. Il supplie seulement le Seigneur d’écrire cette obéissance et ces modestes actions dans le registre de sa gloire, la gloire de Dieu ! Okba est un fervent croyant. Il ne compte que sur la générosité divine dans tout ce qu’il fait et ne se préoccupe que des moyens qui le mèneraient au droit chemin. Il essaie d’aboutir à une fin honorable. Une fin qui le mènera à l’autre monde, dans la lumière et la bénédiction du Créateur : Allah, le Miséricordieux, le Bienfaiteur et l’Unique Donateur. Cela constitue le langage qu’on entend de la bouche de cet homme. Il se refoule de plus en plus et s’exile dans un monde propre à lui. Il n’apparaît dans celui des autres que pour mener son train de vie et satisfaire aux besoins de sa famille.

Okba a quatre filles et deux garçons. Ils habitent un appartement composé de la chambre des parents, celle des garçons et deux autres. Une chambre pour les filles et l’autre pour les rares visiteurs les plus proches qui viennent de loin. Il y a aussi un salon, une cuisine et une salle de bain. Le salon et la chambre des garçons ouvrent, par une porte et deux fenêtres, sur un vaste balcon clôturé par un mur d’un mètre et demi de haut.

Depuis que sa fille aînée a atteint l’âge de dix ans, ce mur a été élevé par une robuste tôle qui cache tout ce qui se passe chez lui. Ce balcon constitue l’espace où la famille respire un peu plus d’air et profite du soleil. Le grand ménage, la lessive, les réunions de famille et l’accueil des rares visiteurs se font aussi au balcon. Il constitue le prolongement découvert du salon. C’est le seul balcon, en ma connaissance, qui n’ouvre pas sur la rue grâce à son mur et à son armature de tôle. Il ouvre sur la maison et son intérieur. Il tourne, indifféremment, le dos à la vie qui s’écoule dans le plein air et chez les autres. Une porte cadenassée, en fer forgé, condamne l’escalier qui mène à la terrasse sur le toit. C’est un espace ouvert. Il demeure fermé à l’usage de ses habitants, par la bonne volonté du père et le consentement de toute la famille.

Ce singulier appartement a été construit par Si Okba au début de l’indépendance grâce au soutien démesuré des responsables. Ils étaient ses camarades de lutte. Il possède aussi sa petite boutique et les deux locaux du rez-de-chaussée qui lui procurent un revenu stable. Si Okba est presque pauvre, mais cela ne lui fait pas de peine. Avec le peu qu’il gagne, il fait marcher ses affaires et personne ne se plaint.

 

***

 

 

 

 

 

Fardous, la femme de Si Okba, est sa cousine. IIs ont été élevés ensemble au sein de la grande famille. Selon la coutume, les enfants, en grandissant, se groupent et construisent leurs chambres, l’une à côté de l’autre. Ils forment une vaste habitation où loge tout le monde. Les générations restent soudées les unes aux autres, dans un système patriarcal très rigide. Tous les grands veillent sur l’éducation de tous les petits. On les élève selon les normes et les habitudes que la tradition exige. Fardous, encore enfant, son grand-père l’a déclarée fiancée à Okba. On faisait fréquemment cela pour les garçons et les filles dans ces grandes familles. Cette femme est robuste et d’une haute taille. Elle a une peau très blanche, avec un beau visage de blonde. Elle se soumet à la volonté de son mari, docilement et sans la moindre gêne.

Est-ce qu’il n’est pas son mari, selon la loi Divine ? Il est le père de ses enfants et le maître de la maison ?

Fardous aime son mari et le considère comme l’unique homme qui existe sur terre. Elle fait tout pour lui adoucir la vie. Elle s’occupe de leur foyer et passe la plupart du temps, en accord avec son mari, à s’approvisionner aux prix de la saison. Des prix dérisoires qu’offre l’abondance de la marchandise au moment de la récolte. Rien ne manque chez Fardous. Elle a des légumes, des fruits secs, du blé en grains ou moulu, de l’orge, du maïs, de la viande conservée et de l’huile d’olive, etc. Un foyer pareil ne tombe jamais en pénurie. Les deux garçons sont les aînés. Ils ressemblent beaucoup à leur père. Ils sont de bons écoliers. Ils avancent convenablement dans leurs études. On leur prédit un bel avenir. Si Okba compte beaucoup sur eux pour garder haut le nom de la famille. Il leur apprend à servir Dieu, à demeurer au service des frères de la religion et aussi au secours de leurs semblables à l’échelle humaine. C’est la seule voie qui mène vers le salut et vers le vrai bonheur. Un bonheur nourri et entretenu par la Sagesse Divine. C’est la lumière qui nous éclaire ici-bas et prêche la satisfaction dans l’autre monde. Dans ce foyer, on se conduit suivant la fois et les convictions inébranlables du père.

Tout le monde à la maison pratique minutieusement les rites de la religion. On se comporte selon ses principes, sous les yeux vigilants du père et les recommandations de la bonne mère. Les deux garçons trouvent leur loisir dans les activités culturelles et sportives au lycée. Ils se divertissent dans les courtes promenades qu’ils effectuent en ville pendant le jour et avant la tombée de la nuit. Ils se chargent de l’éducation de leurs sœurs et leur enseignent le Coran sacré. Ils mènent une vie austère, mais plaisante. Ils se conduisent comme de vrais hommes et osent discuter avec leur père des problèmes les plus critiques et des questions les plus délicates. Le père trouve un plaisir intense à orienter, comme d’habitude, ses enfants vers la source principale de toute connaissance et le moyen le plus important de résoudre les difficultés. Une clairvoyance qui jaillit de la parole de Dieu et de celle du Saint Prophète. Les sœurs apprennent à servir humblement leurs parents, leurs frères et leur obéir. Cela fait partie de la déférence qu’on doit témoigner envers Dieu et constitue le premier pas dans le long parcours difficile et épineux qui mène à la délivrance.

Le père s’ouvre largement sur ses garçons, mais se ferme étroitement vis-à-vis de ses filles. Une contradiction qui ne trouve pas d’explication. Les filles vont à l’école, elles apprennent à lire, à écrire et à compter. Elles réussissent leurs examens de passage au cycle secondaire de l’enseignement de base, puis s’arrêtent net pour accompagner leur mère à la maison. Elles font la cuisine, la vaisselle, la lessive, elles préparent les provisions et les conservent. Elles s’occupent de la propreté du local, des habits, de leurs corps et satisfont aux besoins des membres de la famille. Elles ont toujours quelque chose à faire. Elles doivent être prêtes à obéir à un ordre, à servir un père, un frère, une grande personne ou un mari. Elles prisent et raccommodent les vêtements. Elles cousent et tricotent elles-mêmes leurs robes et d’autres objets d’usage quotidien ou de décors. La maman les met en compétition perpétuelle. La meilleure récompense demeure le plaisir qu’éprouve chacune devant la tâche accomplie.

Ces jeunes filles s’entendent très bien. Quelques différends surgissent, de temps en temps, cela est dû à la légère différence de leurs caractères et à la nature de chacune. La maman saute sur ces occasions pour leur enseigner la patience et remettre de l’ordre dans la relation entre elles et entre elles et les autres membres de la famille. Les filles ne sortent de la maison que rarement et en compagnie de leur mère ou l’un de leurs frères. Elles ne quittent jamais le foyer tête nue ou avec des habits inconvenables. Elles se vêtent, chacune, d’un « jelbab ». Une sorte d’habit qui couvre tout le corps, de la tête aux pieds, et ne laisse paraître que le visage, les deux mains et les pieds. L’espace le plus grand où elles bougent un peu plus librement est le grand balcon.

Après la corvée quotidienne, les filles se réunissent sous la lumière du jour, elles jouent, plaisantent et rigolent. Elles se racontent des histoires et des anecdotes. Elles épient les nouvelles des fêtes de mariage dans la famille et chez les voisins. Elles se souviennent des jeunes gens qui reviennent des villes environnantes ou de l’étranger et choisissent leurs futures épouses parmi les filles de bonne famille.

Une fente de quelques centimètres se situe au balcon entre le mur d’un mètre et demi de haut et la maudite tôle. Cela ressemble péniblement à ces énormes murs en béton que des ségrégationnistes construisent çà et là dans les quatre coins du monde.

Cette fente constitue la minuscule et imperceptible fenêtre à travers laquelle ces demoiselles regardent le vaste univers qui les entoure. Pendant que l’une d’elles monte la garde, les sœurs observent toutes les personnes qui passent, les boutiques qui ouvrent et celles qui ferment. Elles reconnaissent les gens qui s’en vont et les autres qui viennent. Elles entendent même quelques bouts de conversations et des plaisanteries qui font rougir leurs belles petites figures de vierges séquestrées. Quand une dispute éclate dans la rue et que la bagarre commence, même la sentinelle quitte son poste. Au lieu des six yeux qui guettent l’extérieur, on en voit huit. Ils se régalent de l’incident qui survient. Les filles sont enfermées dans un redoutable enclos, mais rien ne leur échappe de ce qui se passe dehors. Cette fente, oubliée par l’artisan, leur ouvre un champ visuel sans limite. Il les libère, en partie, du doux esclavage qu’elles acceptent volontiers.

La maman prépare ses filles à devenir de bonnes épouses et des mères dévouées. La femme, selon Si Okba, est la première école où sont éduquées les générations, cette moitié de la société veille sur la bonne marche de l’humanité entière. Elle joue un rôle dangereux et précoce qui amortit et anéantit les excès et les abus des partisans du mal.

 

***

 

 

 

 

 

La plus jeune des filles s’appelle Ahlam. Elle est très mignonne. Elle est petite avec des cheveux longs, de beaux gros yeux noirs et un petit visage rayonnant. Elle inspire la confiance. Son sourire abondant montre de très belles dents. Son regard est tranquille. Il ressemble à celui d’un ange qui descend des Cieux après un long séjour dans la félicité divine. Ahlam a, depuis sa naissance, ressemblé à une belle poupée. Elle est la plus jeune, la plus aimée, la plus gâtée et aussi la plus intelligente. Elle est la joie de la famille. Elle gagne les cœurs de tout le monde. Il est impossible de résister devant une demande qu’elle formule ou un petit désir qu’elle réclame. Ahlam est très sensible et cela touche beaucoup ses frères. Ils l’aiment et la traitent avec beaucoup de soins. Elle continue à s’instruire avec l’aide de son frère aîné. Il lui procure des livres et discute avec elle les idées qu’elle découvre et les autres qu’elle développe. Dans la famille, on ne se lasse pas d’écouter ses histoires. Sa large imagination et son impressionnante façon de raconter retiennent l’attention et divertissent ses interlocuteurs. Ahlam est une source de bonheur. Cet ange, qui fait la gaieté de la famille, a ses tourments. En se trouvant seule, dans la chambre ou étendue sur un matelas au balcon, il lui arrive d’errer avec ses yeux dans l’azur du ciel. Une mélancolie la saisit : elle vit avec les mêmes personnes. Elle refait quotidiennement les mêmes actes et accomplit les mêmes tâches. Son livre lui tombe de la main quand elle songe au livre le plus grand : ce monde qui l’entoure. Des hommes et des femmes animent le monde. Des enfants grandissent avec leurs rêves et des rues débordent d’activités. Elle se sent à la marge de tout ça. Une tristesse l’émeut et une légère colère la saisit. Ces sentiments et ces impressions demeurent camouflés. Personne ne les devine dans ses paroles ou à travers son comportement. Ahlam ne se révolte pas contre les conditions de la vie qu’elle mène, mais elle aspire à une liberté plus intense. Elle veut voir l’horizon et même au-delà de l’horizon. Elle veut respirer dans un espace plus vaste. Cette tôle entrave son désir d’extension et pèse lourdement sur ses ambitions infimes. Des ambitions qui ne dépassent pas ce bel air pur de la liberté. Un air qui nourrit les âmes et rompt les chaînes qui accablent l’esprit. Cette belle petite enfant a des soucis. Ils ne sont pas énormes, mais ils la préoccupent et la poussent à réfléchir. Elle construit son petit monde à elle. Elle le fait beau, plaisant, ouvert et sans frontières. Le balcon demeure, il garde de jolis souvenirs dans chacun de ses coins. C’est le cadre où rayonnent les belles figures de ses sœurs, où apparaît toute calme la silhouette de sa mère et où resplendit l’allure saine et jeune de ses frères. Le père, aussi, a sa place dans cet espace fermé. Cette vie n’est pas lamentable. Elle a ses douceurs. Il ne lui manque qu’un peu de lumière, un sourire sincère qui efface l’ombre d’une aliénation qui ne veut pas cesser. La tôle pourra à tout moment disparaître. Elle cédera sa place à la transparence des airs et à la lumière du soleil et celle de la lune pendant les longues nuits. On verra les belles étoiles scintiller dans les profondeurs des cieux. C’est là que naissent les rêves les plus beaux. C’est là où niche le bel espoir de bâtir un monde plus attrayant. Dans sa mélancolie, Ahlam ne nie pas son attachement à ce train de vie calme et sans incident. Elle sent que le rêve qui l’emplit comporte aussi des risques. Elle a peur de s’élancer dans l’inconnu et de perdre sa sérénité.

Qui pourrait la protéger dans un espace aussi vaste et sans limite ?

Qui pourra garantir que sa liberté ne sera pas défigurée par l’incertain, le vague et la fatalité ?

Ahlam réfléchit, spécule et reste indécise.