Le Maître du Navire - Louis Chadourne - E-Book

Le Maître du Navire E-Book

Louis Chadourne

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Beschreibung

En soulevant le store baissé, à cause de la lumière crue, sur la large baie du wagon-salon, Leminhac découvrit, barrant l’horizon de sa ligne puissante, la Cordillère des Andes dont quelques sommets étincelaient. Ce spectacle majestueux ne lui inspira qu’une réflexion prosaïque :
— Ce train n’avance pas.
Mais, comme il se piquait de quelque sentiment de la nature et qu’on ne peut décemment, lorsqu’on est avocat et conférencier, laisser passer sans commentaires la perspective éthérée, sur un sombre azur, des cratères du Chimborazo ou du Cotopaxi, il ajouta :
— Panorama en vérité grandiose. Et comme on est loin de Paris ! Un Français se reconnaît en voyage à ce qu’il accommode à toutes les sauces ces syllabes magiques : Paris ! Ce nom bien-aimé ne quitte pas ses lèvres, surtout si le voyageur est natif de Pézenas ou de Brive-la-Gaillarde.

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LOUIS CHADOURNE

LE MAITRE DU NAVIRE

1919

© 2022 Librorium Editions

ISBN : 9782383834755

AVANT-PROPOSnégligeableA L’ANCIENNE MODE

Lecteur,

Tu tiens à juste raison pour outrecuidant un auteur qui se mêle d’extraire à ton usage, et sans que tu l’en pries, la moelle et le suc de son livre. Ce n’est souvent que viande creuse : aussi, ne ferai-je pas de la sorte. Je t’avertis donc de t’arrêter à l’écorce romanesque de cette fiction et de n’y point chercher l’amande. Toutefois, si tu veux philosopher — et l’on dit bien à tort que c’est le propre de l’homme, car les chats, les hiboux et les éléphants ont plus que lui le goût et le loisir de la réflexion — si tu veux philosopher, dis-je, pousse plus avant en cette aventureuse fantaisie. Ce que tu cherches, tu le trouveras sans doute, car tu le portes en toi-même à ton insu et l’on ne découvre que les trésors enfouis dans son propre cœur.

Le Maître du Navire

PREMIÈRE PARTIE LA TRAVERSÉE COMMENCE

CHAPITRE PREMIERL’homme aux lunettes vertes.

« Quel est ce guerrier qui s’élève au-dessus des autres : son bouclier est semé d’étoiles et son aspect n’est pas celui d’un mortel ? »

Euripide.

En soulevant le store baissé, à cause de la lumière crue, sur la large baie du wagon-salon, Leminhac découvrit, barrant l’horizon de sa ligne puissante, la Cordillère des Andes dont quelques sommets étincelaient. Ce spectacle majestueux ne lui inspira qu’une réflexion prosaïque :

— Ce train n’avance pas.

Mais, comme il se piquait de quelque sentiment de la nature et qu’on ne peut décemment, lorsqu’on est avocat et conférencier, laisser passer sans commentaires la perspective éthérée, sur un sombre azur, des cratères du Chimborazo ou du Cotopaxi, il ajouta :

— Panorama en vérité grandiose. Et comme on est loin de Paris !

Un Français se reconnaît en voyage à ce qu’il accommode à toutes les sauces ces syllabes magiques : Paris ! Ce nom bien-aimé ne quitte pas ses lèvres, surtout si le voyageur est natif de Pézenas ou de Brive-la-Gaillarde. Si vous rencontrez un Français sous la ligne précise de l’équateur, comme c’est le cas dans cette histoire, ou dans une oasis du Sahara, ou buvant le thé sur le poêle d’une isba sibérienne, ne manquez pas de lui demander innocemment :

— De quel pays de la France êtes-vous originaire ?

Il ne manquera pas de vous répondre :

— De Paris, naturellement.

Et parfois avec le plus riche accent de Provence ou de Gascogne. Nous ne trouvons sur la mappemonde que des Français de Paris.

Si maître Leminhac, jeune gloire du barreau parisien, égaré au centre — bien lointain — de notre planisphère terrestre, évoquait ainsi la Ville Lumière, c’était sans doute moins pour rappeler à son vis-à-vis, vieillard correctement binoclé d’or, les délices de notre moderne Capoue, que pour attirer l’attention bienveillante d’une troisième personne jusqu’ici plongée dans la lecture d’un livre, sans nul doute anglais, si l’on en jugeait par la couverture de toile verte, agrémentée de filets d’or.

L’effet cherché se produisit naturellement, et la troisième personne, dont Leminhac n’avait encore aperçu qu’une lourde torsade dorée sous la soie d’une écharpe, découvrit, l’espace d’un instant, un profil un peu lourd, mais d’une étrange séduction.

— C’est une Russe, pensa Leminhac qui avait fait de sérieuses études ethnologiques au Palais de glace et, plus récemment, dans un atelier cubiste de Montparnasse.

— C’est une Russe, répéta-t-il, satisfait de sa perspicacité encore invérifiée d’ailleurs. Il n’y a qu’elles pour avoir ce menton un peu fort, ce nez légèrement aplati et pour être cependant les plus séduisantes créatures. Et quels cheveux !

— Il me faut voir ses yeux, ajouta-t-il. C’est indispensable.

— Ne pensez-vous pas, Leminhac, dit le vieillard binoclé d’or, que nous arriverons en retard à Callao ?

— Je le pense, mon cher professeur, répondit l’avocat. D’après l’horaire, et si je me souviens bien de l’heure à laquelle nous avons passé à la dernière station, nous avons déjà un retard de cinq heures.

— C’est peu, évidemment, pour de pareilles distances.

— Oui, fit Leminhac, mais il serait fâcheux de manquer le Gloucester à Callao. Les formalités pour les bagages sont longues.

— Patience, fit le professeur.

Et il se replongea dans la méditation du deuxième tome de Krafft-Ebing, dont il avait commencé la lecture à Yokohama, et il n’était encore qu’à la cinq cent quatre-vingt-treizième page.

Le nom, articulé par Leminhac avec un faux accent anglais, du Gloucester fit de nouveau émerger dans la lumière le profil blond.

— J’ai vu ses yeux, soliloqua-t-il de nouveau. Ils sont indiscutablement slaves.

Cependant, le train ralentissait sa course, patinait sur ses freins et stoppait net.

— Une panne, sursauta le professeur.

— Impossible, fit Leminhac.

L’inconnue ferma son livre, esquissant une moue impatiente, et se dirigea vers le couloir.

Le train s’était arrêté dans la brousse. Un vaste désert parsemé de blocs de lave spongieux et noirs, hérissé de buissons et d’arbustes épineux — à l’ouest, les nappes miroitantes des Salines — un paysage métallique, noir et blanc, sur qui, brusque, la nuit équatoriale s’affaissa.

Leminhac avait suivi l’inconnue dans le couloir et s’affairait auprès du contrôleur nègre, en un anglais douteux mêlé de sabir.

— Qu’y a-t-il donc ?… retard incompréhensible. Ah ! ils sont jolis, les chemins de fer américains !

— Le passage est difficile, Monsieur, repartit l’agent au sombre visage. Le poste nous avertit que la lisière nord de la forêt est en feu. Si l’incendie est grave, il sera impossible de franchir cette barrière de flamme.

— Bigre, pesta Leminhac. Et que fera-t-on alors ?

— On attendra.

— Est-ce que cela peut durer longtemps ? interrogea le professeur, accouru à son tour.

— On ne peut pas savoir. Toutefois, il n’y a pas lieu de craindre que l’incendie s’étende considérablement, la forêt étant humide et pleine de marécages. La zone du feu est très limitée.

— Combien de temps encore ?

— Dix, douze heures. Un jour peut-être, au maximum.

— Nous manquerons le paquebot, gémit Leminhac. C’est inévitable. Il part demain à 13 h. 40. Et il est déjà 9 heures du soir.

L’inconnue parut s’inquiéter et s’approcha du groupe.

— Croyez-vous, Monsieur, demanda-t-elle à Leminhac, que nous ne puissions vraiment prendre le Gloucester ?

— Je le crains, Madame, et vous m’en voyez navré. J’ai assez de ce pays. Il est morne. On y étouffe. Les naturels n’ont pas de conversation… C’est une bonne fortune rare que de rencontrer en pareil lieu d’aussi agréables compagnons de voyage, une bonne fortune que le malencontreux incident qui nous retarde va nous faire encore apprécier davantage.

— Hélas ! fit l’inconnue, serons-nous contraints de demeurer trois semaines à Callao, dévorés par les moustiques ?

— Il n’y a, en effet, pas de départ de ce port-là avant vingt jours. Il faudra gagner Guayaquil ou revenir à San-Francisco.

Le professeur qui avait, en raison des circonstances, renoncé à Krafft-Ebing, apparut, le chef orné d’une casquette d’un vert sournois.

— Si vous me le permettez, Madame, et puisque nous voici compagnons d’infortune, je ferai les présentations.

Il montra le professeur :

— M. le professeur Tramier, de l’Académie de médecine de Paris.

Et, se désignant lui-même :

— Anatole Leminhac, avocat à la Cour, Français, Parisien même…

— Maître Leminhac, interrompit l’inconnue, pour la plus grande stupéfaction de l’avocat et du médecin, maître Leminhac ? Mais, n’est-ce pas vous qui avez si brillamment plaidé dans l’affaire Soliveau-Depréchandieu ?

— C’est moi-même. Par quel hasard mon nom, si modeste encore, est-il parvenu à vos oreilles, Madame…

— Madame Erikow, Marie Erikow. Ne vous étonnez pas. J’ai suivi les audiences. Cette affaire était passionnante, n’est-ce pas ? Et j’ai admiré votre talent.

— Vous me flattez, Madame.

— Leminhac est la modestie même, crut devoir ajouter le docteur Tramier. Mais c’est une des futures gloires de notre barreau.

— Je n’en doute pas, dit Mme Erikow, avec un sourire poli.

— Et vous êtes Russe, Madame ?

— Russe de Moscou,

— Je l’avais deviné.

Quelques-uns des voyageurs étant descendus, Leminhac proposa de suivre leur exemple.

La nuit était venue. Aux yeux des voyageurs, vers le nord, l’horizon apparut, embrasé. Au bas du ciel, la masse obscure de la forêt se dressait comme une titanique cité de ténèbres. Une barre d’un rouge sombre coupait l’horizon et sur cet écran de feu se tordaient des arbres dont les arabesques convulsées, nettement dessinées en noir d’encre, évoquaient une lanterne magique pour géants.

— C’est sinistre, murmura Leminhac.

— C’est splendide, soupira Mme Erikow.

— C’est bien ennuyeux, gémit le professeur.

La brise lourde qui soufflait du Pacifique apportait sa senteur marine où se mêlaient les bouffées âcres de l’incendie, l’odeur des plantes tropicales huileuses et grasses que rongeait lentement le feu. On percevait la crépitation des branches et le craquement sourd des troncs qui éclataient.

Leminhac offrit son bras à Mme Erikow pour faire quelques pas le long de la voie ferrée. Les autres voyageurs causaient ou fumaient, par groupes ; de petites braises de cigares trouaient l’ombre.

Un Espagnol, coiffé d’un sombrero gris et plat et vêtu d’homespun, — tache claire dans la nuit, — jurait sans interruption :

— Sacramento ! Ciento mil pesetas, he de perder esta noche.

Une miss soupirait :

— What a beautiful night !

et citait du Shelley :

« Palace roof of cloudless nights,

« Paradise of golden lights. »

L’avocat se pencha vers sa compagne :

— Vous allez à Sydney, sans doute ?

— Oui. J’ai des propriétés là-bas.

— C’est également notre destination, à Tramier et à moi.

— Vos cabines sont réservées ?

— Oui ; la vôtre aussi ?

— Naturellement.

— Pourvu que le Gloucester nous attende ?

— Je commence à désespérer.

La nuit s’écoulait et le sinistre rougeoiement de l’horizon ne disparaissait pas du ciel.

Marie Erikow regagna son sleeping, tandis que Leminhac et Tramier jouissaient, non sans quelque aigreur, de la nuit tropicale baignée d’aromes.

Comme elle s’approchait du train, elle trébucha, laissant échapper un léger cri. Une main robuste sortit de l’ombre, providentielle.

— Vous êtes-vous fait mal, Madame ? dit une voix où perçait un accent anglais.

Un homme, dont elle distinguait mal les traits, mais qui semblait jeune, la soutenait sous le bras. Une pipe courte brûlait à sa bouche. Il sentait bon l’ambre et le tabac de Virginie.

— Non, Monsieur, ce n’est rien. Un bleu, tout au plus. Mais comment ai-je pu tomber ?

— Vous avez buté dans un fil de fer : permettez-moi de vous aider à remonter en voiture.

Le voyageur l’accompagna silencieusement jusqu’au wagon, éclairé doucement de lampes électriques, dont quelques-unes étaient déjà en veilleuses. Le train allongé, avec ses traverses de cuivre et les chiffres dorés de la compagnie, reposait sur ses ressorts, comme une bête de luxe. Le wagon-salon, placé à l’arrière, tout en glaces, étincelait dans l’épaisseur morne de la nuit.

A la clarté des lampes, Marie Erikow put détailler la physionomie de son Sigisbée nocturne. C’était un jeune homme, vêtu d’un complet à carreaux de coupe sportive, coiffé d’une casquette, type classique de l’Anglais en voyage. Quand elle leva les yeux, elle vit qu’il était beau. Découplé comme un joueur de cricket, il avait un visage d’un ovale très pur, dont la pâleur rosée était toute féminine ; mais le menton volontaire dissipait l’impression un peu trouble que pouvaient causer la douceur régulière des traits et le charme sensuel de la bouche.

Il s’inclina respectueusement :

— Robert Helven, de Cambridge, peintre.

Elle le remercia de son appui, et lui tendit la main. Il la serra. Elle le trouva correct, mais un peu froid.

Aussi ajouta-t-elle, comme il regagnait son compartiment :

— Vous allez sans doute à Callao. Nous nous reverrons en route.

Les stores baissés, elle défit ses lourdes torsades, mira en souriant l’éclair de ses yeux glauques et de ses lèvres carminées, puis s’enveloppa dans une robe chinoise de soie violette où jouaient des cigognes d’or et des oiseaux à aigrette. La couchette du sleeping l’accueillit et elle ferma les yeux sur la seconde page du dernier livre de M. Claude Farière, préférant sans doute à sa littérature l’image indécise d’un portrait de Gainsborough.

Quand Marie Vassilievna Erikow se réveilla, le train filait à travers la grande plaine fertile qui longe le Pacifique. Son sommeil, après plusieurs journées de voyage, avait été si profond qu’elle n’avait pas senti le bercement du rapide en marche, succédant à l’immobilité de la halte. Elle fit jouer les stores et les abaissa immédiatement, tant la lumière était vive.

Sur la plate-forme vitrée du wagon-salon, Leminhac et le professeur Tramier semblaient hypnotisés par le ruban d’acier que le train dévidait vertigineusement derrière lui.

— Onze heures, gémit lugubrement la future gloire du barreau. Onze heures ! A treize heures quarante, le Gloucester lèvera l’ancre. Nous sommes bons.

— Résignons-nous, répliqua le docteur, à qui la lecture persévérante de Krafft-Ebing — entreprise à Yokohama — avait donné une patience à l’épreuve de tous les coups du destin. Résignons-nous. Qui sait ? le paquebot ne sera peut-être pas encore parti ! C’est un petit bateau sans importance.

— Petit ou grand, ne vous imaginez point qu’il va nous attendre. Rien à faire, que rester à Callao trois semaines ou regagner San-Francisco. Peste soit des forêts, des trains et des incendies !

Marie Erikow entra à ce moment. Elle avait un tailleur de voyage d’une étoffe claire et moelleuse qui drapait sa taille un peu lourde. Sous les voiles, sa chevelure laissait étinceler des paillettes d’or.

— Bonjour, fit-elle. Alors, il paraît que c’en est fait du Gloucester ?

— Il paraît, dit tristement Leminhac. Nous n’arriverons qu’à la nuit.

— C’est absurde. Quelle folie ! C’est bien ma faute. J’aurais dû partir plus tôt. On n’arrive pas ainsi au dernier moment.

— Nous aussi, soupira le professeur.

— Oui, nous aussi, dit impétueusement Leminhac. Quand je pense que je dois prononcer dans quinze jours à Sydney ma conférence sur l’éloquence révolutionnaire, conférence à laquelle assisteront vingt mille personnes dont pas une ne sait un mot de français, quand je pense à cela, mon âme se déchire et mes yeux se remplissent de larmes.

— Séchez-les vite, dit Marie Erikow. Vous ferez votre conférence à Callao.

— Je ne compte pas y rester. Dieu me préserve de vos palaces équatoriaux.

— Nous déciderons là-bas, conclut judicieusement Tramier, ce qu’il nous restera de mieux à faire, une fois sûrs que le Gloucester est bien manqué.

Au dining-car, pour le déjeuner, Mme Erikow, le docteur et Leminhac s’assirent à la même table. Une place restait libre. Ce fut le peintre anglais qui l’occupa. Marie Erikow en profita pour présenter celui qu’elle appelait généreusement son « sauveur ». Leminhac conçut de l’heureuse fortune du jeune Anglais un dépit qu’il dissimula diplomatiquement. Il fut d’ailleurs éblouissant, répandant aux genoux de la Russe toute une pacotille de scintillantes banalités. De temps à autre, d’une main potelée, il lissait ses favoris qu’il portait courts à l’instar d’un critique littéraire fort en vue dans la capitale. Le docteur mâchait en silence, assaisonnant tous les plats d’une Worcester-sauce susceptible de corroder le diamant. Quant à l’Anglais, Marie Erikow nota qu’il avait les yeux marrons ou café très clair et de belles dents, qu’il portait à l’annulaire gauche une bague touch-wood ornée d’une émeraude et qu’il mangeait et parlait avec une sobriété puritaine. Il ne prononça que quelques mots et ce fut pour lui demander si elle ne désirait pas quelques gouttes de la sauce infernale accaparée par le professeur. Néanmoins, il parut charmant, car une jolie bouche est plus séduisante que les plus brillants mots d’esprit. L’âge et la figure d’Helven le dispensaient de tout effort pour plaire. Il paraissait d’ailleurs timide et l’ignorance même qu’il manifestait de ses avantages leur en ajoutait un nouveau.

Marie Erikow alluma une cigarette et s’étendit nonchalamment sur un des larges fauteuils de cuir. Le train avait accéléré encore sa vitesse et déchirait l’espace, qui s’ouvrait en sifflant devant la Compound à la nuque trapue dont les bielles se détendaient avec la souplesse de muscles bien entraînés.

Leminhac, sur la plate-forme, tirait quelques bouffées d’un Upman choisi par l’académicien dans les boîtes d’acajou présentées par le steward. Tramier assurait un binocle hésitant, penché sur l’indicateur du Lloyd. Ils étaient seuls. Helven, dans le wagon-salon, contemplait la Russe, attentif et un peu languissant, pareil à un lévrier de race.

— Inquiétant, ce jeune Anglais ! dit Leminhac.

— Inquiétant ? Et pourquoi donc ? repartit Tramier. Il me semble fort bien élevé.

— Je n’aime pas le genre Dorian Gray, ni ces champions de boxe qui vous ont des visages de vierges préraphaëlites.

— Le gaillard paraît musclé comme un jeune tigre.

— Et avec cela, des yeux de gazelle. Je n’aime pas la confusion des genres, mon cher professeur. Nous autres, Français, nous autres, Latins, nous répugnons à ces mélanges. Notre type de la beauté masculine est plus simple et plus grave…

Ce disant, il ajusta d’un coup de pouce une cravate doctrinaire de soie noire ornée d’un camée et rejoignit la Russe et l’« Antinoüs de Cambridge ».

Tramier, solitaire, reprit mélancoliquement la page cinq cent quatre-vingt-quatorzième de Krafft-Ebing. Le temps et l’espace furent consciencieusement dévorés par

« le dragon mugissant qu’un savant a fait naître »

si bien que le rapide entra dans la gare de Callao deux heures plus tôt que ne s’y attendaient les voyageurs, rattrapant ainsi une partie de son long retard.

Hélas, la joie des quatre compagnons fut de courte durée !

— Le Gloucester ?

— Parti à treize heures quarante.

— Sacramento !

Ainsi jurèrent ensemble l’Espagnol vêtu d’homespun et Leminhac qui affectait une certaine pratique de la langue des hidalgos, tout en usant de libertés républicaines avec l’accent tonique.

Comme la journée était fort avancée, on élut de camper patriarcalement dans un Palace de goût municho-viennois, adorné de pâtisseries en stuc et pareil à ces pièces montées où bave la crème et où l’on dessine avec du sirop de si agréables figures. Ses balcons ventrus et dorés s’arrondissaient face à la mer et les houles du Pacifique venaient déployer dédaigneusement leurs écharpes sous les masques horrifiques de mascarons œdémateux.

Un portier suisse attendait au centre de la terre la Russe, l’Anglais et les deux Français qui ne s’en montrèrent point surpris. On leur assigna des chambres dont le mobilier eût découragé les amis de M. Francis Jourdain. Ils y reposèrent, d’ailleurs, à poings fermés, sans entendre la plainte des flots qui portèrent Magellan et les cinq caravelles : Trinidad, Santiago, Victoria, Conception et San-Antonio, à la conquête des terres inconnues où des sauvages, peints en jaune et des cornes de cerf dessinées sur les joues, offrirent aux Portugais des clous de girofle et des oiseaux de Paradis.

La nuit fut pour eux sans rêve, sauf peut-être pour Marie Erikow ; elle leur fut aussi de pauvre conseil, car ils se retrouvèrent le lendemain sur le quai inondé de soleil, encombré de balles et de tonneaux, tous quatre incertains de ce qu’ils devaient décider.

La chaleur était fort lourde.

Leminhac, qui s’imposait maintenant comme le cacique de l’errante tribu, proclama :

— Entrons quelque part. Nous prendrons un apéritif.

Pour la couleur locale, on choisit le bar du Pajaro Azul. L’endroit était frais et confortable. Sur le comptoir peint d’un bleu clair à faire grincer les dents, sans doute à cause de l’enseigne et faute d’oiseau d’aucune sorte, s’entassaient des pyramides de citrons, de limons, de goyaves ; le soleil, tamisé par de larges stores de pailles, jouait sur l’écorce des pamplemousses, sur la peau tendue à éclater des figues de Surinam. De l’arrière-boutique, où s’entassaient des caisses d’épices et des ballots de riz ou de manioc, glissait une odeur de vanille.

— Je pense, dit Helven le silencieux, à un petit bar de la Jamaïque, qui sentait la cannelle comme celui-ci est parfumé de vanille. On y mangeait des melons exquis que l’on avait laissés, une nuit entière, le ventre bourré de glace pilée, de tranches d’ananas, de bananes coupées en menus morceaux ; le tout, arrosé d’un rhum comme on n’en boit que là-bas, noir, sucré et aromatisé de cannelle… »

— Je vois, dit Leminhac, que vous avez beaucoup voyagé.

— Et, ajouta Marie Erikow en riant, que vous agréez avec reconnaissance les dons du Seigneur.

Ils s’assirent autour de quatre verres que l’or du whisky enflamma sans retard.

— Que faire ? dit Marie Erikow.

— Absurde aventure, gémit Leminhac. Ce paquebot…

Comme il disait ces mots, un homme d’une taille gigantesque, le visage haut en couleur et noyé dans une barbe flamboyante, entra dans le bar. Il était sobrement, mais fort proprement vêtu d’un complet de toile blanche très fine et dont la coupe était parfaite. Coiffé d’une casquette à visière vernie, il pouvait passer pour un marin, mais rien n’indiquait son grade et le nom du vaisseau.

— Ce gentleman, dit Helven, ferait un superbe horseguard.

— Ce doit être un officier de marine. Il y a une canonnière en rade, supposa Marie Erikow qu’intriguait la singulière prestance de l’inconnu.

Celui-ci s’assit à une table voisine et commanda une tasse de thé bouillant.

— C’est un homme qui a l’habitude des pays chauds, murmura Tramier.

L’homme souleva sa casquette. Une paire de lunettes vertes voilait son regard ; les joues étaient hâlées par le vent de mer ; le bas du visage se perdait dans le remous flamboyant de la barbe.

— Un Pactole, dit Leminhac.

Il y avait dans la physionomie du personnage, malgré ses manières aisées et la bonhomie avec laquelle il s’adressait, en espagnol, au garçon du bar, une telle étrangeté, — due peut-être aux deux disques verts qui auréolaient ses orbites — que les quatre voyageurs éprouvèrent quelque gêne à reprendre leur conversation.

— Il est navrant, dit Leminhac, d’avoir manqué ce paquebot.

— Cela nous fait un retard interminable, dit Tramier.

— Que faire ? demanda Marie Erikow.

— Partir pour San-Francisco demain, proposa Helven. Nous y attendrons le prochain départ puisque, j’imagine, Sydney est notre commune destination.

— Nous en avons encore pour une quinzaine au moins, gémit Leminhac.

— Il n’y a pas d’autre moyen…L’inconnu payait, se levait et disparaissait en laissant tomber derrière sa haute silhouette le rideau de perles bariolées qui servait de porte.

— Drôle de corps, murmura Leminhac.

Ils reprirent leur discussion, incertains, irritables, trouvant, malgré la fraîcheur vanillée du « Pajaro Azul », que l’aventure tournait mal.

L’Aventure ! Mot magique où bruissent toutes les voix du mystère. Elle se présenta brusquement, comme toute aventure qui se respecte, dans la clarté bleue du bar, masquée d’humour, bonasse et sournoise à la fois, sous la forme d’une lettre qu’apportait un matelot, tout de blanc vêtu et dont le béret portait en banderolle, lettres d’or sur fond noir, ce mot : Cormoran. — Le marin entra prestement dans la salle et, sans hésitation, remit à Tramier que son aspect vénérable désignait comme le doyen de la bande, une large enveloppe blanche cachetée, gravée d’une ancre autour de laquelle se répétait, en exergue : Cormoran.

— Pour moi ? exclama Tramier stupéfait.

L’homme s’inclina et disparut d’un pas léger, amorti par les semelles de corde.

— Mais c’est impossible ! hoquetait le docteur. Impossible. Qui diable puis-je connaître ici ? Et comment cet homme m’a-t-il reconnu ?

— Ouvrez donc, conseilla Helven.

Avec quelques précautions craintives, et comme si le pli avait dû contenir un explosif habilement dissimulé, le professeur Tramier, de l’Académie de médecine, décacheta l’enveloppe.

Une stupeur souriante inonda son visage.

— C’est inouï, fit-il.

— Parlez, je vous en supplie, gémit Marie Erikow, qui crispait ses belles mains impatientes sur la table. Parlez. Lisez cette lettre.

— Elle nous est adressée à tous, dit le docteur.

— Ah ! par exemple, cria Leminhac.

— Voici :

A bord duCormoran.

« Le hasard qui m’a fait surprendre votre conversation me permet de vous rendre un service et je ne saurais hésiter un instant devant la perspective d’obliger des personnalités aussi distinguées que celles du professeur Tramier, de l’Académie de médecine »…

— Connu, vous êtes connu sous l’équateur, exclama, transporté d’envie, Leminhac.

— « … de maître Leminhac, du barreau de Paris…

— Moi aussi, bégaya l’avocat. Mais c’est de la magie !

— « … de sir William Helven, le peintre bien connu et, j’ai réservé son nom pour couronner cette liste précieuse, de l’infiniment charmante Marie Vassilievna Erikow…

— Il est exquis, murmura-t-elle… Mais qui est-ce donc ?

— Notre voisin à lunettes, dit Helven.

— « … Mon yacht, le Cormoran, qui est un fort bon bâtiment gréé pour la haute mer et avec qui j’ai accompli de nombreuses traversées, peut vous mener sans encombre à Sidney où moi-même j’allais me rendre. N’hésitez pas à accepter l’hospitalité d’un honorable commerçant qui professe le respect de la science, de l’art et de la beauté…

— Et de l’éloquence ? insinua Leminhac.

— « … Vous trouverez à mon bord tout le confortable et le dévouement attentif de

VAN DEN BROOKSMarchand de cotonnades.

« P.-S. — Si l’offre vous convient, vous trouverez, à 5 heures, à l’embarcadère, un canot qui vous mènera à mon bord et transportera vos bagages. »

— C’est fantastique, dit Leminhac. Comment sait-il nos noms ?

— Acceptons, acceptons. Quelle drôle d’aventure, cria Marie Erikow, battant des mains.

— Mais, dit Tramier, je ne connais pas ce M. Van den Brooks.

— N’importe, il nous connaît. Cela suffit. Et il nous invite ! répliqua Marie.

— Un monsieur qui possède un navire gréé pour la haute mer ne peut être que respectable, assura Leminhac. Et de plus, il se dit marchand de cotonnades. C’est une profession fort honorée.

— Hm… dit Tramier. A mon âge, je ne voudrais pas faire d’imprudence. Comment serons-nous installés ?

— Fort bien, j’en suis sûre, insista Marie qui ne tenait plus sur sa chaise. Il le dit, d’ailleurs.

— On peut toujours voir, proposa Leminhac.

— C’est cela, allons voir Van den Brooks !

Et Marie Erikow sortit précipitamment du bar, suivie de Leminhac et de Tramier, éperdu, qui s’accrochait à ses basques.

Le jeune garçon du Pajaro Azul rattrapa Helven.

— Ce n’est pas payé, Senorito.

Helven solda les whiskys puis, se tournant vers le muchacho dont les yeux luisaient sous des sourcils de charbon :

— Connais-tu ce grand marin à barbe blonde qui s’est assis près de nous ?

— Non, Excellence (le pourboire ennoblit l’homme généreux).

— Vient-il quelquefois à Callao ?

— Je ne l’ai jamais vu, Monsieur, avant la soirée d’hier. On dit qu’il est à bord d’un petit vapeur amarré à l’entrée de la rade.

— Personne ne le connaît sur le port ?

— Non, Senorito. C’est un étranger. Les plus vieux matelots du port ne le connaissent ni lui ni son bateau, et pourtant, ils connaissent bien des capitaines de navire.

— Gracias, dit Helven.

— Vaya usted con Dios, dit le muchacho.

Et tout en rejoignant les autres, Helven répétait les syllabes sonores de l’adieu espagnol :

— Vaya usted con Dios : Vaya usted con Dios… con Dios… Espérons que ce ne sera pas avec le diable.

 

CHAPITRE IILe « Cormoran » lève l’ancre.

Guido vorrei che tu e Lapo ed io.

Fossimo presi per incantamento

E mesi in un Vascel ch’ ad ogni vento

Per mare andasse à voler vostro e mio.

Dante.

Le Portier Suisse et le Chasseur Nègre les ayant accompagnés de leurs bénédictions, les quatre voyageurs se dirigeaient à l’heure dite vers l’embarcadère. Quelques porteurs noirs les suivaient, la nuque ployée sous les malles de cabine. Celles de Marie Erikow étaient fort plates, d’un beau cuir patiné et parfumé et leurs flancs étaient revêtus d’une multitude de vignettes où l’on distinguait, sur des fonds de clairs de lune ou de couchants embrasés, le sphinx d’Égypte et les terrasses du Casino de Monte-Carlo, des bouquets de palmier, une gondole, le tout chevauché de ces majuscules dont les Astoria, Continental et Palaces du monde entier ornent capricieusement l’invitation au Voyage.

Le port encadrait dans la blancheur crue des môles une eau sombre et presque immobile. Des ballots de cacao, de quinquina, de manioc s’entassaient sur le quai. Assis sur un tas de cordages ou une balle de marchandises, des nègres coiffés d’un large panama, le torse nu et les jambes ensachées d’un pantalon de coutil rayé à pieds d’éléphant, suivaient avec indolence le déchargement d’une baleinière fraîchement arrivée des îles des Tortues. Lorsque Marie Erikow, éclatante de blancheur, passa près d’eux, ils relevèrent, épanouies d’un sourire ivoirin, leurs faces luisantes et semblables, sous les ailes de paille, à des soleils noirs.

— Voici le canot, dit Leminhac qui marchait en tête.

La curiosité fit battre le cœur de Marie Erikow, d’Helven, et même du professeur.

Au bord du quai, sur l’eau lourde, irisée, où flottaient des peaux d’orange et de pamplemousses, une lance se balançait, laquée de gris vert à filets d’or, un vrai canot d’amiral, monté par huit rameurs uniformément vêtus comme le matelot qui avait porté la lettre.

L’un d’eux qui, d’après le galon de laine noire posé sur sa manche, devait être un quartier-maître, sauta à terre au-devant des voyageurs et les aida à embarquer.

Puis, d’un « han », les huit torses blancs se renversèrent, huit gorges hâlées tendirent leurs muscles vers l’espace : les rames coupèrent l’eau d’un souple effort, sifflèrent, éclaboussées d’écume, ramenées vivement en arrière par huit paires de bras acajou. Le départ fut si rapide, l’élan si bien réglé et si vigoureux qu’Helven ne put s’empêcher de crier en anglais :

— Allo, c’est encore mieux que l’équipe d’Eton.

Un sourire du quartier-maître — visage de brique torréfié par le gin et le vent de mer — un sourire qui fut une sorte de plissement imperceptible au coin gauche des lèvres, remercia.

— Ce sont de bons garçons, pensa Helven.

Les passagers gardaient le silence. Ils n’osaient exprimer leurs sentiments, craignant d’être entendus, et une inquiétude se glissait subtile et sournoise dans leurs cœurs, à mesure que les blanches maisons de Callao se transformaient en cubes de plus en plus menus, et que le ciel et la terre s’élargissaient autour d’eux.

On n’apercevait pas le « Cormoran ».

— Où diable est donc ce mystérieux navire ? chuchota Leminhac à l’oreille du professeur. Je n’en vois pas la moindre apparence.

Le canot était déjà à l’extrémité du port. On avait longé des caboteurs à la coque rouillée, des chalutiers peints en rouge et noir et deux ou trois vapeurs plus sérieux, à demi sommeillant dans la torpeur de la rade, pavoisés d’une flamboyante lessive, chemises, jerseys, caleçons balancés doucement par la brise. Plus loin, c’était la pointe de la jetée, le phare, le poste de douane et le large.

— Où nous mènent-ils donc ? demanda Marie Erikow au peintre.

— Je n’en sais rien et je ne m’en soucie pas, répliqua celui-ci à voix basse. Nous sommes dans l’aventure : laissons-nous glisser. Êtes-vous inquiète ?

— Pas le moins du monde, fit Marie Vassilievna, avec assurance.

— Moi non plus. Je ne crains qu’une chose, c’est que l’aventure n’en soit pas une, que ce Van den Brooks soit, comme il le prétend, un honnête marchand de cotonnades, vaniteux et obligeant, et que tout se réduise à une promenade en mer.

— Je ne vous croyais pas si romanesque, fit Marie avec une pointe de curiosité. Que voudriez-vous donc ?

— Je ne sais pas moi-même. Mais j’erre à travers le monde à la poursuite de cette aventure qui n’arrive jamais. Je l’entrevois partout, et je ne la saisis nulle part. Elle se cache dans cette porte entr’ouverte, dans cette barque qui attend ; elle rôde à votre porte à la tombée de la nuit ; elle bourdonne autour de votre lampe, dans la chambre silencieuse. Cet homme qui vous frôle, cette femme qui s’est retournée imperceptiblement quand vous passiez, peut-être vont-ils l’apporter avec eux ; peut-être sont-ils chargés de votre destin ! Est-ce qu’on sait ? Le mystère est ici, là, ailleurs. Il est avec moi, avec ces rameurs, avec vous…

— Comme vous m’étonnez ! fit avec quelque langueur Marie Erikow plaisamment bercée par la voix et les troubles paroles du peintre. Je croyais les Anglais si froids.

— Nous sommes le peuple de l’aventure, reprit énergiquement Helven. Ne sommes-nous pas les fils d’une terre qu’entoure le chuchotement des flots ? Nous sommes nés dans une île, et cela suffit pour nous donner l’instinct des départs. Un commerçant, chez nous, est un poète — un poète qui s’ignore, c’est entendu : il y a dans ses ballots les épices des Antilles, la poudre d’or de la Guinée, les ivoires de l’Afrique ; il y a toutes les richesses, tous les diamants, tous les aromates de l’univers dans les cales de ses vaisseaux. Il y a aussi l’Empire, les Indes, et leur nom seul porte le mystère du monde. Cela suffit pour ennoblir l’épicerie.

— Je vous savais peintre, dit Marie : seriez-vous aussi poète ?

— Je ne suis qu’un voyageur, un passant, comme mille autres, étonné des choses les plus simples, curieux des choses les plus compliquées… Si ce Van den Brooks pouvait être un forban, un prince déguisé, le roi d’une île déserte…

Marie Erikow éclata de rire et ce rire sonna sur la mer éclatante et plate.

— Chi lo sa ? Il est peut-être l’un ou l’autre.