Le murmure de Calcidonia - Julio Oriliom - E-Book

Le murmure de Calcidonia E-Book

Julio Oriliom

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Beschreibung

Dans un futur où l’immortalité coexiste avec la surpopulation et la crise énergétique, Sohail Sekkal, un homme puissant, est à la fois un chef politique et membre d’une société secrète descendant de la Confrérie du serpent, franc-maçon et illuminati, les Metanoïa. Parti en secret explorer d’autres mondes vingt ans auparavant, le vaisseau spatial Ares se perd dans l’espace. Sur Terre, un laboratoire dirigé par Marina Romanov est attaqué par une organisation rivale, le RCSS, qui cherche à s’emparer du projet Oùoia « essence ». Traquée, Marina se lance dans une quête pour découvrir les secrets du projet. Le RCSS parviendra-t-il à mettre la main sur la jeune doctoresse ? Dans l’espace, l’équipage de l’Ares se retrouve finalement sur la mystérieuse Calcidonia, planète de naissance des dieux créateurs des hommes. Commence alors une aventure inimaginable pour Rachel, Gabriel et Dorian, à la découverte de la genèse de l’humanité.




À PROPOS DE L'AUTEUR




Julio Oriliom est un ancien militaire du troisième RIMa qui a servi en Afghanistan. Il a créé cette histoire en mélangeant sa propre expérience à son imagination, peignant ainsi un monde où l’homme coexiste harmonieusement avec la nature. Ce récit, mûri sur plusieurs années, vise à guider les lecteurs vers un futur fascinant.

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Julio Oriliom

Le murmure de Calcidonia

Un monde à l’agonie

Roman

© Lys Bleu Éditions – Julio Oriliom

ISBN : 979-10-422-2268-0

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

À mon amie Améthyste

Soutien inoubliable

1

Toute technologie suffisamment avancée

est indiscernable de la magie.

Arthur. C. Clarke

Les Élus du Pyramidion !

Colonies martiennes, 28 avril 2803

Sohail Sekkal fut lentement tiré de sa torpeur par la douce vibration de son Asthem.

Celui-ci, enroulé autour de son poignet, oscillait lentement dans des spectres lumineux opposés, passants de couleurs chaudes comme le rouge vif à des couleurs plus froides, tel le bleu azur, signalant par ce fait son état émotionnel à son entourage.

Il s’était de nouveau dissous dans ses propres pensées, abandonnant le fil du discours actuel. Redressant lentement le menton, il s’aperçut que plusieurs sénateurs juvéniles l’observaient d’un regard inquisiteur. Intérieurement, il se permit d’esquisser un sourire.

Ces petits cons, comme il aimait à les décrire, avec leurs visages glabres, leurs physiques filiformes et leurs attitudes de freluquets, se permettaient de le juger, lui, le président du Sénat !

Il sentit à nouveau poindre une certaine hostilité, rapidement effacée par un sentiment de honte empreint d’une certaine nostalgie, en référence à la résurgence de ses souvenirs de jeunesse.

C’est qu’à l’âge de cent vingt-trois ans, en dépit d’un physique athlétique qu’il s’efforçait d’entretenir à la salle de sport quotidiennement et semblable à celui d’un jeune homme d’une quarantaine d’années, il se sentait las.

Les avancées technologiques entreprises dans le domaine de la sénescence permettaient de vivre mieux, plus longtemps, plus fort avec fierté dans ces corps restant désormais juvéniles. Cependant, l’esprit lui restait immuable…

Il se tortilla discrètement sur son siège à sustentation magnétique. Il avait toujours eu un faible pour ce genre de technologie et celle-ci avait la capacité de mimétisme, le dossier opaque et soyeux épousant les formes du corps dans une étreinte subtile, diffusant une douce chaleur, le réchauffant et l’invitant à l’abandon.

Il jeta un regard discret à son entourage et s’aperçut que ces hyènes l’observaient à nouveau avec indiscrétion, semblant attendre une réaction de sa part.

Il réfléchit un bref instant, puis opta pour le sarcasme. Après tout, ils méritaient bien une petite leçon…

Esquissant subtilement un sourire en coin, il lança à l’assemblée d’un ton jovial :

« Toutes mes excuses pour cette légère absence, je me suis permis de réfléchir à notre conversation. Vos discours sont tellement captivants… »

L’effet escompté fut immédiat, plusieurs de ses jeunes confrères incommodés par cette réplique se mirent à rougir.

Subtilement, Sohail Sekkal venait à nouveau de reprendre sa place tant convoitée d’alpha dans cette horde indisciplinée. Sohail, patiemment, attendit que l’effet de sa pique se dissipe.

Puis indifférent, il lança d’un ton autoritaire :

— Très bien, reprenons nos obligations ! Où en étions-nous ?

Un jeune sénateur prit la parole d’une voix chevrotante.

— Nous votions la loi n° 2803-23258 du 2 avril 2803, traitant de la stérilisation humaine. Il ne manque plus que votre vote, Monsieur le Président.

— Je suppose que la majorité a voté en sa faveur ? interrogea Sohail d’un air sombre.

— Effectivement, cependant certaines modifications ont été apportées à cette loi, durant votre légère absence… lança le sénateur juvénile, reprenant un air de défiance…

Sohail préféra ignorer cette réplique irrespectueuse, provenant de ce petit blondinet arrogant. Il était habitué à ce genre de tentatives pour le discréditer.

— Quelles modifications cette loi a-t-elle subies ? demanda Sohail d’un air impassible.

Un homme d’un âge qui restait incertain de nos jours prit à son tour respectueusement la parole.

— Monsieur le Président, nous avons décidé de nuancer la loi. Désormais, les citoyens auront la possibilité de procréer un unique enfant, soit légitime, soit par adoption. Suite à l’enfantement, les femmes seront stérilisées. En contrepartie, tous les hommes citoyens de la Terre et des colonies devront effectuer un service militaire de trois mois.

Nous vous demandons de programmer une nouvelle réunion, afin d’éditer la loi sur le service militaire spatial.

Que pensez-vous de ces modifications, Monsieur le Président ?

Sohail laissa glisser ses yeux vers son stylo-plume. Il le fit tournoyer lentement entre ses doigts, mouvement qui demandait une certaine dextérité. Il observa en détail l’objet désormais désuet. Cette relique pour son époque, noire, filigranée de symboles rappelant ceux des Celtes, restait un chef-d’œuvre artistique.

Au centre de l’objet, discrètement était annotées deux initiales, AS pour Anaïs Sekkal. Il sentit une certaine tristesse indicible l’envahir.

Reprenant ses esprits, il se redressa de son imposante stature. Ses longs cheveux bruns retombèrent devant ses yeux d’un vert profond, constellé de points jaunes. Il dégagea son visage d’un geste gracieux frôlant son nez aquilin de teint cuivré qui accentuait ses yeux perçants. Fixant tour à tour son auditoire dans les yeux, avec son assurance habituelle, il exposa les faits :

« La situation est critique. La famine fait rage en réponse à la surpopulation et des conflits éclatent partout dans le monde. Pour l’humanité, la technologie de la sénescence a été une avancée non négligeable et bienfaitrice. Cependant, j’estime aussi que ça causera notre perte si l’on ne prend aucune mesure, aussi extrême soit-elle.

Mais nous connaissons avec certitude la réaction des citoyens par rapport à la stérilisation de masse. Nous risquons une révolte, un soulèvement des classes pauvres et moyennes, les plus enclines à se reproduire. Personne n’acceptera de renoncer à la sénescence, et de redevenir un simple mortel ! N’ayant engendré aucun enfant, je ne suis pas le plus à même de comprendre la nécessité de se reproduire, ce besoin presque viscéral pour certains…

Nous ne pouvons donc employer ce moyen extrême qu’est la stérilisation inconditionnelle !

Autoriser l’enfantement d’un être est une bonne solution à court terme. Malheureusement, nous savons bien que cela ne suffira pas ! Dans un avenir proche, nous devrons explorer de nouvelles solutions, si nous ne désirons pas l’extinction de l’humanité.

Pour le moment, je vote donc en faveur de cette loi et demande la clôture du Conseil ! »

Tous les membres du Conseil acquiescèrent.

Sans plus attendre, Sohail dans un murmure ordonna à son Asthem de rompre la connexion.

Tous les membres se dissipèrent dans le vide de sa salle holographique personnelle.

Il était à nouveau seul, exténué par cette réunion. Plus le temps passait, plus il avait des difficultés à maintenir le rythme entre ses diverses responsabilités. Et puis, il y avait ces absences, ces pertes de mémoire qui commençaient à l’inquiéter sérieusement.

Officiellement, il était le président du Sénat, admiré et respecté. Mais officieusement, il était au sommet d’une organisation mondiale secrète, connue depuis la nuit des temps. Il était la pierre angulaire, le triangle doré au sommet de la pyramide, partageant son pouvoir avec uniquement quatre autres personnes à travers le monde. Grâce à cela, il ne devait de compte à personne, mais en contrepartie, ses responsabilités étaient immenses. Son organisation avait rencontré bien des difficultés à travers les âges, pour amener l’humanité au prochain stade de l’évolution, tant bien technologique que spirituelle. Connue dans l’Antiquité sous le nom de confrérie du serpent, francs-maçons et tantôt sous celui des Illuminati dans les temps modernes, elle avait porté bien des noms à travers l’histoire et fasciné le commun des mortels. Détentrice de fabuleuses connaissances léguées par une civilisation mystérieuse, disparue depuis des millénaires, elle poursuivait, inflexiblement, son œuvre. Il se sentait épris d’une immense fierté d’apporter sa touche personnelle à l’édifice et la dirigeait d’une main de fer dans un gant de velours, comme disaient les anciens.

De nos jours, elle portait un autre nom, connu uniquement de ses quatre membres, mais pour le commun des mortels, le nom de Metanoïa était resté.

Machinalement, absorbé dans ses pensées, il avait rejoint le vaste salon de son immense demeure. Fier de sa réussite, il se permit d’observer son luxueux intérieur.

Le mobilier contrastait avec le style ultra futuriste de son habitation. En bois massif, d’origine néo-Renaissance, il laissait entrevoir la richesse du propriétaire.

Des tableaux de peintres célèbres trônaient dispersés à travers les murs de la pièce éclairée, par de subtiles lumières tamisées sortant des façades.

La nuit étoilée de Vincent Van Gogh ; la jeune fille à la perle de Johannes Vermeer, le portrait d’Adèle Bloch-Bauer de Gustav Klimt, la magnifique peinture hyperréaliste d’Albert Bierstadt l’Yellowstone Falls. Et plus loin, dans l’ombre des pièces, l’exposition se poursuivait. Quelques plantes de tailles et de formes variables étaient dispersées dans la pièce. Le sol était tapissé d’un magnifique tapis de style oriental, filigrané d’or. Plus loin, le robot ménager poursuivait ses tâches domestiques silencieusement.

Sohail savait qu’il avait tout ce dont un homme pouvait désirer, la beauté, la jeunesse, son immense fortune. Mais malgré cela, il restait seul. Du moins depuis le décès de sa compagne Anaïs, femme dont il était éperdument amoureux. Elle était sa béquille dans les moments difficiles de la vie, sa seule confidente lorsqu’il venait à douter de ses décisions et surtout c’était le seul être au monde à connaître sa véritable identité. Quoi qu’il en soit, sa disparition soudaine l’avait laissé anéanti. Il savait qu’il aurait à nouveau des difficultés à aimer après avoir connu une telle passion… Alors en attendant, il se consacrait corps et âme à son travail.

Dans un murmure mélancolique, il s’adressa à son Asthem :

« Thoria ? Apparais ! »

Aussitôt, un hologramme de nuances bleutées et d’apparence féminine sortit de son bracelet. Elle était d’une beauté enivrante, de longs cheveux ondulant jusqu’à la taille, tombait en cascade sur son visage. Ses yeux étaient en amande, son nez était fin et raffiné, terminé par de délicates narines. Ses lèvres étaient fines et larges. Son visage sublime semblait avoir été esquissé par les pinceaux de Léonard de Vinci en personne. Son corps était mince et de taille moyenne, parfaitement proportionnée. De magnifiques seins, en forme de poire, pointés vers le ciel sensuellement, devinables à travers la légère étoffe qu’elle portait avec grâce.

Étrangement, la ressemblance était parfaite, avec une photographie holographique trônant sur l’un des meubles.

Sohail l’admira avec tendresse. Thoria n’était qu’une IA aussi complexe qu’elle soit, mais à ses yeux, elle était bien plus que cela.

Thoria, d’une voix douce et tendre, s’adressa à Sohail :

— Bonjour Sohail. Comment s’est passée cette merveilleuse matinée ?

— Bonjour Thoria répondit-il, se sentant de nouveau enjoué par la présence de l’IA.

C’était une matinée dépourvue d’intérêts… dit-il avec lassitude.

— Je pensais que tu avais une conférence ce matin Sohail. Es-tu mécontent de cette réunion ?

— Effectivement… Le Conseil du Sénat s’enlise dans ses responsabilités. Le Sénat est jeune et immature, les prises de décisions ne sont plus leurs points forts…

— C’est la raison pour laquelle votre Ordre existe ! répondit Thoria mystérieusement.

Tu dois utiliser toutes les connaissances en ta possession pour les guider. Tel est ton devoir ! dit Thoria en laissant s’éteindre sa voix.

— Tu as parfaitement raison Thoria ! s’exclama Sohail fasciné par la personnalité complexe de l’IA, calquée sur celle de son ex-femme.

Je les ai guidés dans leurs prises de décisions, guidé vers leur destinée…

Cependant, la tâche n’est pas évidente. Mes prérogatives au Sénat donnent des avantages considérables à notre Ordre, mais je dois rester discret et influencer le Sénat sans révéler nos véritables objectifs.

— Tu es une personnalité respectée Sohail. Que tu le veuilles ou non, tu influences leurs décisions… Que leur as-tu suggéré ? susurra Thoria.

— Je n’ai fait qu’acquiescer les décisions qu’ils avaient déjà prises et laisser entrevoir de nouvelles possibilités… dit vaguement Sohail. Grâce à cela, ils gardent un peu d’espoir… Cependant, la solution a déjà été trouvée il y a plus de vingt ans… laissa s’échapper mystérieusement Sohail.

— Veux-tu parler du projet « Ares » ? demanda Thoria.

— Oui, mais Ares n’est qu’une infime partie du puzzle. Le plus important est la découverte liée à son réacteur à distorsion, sa mission et tout ce que cela implique, l’aboutissement d’Oúoia…

— Quelle est la mission d’Ares, Sohail ?

— Explorer une zone précise de la ceinture d’Orion, l’astre de Mintaka l’étoile centrale de la ceinture d’Orion.

— Pour quelle raison ? interrogea Thoria. Au fait, savais-tu que les noms d’Alnitak, Alnilam et Mintaka sont d’origine arabe ?

— Non, je ne le savais pas. Que signifient-ils ?

— Eh bien, Alnilam signifie « rang de perles », Mintaka « le baudrier » et Alnitak vient du mot an-nitaq et signifie « la ceinture ».

— Très intéressant, merci pour ces informations. Pour en revenir à ta question, nous avons reçu un signal séculaire, provenant de cette région… dit Sohail, le regard dans le vide.

— Selon les données que je détiens, la découverte du moteur à distorsion permet un vaste champ de recherche, comme les voyages temporels, le passage entre les multivers, etc. C’est une avancée non négligeable pour l’humanité… supposa l’IA. Ignorant volontairement la remarque sur le mystérieux signal.

— C’est aussi la raison pour laquelle cette découverte doit rester secrète, tant que l’on n’aura pas exploré toutes les possibilités, cette technologie est bien trop novatrice et mal employée, elle pourrait s’avérer être une menace pour l’humanité… Dans l’immédiat, elle permettra surtout de découvrir de nouvelles régions de la galaxie, de trouver de nouvelles planètes habitables pour notre espèce et de prendre contact avec d’autres entités. Cette technologie combinée à celle que nous pourrions récolter lors d’exploration pourrait nous permettre de propulser notre civilisation de type deux à celle de type trois ! dit Sohail, perdu dans ses pensées.

— Cela confirmerait ou infirmerait l’équation de F. Drake. Selon cet astronome du vingtième siècle, il n’existerait pas moins de dix civilisations évoluées en mesure de communiquer dans notre Voie lactée ! énonça Thoria, consultant ses données informatiques.

— Ce n’est pas impossible, après tout l’univers est vaste… Et puis cela laisse à interprétation le paradoxe de Fermi, dit-il avec indifférence…

Actuellement, nous captons l’énergie de notre étoile grâce à une sphère de Dyson, mais la demande énergétique est proportionnelle à l’expansion de notre espèce. Nous sommes trop nombreux et malgré la colonisation des planètes de notre système solaire, l’espace commence à se raréfier et notre technologie est trop vorace en énergie…

Nous avons estimé que dans moins de cent ans, la surpopulation et la demande énergétique poseront de sérieuses difficultés à notre race… dit Sohail en exposant la situation plus pour lui-même que pour Thoria.

— Donc vos plans sont d’ordre séculaire ? s’étonna Thoria.

Sohail esquissa un sourire, les interactions avec cette intelligence artificielle étaient stupéfiantes. Il s’apercevait de l’évolution de celle-ci qui se transfigurait au fil de la conversation, dépassant de loin les espoirs du test de Turing. Pouvait-elle être considérée comme douée d’intelligence, voire empreinte d’une certaine vie ? Se demanda-t-il avec curiosité.

L’IA resta immobile, là dans le décor luxueux du salon, attendant impassiblement une réponse de sa part. Sohail laissa traîner son regard jusqu’à l’immense baie vitrée de la pièce.

Dehors, le soleil avait fait place à une légère couverture nuageuse. Une fine pluie tapotait contre la vitre. Plus loin, les arbres séculaires du jardin, majestueux laissaient leurs délicates feuilles plier sous une douce brise. Des parterres de fleurs rares de nos jours s’étendaient à perte de vue, tandis qu’un androïde jardinier, taillait délicatement les herbes d’un vert intense, poursuivant nonchalamment l’itinéraire, préétabli dans ses circuits neuronaux.

La luminosité matinale semblait presque mystique, accentuant les contrastes du paysage, faisant ressortir par la même occasion la silhouette de l’androïde.

Son immense demeure était située dans une zone isolée. Domaine de plusieurs milliers d’hectares, qu’il s’était offert grâce à son incommensurable fortune, s’achetant par la même occasion sa tranquillité. Lentement, il fut tiré de sa rêverie par la voix lointaine de Thoria :

— Tu sembles épuisé, Sohail ! Veux-tu prendre connaissance des statistiques de ta nuitée ?

— Affiche-les sur mon Asthem et énumère-les, Thoria, dit-il indifféremment.

— Thoria énuméra d’une voix machinale :

Statistiques de la nuitée du 27 avril 2803.

6 h 30 de sommeil.

1 h 20 en heures profondes.

62 battements par minute.

Qualité du sommeil à 4.48 sur une échelle de 10.

Déficit de 31.1 %.

Oscillations neuronales :

Onde alpha proche des 12 Hz durant la majorité de la nuit, suggérant une certaine agitation.

Onde Beta 35 Hz se situant dans la normale à l’éveil.

Onde Delta normale.

Je te suggère de dormir à compter de 20 h 30 jusqu’à 6 h demain matin, si tu souhaites stabiliser tes capacités physiologiques et psychiques…

— Au moins, je sais maintenant pourquoi je me sens si las, répondit Sohail sans enthousiasme…

Subtilement, un coin de la pièce s’illumina d’une lueur blafarde. Discrètement, sorti de la pénombre, apparut Imran El-Jai, fidèle majordome familial depuis des décennies. C’était un homme d’un âge avancé, de taille moyenne, mais robuste. Sa délicatesse dans ses gestes et paroles contrastait avec son physique. Il était toujours attentionné envers son maître.

D’une voix presque imperceptible, le majordome murmura à son Asthem et aussitôt un parfum enivrant aux senteurs orientales se diffusa au travers de la pièce, sortant de nouveau Sohail de sa rêverie.

— Sabahu al-khair, Monsieur, dit respectueusement le majordome. J’ai activé l’appareil odoriférant. Cela vous convient-il ?

— Sabahu an-nur Imran, répondit Sohail à son salut.

— Merci pour cette attention Imran, dit Sohail en humant les senteurs enivrantes. Décidément, il devinait toujours ce qui lui faisait plaisir, se dit-il.

— Monsieur, comme convenu, les préparatifs pour votre voyage sont terminés, votre vaisseau vient d’apponter, énonça Imran avec son flegme habituel. Puis-je vous demander, à quel moment de la journée comptez-vous quitter votre demeure ? Que je puisse avertir le pilote…

— Je pense partir en milieu d’après-midi Imran. Mes bagages sont-ils prêts ?

— Non Monsieur, ils sont en cours de préparation, si vous n’avez plus besoin de ma présence, je vais retourner m’en occuper.

— Très bien, tu peux disposer. Merci pour ton efficacité Imran.

Imran quitta la pièce aussi discrètement qu’il s’était manifesté, laissant Sohail de nouveau seul avec Thoria.

L’IA, curieuse, flottait sans bruit à travers le salon, admirant les divers tableaux.

— Que ressens-tu face à l’art, Thoria ? demanda Sohail, curieux de savoir si l’IA pouvait simuler des sentiments.

— Pour moi, l’art est une discipline mystérieuse, j’ai des difficultés à appréhender le processus de création de ces œuvres… Cependant, j’aime admirer la beauté de ces tableaux, ces couleurs fascinantes, dit simplement Thoria.

La réaction de Sohail fut mitigée. Il se sentait déçu par cette réplique simpliste, dépourvue de sensibilité, mais dans un sens, il était rassuré que l’IA ne puisse ressentir aucun sentiment, car elle pourrait à terme, devenir l’égal de l’homme est de ce fait représenter un danger certain…

Soudainement, il ressentit une douce caresse, parcourant son bras gauche et se transformant progressivement en délicats picotements, chatouillant l’extrémité de ses doigts.

Son Asthem s’était mis à vibrer. Un écran holographique apparut à sa surface, semblable à celle d’un torque celte, indiquant un appel crypté entrant sur sa ligne personnelle. L’Asthem changea de couleur, passant de son aspect usuel doré très pâle, rappelant le célèbre orichalque, à un rouge violet. Signifiant par ces changements de couleur, un infime état de stress.

— Thoria ? apostropha Sohail. Transfère l’appel dans la salle holographique !

— Très bien Sohail. Appel transféré, vos interlocuteurs vous attendent…

Sans plus attendre, d’un pas décidé, l’homme se dirigea vers une surface rectangulaire plus claire dans le mur du salon. Son Asthem s’illumina brusquement d’une lueur d’un blanc intense. Le mur harmonique se mit à vibrer et Sohail sans hésiter le traversa tel un spectre. Il ressentit la sensation habituelle lors de la traversée de la matière, un léger picotement parcourant son corps. Il parcourut le couloir en quelques enjambées, menant au mur harmonique de la salle holographique et le traversa de nouveau d’un mouvement vif.

Trois personnalités étaient assises autour d’une table ovoïde trônant au centre de la pièce. Cependant, un siège restait vide. Sohail prit place et lança sur un ton détaché :

— Je vous souhaite bien le bonjour, Messieurs !

— Bonjour à toi, Sohail répondirent d’une même voix les trois acolytes.

— Pourquoi cette réunion ? En quoi puis-je vous être utile ? interrogea Sohail.

— Nous avons programmé ce rassemblement, car la situation semble critique. Plusieurs problèmes nous tracassent…

À quels genres de problèmes faites-vous référence ? dit Sohail d’un ton qui laissait apparaître son inquiétude.

Il sentait qu’il allait passer un mauvais moment, il n’avait pas tenu tous ses engagements.

« Commençons par celui qui te concerne directement ! » lança la personne sur le siège à l’extrémité droite de la table. Elle s’exprimait avec assurance et aisance dans une langue qui n’était pas la sienne. C’était une femme d’apparence jeune, mais tout était relatif à cette époque. Dans son regard transparaissait une certaine sagesse, acquise au fil des âges.

Ses caractéristiques physiques, rappelait celle d’une Asiatique. Couleur de peau d’un jaune pâle, cheveux longs d’un noir de jais, les yeux en amandes. Des lèvres fines étaient surmontées d’un nez petit et fin ornant le centre de son visage. Elle le scrutait d’un regard intense où se lisait une forte volonté.

L’homme, situé au milieu de la table, prit à son tour la parole :

« Qu’en est-il de notre scientifique, la Dr Marina Romanov ? Est-elle maîtrisée ? » dit-il en passant une main blanchâtre dans ses cheveux blonds. Son corps semblait sec et musclé sous ses légers vêtements. Tout comme la femme, on pouvait lire une grande force de caractère sur son visage. Les Asthems des trois personnes affichaient un noir intense, laissant transparaître leurs colères.

Sohail déglutit, reprenant son souffle pour mieux les affronter.

— Nous avons perdu sa trace aux environs de Lisbonne au Portugal depuis bientôt une semaine. Son Asthem a cessé d’émettre ses fonctions vitales. Sachant qu’il est impossible de l’enlever, il est possible qu’elle soit décédée…

— Possible ? s’emporta le dernier personnage. Sois-en sur, bordel ! Elle se trouve dans ton secteur, c’est ta responsabilité ! Cette scientifique possède une partie importante des connaissances, concernant le projet Oùoia.

Des trois, il était le plus nerveux, mais aussi le plus pragmatique. C’était le plus jeune, ce qui expliquait en partie son comportement. Il avait un physique filiforme et gracieux. Grand, il dominait tous les autres d’approximativement une demi-tête. Ses cheveux étaient courts et châtain clair, ses yeux de couleurs verts, laissaient paraître sa colère.

— J’ai déjà pris toutes les dispositions possibles pour la retrouver. Si elle est encore vivante… s’exaspéra Sohail.

— Elle a effacé les données du projet Oùoia, sur l’ordinateur central de son laboratoire et apparemment elle en détient une copie. Dieu seul sait ce qu’elle compte en faire. Espérons qu’elle ne passera pas à l’ennemi, dit la femme.

— Le laboratoire dans lequel elle travaillait a été dévasté, par un commando inconnu, on a perdu un des scientifiques les plus importants dans l’attaque et un haut gradé de notre Ordre. Le Dr Raphaël Schmitt, physicien quantique. Cette femme est devenue une de nos priorités dans l’immédiat, nous devons la retrouver morte ou vive, énonça l’homme aux cheveux châtain.

— Ce qui nous amène à l’autre problème, le commando ! À quel organisme appartient-il ? interrogea la femme en laissant son regard errer dans la pièce.

— Je mettrai ma main au feu que Souleymane n’est pas étranger à tout cela ! s’exclama agacé l’homme blond. Instinctivement, tous jetèrent un regard au siège vide…

— C’est un traître, il s’est détourné de notre cause. Il mériterait la mort ! s’emporta le plus jeune en serrant les poings.

— Le Regroupement des Colonies Scientifiques et Spatiales est sous son contrôle dit calmement Sohail, ils cherchent à s’émanciper, ils vivent déjà en autarcie depuis peu. Je ne serais pas surpris d’apprendre que ce sont eux qui ont commandité cette attaque contre notre laboratoire et tenté de récupérer les données et la scientifique…

— Leurs technologies dans le domaine de l’Intelligence Artificielle et la robotique sont précieuses pour nos objectifs. Nous ne pouvons nous permettre de perdre ce savoir, s’ils acquièrent les connaissances relatives à la technologie du moteur à distorsion, ils mettront les voiles vers de nouveaux horizons. Compléta l’homme juvénile.

— Pour le moment, nous ne pouvons rester qu’en observation. Le plus important reste de remettre la main sur la scientifique et de s’assurer que les données restent secrètes et hors de portée du RCSS. Sohail, comme convenu, tu t’occupes de retrouver la Dr Marina Romanov.

D’un commun accord, les quatre hommes se déconnectèrent du réseau, mettant de ce fait fin à la réunion.

Sohail resta un moment le regard dans le vide, laissant ses yeux glisser sur la table de la salle holographique, se remémorant la conversation. Le projet Oùoia, débuté il y a des millénaires, était sur le point d’être compromis… Finalement, tout n’était pas tant que ça sous contrôle, pensa-t-il.

Son Asthem vibra, annonçant la réception d’un appel. Son majordome lui annonça que les préparatifs pour son voyage étaient finalisés. Sohail demanda à ce que le pilote soit prêt. Il allait finalement partir plus tôt que prévu.

Il resta encore un moment à réfléchir puis résigné, il ordonna l’extinction de la salle holographique et d’un pas décidé, traversa le mur harmonique en direction du couloir. Il tourna à droite et prit l’ascenseur magnétique menant au toit.

Arrivé à l’air libre, il huma l’odeur résiduelle de la pluie matinale, tandis que son visage était caressé par une douce brise.

Là, central à la scène, se trouvait son majestueux vaisseau antigravitique blanc, de dernière génération de cent dix mètres de long, nommé Zéphyr.

Arrivé à son bord, son majordome souriant l’attendait avec un verre, contenant un liquide bleuâtre, à la main.

— Prenez Monsieur, cela vous fera du bien, dit-il en tendant le verre à Sohail.

— Merci bien Imran, dit Sohail en dégustant son breuvage.

— Quelle est notre destination, monsieur ? demanda distraitement le pilote en consultant sa check-list.

Sohail hésita un moment, puis disant plus pour lui-même :

— On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Direction la Terre !

2

Un long voyage

Ares, 3 mars 2876

Dans l’antre de l’Ares régnaient un froid glacial et la pénombre. Les étoiles étirées se devinaient au travers des hublots de forme sphériques. Quelques débris d’objets s’étant brisés durant le voyage et vomissant des liquides regroupés dans un amas formant des bulles flottaient silencieusement dans les pièces givrées en état d’apesanteur…

Depuis son lancement, dans un silence d’outre-tombe, le vaisseau poursuivait son itinéraire extrasolaire en mode économie d’énergie. Filant dans l’immensité spatiale, telle une comète engouffrant son propre combustible. Soudainement, sur la passerelle, s’illumina un des écrans holographiques de l’unité quantique centrale. Des lettres bleu clair ressortirent sur la couleur orangée de l’hologramme, indiquant une détection de défaillance dans le système de refroidissement du moteur de distorsion arrière droit. Les lettres bleues clignotantes démontraient que la dérivation immatriculée 236678 était hors connexion. Un nouveau message fit son apparition, cette fois-ci ordonnant la programmation du passage en infraluminique, suivi d’un compte à rebours. Le décompte atteignant le point zéro, un nouveau message rougeâtre s’afficha. Des lettres en capitales indiquaient, en état d’urgence, le lancement du réveil du capitaine de vaisseau.

À l’autre bout de la passerelle, dans une des salles, éclairées par des lueurs blafardes sortant du bas des murs dorés pâles, étaient positionnés en arc de cercle trois cryotubes. Leurs écrans holographiques éditaient les fonctions vitales des occupants indubitablement. Soudainement, la salle s’illumina d’un rouge vif. Le cryotube central sorti lentement de sommeil. Sur l’écran holographique, étaient indiquées quelques informations, la fonction de l’occupante qui était capitaine de vaisseau, son nom Rachel Simon ainsi que son âge biologique de quatre-vingt-dix-neuf ans. Tout en bas sur l’écran du cryotube, une ligne rouge clignotante indiquait que la sortie de stase était imminente.

Dans un léger soupir, le panneau central du cryotube coulissa vers le haut. L’intérieur surexposé par une forte lumière bleuâtre laissa transparaître le corps de son occupante.

C’était une femme fluette, de taille moyenne, visage gracile, surplombé de longs cheveux bruns. Ses paupières délicates s’ouvrirent lentement sur des yeux d’un marron profond constellé de points jaunes. Son âge apparent était dans la trentaine. Rachel, reprenant ses esprits, caressa délicatement du bout des doigts son visage. Elle humecta ses lèvres en les frottant l’une contre l’autre, déglutit puis après avoir pris une profonde inspiration, s’adressa à Hestia, l’IA d’Ares :

— Hestia ? Sommes-nous arrivés à destination ? Pour quelle raison sommes-nous en alerte ? interrogea Rachel, surprise par l’ambiance globale de la salle. Celle-ci était plongée dans une lumière palpitante, d’un rouge vif, accompagné d’un signal sonore de faible intensité.

— Intégrité du vaisseau et de ses occupants menacés, s’éleva une voix douce, mais clairement synthétique dans le néant. La voix poursuivit en déclarant que l’état d’urgence était activé.

— Que se passe-t-il ? demanda Rachel sentant poindre une certaine inquiétude.

— Le module de dérivation n° 236678 est hors connexion. Je suis passé en éveil du capitaine de vaisseau en cas de périls imminents, énonça Hestia.

— Mon Dieu, dit Rachel, d’un air hagard et toujours sous l’influence du sommeil.

— Passage en vitesse infraluminique, énonça l’IA d’une voix synthétique.

Rachel prit le temps de regarder son environnement. La pièce était de forme circulaire, les murs d’un alliage doré pâle étaient teintés de la lumière rouge ambiante, projetant les silhouettes des cryotubes dans toutes les directions, formant des formes semblables aux pétales d’un coquelicot sur les parois. Comprenant soudainement l’urgence de la situation dans laquelle elle se trouvait, précipitamment, elle sortit de son module, se dirigea vers un compartiment de forme ovoïde et prit des vêtements blancs ; tout en essayant d’enfiler sa combinaison, elle annonça d’une voix qu’elle se voulait calme :

« Très bien, je rejoins la passerelle ! »

Elle traversa rapidement le mur harmonique de la salle face à son cryotube, se retrouvant dans le couloir de service. Celui-ci, longeant le vide, était fait dans l’alliage habituel doré pâle et parsemé de hublots de formes sphériques de trois mètres de diamètre, laissant entrevoir désormais les étoiles bien visibles, ainsi qu’une nébuleuse aux couleurs chatoyantes rouges et bleutées. Flottant en apesanteur, désormais débarrassée de son propre poids, elle se propulsa sur les quinze mètres la séparant du prochain mur harmonique en prenant appui sur le sol. Elle parvint de nouveau dans une pièce, s’engageât ver le mur harmonique se situant à l’extrémité gauche et le franchit sans hésiter dans une légère précipitation. Son Asthem s’illuminant d’une lueur d’un blanc éclatant à chaque franchissement.

Cinq minutes plus tard, Rachel était parvenue à la passerelle. Cette dernière était de forme elliptique, plongée dans une semi-obscurité, elle s’illumina à son arrivée. Situé en face d’elle, se trouvait un immense hublot, donnant sur le vide spatial. Disposées en arc de cercle au centre de la pièce, trônaient trois consoles de contrôle de forme demi-sphérique, dont les sommets étaient tronqués. Un écran holographique orangé flottait au-dessus de la console centrale.

— Hestia, je suis arrivé, annonça Rachel. Réactive la pesanteur. Énumère et affiche les anomalies sur l’ordinateur central.

— Bouclier électromagnétique antiparticulaire à 35 %

Perturbations du système de refroidissement du moteur à distorsion arrière droit.

Module n° 236678 hors connexion, énonça l’IA.

— Parfait.

Quelles dispositions as-tu prises ? demanda la capitaine.

Hestia, l’IA du vaisseau apparue à ses côtés en hologramme. D’apparence translucide, de couleur bleutée aux reflets blanchâtres, elle était représentée par une personne de sexe féminin, aux cheveux courts, et d’un âge incertain.

— Une dérivation a été effectuée sur le réseau du Bouclier Électromagnétique Anti particulaire Système, ayant pour effet de protéger les cellules habitables, dit Hestia d’un ton qui se voulait apaisant, aux connotations maternelles.

— Qu’avons-nous sacrifié ? Hormis la dérivation du BEAS ? demanda Rachel, sentant poindre une certaine inquiétude.

— Les pièces techniques sont désormais exposées aux particules solaires. Hestia afficha sur l’ordinateur le plan du vaisseau en trois dimensions. Des cellules du vaisseau apparaissaient en rouge.

— Que préconises-tu concernant le module réfrigérant ? demanda Rachel en parcourant le plan.

— Sortie extravéhiculaire envisagée, pour le remplacement du module défectueux, préconisa l’IA.

— Très bien, je rejoins le sas de sortie. Veille à le pressuriser et active le champ de force de l’Ares !

— Sas pressurisé, champ de force activé ! Vous pouvez y accéder, Rachel !

Rachel, mettant précautionneusement sa combinaison spatiale, cherchait à se remémorer intérieurement les diverses procédures relatives à sa mission. Son Asthem diffusait une lueur d’un rose pâle, qu’elle remarqua, lui indiquant qu’elle était soumise à une légère nervosité. Elle prit une profonde inspiration, se disant intérieurement que la situation n’était peut-être pas aussi désespérée que ce qu’elle voulait bien croire. Mais était-ce seulement vrai ? N’essayait-elle pas de minimiser les risques pour se rassurer ? Et cependant, retarder sa sortie dans l’espace ? Finalement, après s’être un peu apaisée, elle se remémora son lieu de confort, technique de méditation efficace censée la calmer, qu’elle employait désormais depuis de nombreuses années et machinalement créa son univers intérieur. Dans son esprit se matérialisaient des arbres majestueux, semblant étendre leurs branches jusqu’au plafond étoilé. Là sinuant entre leurs troncs gigantesques, plusieurs fois millénaires, se trouvait la rivière aux reflets argentés ou elle se baignait durant son enfance. Au pied de ses titans à l’écorce robuste, par troupeau, se prélassaient des chevaux puissants et paisibles d’un noir profond, étendus sur l’herbe d’un vert intense. L’odeur résiduelle de la végétation humide et fortement musquée emplissait l’air. Le ciel était illuminé d’une intense luminosité orangée, parsemé de nuages diffus et étoilés annonçant la venue de la nuit. Plus loin, une source d’eau enracinée sous un énorme roché ayant connu les balbutiements du monde agrémentait cette vision d’une douce mélodie. Le tout donnait à ce souvenir vu par une enfant âgée de cinq années une ambiance mystérieuse, approchant le divin…

Dominant ses émotions pour donner suite à ce flash séraphique, calmement, elle brancha le câble d’alimentation électrique, puis d’oxygène à son casque situé à ses pieds. Les orbites de celui-ci, s’illuminèrent d’un rouge vif semblable à des yeux démoniaques, semblant percé le plus profond de son être et lui adjoignant d’opérer un demi-tour. Le long de la dorsale de la combinaison, l’hologramme du système de survie se matérialisa. Il indiquait les fonctions vitales ainsi que le pourcentage d’oxygène disponible et l’état du recycleur de dioxyde de carbone, permettant en un coup d’œil à d’autres astronautes de veiller sur son intégrité physique. Elle enfila le casque, pris la caisse à outils rouge, le module de remplacement quelle plaça à l’intérieur, puis se dirigea vers l’extrémité de la pièce ; tout en ordonnant à Hestia de dépressuriser la salle et d’ouvrir le sas. Un chuintement se fit soudainement entendre, l’air de la pièce était violemment expulsé l’attirant irrémédiablement vers l’extérieure de la cellule. Lentement, la paroi s’ouvrit l’exposant à l’immensité du vide spatial. Face à elle, le néant d’un noir intense, à la fois oppressant, angoissant et merveilleusement enivrant, semblait l’appeler. Et bien plus loin, presque comme à portée de main, les étoiles palpitant doucement de diverses couleurs. Dans le coin droit de son casque se trouvait une magnifique nébuleuse irradiée de ses couleurs rouges et bleutées.

Rachel s’élança dans le vide, prenant appui du pied droit sur le bas de la porte. Elle flotta dans le néant, se sentant minuscule et emplie d’humilité, face à l’immensité intersidérale.

Le vaisseau lui paraissait gigantesque proportionnellement à sa taille, telle une fourmi à côté d’un scarabée. Elle se retrouva séparée du vide spatial par le champ de force attractif d’une trentaine de mètres de largeur, la maintenant à proximité du fuselage. Activant ses propulseurs, elle se dirigea vers la poupe d’Ares en longeant l’incommensurable coque métallique.

Bientôt derrière un des angles de la coque, les moteurs colossaux apparurent perçants l’immensité obscure de leurs lueurs bleuâtre. La silhouette de Rachel se dissipa, dans l’intense luminosité de ces forges cosmiques, les propulsant à une vitesse supraluminique. Elle lança un ordre dans son casque à Hestia et aussitôt ceux-ci s’éteignirent, laissant entrevoir le panneau coulissant de maintenance situé entre les quatre moteurs.

Elle s’en approcha en inversant la poussée de ses propulseurs, réduisant sa vitesse progressivement. Arrivée à moins de cinq mètres de son objectif, s’apercevant qu’elle arrivait à une vitesse supérieure à celle qu’elle avait estimée, elle se prépara à l’impact.

Percutant de l’épaule la paroi du vaisseau avec une grande vélocité, elle rebondit, tournoya et dans un réflexe salvateur, s’agrippa à l’échelle de service. Tremblante, intérieurement, elle remercia ses durs instructeurs de l’avoir fait répéter sans cesse, les procédures d’urgence lors des sorties extravéhiculaires.

Elle se souvenait de l’épuisement physique et mental extrême, suite à ce drill forcé qui l’avait conduite à haïr ces exercices. Aujourd’hui, seuls prédominaient la reconnaissance et le soulagement. Elle entreprit de monter un à un les barreaux, la séparant du panneau de maintenance ; tendant le bras droit, elle tourna le bouton circulaire de la trappe ovoïde et s’y engouffra.