Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Soudain je me retournais, j'étais déjà à huit mètres de lui. Je fixais Roger d'un air mitigé, attendant ce qu'il avait à me dire. Je restais débout à mi-chemin, l'observant derrière les barreaux. Mon coeur continuait à battre, je fermais mes yeux pour mieux supporter le verdict. Longtemps les Dubey ont été à la loge d'accusation, pour une fois je devais comparaître au box des accusés. Pour une fois je ressentais ce que des milliers de prévenus et condamnés ont toujours vécu à ce moment fatidique. Il criât alors de loin, très fort, de sorte que tout Cabanon puisse l'entendre. - Daïra Dubey! Je...
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 160
Veröffentlichungsjahr: 2024
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Prologue
I
II
III
IV
V
VI
VII
Je veux devenir avocate. C’est mon rêve depuis ma plus tendre enfance. C’est la vie de mes parents qui m’a inspirée. Je veux militer pour défendre les « faibles ». C’est un idéal que bon nombre de personnes ont. Mais la question est de savoir ce que chacun met dans le mot « faible ».
La plupart des hommes répondront que ce sont les femmes alors que pour moi, les femmes sont les plus fortes. Dans mon enfance, quand je pensais aux faibles, je pensais à tous ceux qui étaient marginalisés, laissés pour compte.
Ce rêve m’a poursuivie durant toute ma jeunesse. Et dès que j’ai eu mon Bac, je me suis inscrite à la faculté de droit. J’eus pour projet de poursuivre mes études à l’étranger, loin de mon pays dont le système éducatif ne m’inspire guère confiance. Ayant eu échos du découragement que l’université de Lomé infligeait à ses étudiants, je ne voulais pas me faire compter parmi ses proies.
Malheureusement, les démarches pour l’obtention d’un visa se soldèrent par un échec. Je fus contrainte de rester au Togo. Des jours durant, je pleurai toutes les larmes de mon corps. Mon cœur était brisé, mon âme affligée. Plus rien ne me semblait important ; je sombrai dans les ténèbres.
A l’approche de la rentrée, je me ressaisis et décidai d’aller m’inscrire à l’université de Lomé.
Je garderai un silence sur mon parcours à l’université togolaise. Ce fut tout un panaché d’amertume, de joie, de frustration, de distraction, de haine, d’amour et tant d’autres contradictions.
Cette vie tumultueuse me conduisit à m’intéresser aux personnes souffrantes. Dans cette contradiction où je vivais, je commençai par fréquenter les enfants de rue, en cherchant des moyens pour leur venir en aide. Je faisais aussi des enquêtes sur les prostituées, j’essayais de comprendre ce qui poussait les femmes à opter pour cette vie.
Les prisonniers ne m’avaient jamais passionnée. Même si je voulais être avocate et que mon boulot consisterait à les défendre et à les assister, je m’étais édictée des règles, me disant qu’en tant qu’avocate, je ne prendrais guère la défense de certains prévenus. Ainsi, je n’aurai pas à défendre certains criminels, tels que les meurtriers, les violeurs, les pédophiles et ceux dont les crimes révèlent leur insociabilité.
Parfois, je pense que certains prisonniers méritent la peine de mort. Et pourquoi pas une bonne correction à ceux qui militent en leur faveur…
La première année à la fac de droit, je me mis à fréquenter régulièrement les palais de justice. J’étais passionnée par les procès. Je voulais comprendre l’inculpé et la victime. Certaines fois, j’étais pour la victime, et d’autres fois, pour l’inculpé. Mais le plus souvent, je me perdais dans mon jugement. Mon envie de devenir avocate s’accroissait au fur et à mesure que je remarquais dans certains cas que le prévenu était innocent et que le juge avait été trop sévère. D’autres fois, j’avais envie de devenir juge pour alourdir la peine d’un prévenu ; bref mes sentiments étaient tous les temps partagés.
Au cours du second semestre, j’eus un professeur de droit pénal qui m’inspirait. C’était un avocat, très humaniste, qui avait de la compassion pour les prisonniers. Il nous parlait souvent de la vie misérable de ceux-ci, nous affirmant que la prison était remplie d’innocents.
Il nous raconta, un jour, une histoire qui me marqua beaucoup. C’était un gars qui une nuit, où il y avait délestage, décida d’aller acheter du pétrole pour approvisionner sa lampe. Il arriva chez le vendeur une minute après le départ des auteurs d’un braquage à main armée qui causa la mort de celui-ci. Dès que la femme de la victime sortit et vit l’acheteur, elle cria : Oh voleur !!! Et tout d’un coup, la population se rua sur lui et le bastonna. La police arriva, il fut mis en garde à vue et déféré à la prison civile. Il fut jugé et condamné à perpétuité pour meurtre car étant pris en flagrant délit. Le gars fut si déboussolé par ce qui l’arriva qu’il ne sût quoi dire pour sa défense. Son avocat commis d’office ne s’impliqua pas assez pour prouver son innocence. Cet homme passa plus d’une dizaine d’années de sa vie en prison ; sa vie fut détruite, sa famille l’abandonna à son triste sort. Parce qu’il se trouva au mauvais endroit au mauvais moment, il fut inculpé de meurtre avec circonstances aggravantes. Cela peut arriver à chacun d’entre nous ; nul n’est épargné. C’est après tant d’années que les coupables de ce crime furent arrêtés pour un autre forfait qu’ils passèrent aux aveux et reconnurent le crime passé. Le malheureux dont les lacunes de notre institution juridique ont détruit la vie, fut libéré. Je crois qu’il deviendra pour de vrai un criminel. Il aura du mal à se réinsérer de plus, il n’avait pas été dédommagé.
Mais, avec ce recul je conclus que ce dernier au moins a eu la chance de survivre puisque « tant qu’il y a la vie, il y a de l’espoir ». C’est une triste réalité : soit beaucoup d’innocents meurent en prison soit ils sont condamnés à la peine de mort. Heureusement qu’elle est presque abolie de nos jours. Mais parfois, j’ai bien envie que la peine de mort soit encore appliquée.
Ailleurs, je plains la conscience de tous ces juges qui ont prononcé la peine de mort à l’endroit des personnes qui ont été reconnues innocentes. Vraiment la justice est délicate. A la fin de son récit, notre professeur de droit pénal nous a exhortés à devenir des juges intègres, des avocats et des procureurs magnanimes car c’est l’avenir des êtres humains qui est en jeu. Il nous conseilla plusieurs fois d’aller visiter la prison mais je ne le fis point cette année-là.
A la rentrée de ma seconde année, j’appris la mort de ce professeur héroïque. Je fus si troublée que j’en tombai évanouie. Comme on le dit toujours : « les bonnes choses ne durent jamais ». Un vent de désolation souffla sur notre faculté. On dirait, ce jour-là, que la nature aussi le pleurait. Le soleil ne brilla pas, le vent soufflait timidement… une brise faisait tomber les feuilles sèches. Les étudiants de droit étaient assis de part et d’autre sous les arbres, murmurant, chantant les louanges et les éloges de ce professeur modèle. Les filles pleuraient sur les épaules des garçons qui en profitaient pour les caresser sous prétexte de les consoler. Moi, ayant repris mes esprits, je regardais comme une somnambule notre campus en me rappelant mot par mot ce que ce prof avait l’habitude de nous dire.
Je me promis ce triste jour de suivre ses pas…
Des projets, j’en faisais à longueur de ma vie. C’est ainsi que je projetais de faire un stage dans son cabinet dès que j’aurais ma licence. J’allais devoir me trouver un autre avocat aussi honnête. Ce qui était comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Dans mon pays, les gens n’avaient aucune confiance en les avocats.
Mon prof disait tout le temps : « Tout le monde a droit qu’on le défende quel que soit son crime ». C’était un peu difficile pour moi d’admettre cela, car je me disais que certains criminels ne méritaient pas d’être défendus.
Et pourtant, je suis chrétienne. J’ai appris, en allant à l’église depuis ma plus tendre enfance, que Jésus-Christ était mort sur la croix du mont calvaire à cause de nos péchés. J’ai appris aussi que nous méritions sans condition l’enfer, mais que par la mort du fils de Dieu, nous en sommes affranchis. Jésus nous a tous défendu devant Dieu. Il est l’avocat de tous les hommes peu importe leur crime. Il est l’avocat d’Hitler, de tous ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité, tout aussi du petit voleur que du menteur de mon quartier. Il suffit de se confier à lui.
Partant de là, je me mis à réfléchir et me dis : Si Jésus défend tout le monde, y compris moi-même qui suis une pécheresse et me pardonne, pourquoi moi, une simple mortelle, pourrais-je décider de celui qui mérite qu’on le défende ou pas ? Devant Dieu, on est tous pareils. Donc si Jésus défend n’importe qui, moi aussi, en tant qu’avocate, je devrais m’engager à défendre et représenter n’importe quel criminel. De toutes les façons, le dernier mot appartient au juge. C’est lui qui aura sur sa conscience une fausse décision.
Au cours de ma troisième année de droit, je choisis l’option “profession judiciaire”. J’eus une unité d’enseignement dénommée “pratique judiciaire” qui comptait parmi mes matières principales. Il fallait faire des recherches, participer aux procès, s’intéresser aux procédures, visiter les prisons. Bref cerner tous les contours de la justice en action. J’aimais ce cours, j’allais voir les avocats, les magistrats, les procureurs pour prendre des informations pour mes exposés.
Je commençais à comprendre la psychologie de ces trois acteurs de justice. Chacun d’entre eux a un objectif précis. L’avocat est du côté de son client, le procureur du côté de la société civile. Le juge du côté de la justice.
La justice est un jeu : c’est la conclusion à laquelle j’arrivai. Je me demandais si la vie des prévenus leur importait. La plupart des avocats ne se préoccupent que de leurs honoraires car, qu’ils gagnent le procès ou pas, ils auront droit à leur paye. Le procureur de son côté, met tout en œuvre pour trouver de quoi condamner le prévenu ; il lui faut un bouc émissaire à tout prix.
En fin de compte, quand on est un prévenu, tout est déjà contre soi. Tout le système est déjà en sa défaveur.
13 mars 20... Couchée dans mon lit mousseux, en train de lire un roman, je reçus sur mon portable un message venant d’un numéro inconnu disant « mini». Je n’y accordai aucune importance, car les gens ont l’habitude de se tromper de numéro. Le jour suivant, le même numéro m’appela. J’étais surprise, mais je décrochai quand même.
– Bonjour mademoiselle, dit la voix au bout du fil.
Elle était si belle, si sensuelle et c’était la voix d’un homme. Je fus charmée par son timbre qui sonnait à mes oreilles comme une musique de printemps.
– Oui, bonjour. Qui êtes-vous ? répondis-je avec un peu de miel dans ma voix.
– Au fait, j’ai vu votre numéro dans mon portable, donc j’appelle pour savoir qui vous êtes.
– Moi, je ne connais pas votre numéro et je ne vous ai jamais appelé. Peut-être que quelqu’un m’aurait appelé de chez vous.
– C’est possible.
– Donc vous n’avez qu’à demander à votre voisinage, sinon moi, je ne connais pas ce numéro.
– Bon, vous connaissez Fodo ?
– Non, aucune idée. Mais dites-moi, sous quel nom le numéro a été enregistré ?
– Pinky.
– Pinky ? Moi, je m’appelle Daïra.
– Ah Ok, désolé.
J’étais sur le point de raccrocher quand, en espace d’une seconde, ce nom Pinky créa une étincelle dans mon esprit.
– Attendez, vous dites Pinky ? Vous connaissez Ralph ?
– Non.
– C’est un ami et c’est le seul à me surnommer « Pinky » car, il prétend que je ressemble à une actrice du même nom. Bon comme vous ne le connaissez pas, je vais le lui demander. Je vous ferai signe après… Vous, vous êtes qui ?
– Moi, c’est Roger ; je viens de la Suisse. Je suis tombé gravement malade et je suis hospitalisé au CHU Sylvanus Olympio. Vous pourriez venir me rendre visite, vous avez une très belle voix.
– Merci. Je vais y réfléchir. Pour le moment, je vais demander à mon ami comment mon numéro a pu atterrir dans votre portable, car cela m’intrigue.
– Moi aussi, je vais me renseigner et je vous rappelle après… A plus.
J’étais étonnée du fait que mon numéro se trouvait dans le portable d’un inconnu sous un nom que seuls Ralph et moi connaissions.
Malheureusement en ce moment, je ne m’entendais pas avec ce dernier puisque j’étais restée sourde et muette face à toutes ses déclarations d’amour. Il était l’ami de mon frère Fellow ; je l’avais connu quand j’avais voulu m’acheter mon premier ordinateur portatif. Ralph eut un coup de foudre pour moi, apparemment. Il était mignon avec un corps d’athlète qui ferait rêver toutes les filles. De teint clair, avec un joli favori sur son visage, des dents toutes blanches comme des épis de maïs et une voix sensuelle qui résonnait comme une mélodie. Même si, en plus de tout cela, il était respectable, poli et bien éduqué, il ne m’intéressait guère, car il n’avait pas assez brillant. J’aimais l’intelligence et je l’aime toujours…
L’homme parfait de mes rêves devait être tout d’abord ; de teint clair. Mais moi-même je suis noire, noire d’ébène, noire d’Afrique. Ce n’est pas le soleil qui m’a brûlée, mais c’est la nature qui m’a fait don de ce cadeau. Une peau luisante au soleil couchant. J’aimais le métissage, je voulais avoir un mari à la peau claire et des enfants aux teins café au lait. Oh !!! Rêve de jeunesse !!!
Je pensais à la morphologie de mes enfants en faisant le choix de mon futur époux. En plus d’être de teint clair, il devait être grand de taille, doté d’un corps d’athlète. Je ne voulais pas avoir des enfants “pygmées”.
Mais, avant tout, la beauté bien que superficielle. C’était là l’essentiel du critère physique.
Du côté moral, l’homme idéal devrait avoir une bonne moralité, être un intellectuel, respectable, aimable, libérale et drôle. Etre de surcroît, un chrétien et pas pauvre.
Bon, je ne dis pas que j’étais antipathique aux pauvres. J’ai la compassion pour les pauvres et je donnerais même ma dernière chemise pour aider quelqu’un dans le besoin. Mais, je n’épouserais pas un homme qui n’a pas le minimum vital...
J’avais fait une enquête sur les couples. J’avais remarqué que dans la plupart des couples où la femme a financé le ménage, si un jour, la situation de l’homme devient florissante, la première chose qu’il fait, c’est de prendre une maîtresse ou même, pour aller plus loin, devenir polygame. D’autres, pour faire le pire, s’aventurent même à répudier la femme de leur moment de souffrance. Cette femme qui l’a soutenu quand il n’était qu’une lavette, un saprophyte, un chien galeux. Il osera dire que la femme qui, comme un linge, l’a lavé, séché, repassé, redressé, rendu présentable, lui fait finalement honte et, du coup, n’est plus digne de son niveau social parce qu’il est devenu un homme aisé.
Ah, les hommes !
Ne m’en voulez pas si je ne veux pas être celle qui va mettre des applications sur un iPhone « mâle», le rendre parfait, au profit d’une autre qui en aura la jouissance pour me retrouver à la poubelle.
J’appelai quand même Ralph pour lui demander comment il s’était arrangé pour faire la publicité de mon numéro. Il se fâcha et prétendit ne rien savoir.
Après quelques jours, je rencontrai un des amis de Ralph qui s’appelait Only. Je ne le connaissais que par ce surnom. Dans nos discussions, celui-ci me fit savoir que c’est lui qui s’appelait Fodo. Là, je lui demandai s’il connaissait un certain Roger qui venait de la Suisse et qui m’avait appelé entre temps. Il répondit par l’affirmatif et me fit savoir qu’il avait vendu son portable à un soldat et qu’il avait oublié de réinitialiser l’appareil. Là, je fus rassurée. Mais Roger continuait à m’appeler et insistait que je vienne le voir.
Je fus alors très occupée par les démarches pour avoir l’autorisation de visiter les prisonniers. En plus, je ne connaissais pas la prison et c’était dommage pour moi, étudiante en droit, qui allait bientôt avoir sa licence.
Par le miracle que je souhaitais, j’aurais la chance de collecter les témoignages des prisonniers, qui me permettraient d’assaisonner mon mémoire de licence.
Une belle soirée de mousson, je décidai d’aller visiter ce fameux Roger pour me débarrasser de lui. J’étais sûre qu’étant un malade hospitalisé, il devrait s’ennuyer à mourir et le fait de perturber des inconnus étaient son passe-temps.
Je pris un zem en direction du CHU. Arrivée à l’entrée, je demandais à l’agent de sécurité de me montrer « Cabanon », comme me l’avait indiqué Roger.
– Vous ne connaissez pas Cabanon ?
– Non. On m’a envoyée là-bas.
– C’est là où on garde les prisonniers malades gravement.
– Prisonniers ?
J’étais surprise.
– Oui, mon ami se dirige vers là ; il vous y conduira.
– Merci, monsieur.
Ainsi dit, l’ami de l’agent de sécurité me remorqua. Nous dépassâmes tous les bâtiments du CHU. Je commençai à prendre peur et à m’interroger. Arrivée au plein fond du CHU, à un lieu isolé où l’on croirait que nul être n’existait, mon dépanneur me fit savoir qu’on était arrivés. Je le remerciai et descendis toute tremblante. J’avalai une bouffée d’air frais qui y régnait, comme si je manquais d’oxygène depuis des heures. J’appelai Roger mais il ne décrocha pas. Je fus paniquée. Dans quel pétrin m’étais-je mise ? Ma curiosité finirait par me tuer un jour, me dis-je. Toujours troublée, je vis soudain des soldats avec leurs fusils d’assaut, avec une mine renfrognée, qui allaient s’asseoir sur un banc, en face du bâtiment où je m’étais arrêtée. Mon cœur commençait à battre, j’étais déboussolée...Roger est-il un prisonnier ou un garde prisonnier ?
Restée à distance tout en continuant de m’interroger, je vis un homme de teint très clair, presque métissé, âgé d’une trentaine d’années, jeune, avec un visage radieux s’approcher des soldats. Il était très beau et je l’imaginais dans son adolescence. Etant en surpoids mais un peu robuste, je voyais de loin ses pectoraux et pour moi c’était évident qu’il avait eu des barres de chocolat dans le temps. En observant son ventre qui était tout rond, je devinai qu’il avait arrêté de faire des exercices sportifs, ou qu’il s’était adonné à la bière. Je continuais à l’observer, et je le voyais saluer les soldats. Soudain, il me fit signe d’approcher. Je fus surprise, et je crus que ce n’était pas à moi que ce signe fut adressé. Je restai toujours perdue dans mes pensées. Il réitéra son signe. Tout était alors clair pour moi : Roger était un prisonnier et c’était lui qui m’appelait. Je n’étais jamais rentrée en contact auparavant avec un prisonnier. Je ne m’y étais pas préparée psychologiquement. J’eus du mal à avancer vers lui. Du coup, j’eus l’impression que mes jambes pesaient des tonnes. Elles avaient du mal à m’obéir. Je fis violence à mon corps pour pouvoir parcourir les dix pas qui me mettaient en face de lui.
Je commençai à regretter d’être venue. Je saluai timidement les militaires. J’avais l’impression que tout le monde me regardait. J’étais tellement habillée avec classe ; si j’avais que je viendrais dans un hospice de prisonnier, j’allais être débraillée.
Je respirai profondément une deuxième fois pour avoir l’air naturel avant d’engager la discussion avec Roger. J’aurais fait demi-tour si ce n’était pas trop tard. Mais je pris la décision sur-le-champ de ne plus jamais revenir dans ce lieu morbide.
Cabanon, était le lieu où étaient hospitalisés les prisonniers qui étaient au bord de la rive du départ éternel, finis-je par comprendre.