Le Stratège - Rose Renee - E-Book

Le Stratège E-Book

Rose Renee

0,0
5,99 €

oder
-100%
Sammeln Sie Punkte in unserem Gutscheinprogramm und kaufen Sie E-Books und Hörbücher mit bis zu 100% Rabatt.
Mehr erfahren.
Beschreibung

POSSÉDÉE PAR L’HOMME QUE J’AI TRAHI
Il y a six ans, j’ai raconté un mensonge qui a changé la vie d’un homme.
Mon père l’a banni de sa cellule de la bratva. Du pays.
À présent, il est de retour pour s’emparer de mon héritage. De ma vie. Pas via un meurtre, mais via un mariage.
Et c’est mon propre père qui a organisé tout ça.
Maxim croit pouvoir me soumettre à sa volonté. Il croit commander.
Par le passé, je l’ai désiré, et il m’a rejetée. Je ne me laisserai plus séduire.
Et je n’ai pas l’intention de céder.
Même s’il me fait frémir de désir...

Das E-Book können Sie in Legimi-Apps oder einer beliebigen App lesen, die das folgende Format unterstützen:

EPUB
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Le Stratège

Renee Rose

Traduction parAgathe M

édité parElle Debeauvais

Renee Rose Romance

Table des matières

Livre gratuit de Renee Rose

Chapitre Un

Chapitre Deux

Chapitre Trois

Chapitre Quatre

Chapitre Cinq

Chapitre Six

Chapitre Sept

Chapitre Huit

Chapitre Neuf

Chapitre Dix

Chapitre Onze

Chapitre Douze

Chapitre Treize

Chapitre Quatorze

Chapitre Quinze

Chapitre Seize

Chapitre Dix-Sept

Chapitre Dix-Huit

Chapitre Dix-Neuf

Chapitre Vingt

Chapitre Vingt-et-Un

Chapitre Vingt-Deux

Chapitre Vingt-Trois

Épilogue

Vouloir plus?

Livre gratuit de Renee Rose

Ouvrages de Renee Rose parus en français

À propos de Renee Rose

Mentions légales

Copyright © 2021 Le Stratège de Renee Rose

Tous droits réservés. Cet exemplaire est destiné EXCLUSIVEMENT à l’acheteur d’origine de ce livre électronique. Aucune partie de ce livre électronique ne peut être reproduite, scannée ou distribuée sous quelque forme imprimée ou électronique que ce soit sans l’autorisation écrite préalable des auteures. Veuillez ne pas participer ni encourager le piratage de documents protégés par droits d’auteur en violation des droits des auteures. N’achetez que des éditions autorisées.

Publié aux États-Unis d’Amérique

Renee Rose Romance

Ce livre électronique est une œuvre de fiction. Bien que certaines références puissent être faites à des évènements historiques réels ou à des lieux existants, les noms, personnages, lieux et évènements sont le fruit de l’imagination des auteures ou sont utilisés de manière fictive, et toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des établissements commerciaux, des évènements ou des lieux est purement fortuite.

Ce livre contient des descriptions de nombreuses pratiques sexuelles et BDSM, mais il s’agit d’une œuvre de fiction et elle ne devrait en aucun cas être utilisée comme un guide. Les auteures et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables en cas de perte, dommage, blessure ou décès résultant de l’utilisation des informations contenues dans ce livre. En d’autres termes, ne faites pas ça chez vous, les amis !

Réalisé avec Vellum

Livre gratuit de Renee Rose

Abonnez-vous à la newsletter de Renee

Abonnez-vous à la newsletter de Renee pour recevoir livre gratuit, des scènes bonus gratuites et pour être averti·e de ses nouvelles parutions !

https://BookHip.com/QQAPBW

Chapitre Un

Sasha

Les hommes de mon père disent qu’il ne lui reste plus que quelques jours à vivre. Peut-être même seulement quelques heures. Nous nous trouvons chez lui, à Moscou, dans une résidence qu’il me permet rarement de visiter.

Un endroit que je détestais, quand j’étais petite.

Ces lieux n’étaient pas très haut dans mon estime à l’époque. Et à présent que mon père est au seuil de la mort, ça n’a pas changé.

Je ne peux pas dire que j’aime cet homme. C’était un mauvais père et un mauvais compagnon pour ma mère. Compagnon, pas mari : il ne pouvait pas l’épouser.

C’est contraire au code de la bratva.

Il l’a gardée pour maîtresse pendant trente ans, jusqu’à la semaine dernière, quand il l’a informée qu’elle était désormais la maîtresse de Vladimir, son bras droit. Eh oui, il l’a carrément refilée à un autre type. Comme si c’était sa pute. Non, pas sa pute. Son esclave.

Elle n’a pas eu le choix.

Comme je l’ai déjà dit, mon père n’est pas un homme bien.

— Viens, Sasha, ton père veut te voir, me chuchote ma mère.

Autrefois très belle, elle me paraît soudain vieille. Elle est pâle, et ses traits sont tirés, pincés par le chagrin.

Malgré tout, elle continue d’aimer profondément mon père.

Je la suis dans la chambre. Il ne voulait pas mourir à l’hôpital, alors cette pièce a été transformée en salle de soins. Il est entouré par des machines, et des infirmières se relaient à ses côtés jour et nuit. Les rideaux sont ouverts, laissant entrer le soleil estival par les hautes fenêtres.

— Aleksandra, dit-il, m’appelant par mon nom complet.

Je sursaute. Il est toujours aussi impressionnant qu’avant, même frêle et maigre dans sa robe de chambre rouge à rayures.

— Viens.

Il me convoque à son chevet. Je m’y rends à contrecœur. J’ai beau avoir vingt-trois ans, quelque chose chez lui me donne l’impression d’être une gamine perdue. Il me prend la main, et je m’efforce de ne pas frémir en sentant ses doigts secs et osseux.

— Sasha, je m’assurerai que tu ne manques de rien, dit-il avant de toussoter.

Je déglutis.

S’assurer que nous ne manquions de rien, c’est la seule chose positive qu’il ait faite pour ma mère et moi. Je devrais lui en être reconnaissante. Nous avons toujours vécu dans le luxe. J’ai même pu faire des études dans l’université de mon choix aux États-Unis. Celle de Californie du Sud, où j’ai étudié les arts dramatiques. Mais bien sûr, il m’a ordonné de revenir dès que j’ai obtenu mon diplôme.

Et j’ai obéi, parce qu’il nous tient par le porte-monnaie.

S’il me lègue assez d’argent dans son testament, je compte retourner aux États-Unis pour vivre mes rêves.

— Ton mari arrive aujourd’hui.

Au début, je ne comprends même pas ce qu’il vient de dire. Je le regarde d’un air hébété. Je jette un coup d’œil à la mère par-dessus mon épaule.

— Comment ?

J’ai dû mal entendre.

— L’homme qui va t’épouser. Pour te protéger et gérer ton patrimoine.

J’ôte ma main de la sienne.

— Attends, quoi ?

La colère s’empare des traits de mon père, et je me mets immédiatement à trembler. J’ai beau essayer d’être indifférente, je suis toujours la petite fille désireuse de lui faire plaisir, de gagner son amour. D’attirer son attention et de le convaincre de me donner la sienne.

Bien sûr, je ne le montre pas. En sa présence, je joue les adolescentes rebelles depuis longtemps. Je rejette mes cheveux en arrière pour souligner mes propos.

— Je n’épouserai personne.

Il pointe un doigt vers moi et rétorque :

— Tu feras ce que je te dis, et tu seras bien contente que j’aie trouvé le moyen de te protéger et de t’entretenir même après la mort.

Quelques postillons lui échappent.

Mon estomac se révolte. C’est dur, de voir la mort s’emparer de son corps, mais je n’ai pas envie de me laisser amadouer. J’ai envie de le haïr.

Oui, je le hais.

— Qui ça ? m’enquiers-je. Qui est-ce que je suis censée épouser ?

Quelqu’un frappe à la porte, et mon père hoche la tête d’un air satisfait. Vladimir entre dans la pièce.

— Maxim est arrivé.

J’en ai le souffle coupé, comme si l’on venait de me donner un coup de poing dans le ventre.

Maxim.

C’est impossible, n’est-ce pas ? Mon père n’aurait pas concocté un plan aussi tordu ?

Maxim, l’ancien protégé charmant et puissant de mon père ? Celui que j’ai poussé à l’exil avec mes mensonges ?

Il entre, et je m’éloigne de mon père pour me mettre dans le coin plongé dans l’ombre avec ma mère, qui se tord les mains.

— Tu étais au courant, l’accusé-je.

Ses yeux s’embuent. Je suis contente, car cela m’aide à ravaler mes propres larmes.

— Maxim, dit mon père en lui tendant la main.

Le nouveau venu nous jette un regard, et je fais mine de partir, mais ma mère me retient par le bras. Vladimir, qui a lui aussi pénétré dans la chambre, se place devant la porte comme pour barrer l’issue. Comme un gardien de prison.

Le visage séduisant de Maxim ne laisse rien paraître. Le simple fait de le voir fait battre la chamade à mon cœur. Il a la même expression insondable que dans mes souvenirs. Il doit me détester, après ce que j’ai fait. Sa main se referme sur celle de mon père, et il s’agenouille à son chevet.

— Papa.

Papa. C’est comme ça qu’ils appellent tous mon père, car c’est leur chef. Et puis d’une certaine façon, il a tenu un rôle paternel avec Maxim, qui, si mes souvenirs sont bons, s’est enfui d’un orphelinat à l’âge de quatorze ans. Mon père a sans doute mieux tenu son rôle avec lui qu’avec moi, sa chair et son sang.

— Te voilà enfin, lui dit mon père en posant sa main libre sur son épaule comme un prêtre donnant sa bénédiction. J’ai quelque chose à te demander avant de mourir, Maxim.

— Quoi donc ?

La voix de Maxim est basse et pleine de respect. En les regardant, on ne devinerait jamais que mon père l’a banni, et pas seulement de sa cellule, mais du pays.

— Tu as honoré le Code des Voleurs ?

Maxim hoche la tête.

— Tu n’as pris ni femme ni famille ?

— Niet.

— Bien. Tu vas briser le code pour épouser Sasha.

Je m’y attendais à moitié, mais ses mots me font l’effet d’une douche froide, et la panique me submerge.

Maxim me tourne le dos, alors je ne vois pas sa réaction, mais il est sans doute aussi horrifié que moi.

Il se remet lentement debout, glisse les mains dans ses poches et patiente, sans rien répondre.

— Je vais léguer mes actions dans les puits de pétrole à Sasha, à condition qu’elle t’épouse. Tu géreras son patrimoine et tu la protégeras des menaces extérieures. Si elle meurt avant que vous ayez des enfants, mon argent sera transmis à Vladimir, qui va reprendre la tête de la cellule de Moscou et s’occupera de Galina, la mère de Sasha.

— Tu es en train de me vendre, dis-je d’une voix étranglée, toujours dans un recoin de la pièce.

Oui, tout comme il a vendu ma mère.

— Silence !

Mon père tend la main dans ma direction et ne daigne même pas poser les yeux sur moi.

Maxim, lui, se retourne. Il me jette un long regard songeur. Il se remémore sans doute la façon dont j’ai foutu sa vie en l’air. Sans moi, c’est sans doute lui qui serait à la place de Vladimir.

Je pince les lèvres pour qu’il ne les voie pas trembler.

— Elle n’est pas vierge, déclare mon père comme s’il s’excusait de lui livrer des biens endommagés.

J’ai envie de vomir.

— Elle a eu une période délurée quand elle est allée étudier aux États-Unis. Mais bon, tu as l’habitude des Américaines, non ?

Maxim ne dit toujours rien.

— Tu feras ça pour moi, poursuit mon père.

Ce n’est pas une question, c’est un ordre, mais il dévisage Maxim, comme pour chercher des indices.

— Tu vas la ramener à Chicago avec toi. Tu la protégeras. Tu profiteras de son argent.

Maxim se passe une main sur le visage.

— Tu peux la punir pour le mensonge qu’elle a raconté sur ton compte. Sans rancune, hein ? Tu t’en sors bien, aux États-Unis. Il paraît que Ravil vit comme un roi, et que tu en profites aussi.

Je me fige en entendant mon père dire qu’il sait que j’avais menti.

— Et si c’est moi qui meurs avant elle ? À qui reviendra son patrimoine ? demande Maxim d’un ton professionnel.

Il s’agit d’une transaction. Mon père lui propose une dot en plus de ma main.

— À Vladimir, répond mon père.

Maxim secoue doucement la tête. Vladimir se trouve lui aussi dans la pièce, mais Maxim ne le regarde pas.

— Ravil, plutôt, négocie-t-il.

Ravil est le chef de la cellule de Chicago, et le supérieur de Maxim depuis son bannissement.

Mon père réfléchit, puis se tourne vers Vladimir, à qui il ordonne :

— Fais les changements. Et envoie-moi le clerc.

Son second quitte immédiatement la chambre.

— Tu feras ça pour moi, insiste mon père en regardant Maxim.

Ce dernier incline la tête.

— Oui.

— Ne manque pas de respect à mon nom en manquant de respect à ma fille.

— Jamais, s’empresse de répondre Maxim.

Il se tourne de nouveau vers moi et me scrute. Quelque chose papillonne dans mon ventre sous son regard sombre. Si mon père obtient ce qu’il veut, j’appartiendrai bientôt à cet homme. Il me contrôlera pleinement. Mon destin est entre ses mains.

Mais je n’ai pas pour autant l’intention de jouer les soumises, les gentilles petites maîtresses comme le faisait ma mère.

Et puis quoi encore ?

Je vais me battre.

Maxim

Eh. Merde.

Je ne peux pas refuser les dernières volontés d’Igor. Ou ses ordres, plutôt. Mais là, la sentence est terrible.

Je suis censé épouser Sasha, la petite princesse pourrie gâtée de la bratva. Celle qui a foutu ma vie en l’air. Non que je regrette d’avoir quitté Moscou. Igor a raison. La vie est bien plus facile à Chicago, sous le commandement de Ravil. Je n’ai pas constamment l’impression d’être en danger de mort, contrairement à ici. Sauf que tout ça, c’est fini.

C’est pour ça qu’il veut que j’épouse sa fille, évidemment.

Les actions qu’Igor possède dans les puits de pétrole doivent valoir au moins soixante millions. Et ses collègues sont des gens louches, c’est peu de le dire. Nous sommes une fraternité de voleurs, après tout. Alors il y aura sans doute au moins une trentaine d’hommes déterminés à s’emparer du trésor par tous les moyens : en tuant Sasha, en me tuant moi, ou même en éliminant toute la cellule de Chicago.

Mais je suis le stratège. Je règle les problèmes quand il y en a, comme Ravil. Je suis connu pour ma propension à déjouer les plans de mes adversaires. Igor sait que ses amis et ses ennemis hésiteront à tenter de voler sa fortune, si elle est entre mes mains.

Je jette un long regard à ma manipulatrice de fiancée. Elle est encore plus belle maintenant qu’à dix-sept ans, quand je l’ai trouvée toute nue dans mon lit, déterminée à me séduire.

Elle est à tomber par terre, comme sa mère. De longs et épais cheveux roux. Des pommettes hautes, une peau de porcelaine. Des iris d’un bleu brillant et des lèvres bien dessinées. Ses yeux plissés sont pleins de douleur et de colère.

Blyat. Je ne vais pas avoir la tâche facile.

Vladimir revient avec les papiers et un fonctionnaire à l’air nerveux. Sans doute le clerc du Département des Services Publics. Quelqu’un a dû lui graisser la patte ou le menacer de faire ça chez lui plutôt qu’ici.

Si j’avais affaire à quelqu’un d’autre qu’Igor, je demanderais à lire le testament pour m’assurer qu’il correspond à ce qu’il m’affirme. Mais il s’agit de l’homme qui m’a littéralement sauvé la vie, qui m’a pris sous son aile et a fait de moi l’homme que je suis aujourd’hui. Je ne veux pas l’insulter. Si sur son lit de mort, il exige que j’épouse sa fille, alors je le ferai.

Mais Vladimir pourrait essayer de spolier ma fiancée, ce qui est précisément la raison de ma présence ici. D’une voix basse et pleine de respect, je demande :

— Vous voulez que je passe d’abord les documents en revue, Papa ?

Il m’examine un instant, puis hoche la tête. Je prends les papiers et les lis le plus vite possible. Galina recevra quelque chose, mais seulement à travers Vladimir. Mis à part les puits de pétrole, la seule entreprise légale d’Igor, tout le reste revient à son bras droit, qui doit s’engager à verser une pension mensuelle à la mère de Sasha.

L’argent du pétrole sera placé sur un compte pour Sasha, dont je serai le gérant. Nous devons rester mariés, sinon je devrai renoncer aux puits, qui reviendront à Vladimir ou, s’il disparaît, à Galina. Si Sasha meurt d’abord, Vladimir deviendra le gérant de l’argent du pétrole. Si je meurs le premier, ce sera Ravil. Je hoche la tête et tends les documents à Igor pour qu’il les signe.

Le clerc se racle la gorge et passe d’un pied sur l’autre.

— Nous sommes prêts, lui dis-je.

Galina pousse une Sasha furieuse à côté de moi.

— C’est un cauchemar, râle-t-elle en anglais, sans doute pour que son père ne la comprenne pas.

Heureusement qu’elle parle cette langue, sinon sa nouvelle vie serait encore plus compliquée.

— Vous avez des alliances à échanger ? me demande le clerc, en sueur.

Je secoue la tête.

— Non.

Igor ôte une bague en platine de son petit doigt. D’aussi loin que je me souvienne, je l’ai toujours vu avec. Je me souviens qu’il m’avait dit « Moi aussi je suis parti de rien, Maxim, et aujourd’hui, je porte des bagues en platine. »

Il me la tend d’une main tremblante. Il a le souffle court.

Galina s’en aperçoit et accourt à ses côtés.

— Tout va bien, mon amour ? Tu veux un peu plus de morphine ?

— Allez-y, dit Igor avec un geste impatient en direction du clerc. Mariez-les.

Le fonctionnaire déglutit et se lance dans un bref échange d’alliances. Je glisse la bague d’Igor au doigt de Sasha et dis au clerc de passer le moment où elle devrait me mettre la mienne.

— Je vous déclare mari et femme. Vous pouvez embrasser la mariée.

Je regarde Sacha, mais elle se détourne, alors je l’embrasse sur la joue.

— Voilà, dis-je à Igor.

— Il... il faut d’abord signer le certificat, bégaye le clerc.

Je lui arrache son stylo des mains et gribouille une signature, avant de le tendre à Sasha.

Elle ne referme pas les doigts sur le stylo. Elle me toise, ses yeux bleu océan pleins de défi. Comme s’il nous était possible de résister à notre destin, qui s’est mis en place bien avant que je pénètre dans cette chambre aujourd’hui.

— Signe, lui ordonne son père.

Enfin, son ton, qu’il veut autoritaire, ressemble plutôt à un chuchotis agacé.

Galina serre les lèvres.

— Vas-y, Sasha.

Cette dernière s’empare de l’élégant stylo-plume, et elle appose sa signature sur le certificat, les mâchoires crispées.

Le clerc le signe à son tour et hoche la tête en direction de Vladimir.

— C’est fait. Ce sera enregistré dans une heure.

Ses mains tremblent alors qu’il glisse le certificat dans un classeur, qu’il serre ensuite contre son torse.

— Parfait. Vous recevrez le reste de votre paiement quand vous nous apporterez les copies.

Le clerc quitte la pièce comme si elle était en feu, et nous nous tournons tous vers Igor, dont la respiration est devenue saccadée.

— Donnez-lui de la morphine ! aboie Galina en direction de Vladimir, qui appelle une infirmière.

Ça fait trop de choses à assimiler. La mort d’Igor. Mon mariage soudain. Mon épouse amère.

— Sasha, halète Igor.

Il n’arrête pas de bouger dans son lit et agite les jambes sous sa couverture comme s’il n’arrivait pas à respirer. Ou comme s’il souffrait. Ses lèvres sont en train de devenir bleues.

— Viens là.

Quand elle ne bouge pas, je pose doucement une main dans le bas de son dos et la pousse vers lui. L’infirmière glisse des médicaments dans la bouche d’Igor pendant qu’il tend la main à sa fille.

— Sasha, répète-t-il.

— Quoi ?

J’entends les larmes dans la voix de Sasha. De la colère, aussi.

— Fais confiance à... Maxim.

Un frisson me parcourt les bras et les jambes. La nuque. Igor dit vraiment craindre pour la vie de sa fille, encore plus que je ne l’avais cru. Ou alors, il a peur que Sasha se fasse la malle.

Blyat.

Il prend une courte inspiration. Puis plus rien.

— Igor ! s’exclame Galina.

— Papa ? demande Sasha d’une voix paniquée.

Igor se remet à respirer.

— Oh ! dit Galina avant de pousser un soupir.

Mais c’était son dernier souffle. Igor se contracte de partout alors que la vie le quitte.

Pour la première fois, Galina me regarde.

— Il a lutté contre la mort jusqu’à ce que tu arrives, me dit-elle, mais d’un ton accusateur, pas flatteur.

J’ai attendu trop longtemps pour venir. Je filtrais ses appels, car je craignais de découvrir ce qu’il voulait me donner sur son lit de mort.

J’avais peur qu’il me transmette sa place à la tête de la bratva de Moscou. Ou un autre poste important. Je croyais qu’il voulait que je reprenne du service. Je n’aurais jamais pu deviner qu’il me demanderait d’épouser sa fille.

— Puisse la terre être douce avec lui, murmuré-je.

Après ce dicton traditionnel russe, je tourne les talons et quitte la pièce.

Je n’ai pas le temps de pleurer la mort d’un homme qui m’a chassé de sa vie six ans plus tôt. Il faut que je trouve le moyen de protéger son entêtée de fille, même si elle n’a aucun désir de rester avec moi.

Chapitre Deux

Sasha

 

— Où est-ce que tu vas avec ça ? Arrête ! C’est à ma mère, dis-je d’un ton cassant à Viktor, l’un des hommes de mon père.

C’est l’un des quatre abrutis qui viennent de débarquer dans le deux-pièces que j’habite depuis un an armé de cartons pour tout emballer dans la journée. Sauf que là, Viktor est en train d’emballer le saladier que j’ai emprunté à ma mère la semaine dernière.

— Je suis les ordres, c’est tout, répond-il.

Les ordres de Maxim. Amusant, que tout le monde lui obéisse au doigt et à l’œil alors qu’il n’appartient même pas à cette cellule.

Moi aussi, il m’a envoyé des ordres, ce matin : fais tes adieux et prépare deux valises, parcequ’on part cette après-midi.

Contrairement à Viktor, Alexei et les deux autres sous-fifres, je n’ai pas obéi.

Je refuse d’aller où que ce soit avec Maxim. J’ignore à quel jeu tordu teinté de karma mon père jouait avec nos vies, mais me marier à un homme qui me déteste, c’est le pompon.

Ma mère, dont l’appartement ‒ celui où j’ai grandi ‒ se trouve juste à côté, entre sans frapper et observe le chaos.

— Tu pars aujourd’hui, dit-elle.

C’est une affirmation, pas une question.

Je secoue la tête.

— Non. Aide-moi. Ils ne m’écoutent pas. Dis-leur d’arrêter d’emballer mes affaires. Je n’irai nulle part.

Ma mère me prend par la main et me traîne jusqu’à ma petite chambre à moitié vidée. Quand nous tombons là aussi sur un homme, elle m’entraîne dans la salle de bains et ferme la porte.

— Écoute-moi, Sasha, murmure-t-elle d’un ton cassant.

Je reprends ma main.

— Quoi ?

— Il faut que tu partes. Ton père ne m’a rien laissé. Rien. Il a tout légué à Vladimir et à toi, par l’intermédiaire de ton ancien amant.

— Ce n’était pas mon...

Ma mère agite une main impatiente.

— Peu importe. C’est Maxim qui gère tout, désormais. Alors il faut que tu le suives bien sagement et que tu t’assures que cet argent reste à sa place : avec nous.

Je la dévisage. Je suis surprise de découvrir cette facette d’elle. Elle a toujours été si passive, si obéissante avec mon père. Elle acceptait ce qu’il voulait bien nous donner et ne demandait jamais rien de plus.

Mais à présent qu’il est mort, elle réalise sans doute qu’elle risque de tout perdre. Et moi aussi.

La rebelle en moi a envie de l’envoyer promener. J’ai des principes, et ils ne me permettent pas de me laisser vendre à un type de l’organisation de mon père.

Mais je n’ai aucun moyen de subsistance, et ma mère non plus. Mon diplôme d’arts dramatiques américain ne nous servirait à rien, ici. Le seul travail que j’aie jamais eu, c’était un petit boulot à la fac, quand il me suffisait de me faire belle et de vendre les produits que nous proposions. Et je l’avais seulement fait pour m’amuser, pas pour l’argent.

Honnêtement ? Je ne devrais pas avoir à bosser. L’argent de mon père devrait nous revenir. Ce n’est pas de notre faute s’il a décidé de nous le transmettre de la pire manière qui soit.

— Et Vladimir ? Je croyais qu’il était censé subvenir à tes besoins ?

Je n’ai pas encore osé aborder le sujet, car je doutais d’être capable de taire ce que je pense de cette situation tordue.

Ma mère serre les dents.

— Vladimir est censé prendre soin de moi, oui. Mais c’est toi qui obtiens tout. Et rien ne me garantit qu’il tiendra parole. Il est hors de question que tu renonces à ton héritage juste pour jouer les têtes de mule.

J’ai un mouvement de recul, surprise par la méchanceté et le désespoir dans sa voix. Elle semble au bord de la crise de nerfs. Ou du coup de folie.

— Je n’y renoncerai pas, lui assuré-je. Maxim et moi, on trouvera un arrangement.

C’est mon plan depuis le début. Il n’a pas envie d’être coincé avec moi, pas plus que j’ai envie de jouer les épouses dévouées. Il nous suffit de l’accepter, et nous pourrons nous passer de jouer la comédie et d’emménager ensemble. Je resterai ici. Il m’enverra un chèque tous les mois. Ou mieux encore, il me fera un virement.

Je regagne la cuisine, où Viktor a presque fini de tout emballer. Il se retourne, mais son regard se pose sur ma mère.

— Ça va, Galina ? Je peux faire quelque chose pour vous ?

Il a toujours été notre garde du corps, d’aussi loin que je me souvienne. Lui et Alexei, son collègue, vivent dans notre immeuble et se relaient pour jouer les baby-sitters. Ils doivent être contents d’être débarrassés de moi. Mais soudain, je réalise que Viktor n’est peut-être pas ravi du départ de ma mère. Le regard qu’il lui jette...

Comment ai-je fait pour ne pas le remarquer plus tôt ?

— Si tu veux aider ma mère, laisse mes affaires tranquilles, lui dis-je alors qu’il emballe mon mixer. Repose-le !

— Du calme, intervient Maxim en pénétrant dans mon appartement comme s’il était chez lui.

C’est peut-être lui le propriétaire, désormais. Qui sait ?

Il porte une tenue impeccable, comme d’habitude, un pantalon de costume sur mesures et une chemise bleue. Il a les mains dans les poches et la posture nonchalante d’un mannequin en couverture de GQ. Comme si rien ne l’atteignait.

La semaine passée s’est déroulée dans un brouillard cauchemardesque, entre la cérémonie de funérailles et l’enterrement. J’étais comme engourdie pendant que j’aidais ma mère à surmonter son chagrin. Trop en colère pour examiner ma propre tristesse. Maxim a gardé ses distances, et j’espérais que cela signifie qu’il ne comptait pas jouer cet absurde rôle d’époux.

Mais apparemment, je me suis trompée. Et à présent, je regrette de ne pas avoir tenté de lui parler hier, avant qu’il lance cette histoire de déménagement. De ne pas l’avoir dissuadé de commettre une telle folie.

— Toutes tes affaires seront envoyées à Chicago. Si tu veux laisser des choses à ta mère, dis-leur, et ils les mettront à part.

Je croise les bras sur la poitrine.

— Je ne vais pas à Chicago.

— Tu n’as pas le choix, répond-il d’un ton neutre, comme s’il s’attendait à ma réponse et qu’elle n’avait aucun poids.

Son regard se pose brièvement sur mes seins, poussés en avant par mes bras croisés. Ce matin, j’ai enfilé une minirobe rose-doré, avec laquelle je fais tourner la tête de tous les hommes qui mettent les pieds chez moi aujourd’hui.

Je suis un peu top contente de moi en découvrant qu’elle fait également de l’effet à Maxim.

— Écoute, dis-je en repassant à l’anglais, que les hommes de mon père ne parlent pas. Je sais que désormais, c’est toi qui gères mon argent. Et ça ne me dérange pas. Je serai bien sage, et je ferai ce que tu me dis. Mais on n’est pas obligés de jouer les petits couples mariés. Je sais que tu ne veux pas de moi, et il est évident que c’est réciproque.

— Ce qu’on veut n’entre pas en ligne de compte dans ce mariage, sakharok.

Ce surnom, qu’il me donnait à l’époque ‒ sakharok veut dire sucre ‒, lui roule sur la langue avec beaucoup trop d’aisance, et une bouffée de honte et de désir me traverse comme si j’avais de nouveau dix-sept ans.

— Ton père voulait que tu sois en sécurité, et il m’a choisi pour te servir de protecteur.

J’agite la main vers les hommes qui mettent à sac mon appartement.

— Viktor et Alexei peuvent assurer ma sécurité, comme ils l’ont toujours fait.

Nous avons beau parler anglais, Maxim s’approche de moi et répond à voix basse :

— Réfléchis, sakharok. Si ton père te croyait en sécurité avec eux, il n’aurait pas tout fait pour que tu ailles aux États-Unis. Il ne m’aurait pas demandé de venir.

Je lève presque les yeux au ciel. Viktor et Alexei sont complètement à la botte de ma mère et moi.

Après le bannissement de Maxim, j’ai réalisé le pouvoir que me conférait ma sexualité. Et comme c’est le seul pouvoir que je détiens, je m’en suis servie. J’ai manipulé les hommes de mon père. En les titillant, en me mettant à genoux devant eux. En les suçant. Avant de les menacer de tout raconter à mon père s’ils ne me donnaient pas ce que je voulais. Un peu de liberté, en général.

Mais les mots de Maxim me glacent. Il a raison. Maintenant que mon père est mort, tout est différent. Je n’ai plus le moindre pouvoir.

— Va faire tes valises. Notre avion décolle dans quelques heures.

Je secoue la tête, butée.

— Je ne pars pas.

Maxim reste parfaitement immobile, et des alarmes se mettent à retentir dans ma tête. Il a quelque chose de dangereux.

— Fais tes valises immédiatement, sinon tu ne voyageras qu’avec ce que j’emballerai pour toi.

— Laisse-moi ici, insisté-je. Garde l’argent si tu veux. C’est la seule chose qui me met en danger, non ? Garde-le. Verse-moi une allocation suffisante pour vivre, et je te laisserai tranquille. Mais laisse-moi ici.

— Tu crois vraiment que je t’ai épousée pour le fric ? crache-t-il.

Il retrousse les lèvres. Il ne devrait pas être aussi beau alors qu’il me regarda d’un air dédaigneux.

— Crois-moi, mon sucre, tout ça, je n’en veux pas. Cet argent et toi, vous me vaudrez trop d’ennuis pour que ça en vaille le coup.

Je lève les mains.

— Alors va-t’en. Je te décharge de tes responsabilités. Vladimir pourra me protéger.

— J’ai fait une promesse à ton père, Sasha. Je ne lui manquerai pas de respect en revenant sur ma parole.

Je lève les yeux au ciel.

Il regarde sa montre.

— Le temps presse, sakharok. Apparemment, tu vas devoir voyager avec ce qui est déjà emballé. Va dans la voiture qui attend dehors.

J’ignore pourquoi je me sens obligée d’insister. L’entêtement a toujours été mon point faible. Je croise les bras, lève le menton, et je dis :

— Va te faire foutre.

Il penche la tête sur le côté. Je m’attends à moitié à ce qu’il me donne une gifle, comme le faisait parfois mon père, mais il semble imperturbable.

— Si je suis obligé de te forcer à y aller, il y aura des conséquences, Sasha.

— Vas-y, oblige-moi, le défié-je.

Maxim n’est pas content du tout. Sa posture détendue vole en éclat, et il bondit, tel un lion sur sa proie. D’un geste souple, il me jette sur son épaule et se dirige vers la porte tout en ordonnant aux autres hommes de mettre mes valises dans la voiture.

Une fois que nous sommes dans le couloir, il me donne une tape sur les fesses.

— Ta désobéissance a des conséquences, sakharok.

Étonnamment, il n’a pas l’air énervé. Sa voix est neutre et régulière, bien qu’il soit en train de me porter. Je me tortille sur son épaule, ce qui fait remonter ma minirobe jusqu’à ma taille. Il me donne une nouvelle tape sur les fesses et ouvre la porte de la cage d’escalier d’un coup de pied au lieu d’attendre l’ascenseur.

— Arrête de gigoter, sinon on risque de se casser le cou, me conseille-t-il alors qu’il descend les marches d’un pas vif.

Je m’accroche à l’arrière de sa ceinture. Ses fesses musclées remplissent bien son pantalon et se contractent à chacun de ses pas. Une vague de chaleur me monte dans le ventre alors que mon attirance pour lui revient à la vie. Je me souviens de ce à quoi il ressemblait sur le yacht de mon père. Torse nu, bronzé au soleil. Un véritable Adonis, tout en muscles sculptés et en lignes parfaites, à la fleur de l’âge.

Et maintenant qu’il a trente ans, il est tout aussi attirant.

Il sort de l’immeuble, et je tends les bras en arrière pour faire redescendre ma robe, furieuse qu’il m’expose ainsi à son chauffeur et aux hommes qui se trouvent dehors. Il me repose sur mes pieds, et quand le chauffeur ouvre la portière de la voiture, il me pousse vers la vaste banquette arrière de la berline de luxe.

Maxim dit quelque chose au chauffeur avant de se glisser à mes côtés et de fermer la portière, ainsi que la vitre qui nous sépare des sièges avant. Le regard qu’il me jette me trouble au plus haut point. Ses yeux sont lourds d’une promesse sombre. Comme si la punition qui m’attendait le réjouissait.

Il y aura des conséquences.

Je tente de maîtriser mon rougissement. C’est l’un des désavantages, quand on est rousse.

— Alors, quoi ? Tu comptes me punir, comme l’a suggéré mon père ?

Je suis complètement inconsciente d’insister. Mais c’est Maxim, et je ne me suis jamais remise de la façon dont il m’a rejetée quand j’étais adolescente.

Je jurerais avoir vu la commissure de ses lèvres frémir avant qu’il me couche sur ses genoux.