Le triptyque de l’amour - Mohand Salah Aknouche - E-Book

Le triptyque de l’amour E-Book

Mohand Salah Aknouche

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Beschreibung

Dans un village salué pour ses vertus sociales, un drame insidieux se trame. Idir, épris de la belle Jedjiga, est mystérieusement empoisonné par Massiva, une femme prête à tout pour unir sa fille à cet homme qui ne l’aime pas. Orpheline, Jedjiga est contrainte d’épouser Bachir, le fils de son tuteur, dont la froideur inspire une terreur sourde. Enfermée dans un destin qu’elle n’a jamais choisi, elle sombre dans un abîme de désespoir. Ce récit tragique expose le précipice entre l’idéal social proclamé et la réalité cruelle qui ronge ce village en apparence idyllique. Un roman où chaque page dévoile la fracture entre les valeurs affichées et les sombres vérités cachées, promettant une immersion dans un monde où illusions et désillusions se côtoient.

 À PROPOS DE L'AUTEUR 

Mohand Salah Aknouche utilise l’écriture pour explorer les contradictions humaines et sociales. Né d’une volonté d’examiner les comportements destructeurs, cet ouvrage révèle comment ceux-ci ébranlent les principes les plus solides. En exposant les injustices dissimulées derrière une façade idéale, il propose une réflexion profonde sur la nature humaine et les dynamiques communautaires.

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Seitenzahl: 174

Veröffentlichungsjahr: 2024

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Mohand Salah Aknouche

Le triptyque de l’amour

Tendresse, vénéfice et tutorat

Roman

© Lys Bleu Éditions – Mohand Salah Aknouche

ISBN : 979-10-422-5183-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Dans l’une des rues étroites du village, où les ombres dansent avec l’indifférence des pierres, Idir aperçut une beauté telle un rayon de soleil perçant la grisaille de ses yeux innocents. Elle incarnait la grâce à chaque pas, chaque mouvement illuminant l’espace comme une apparition divine. Son visage était un chef-d’œuvre vivant, ses traits délicats, capturant les regards, tandis qu’une lueur mystérieuse dans ses yeux révélait la sagesse d’un savoir ancien. Sa peau, douce et lumineuse comme de la soie, semblait éclairée de l’intérieur, rayonnant tel un phare dans la nuit. Elle était semblable à une rose timide, épanouissant sa splendeur dans le silence de l’aube, ses pétales délicats caressés par la rosée du matin. Son sourire, éclatant de pureté, illuminait les âmes sombres et attira Idir tel un aimant puissant. Dans ses yeux brillait l’éclat d’un ciel étoilé, reflétant la pureté d’une âme née dans l’ombre de la pauvreté, mais illuminée par la richesse de son être.

Leurs destins s’enchevêtrèrent dans une romance interdite, entre deux âmes rebelles défiant, pour l’une, l’autorité tyrannique d’un père sévère et impécunieux, refusant catégoriquement que son fils choisisse une femme sans son aval, et pour l’autre, celle d’un tuteur en proie à des ambitions calculées. Leur amour fou était comme un souffle de liberté, se heurtant aux murs rigides d’un monde gouverné par des règles inflexibles.

Une rivalité quasi démoniaque éclata entre Idir, envoûté par la grâce irrésistible de Jeǧǧiga, et Bachir, le malotru, fils de Tahar, un échalas à l’attitude condescendante. Le cœur d’Idir brûlait d’une passion dévorante, mais la brutalité de Bachir ne laissait aucune place à la concession. Chaque regard échangé avec Jeǧǧiga était pour Idir une bataille silencieuse, chaque sourire un défi lancé à son rival. Leurs âmes tourmentées sombrèrent dans un abîme de jalousie et de ressentiment, éveillant des forces sombres, menaçant de déchirer non seulement leur amitié, mais aussi leur humanité.

Dans ce même village vivait une mère dévouée à sa fille, Massiva, désireuse de la voir bien mariée. Elle avait jeté son dévolu sur Idir, un jeune homme charmant et travailleur, qu’elle considérait comme le prétendant idéal pour sa fille Hadjira. Déterminée à réaliser son souhait, elle usa de ruses et de manipulations pour rapprocher les deux jeunes gens. Ignorant les avertissements de sa propre conscience, Massiva alla jusqu’à utiliser une potion sur Idir, espérant éveiller en lui des sentiments pour Hadjira. Mais les conséquences de ce breuvage furent tragiques.

Leur romance fut emportée par un cyclone dévastateur, lorsque les ténèbres de la coercition tutélaire s’abattirent sur Jeǧǧiga. Un drame indicible enserra alors tout le village, révélant les sombres secrets et les tensions enfouies derrière des façades trompeusement tranquilles. Jeǧǧiga, telle une fleur fragile éclose dans l’ombre des mystères, et Idir, un écho étouffé sous le poids de la diablerie, virent leur amour scellé sous un clair de lune, dans un pacte aussi beau que funeste. Mais dans les méandres de leur passion interdite se cachait le sinistre présage d’une fin inévitable.

1

Idir, l’aîné des enfants, se distinguait par une douceur exceptionnelle. Sa présence illuminait la maison de Belkacem par son charme et sa candeur. Son sourire sincère faisait resplendir une beauté lumineuse, semblable à une fleur s’épanouissant sous la rosée, transcendant les limites du visible, captivant les regards et envoûtant les cœurs. Après lui vinrent deux jeunes filles gracieuses, Lǧǧuher et Zahra, puis le benjamin des quatre enfants, le prometteur et beau Mokrane.

Dans les ombres noires du village émergea une figure qui défiait le regard par sa laideur. Bachir, premier fils de Zehwa et Tahar Imlissen, était plus grand et plus corpulent qu’Idir. Son visage taurin portait la marque cruelle de l’imperfection humaine. Chaque geste était lourd et oppressant, comme si le poids des disgrâces divines pesait sur lui. Ses yeux, creux et éteints, reflétaient une laideur qui repoussait tout regard. Son teint terne et son corps disproportionné semblaient dépourvus de la fraîcheur et de l’éclat propres à la jeunesse. Ses joues épaisses, semblables à celles d’un bouledogue, renfermaient un ressentiment mortel, tels des bubons purulents. Elles cachaient le gouffre béant de sa bouche, empêchant le moindre sourire et retenant des flots de postillons répugnants qui frappaient les yeux de ses interlocuteurs. Ses grimaces simiesques et ses mimiques grotesques étaient plus douloureuses qu’un coup de poignard bien aiguisé. Son visage, semblable à un panier déformé, ne laissait place à aucun sourire, même pas un semblant. Aucune femme ni aucun enfant ne souhaitait croiser son chemin, et il faisait naître des superstitions redoutables chez les femmes enceintes.

Bachir était brutal et sans éducation. Son langage grossier et ses gestes maladroits ne faisaient qu’aggraver ses relations avec les autres, devenant de plus en plus repoussantes. Il ne faisait aucun effort pour modérer sa langue médisante et venimeuse, se laissant aller à son horreur et à son mépris. C’était surtout son arrogance et ses paroles insolentes qui l’isolaient du reste du village. Personne ne supportait ses comportements malhabiles et odieux. Il était la somme des taches noires qui entachaient cette famille, comme un signe diabolique. Bachir, brute au cœur de pierre, n’hésitait jamais à « planter la fourchette dans la plaie après que le méchant y avait déjà remué le couteau ». Ses sœurs, Lyaqut et Taklit, qui paraissaient humbles et soumises, n’étaient en réalité que des saintes-nitouches manipulant habilement l’innocence et la perfidie.

Une autre ombre sombre s’abattit sur ces rues autrefois tranquilles, transformant la quiétude en une atmosphère de méfiance.

2

Massiva, plus perfide qu’une Célimène, avait l’art de transpercer les cœurs avec sa langue acérée. Son sourire froid et calculateur masquait des intentions malveillantes, tandis que son regard fourbe et glacial ne laissait transparaître aucune compassion. Ses mots, semblables à des lames tranchantes, infligeaient des blessures profondes à ceux qui osaient croiser son chemin. Sa présence était une ombre sombre, obscurcissant tout ce qu’elle touchait et semant la misère et le désespoir. Maîtresse de la manipulation, elle usait de la tromperie comme d’une arme, façonnant les autres selon ses désirs égoïstes. Son rire, dédaigneux et glacial, résonnait comme un écho sinistre, hantant l’esprit de ceux qu’elle avait piégés. Dénuée de toute empathie, elle ne ressentait aucun remords pour ses actes malfaisants. Son ambition insatiable la poussait à sacrifier quiconque se trouvait sur son chemin, prête à tout pour obtenir le pouvoir absolu. Derrière son masque de beauté se dissimulait un cœur noir et corrompu. Dans son mariage avec Akli, elle régnait en despote, réduisant son mari à l’état de serviteur soumis, condamné à obéir à ses moindres caprices. Chaque ordre qu’elle donnait n’était qu’un nouvel affront à l’orgueil d’Akli, chaque humiliation un poids supplémentaire sur ses épaules affaiblies. Elle tyrannisait leur foyer, et Akli, impuissant, restait un pantin désespérément attaché à son joug impitoyable.

Malha, malgré sa prudence et sa vigilance extrême, ne put empêcher la rusée Massiva de s’emparer de son cœur. Cette séductrice insatiable, armée d’un sac à malices inépuisable, réussissait à franchir les défenses de Malha et à s’immiscer dans son cœur sans y être invitée. La faille par laquelle elle s’infiltrait n’était autre que la bonté infinie de Malha. Connue pour être bavarde comme une pie, envahissante, fouineuse, et experte en mensonges, Massiva blessait à chaque fois la douce Malha avec ses sarcasmes acerbes, se moquant des hommes au cœur candide et des femmes sans tact. Il était difficile de comprendre comment une femme aussi malveillante avait réussi à corrompre la bonté et la bienveillance de Malha.

Massiva et sa fille Hadjira étaient irrésistiblement attirées par Idir, tel des mouches vers le miel. Contrairement à l’exécré et décérébré Bachir, Idir, par son intelligence et sa droiture, était l’enfant préféré du village. Hadjira tomba éperdument amoureuse d’Idir et, avec la complicité tacite de sa mère, elles tissaient de subtils stratagèmes pour le faire tomber dans leurs filets. Chaque sourire de la fille et chaque geste tendre de la mère étaient des pièges d’amour savamment élaborés, destinés à capturer le cœur d’Idir. Les deux femmes, agissant de concert, organisaient des rencontres « fortuites », veillant à ce que chaque moment partagé soit inoubliable. Leurs regards complices révélaient leur machination, mais Idir, aveuglé par la passion, ne voyait que la beauté et la tendresse dans leur affection. Lentement, sans qu’il s’en rende compte, Idir se retrouvait enlacé dans le filet délicatement tissé par cette complicité maternelle et filiale, emporté par le doux tourbillon de leur amour conjugué.

3

Bachir, bien qu’étant plus âgé qu’Idir, ne laissait pas la différence d’âge constituer un obstacle à leur fréquentation, malgré son physique souvent jugé repoussant. Toutefois, ses avances imprudentes, préméditées avec perfidie, envers Jeǧǧiga faisaient naître en Idir un besoin pressant de trouver un prétexte qui lui permettrait de se rapprocher davantage de Bachir. En premier lieu, il devait réfléchir à la manière d’entrer en contact avec lui ; en second lieu, il fallait l’attirer dans une relation d’associé. Idir réprimait en silence la répugnance qui le tourmentait, conscient qu’il devait briser la méfiance de Bachir et surmonter son caractère rustre. Pour cela, qui mieux qu’Omar, fils de Mohand Saïd, pourrait servir de médiateur, facilitant une amitié entre ces deux prétendants jaloux, tous deux aspirant à la main de Jeǧǧiga ?

Omar, à l’aube de ses vingt ans, était un jeune homme brave et affable, ami de Bachir par obligation plus que par choix. De stature moyenne, mais habile, il savait naviguer dans les relations humaines avec une douceur et une bienveillance naturelles. Il fallait une patience immense ou le tempérament pacifique d’Idir pour envisager une camaraderie avec Bachir, dont l’amitié était aussi éphémère que saisonnière. En effet, c’était uniquement durant les périodes de labours qu’Omar faisait preuve d’une patience inépuisable, car autrement, Bachir était insupportable pour quiconque avait un esprit rationnel. Passer une journée avec lui revenait à s’imposer une épreuve de mortification, tant son caractère était pénible. Ses rires tonitruants, semblables à une mitrailleuse, éclataient comme des rafales dans les oreilles de ses compagnons. Pourtant, ce comportement grossier aidait Omar à examiner quotidiennement ses propres sentiments pour s’assurer qu’ils restaient en accord avec les normes sociales. Il se félicitait souvent, remerciant Dieu de lui avoir donné une nature empreinte de tendresse et d’humilité, et d’avoir évité d’être un fardeau pour les autres.

Bachir et son suitier Omar, compagnons de labour, travaillaient ensemble à chaque saison. Leur relation, bien que limitée à cette période, se renforçait par une sollicitude mutuelle : l’un tenait la charrue, l’autre s’occupait des endroits inaccessibles aux bœufs. Pour Idir, une idée commençait à germer. Il savait qu’il devait laisser cette idée mûrir avant de l’exécuter, dans l’espoir d’atteindre le point faible de Bachir, car celui-ci semblait imperméable à toute forme de compassion. Mais pour l’instant, la principale préoccupation d’Idir restait sa muse consolatrice : « Le royaume sur lequel trône mon cœur est Jeǧǧiga », se répétait-il.

4

Idir, fils de Belkacem et de Malha, n’était pas né avec une cuillère d’argent dans la bouche. Il ouvrit les yeux dans une famille modeste, tranquille et profondément humble, où la simplicité de vie n’entamait en rien les valeurs morales. La pauvreté, loin de corrompre leur âme, fortifiait leur sens du bien et du partage. Leur quotidien était imprégné d’un élan de bienveillance envers autrui, tissé de solidarité et de dévouement aux causes sociales. C’est dans ce foyer qu’Idir apprit l’humilité, fut nourri d’espérance et développa une grande capacité d’empathie, ressentant profondément les émotions et les souffrances des autres.

Adolescent, Idir distinguait déjà clairement le bien du mal. Il se montrait généreux de cœur et bienveillant envers les malheureux. Dès son plus jeune âge, il aimait se rendre utile, que ce soit pour sa famille, à laquelle il témoignait une obéissance sans faille, ou pour tout le village. Son extrême sensibilité le poussait parfois à verser des larmes face aux petits malheurs, mais cette même sensibilité le rendait infatigable lorsqu’il s’agissait d’alléger le fardeau des autres. Idir ne refusait jamais d’offrir son aide à qui le sollicitait, et son hospitalité ainsi que son esprit de solidarité étaient les fondements de son être.

En plus de sa bonté d’âme, Idir possédait une beauté physique indéniable. De grande taille, au visage gracieux et aux yeux marron, il attirait l’admiration. Sa douceur, sa gentillesse, sa capacité à imaginer le monde autrement et sa raison subtile faisaient de lui un être exceptionnel. Pourtant, il détestait que l’on fasse l’éloge de ses actions charitables, préférant tendre l’oreille aux critiques constructives pour s’ajuster aux circonstances sans jamais être condescendant. À la maison, il s’effaçait volontiers devant ses frères et sœurs, témoignant d’un amour fraternel sincère et touchant. La moindre larme d’une sœur ou la moue boudeuse d’un frère le plongeait dans une tristesse profonde, qu’il s’efforçait aussitôt de dissiper avec une attention tendre.

Idir vouait une affection toute particulière à son petit frère, Mokrane. Lorsqu’il le prenait sur ses genoux et le berçait avec douceur, Mokrane répondait par des éclats de joie, sautant à pieds joints dans ses bras comme un cabri. Leur mère, Malha, contemplait souvent cette scène avec une émotion presque jalouse, envahie par une envie irrésistible de les avoir tous deux de nouveau contre son sein, comme lorsqu’ils étaient encore dans son ventre.

En dehors de ses responsabilités quotidiennes, Idir trouvait un certain plaisir à la chasse. Réputé pour être un excellent chasseur, il savait équilibrer son temps entre le travail et ses moments en pleine nature. La chasse, pour lui, n’était pas seulement un moyen de subsistance, mais aussi une communion avec la nature. Bien qu’il fût sensible à la protection de la faune et de la flore, ses prises servaient à nourrir sa famille modeste et quelques bouches affamées du village qui ne mangeaient de la viande que rarement. Sa générosité transparaissait même dans ces moments : avant de rentrer chez lui, il ne manquait jamais de passer chez la veuve Saliha, la mère de Jeǧǧiga, pour lui offrir un lièvre, une perdrix ou, à défaut, quelques oiseaux.

L’amour qu’Idir portait à Jeǧǧiga était d’une intensité presque mystique, transcendant l’esprit, le cœur et l’âme. Chaque geste, chaque pensée était marquée par cet amour profond, au point qu’il se sentait envoûté par elle, incapable de penser à autre chose. Ses visites chez la mère de Jeǧǧiga étaient souvent des prétextes pour se rapprocher de l’élue de son cœur. Loin d’elle, il ressentait un vide insupportable, tandis qu’à ses côtés, chaque instant devenait un trésor à chérir. Cet amour allait au-delà des simples sensations physiques, atteignant une dimension spirituelle qui les unissait au-delà du temps et de l’espace.

Dans le quotidien familial, Idir faisait preuve de discrétion. Il entrait et sortait de la maison sur la pointe des pieds, soucieux de ne pas perturber les habitudes ou éveiller les tensions. Il avait appris à ménager les humeurs irritables qui pouvaient parfois troubler la paix domestique, veillant toujours à préserver sa mère des tracas inutiles. Chaque jour, il prenait soin de faire régner une harmonie bienveillante autour de lui, tenant à ce que son foyer reste un havre de paix.

Quant à son père, Belkacem, bien que paysan et analphabète, il représentait pour Idir un roc, un guide solide sur lequel il avait bâti ses rêves. La sagesse de Belkacem, façonnée par l’expérience, était une boussole pour Idir, qui voyait en lui un exemple de force, de persévérance et d’intégrité. Cependant, malgré toute sa bienveillance et son amour pour son fils, Belkacem restait fermement ancré dans les traditions, imperturbable quant au choix de l’épouse d’Idir. Il croyait fermement que cette décision lui revenait, et ce respect rigide des coutumes créait une barrière entre les aspirations d’Idir et l’autorité paternelle.

Lors de ses visites à son ami Omar, Idir cherchait conseil et soutien. Omar, avec une amitié indéfectible, ne manquait jamais de lui apporter réconfort et aide. Ensemble, ils partageaient des discussions profondes sur leurs préoccupations, et lorsque Idir évoquait le fumeux Bachir, Omar se montrait toujours prêt à l’aider.

Enfin, dans l’univers intérieur d’Idir, Jeǧǧiga demeurait sa raison de vivre. Elle était sa lumière, sa muse, son souffle. Leur lien était indestructible, et pour lui, chaque instant passé à ses côtés était une bénédiction. Peu importe les défis de la vie, tant qu’il avait Jeǧǧiga à ses côtés, il savait qu’il trouverait toujours la force de continuer, porté par cet amour inconditionnel.

5

Jeǧǧiga était une ravissante jeune fille à la beauté éclatante. Son visage rubescent, lumineux et fin, arborait un front serein. Ses pommettes rondes et roses étaient le signe par excellence de sa grâce, tandis que les fossettes charmantes sur ses joues et son menton délicat révélaient une grande féminité. Ses sourcils bien dessinés mettaient en valeur son regard doux et affectueux, encadrant deux grands yeux pers, protégés par des cils magnifiques. Elle possédait un nez parfait, légèrement retroussé, et une bouche pulpeuse aux lèvres vermillon, sérieuses et saines, illuminées par un gracieux sourire qui témoignait de sa bonne humeur.

Lorsqu’elle laissait tomber ses cheveux, cascades d’ébène, sur son dos, ils dissimulaient son long cou à la peau fine et fragile, encadrant son visage tel un précieux cadre, ajoutant une touche de mystère à sa présence envoûtante. Cependant, ce qui rendait Jeǧǧiga véritablement sublime, c’était sa grâce naturelle, sa dignité et son charisme. Elle irradiait une aura de confiance et de bienveillance qui captivait tous ceux qui avaient le privilège de croiser son chemin. Sa taille, légèrement en dessous de l’idéal, n’altérait en rien son charme, amplifié par son attitude élégante et naturelle.

Elle tenait à se soustraire aux regards trop appuyés, capables de troubler même un saint. La beauté, bien qu’une perception des plus subjectives, était indéniable chez Jeǧǧiga, non seulement pour son apparence extérieure, mais surtout pour la profondeur de son âme. Sa sympathie affective la rendait encore plus irrésistible. C’était cette vertu angélique qui avait conquis le cœur d’Idir.

Des murmures indiscrets parvenaient à ses oreilles, lui révélant que de nombreux prétendants la demandaient en mariage. Craignant que la perle rare ne soit conquise par ses rivaux, Idir savait qu’il devait agir rapidement. Il ne pouvait se permettre de rester dans une posture passive. D’abord, il lui fallait manifester son désir, puis mettre en œuvre un plan audacieux, en accord avec ses principes. Il se sentait soudainement heureux d’avoir saisi la personnalité de Jeǧǧiga avec plus de clarté. Il ne devait en aucun cas faire mine de l’ignorer. La première étape était de rapprocher sa mère, Malha, de Saliha, la mère de Jeǧǧiga.

Ainsi, il espérait non seulement éveiller l’attention de la jeune fille, mais aussi gagner sa main avant que ses concurrents ne prennent l’avantage.

6

Saliha, épouse de M’hend, mère de Jeǧǧiga et de Mninouche, n’avait pas encore achevé la douloureuse transition de son adolescence lorsque la mort lui arracha ce qu’elle avait de plus précieux. Chaque matin, elle se réveillait avec un poids dans la poitrine, comme si une partie d’elle-même manquait. Les souvenirs de son défunt mari hantaient chaque recoin de la maison, transformant celle-ci en un sanctuaire de mélancolie. Les tâches quotidiennes devenaient des défis insurmontables, chaque geste résonnant avec le vide laissé par son absence.

Malgré les encouragements de ses proches, Saliha peinait à retrouver la force de se reconstruire après avoir perdu l’amour de sa vie. Chaque jour était une bataille entre la douleur du passé et l’incertitude de l’avenir. Mais au fond de son cœur brisé, un espoir fragile, mais tenace subsistait, lui rappelant qu’un nouveau chapitre l’attendait peut-être au détour du chemin. La mort de son époux fut un drame violent et inconsolable. Comme un ouragan, elle emporta M’hend à l’affection des siens. Il n’avait pas encore atteint trente-cinq ans lorsqu’une mystérieuse et terrible maladie l’emporta. La responsabilité de ses deux enfants échut à son père, Seddik, dont la santé, déjà précaire, se dégradait sous le poids de l’incertitude et de la précarité. Mninouche et Jeǧǧiga, quant à elles, ne comprenaient pas encore la brutalité et la cruauté de la mort.