Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Qui peut encore croire à l’existence d’un lien amoureux intemporel ? À des messages portés par des vanesses, papillons si communs ? Surtout pas Jean qui découvre, chez un antiquaire birman, un cliché ancien de Vanessa, une femme d’une grande beauté. Ensuite, d’improbables événements se produisent : elle lui lègue une montre de la Seconde Guerre, puis un artisan lui offre une effrayante marionnette qui le précipite dans une vie parallèle. Son cheminement pour retrouver cette femme et comprendre l’histoire de la montre déclenche une folle mécanique. Jean et Vanessa parviendront-ils à se défaire de l’ennemi commun qui les a poursuivis à travers les existences partagées autrefois ?
A PROPOS DE L'AUTEUR
Jean Savanes est passionné par les écrits situés à la frontière incertaine entre le réel et le fantastique. Bien que fictif, ce premier roman est en partie inspiré par la redécouverte de la montre d’aviateur de son grand-père, pilote dans l’aviation roumaine alliée, à la Luftwaffe sur le front de l’Est dans les années quarante.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 359
Veröffentlichungsjahr: 2022
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Jean Savanes
Les arcanes du lépidoptère
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean Savanes
ISBN :979-10-377-5177-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
« Venus cueillit dans le ciel étoilé
Un brin d’immortelles fleurs d’amarante.
Dans leur nectar elle infusa trois fois
Les baies divines de l’amour,
Et par trois fois les célestes rayons
Se fondirent dans l’élixir suprême,
Nectar qu’elle répandit trois fois sur l’enfantelette.
Joyeuses, les Grâces accoururent à son aide,
Pour imprégner la peau toute douce de la petite enfant
D’un parfum triomphant de toutes les fragrances connues,
D’une chasteté ne supportant aucune souillure
Et instillant une telle pudeur d’esprit,
Vertu si belle et si vivace
Qu’aucune insouciante pensée ne peut ternir.
[…] Vanessa, la terre entière tu envoûteras. »
Cadenus and Vanessa de Jonathan Swift (1713),
traduction par l’auteur.
Les vacances approchaient de leur fin, tout comme ce mois de janvier. Des flashes de la routine qui allait reprendre au retour fusaient dans mes pensées et se mélangeaient aux dernières images de Rangoon. Images d’un présent qui commençait déjà à me sembler lointain, à s’éloigner comme un navire à la dérive, à presque se faner sous un regard chargé de tristesse, celui de l’éloignement tout proche. Mélancolie.
Le vol de retour en début d’après-midi laissait encore quelques heures pour les dernières emplettes matinales au marché Bogyoke1, situé tout proche de l’hôtel. L’expérience du voyage dans ce pays voulait que les meilleures affaires se fassent le matin, augurant une bonne journée pour le commerçant, et pour l’acheteur nécessairement. Mon aîné avait mollement exprimé le désir de m’accompagner avant d’y renoncer pour se rabattre sur la piscine de l’hôtel pour la plus grande joie de ma cadette. Ils manifestèrent néanmoins le désir d’avoir une marionnette birmane pour tenir compagnie à celle que chacun avait acquise en début du séjour. Mon épouse était concentrée sur la préparation des bagages et voulait ensuite se détendre avant le long voyage qui nous attendait.
Ainsi, je quittai seul l’hôtel pour m’engager d’un pas alerte sur la rue Nawaday avant de tourner à gauche dans une petite ruelle menant vers le marché. Je ralentis la cadence, il était trop tôt pour l’ouverture du marché, mais surtout je voulais encore m’imprégner des signes du réveil de la ville. Des chiens poussiéreux et squelettiques se mettaient en quête de nourriture, des odeurs agréables ou nauséabondes m’assaillaient de partout, des intonations rauques en birman se déversaient par les fenêtres ouvertes, des habitants commençaient à émerger, encore engourdis par le sommeil, la fraîcheur s’effilochait. Plus j’approchais du marché, plus l’activité se faisait intense. Une file de moines, du plus jeune au plus vieux, avec leurs robes rouge foncé, tenant contre leur poitrine leurs bols, était déjà en marche. Des locaux matinaux et quelques touristes comme moi convergeaient vers le marché comme des abeilles vers leur ruche.
Je me laissai attirer vers l’échoppe d’un artisan marionnettiste chez lequel j’achetai Nan Belu, l’ogre qui allait ravir mon fils, puis Minthamee, la princesse pour Tara, ma fille. Dans un élan joyeux, le vendeur me fit cadeau d’une marionnette de Zawgyi, l’Alchimiste. À la différence de deux autres poupées, celle-ci était quelque peu effrayante. Elle était figée dans un sourire difficile à déchiffrer, approchant plutôt d’un rictus empreint d’une certaine satisfaction. Étonnamment, les traits du visage ainsi que la finesse de l’exécution la rapprochaient encore plus d’un humain, c’est sans doute en cela que résidait son aspect mauvais. Sous des sourcils broussailleux, les yeux proches scintillaient sur le visage émacié. Les lèvres se résumaient à une ligne noire avec des commissures surprises dans ce sourire énigmatique et hostile. Elle avait l’air maléfique, mais, d’une manière rationnelle, je trouvais infondé d’éprouver de la répulsion pour à une marionnette.
Moitié par signes, moitié en anglais, je tentai de demander au vendeur la raison de ce cadeau, puisqu’au fond, si je pouvais choisir, j’aurais mieux aimé une autre marionnette. Le vendeur, avec son sourire édenté, rougi par le bétel, me rétorqua que tels étaient les présages ce matin, me faisant ainsi comprendre qu’il ne voulait pas la changer. Ensuite, il s’empressa d’agiter les dollars empochés au-dessus des autres objets exposés, rituel supposé faciliter leur vente. Il me proposa un thé, mais je déclinai, le temps avant le départ s’amenuisait. J’abandonnai la tentative de comprendre et négocier ; la marionnette prit le chemin de mon sac à dos pour retrouver les deux autres.
En continuant dans le coin des antiquaires, je dénichai un petit Bouddha en bois doré, puis une pipe à opium et une boîte à bétel. Mes réserves d’argent touchaient presque à leur fin. Avec le peu qui me restait, j’entrai chez un antiquaire caché sous des voûtes blanches, grignotées par la moisissure tropicale et les tentacules de fils électriques. Dans un coin, près de livres jaunis, s’entassaient des photos anciennes. Sans savoir pourquoi, je me mis à feuilleter cet amas : des visages inconnus, des Birmans, des étrangers au sourire crispé, des paysages, des pagodes. Je tombai sur la photo d’un couple dont les visages radieux me pénétrèrent comme une balle tirée à bout portant. Elle représentait des étrangers qui se regardaient amoureusement et, chose assez inhabituelle par rapport aux autres photos, celle-ci dégageait un naturel inattendu ainsi qu’une force qui me laissa pantois.
Leurs visages me semblaient familiers sans pouvoir l’expliquer. La mémoire recèle des zones ombrageuses qui se refusent à la raison. L’homme portait un uniforme de la RAF2, et j’eus l’impression qu’il avait un air de famille, ce qui était difficilement concevable. La femme, quant à elle, était vêtue d’une chemise de coupe simple, presque militaire. Ses cheveux clairs, qui cascadaient sur un côté et cachaient une épaule, étaient tenus par une fine bande en tissu, laissant libre son front et faisant ressortir des yeux fascinants. Malgré le papier jaunissant de la photo en noir et blanc, je pouvais deviner qu’ils étaient clairs, appuyés par un regard en amande. Leur taille démesurée suggérait des fenêtres sur une mer indomptable. En arrière-plan, on distinguait la pagode Schwedagon3, indice que la photo avait été prise à Rangoon. Je retournai la photo et, sur le papier jauni, calligraphié avec soin, je lus « Vanessa und Jan, Rangoon, 19474 ».
Je ne pus détacher mon regard de cette femme ; sa beauté rendait la photo presque vivante et faisait briller les yeux de l’homme. En regardant l’image sous un certain angle, on aurait dit qu’elle me fixait également, avec un petit sourire au coin des lèvres. De l’allemand sur une photo trouvée ici, prise il y avait plus de soixante ans ! Mon imagination commença aussitôt à envisager les histoires possibles entourant ce cliché. La raison me ramena sur terre : je le reposai, décidé à ne pas m’encombrer.
Je me dirigeai vers les vitrines où s’entassait un bric-à-brac de montres, médailles, bijoux anciens et ethniques. Entre mes doigts atterrit une montre mécanique, de toute évidence ancienne, mais dans un état de conservation acceptable. Je tentai délicatement de la remonter, mais les aiguilles des nombreux cadrans s’obstinèrent à rester immobiles. C’était une montre suisse « Aero-Compax, Universal Genève » et sur le dos de celle-ci, au-dessus du numéro de série, figuraient quelques mots en partie limés : « V… mein Leben, bist du5. » À la photo annotée en allemand s’ajoutait un autre mystère gravé en acier, à des milliers de kilomètres de l’Allemagne. Le propriétaire sourit :
Cela dépassait de loin la cinquantaine de dollars qui restaient dans ma poche et que je lui proposai. Face à son refus, je me mis à regretter les autres achats que j’avais effectués et tentai sans succès de marchander. Sur cette défaite, je quittai le magasin, meurtri, pour me diriger vers l’hôtel. Quelques instants plus tard, l’antiquaire me rattrapa en haletant. Il avait couru depuis sa boutique pour me rattraper dans les chemins labyrinthiques du marché.
Son charabia m’exaspéra, et je songeai rapidement qu’il devait se mélanger les pinceaux et me confondre avec un autre client. Néanmoins, je lui emboîtai le pas vers la boutique, en espérant qu’il accepte mon offre.
Je me retournai vers l’entrée du magasin, juste à temps pour apercevoir, à ma grande stupeur, la femme de la photo qui me regardait en souriant. Belle comme sur l’image, avec le même sourire qui me figea sur place. J’eus l’impression de devenir l’homme de la photo, de me voir insuffler une force mystérieuse à travers nos regards échangés. Une mécanique inconnue se réveilla en moi, la lumière se fit plus intense dans l’obscure boutique de l’antiquaire et un parfum qui me rappelait le muguet m’assaillit, anéantissant les effluves de moisi. Mais, ce qui me parcourut comme un éclair, c’est la compréhension que cette femme ne m’était pas inconnue, qu’elle faisait partie de moi sans que je puisse me l’expliquer.
En reprenant mes esprits, je bondis hors du magasin pour la rattraper. Elle s’était laissé emporter par le fleuve des passants qui commençait à inonder les ruelles du marché. Je me lançai dans une poursuite perdue d’avance, en baragouinant des excuses à droite et à gauche, et en tentant des raccourcis périlleux entre les échoppes des marchands. Par moments, j’avais l’impression de l’approcher, j’apercevais sa silhouette élancée dans la foule, alors qu’un instant plus tard je n’arrivais qu’à distinguer la flamme de ses cheveux blonds. Par moments, elle se retournait dans ma direction avec le même sourire envoûtant. Mes appels dans sa direction étaient comme absorbés par le brouhaha assourdissant.
Les rues se rétrécissaient, la foule se raréfiait ; j’accélérai ma course, certain de pouvoir la rattraper. D’une minuscule rue collatérale surgit l’ombre d’un homme qui la saisit en tentant de l’attirer vers lui. Je restai une fraction de seconde comme suspendu dans ma course. La figure de l’assaillant était en tout point semblable à celle de la poupée maléfique que j’avais enfournée dans mon sac à dos. Laissant de côté cette comparaison malvenue, je me précipitai à la rescousse de l’inconnue. En criant, je plongeai entre les deux pour briser l’étreinte des bras de l’agresseur qui avait saisi la taille de sa proie. L’homme se déséquilibra et tomba, m’entraînant dans sa chute. La victime, dégagée de cette étreinte, ne s’attarda pas et s’enfuit vers le bout de la ruelle où se profilait le pont qui enjambait les lignes du train. En oubliant l’homme qui était affalé au sol, je me relevai et m’élançai pour poursuivre ma course effrénée et rattraper cette femme fascinante. L’attraction qu’elle exerçait sur moi dépassait de loin le désir de corriger l’assaillant.
Elle monta d’un pas rapide la passerelle qui délimitant la frontière du marché et disparut de ma vue en la descendant.
À bout de souffle, en descendant deux à deux les marches inégales de la passerelle, je réalisai que je l’avais perdu de vue. Pourtant, la foule alentour s’était réduite à quelques marchands proposant des criquets grillés et autres friandises locales. Elle avait disparu, évaporée conviendrait mieux, vu la chaleur ambiante qui avait commencé à enserrer la ville entre ses griffes rayonnantes. Sans elle, la lumière semblait ternir, réveillant partout des ombres fuyantes malgré le soleil impitoyable. L’odeur de muguet qui m’avait poursuivi s’effaça, laissant place aux odeurs fétides du marché. En revenant sur mes pas, j’espérai retrouver l’agresseur avec le visage de marionnette. Évaporé, lui aussi, il ne restait que quelques locaux qui me regardaient en souriant. Je leur demandai s’ils avaient vu un homme s’enfuir. Peine perdue, ils ne comprenaient pas l’anglais ; les sourires continuaient à s’étaler sur leurs visages traduisant l’incompréhension la plus totale.
De retour dans la boutique, je me résignai à accepter ce cadeau et tentai d’extorquer quelques informations du vendeur en espérant mettre à jour des éléments pour retrouver cette femme énigmatique.
Impatient, je regardai ses mains s’activer pour enlever les couches de papier journal qui avaient déjà saisi la montre entre leurs plis. Finalement, un petit bout de papier soigneusement plié atterrit entre mes doigts fébriles qui aussitôt dévoilèrent le message qu’il portait. À ma grande surprise, il était rédigé en français : « Le retour de cette montre que tu affectionnais autrefois, un lien pour te rappeler notre passé, un messager qui défie le temps et les distances. Ce fut ton cadeau, il est le mien maintenant. Ce présent a déjà attiré l’hostilité. Sois vigilant aux autres signes qui ne tarderont pas à se manifester ! Je reviendrai te retrouver au bon moment. Vanessa. »
Pantois, j’essayai de comprendre le sens de ces mots, de trouver des indices pour faire le lien possible entre la montre et cette inconnue. Elle m’avait sans doute confondu avec quelqu’un, je ne voyais pas d’autre possibilité. Puis revint à mon esprit la photo qui m’avait troublé quelques instants plus tôt. C’était bien la femme de la photo, ce cliché qui était marqué « Vanessa et Jan ». Ma respiration s’accéléra devant l’impossible évidence : la femme de cette image avait surgi dans cette obscure boutique pour m’offrir ce cadeau. Aucun doute, je l’avais entrevue aussi à l’entrée de la boutique, puis dans ma course folle dans les ruelles du marché. D’un pas décidé, je retournai vers le tas de photos, avec la ferme intention de remettre la main sur ce cliché qui constituerait la preuve ultime, une évidence que je ne basculais pas dans la folie et peut-être un indice supplémentaire pour retrouver cette femme.
Malgré une recherche longue et minutieuse, je ne retrouvai pas la photo. Elle s’était volatilisée. J’avais du mal à y croire, c’était de la pure folie ! Agacé, je regardai de biais vers le propriétaire, occupé à emballer à nouveau ma montre dans du papier journal tout en rigolant avec un client qui venait d’arriver. Ce ne pouvait pas être lui. Il était resté en ma présence tout le temps, sauf évidemment lorsque j’ai quitté sa boutique pendant de brefs instants, mais j’avais du mal à croire qu’il aurait choisi d’escamoter cette photo en particulier. Il était tout aussi improbable que la mystérieuse donatrice de la montre ait eu la rapidité de le faire. À l’évidence, le mystère s’épaississait.
De retour à l’hôtel, accaparé par le départ tout proche, je reléguai ces questionnements pour plus tard, à mon retour, quand je serais loin de ce pays qui commençait à receler trop d’inconnues. J’expliquai à mon fils Ernest que Nan Belu l’ogre se nourrissait soit d’humains dans sa forme terrifiante, soit de fleurs dans sa version végétarienne. Cette explication sommaire lui plut ; il irait sans doute en parler à sa maîtresse d’école qui était une végan convaincue. Tara adopta avec ravissement Minthamee, surtout que la marionnette cheval qu’elle avait déjà était la monture idéale pour une princesse. Par contre, la marionnette de l’Alchimiste manquait à l’appel. Je regardai d’un air soupçonneux mon épouse Mara.
Son attention était figée sur le paquet de papier journal renfermant la montre. Mes pensées étaient encore empreintes par les événements qui avaient accompagné ce cadeau, et je n’étais pas enclin à m’étendre dans des explications. Le billet qui l’accompagnait était resté roulé en boule par mes doigts animés par l’incompréhension et la nervosité, quelque part au fond d’une poche. Je sortis silencieusement la montre de son emballage et lui tendit.
Nous finîmes par boucler rapidement les valises et même par manger un mohinga15 au restaurant de l’hôtel afin de quitter le pays avec les souvenirs gastronomiques de rigueur. Les signes qui m’avaient assailli ce jour étaient incompréhensibles, à commencer par le mystère de la montre lié à la photo et à l’inconnue, pour finir avec l’agression de l’homme ressemblant à la marionnette de l’Alchimiste. J’attendais avec impatience le vol retour qui allait m’éloigner de la source de ces interrogations. Un bon espoir que les films en boucle, un petit somnifère aidant, allaient sans doute effacer cette agitation.
Contrairement à mes attentes, je ne pus trouver le sommeil pendant le vol. Dès que je m’assoupissais, des rêves puissants dans lesquels apparaissaient Vanessa et la marionnette de l’Alchimiste me faisaient sursauter. Effet inattendu du somnifère, en m’éveillant par intermittence j’apercevais dans la pénombre de la cabine le visage ricanant de cette maudite marionnette. Tout le voyage fut fait de ces transitions entre le rêve et la réalité, les deux hantés par ces apparitions qui faisaient naître des sentiments extrêmes.
En arrivant à destination, dans la masse de passagers qui se bousculait au contrôle des passeports, j’aperçus une silhouette accoutrée des mêmes vêtements que celle de la marionnette de l’Alchimiste. Incrédule, je fis quelques pas de côté pour mieux voir, m’assurer que ce que je venais de voir n’était pas une suite hallucinatoire liée au somnifère, cumulée au manque de sommeil. En récupérant son passeport, l’homme se retourna vers moi, et le visage humain de l’Alchimiste me fit face. Le même sourire rigide sur ses lèvres, la même étincelle de méchanceté qui faisait briller ses yeux. Le souffle coupé, je tentai d’avancer, mais la clameur des autres voyageurs mécontents se fit entendre. Et le regard sévère de l’officier du guichet s’accompagna d’un geste on ne peut plus explicite vers la file en attente. Mara, surprise par mon mouvement inattendu, m’interpella furibonde.
Je voulais lui expliquer ma vision, mais j’acceptai que cela eût été une illusion, un prolongement de mes rêves malsains qui m’avaient accompagné pendant le vol.
Dès notre arrivée à la maison, nous commençâmes à ouvrir nos bagages, en regardant avec nostalgie les souvenirs, connexions avec le voyage qui venait de s’achever. Je ne pouvais pas m’empêcher de penser à la marionnette disparue et surtout de me soucier de l’apparition fantasmagorique du passager débarqué en même temps et y ressemblant en tout point. Tout cela s’ajoutait aux événements mystérieux survenus au marché de Bogyoke. J’aspirais à comprendre qui était Vanessa présente sur l’image du cliché de 1947, qui m’avait laissé ce message énigmatique avec, pour seul élément palpable, cette montre, concrétisation de cette folle histoire. Bien que les aiguilles de cette montre demeurent figées, je me promis que j’allais faire le nécessaire pour la réparer. Surtout parce qu’elle était le seul lien avec Vanessa et l’unique indice pour, peut-être, la retrouver un jour. Dans l’immédiat, la nuit agitée dans l’avion et la fatigue accumulée commençaient à se manifester. Mes idées se faisaient plus lentes, mes paupières s’alourdissaient, le sommeil me gagnait petit à petit. Il n’était pas encore midi, mais je me retirai pour me reposer. L’endormissement fut rapide mais pas reposant pour autant puisqu’immédiatement peuplé par la résurgence des visions incompréhensibles, dans la continuité de celles qui avaient hanté ma nuit dans l’avion.
Vanessa, telle que je l’avais entrevue sur le seuil de la boutique birmane ou lors de ma course effrénée dans les ruelles du marché, était assise sur un banc dans un parc, concentrée sur la lecture d’un cahier avec des pages jaunies, mais sur lesquelles je pouvais distinguer une curieuse écriture faite des signes et de couleurs chatoyantes. Elle était habillée d’une robe fleurie qui la faisait presque se fondre dans le paysage floral du parc. Lorsque je m’approchai, elle leva les yeux et ferma le cahier. Je vis qu’elle portait au poignet la montre que j’avais reçue de sa part dans la boutique de l’antiquaire. Cette constatation m’apparut comme naturelle, ne me surprit aucunement, mais Vanessa capta ce regard et lut dans mes pensées.
Je voulus lui demander quand j’allais la revoir, en savoir plus sur ce qui m’attendait, mais rapidement elle se détourna vers sa lecture et elle se fondit dans le paysage fleuri qui l’entourait. Des ombres surgirent et finirent par remplacer ce paysage apaisant par des images en noir et blanc. Des avions anciens toussotaient sur une piste d’atterrissage herbeuse en répandant des nuages de fumée, et des soldats en uniforme les regardaient admiratifs. Je me tournais vers eux et je reconnus Jan, l’homme qui était avec Vanessa, sur le cliché découvert chez l’antiquaire. Il plaisantait avec un autre soldat qui, par ses gestes, faisait rire tout le monde. Puis, leurs visages devinrent graves et se dirigèrent lentement vers un baraquement qui avait surgi miraculeusement. Pendant que je les poursuivais, une voix retentit : « C’était ton idée, Jan... ton initiative. » Terrorisé, je présentais que quelque chose allait se passer et comme pour faire écho à ce pressentiment, une explosion retentit derrière moi. Un avion était en flammes, scindé en deux au milieu de la piste, alors que les autres appareils avaient disparu. Cette explosion me fit sursauter dans mon lit.
Il me fallut quelques secondes pour réaliser où j’étais. Je regardai mon réveille-matin : seulement deux heures étaient passées, mais il me semblait avoir traversé des vies entières. La maisonnée était silencieuse ; près de moi, Mara dormait profondément et les enfants, dans leurs chambres, faisaient de même, sans doute saisis par le même épuisement. Curieusement, la fatigue m’avait déserté et j’allai retrouver la montre « Aero-Compax ». Elle était restée posée parmi les souvenirs de vacances, unique réminiscence de mes rêves et du voyage birman, pont entre l’onirique et le réel, et seul lien avec Vanessa. Pour trouver la réponse à mes interrogations, selon les présages de mon rêve, il fallait entamer sa réparation. Je l’enfournai dans une poche, puis sortis de la maison pour me diriger vers la boutique d’un horloger. D’emblée, en la voyant si poussiéreuse, sa loupe visée sur un œil, il se montra sceptique quant à la possibilité de la faire revivre.
À peine deux heures plus tard, il me laissa un message me priant de passer le voir. Je me précipitai vers sa boutique et arrivai juste avant la fermeture.
Je payai la réparation et, ornée d’un nouveau bracelet, la montre se trouva aussitôt à mon poignet. Une sensation étrange, indescriptible s’empara de moi, mais d’une force inconnue et inattendue. En sortant de la boutique, je ne pus m’empêcher de penser que le V de la gravure au dos de la montre pouvait correspondre au prénom Vanessa, la mystérieuse femme du marché de Bogyoke. Si tel était le cas, qui avait effacé si grossièrement son prénom du métal du boîtier ?
J’avais des choses à découvrir et à comprendre sans doute. Ou alors cela n’avait rien à voir, et cela avait été fait intentionnellement pour effacer le nom du propriétaire afin de la vendre chez l’antiquaire. Des prénoms commençant par V, il y en avait pléthore, sans compter l’hypothèse du Vaterland qui aurait suggéré l’appartenance à un fanatique.
Il va de soi que cette montre, avec son air rétro, avait remplacé celle qui comptait inutilement mes pas, mes heures de sommeil et d’activité. Pour essayer d’éclaircir son mystère, j’entrepris des recherches sur internet. Les propos de l’horloger se confirmèrent ; Google, ses images et ses aides de traduction me permirent de découvrir des montres similaires. Mais le mystère demeurait. J’avais peu d’espoir de recevoir une réponse, mais je me résolus d’écrire au ministère de la Défense roumain pour savoir si cette montre faisait partie de la série qui avait équipé les pilotes pendant la guerre et si on pouvait retrouver le pilote auquel cette montre avait appartenu. Quel cheminement énigmatique pour cette montre fabriquée en Suisse pour finir en Birmanie en passant par la Roumanie ! Et surtout la curieuse gravure en allemand pour une montre supposée avoir appartenu aux pilotes roumains.
Les vacances étaient déjà loin, et l’année 2014 était bien installée. Le printemps et l’éclosion renouvelée de la vie s’annonçaient et commençaient à ensevelir les souvenirs du voyage en terre birmane. La neige avait entamé son retrait vers les sommets enneigés des Alpes suisses ; la routine, elle, avait installé ses règles.
Au mois de mars, une excroissance noire avec des reflets verdâtres, de la taille d’un grain de riz, avait émergé sur ma poitrine. Sous la peau, bien lisse au toucher, elle était nettement délimitée par une membrane transparente et suggérait une ecchymose. Aussitôt manipulée, elle envoyait dans ma poitrine des élancements comme des décharges électriques. Je pensai qu’elle était due à un pincement produit par une Fermeture éclair. Mes souvenirs ne me permettaient pas de situer avec précision un tel événement qui aurait pourtant dû être perceptible, mais, naïvement, je me dis que l’empreinte disparaîtrait subrepticement, comme elle était apparue.
Oubliée dans la cachette souterraine des habits, elle se rappela à mon souvenir quelques jours plus tard. Des taches orange étaient apparues aux extrémités, tandis que des poils fins, noirs et drus avaient commencé à décorer cette poussée dermique. Je fis des contorsions devant le miroir pour explorer cette excroissance. Très précisément, les taches orange étaient des petits triangles et, de manière très surprenante, deux fines bandes jaunâtres venaient s’ajouter au centre pour achever cette construction d’une régularité géométrique parfaite. Des poils plus petits ornaient les deux côtés de cette éruption d’une symétrie maladive. Cet aspect me fit penser à quelque insecte, venu s’insinuer sous ma peau. Naturellement, les tiques sont légion dans nos contrées et, qui sait, une nouvelle espèce aurait pu se coller à moi. En même temps, cette couleur étrange avait enclenché dans mon esprit l’alarme du cancer de la peau. Avec fébrilité, je me mis à chercher sur le web des photos de grains de beauté en tous genres, de mélanomes et d’insectes parasites de la peau. Assez vite, j’abandonnai cette piste, bien que la peur d’un cancer inconnu et galopant restât tapie dans mon esprit. Parmi les parasitoses cutanées, la plus fréquente était la gale, qui se manifestait par des zones rouges, loin de la formation solide et régulière installée sur ma poitrine.
Mi-mars, deux taches plus petites mais absolument identiques vinrent s’agglutiner à la précédente, comme les segments d’un ver de terre, d’une chenille, d’un mille-pattes. Ces extensions s’ajoutèrent à la frontière bordée par les petits poils du premier segment. Cet aspect annelé me poussa de nouveau sur le web à la recherche de chenilles, scolopendres ou vers, afin de vérifier cette hypothèse pour le moins farfelue. Bien entendu, je trouvai une diversité époustouflante. Du vert, du noir, du jaune, des cornes, du bleu, du violet, des cercles, tout un monde inconnu et tortueux. Mais, parmi ces milliers de photos ne surgissait aucune image similaire à mon grain de beauté, comme je le nommais. Un seul point commun : des segments qui s’agençaient, semblables pour certaines espèces du fait de la régularité des excroissances apparues sur mon corps. Jour après jour, je devenais plus sombre, irascible ; les enfants me scrutaient avec un regard plein d’incompréhension. Finalement, ce fut Mara qui, voyant l’atmosphère changer, m’approcha pour en comprendre la cause. Je finis par lui expliquer l’origine de mes tourments et lui montrer cette angoissante excroissance.
Je choisis de couvrir cette étrange apparition cutanée d’un sparadrap en pensant que le contact avec les vêtements pourrait modifier son aspect. Peu avant Pâques, huit segments s’étaient agencés pour former une véritable petite chenille. Les vacances furent un calvaire, je n’arrêtais pas d’y penser et de l’explorer à la moindre occasion. En longueur, elle avait presque triplé et s’était organisée en neuf anneaux poilus, bigarrés, effrayants.
Après les vacances, je me rendis chez le médecin de famille, qui resta muet et sombre tout en m’assurant que cela n’avait absolument rien à voir avec un mélanome mais que, dans le doute, il fallait intervenir. Il essaya de presser, mais mes grimaces l’arrêtèrent net. Les instruments en inox posés sur le côté restèrent, à mon grand soulagement, inactifs. D’un commun accord, nous prîmes un rendez-vous urgent dans une clinique spécialisée. Il me prescrivit un anxiolytique pour surmonter les assauts permanents d’angoisse que cette invasion entomologique avait commencé à instiller dans mon esprit.
Deux jours plus tard, la première semaine de mai, j’étais allongé sur une table d’opération d’une clinique dermatologique, et le médecin, accompagné d’une infirmière, s’apprêtait à extraire cette anomalie. Juste avant d’arriver, je m’étais aperçu qu’une tête plus sombre était venue achever l’assemblage, lui donnant un authentique aspect de chenille. Sur l’extrémité noire, j’arrivais presque à distinguer, latéralement, deux demi-cercles ressemblant à des yeux. Tout devant, de forme trapézoïdale, des petites mandibules venaient compléter la tête. La sensation de fraîcheur du désinfectant me ramena à la réalité. Elle fut aussitôt remplacée par quelques piqûres d’anesthésiant qui me firent sursauter. Deux points de suture plus tard, le chirurgien m’aborda d’un air détendu.
Amputé de cette invasion dermique, mes tourments diminuèrent quelque peu, tout en laissant subsister la crainte du verdict médical à venir. Cette épée de Damoclès était là, comme un prolongement de cette chose inconnue qui avait colonisé mon corps pendant quelque temps. Cette attente angoissante fut mise en sourdine pendant quelques jours par la réponse inattendue, venant de Roumanie, et qui me révélait le nom du pilote à qui la montre avait appartenu.
« Faisant suite à votre courrier, nous avons le plaisir de vous informer que la montre portant ce numéro avait été offerte au capitaine Jan Cantacouzino en février 1941. Il a servi dans la Flottille 2, placée sous commandement allemand sur des appareils IAR-38. Le 31 août de la même année, son appareil a été touché par des tirs de la défense antiaérienne soviétique au-dessus de Pavlinka17. Il est revenu avec son avion en flammes à la base. Son coéquipier de la Luftwaffe, le lieutenant Joseph Lechner, est décédé des suites de ses blessures. Le capitaine Cantacouzino, décoré pour de nombreux faits d’armes, a disparu lors d’une mission à Vienne en 1941 et a été considéré déserteur… »
Ainsi, il avait bel et bien existé un Jan à qui cette montre avait appartenu. Mais était-ce le même Jan qui apparaissait sur la photo en présence de Vanessa en 1947 à Rangoon ? Sa disparition en 1941 à Vienne et sa réapparition à Rangoon, six ans plus tard, me semblait peu probable. Ce qui l’est encore plus était que cette montre pût m’appartenir, comme le prétendait le message écrit par cette même Vanessa.
J’avais accumulé un indice de plus pour assembler le puzzle que cette femme énigmatique m’avait légué. Il fallait le résoudre dans l’espoir de la retrouver et comprendre ce qui m’arrivait depuis que je l’avais vue. Il n’était pas question, vu les circonstances, d’attraction physique mais d’une espèce de souffrance qui m’avait envahi dès que j’avais perdu sa trace au marché birman. C’est un sentiment étrange apparenté à l’existence par inertie d’un être incomplet. Tourments qui étaient maintenus à vif par des rêves étranges qui traversaient mes nuits avec des images inconnues, qui continuaient à me hanter pendant la journée.
Dans l’attente de ma prochaine visite chez le dermatologue, je me mis à la recherche des images des avions mentionnés et de leurs équipages, datant des années 1941. Après une longue soirée, j’avais réussi à télécharger quelques clichés d’avions IAR-38 avec ou sans leurs équipages. Et, surtout, je m’étais inscrit sur les nombreux forums de passionnés de cette époque et rejoins des groupes sur les réseaux sociaux. La plus grande surprise vint d’une des images téléchargées sur laquelle il me semblait apercevoir, parmi cinq autres officiers, la figure de l’homme qui accompagnait Vanessa sur la photo du marché Bogyoke. Par chance, une adresse de messagerie électronique figurait sur cette photo. Une porte ouverte que j’empruntai immédiatement en demandant au détenteur de m’envoyer une image d’une plus grande résolution et si, par hasard, il avait connaissance des noms des officiers qui apparaissaient.
À peine trois jours plus tard, je trouvai dans ma messagerie la photo que je pouvais agrandir à volonté, ainsi que les noms des hommes présents devant l’avion. En réalité, le nom venait comme une confirmation, puisque sur la photo j’avais reconnu d’emblée l’homme qui était aussi présent sur le cliché de Rangoon : le capitaine Jan Cantacouzino. Je fus surpris d’y trouver également l’homme apparu dans mon rêve et qui faisait ici aussi une mimique rigolote. Il semblait visiblement être le plaisantin du groupe.
Une partie du mystère était résolue, celle qui reliait la montre à Jan Cantacouzino, présent sur le front de l’Est en 1941, puis étonnamment à Rangoon en 1947. Je ne pouvais pas imaginer la relation entre la Vanessa de 1947 avec celle que j’avais poursuivie dans le dédale des ruelles. Sur son message, elle m’avait promis de revenir, un retour que j’espérais avidement.
Avec le même acharnement de détective, je commençai à creuser du côté du lieutenant Joseph Lechner et écrivis aussitôt aux archives fédérales allemandes. La réponse, arrivée avec une étonnante rapidité, laissait entendre que la victime du crash en 1941 était née à Vienne. Mais aucune information ne me permettait de faire un lien avec Vanessa et de mieux comprendre comment Jan aurait pu se retrouver avec elle sur la photo de 1947.
Je ne sais pas si le hasard opère aveuglément ou s’il est aidé par des forces qui échappent à notre contrôle. Les tourments qui m’avaient saisi après l’ablation de cette excroissance dermique avaient fait place à une fièvre investigatrice. Et les éléments qui m’arrivaient ne pouvaient pas être accidentels. Avant le rendez-vous à la clinique, je lançai un appel sur Facebook dans un groupe spécialisé afin de trouver quelqu’un qui en saurait un peu plus sur l’histoire du crash et de la mort de Joseph Lechner. La veille de mon rendez-vous à la clinique, je reçus un message de la même trempe que les découvertes miraculeuses que j’avais faites jusqu’ici :
« Le lieutenant-aviateur Anton Kisch, mon grand-père, a servi également dans la Flottille 2. Il a été camarade avec le capitaine Jan Cantacouzino. J’ai retrouvé quelques notes dans ses mémoires qui peuvent vous être utiles dans la recherche que vous avec entrepris :… le 31 août 1941, Jan Cantacouzino a organisé une mission d’observation depuis la base de Tighina18 en parallèle de la mission principale de bombardement d’Odessa. Jan a demandé au lieutenant Joseph Lechner de servir d’observateur puisque son appareil avait été endommagé la veille… Leur avion a été touché par les tirs soviétiques au-dessus de Pavlinka et est revenu en flammes vers la base. Lors de l’atterrissage, l’avion s’est brisé en deux et a explosé. Le lieutenant Lechner était mort déjà à ce moment. J’ai revu le capitaine Cantacouzino à Jassy19, juste avant son départ pour une mission au QG20 de Vienne. Il devait aussi informer la famille du camarade mort au combat, originaire de cette ville, et leur transmettre les effets personnels et les décorations reçues. Cantacouzino était très secoué par la mort de Joseph Lechner. On n’a plus entendu parler du capitaine Cantacouzino, il semble qu’il avait déserté lors de sa mission à Vienne. … »
Toutes ces informations arrivaient trop vite et ne me laissaient pas le temps d’établir un lien cohérent. Des hypothèses le plus farfelues germèrent dans mon esprit la nuit qui précéda ma visite chez le dermatologue. C’était la perspective du verdict des analyses médicales qui avait saisi mes idées dans un mouvement chaotique.
Le lendemain, épuisé par une nuit d’insomnie, je restai sans voix dans le cabinet du dermatologue à l’énoncé des conclusions du bulletin d’analyse. Le médecin était tout aussi perplexe, cela se voyait à son embarras et à son regard fuyant.
En évoquant le voyage en Birmanie, les rapprochements se firent presque instantanément. La mystérieuse femme du marché, la photo, la montre et maintenant le papillon. Cela ne pouvait pas être une coïncidence. La signification m’échappait pourtant. Le médecin interpréta mon silence comme un signe d’inquiétude.