Les aventures de Pénélope - Jean Decier - E-Book

Les aventures de Pénélope E-Book

Jean Decier

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Beschreibung

Les aventures de Pénélope relate les périples de deux âmes sortant d’un centre culturel de réfrigération, après plus de cent cinquante années d’hibernation. Au cours de leur voyage, ils rencontreront de nombreux êtres, rescapés d’une population décimée vivant dans la précarité. Ils découvriront également un monde nouveau, à la dérive et ravagé ici et là à l’aube d’un grand bouleversement intergalactique. Parviendront-ils à trouver leurs repères dans cet univers inconnu ?


À PROPOS DE L'AUTEUR


Jean Decier s’applique à faire vivre tous ses personnages au fil de l’action dans ses écrits. Alors qu’il commence à inventer des individus, prenant plaisir à les remanier à sa guise, il finit par s’impliquer dans leurs histoires. Les aventures de Pénélope est son premier roman.

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Seitenzahl: 1000

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Jean Decier

Les aventures de Pénélope

Roman

© Lys Bleu Éditions – Jean Decier

ISBN : 979-10-377-7903-8

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Introduction

Amis lecteurs, lectrices, sans oublier les mal voyants.

Cette histoire bouffonne, quoiqu’un brin loufoque, fut écrite par Jean Decier, avant la crise Covid, juste après « Autopsie d’une crapule ». Cet essai, non publié, uniquement stocké dans l’unique librairie, dans la bonne ville de Crozon(29), perdu sur des étagères où sont stockés une multitude d’ouvrages non divulgués, oubliés de tous, se languit de vous, amis lecteurs et lectrices. Si vous passez par-là, en vacances, sur la route du Raz de Sein, arrêtez-vous, prenez vos binocles et cherchez l’aventure écrituriale. Pensez à vous arrêter sur cette jolie placette, humez ce vent d’ouest, ces giboulées de nord, ce crachin persistant, ce merveilleux soleil d’hiver. Si vous avez froid, rentrez à l’intérieur, une chaude et bouillante tisane, en toute confidentialité, vous sera servie par la maîtresse des lieux. C’est un véritable régal, un authentique bonheur de pousser la porte, vieille comme sa propriétaire qui vous tendra ses bras pleins de documents, tellement heureuse de croire qu’il reste encore des gens capables de lire des inconnus, et non de regarder ces étranges tablettes ne racontant que des sornettes. Elle seule connaît ces auteurs inexplorés, elle seule pourra vous divulguer ces trésors enfouis depuis des décennies, son grand-père, son père l’ont formée, elle, de son côté, s’est formatée à ces étranges livres ou feuilles de papier dérisoires.

Dans ces moments tragi-désopilants, j’avais anticipé, sans aucune prétention de ma part, sans trop y réfléchir, ce choc genre, le Waterloo d’une désorganisation mondiale, qu’allait être ce coronavirus. Appelé couramment le Covid-19, puis la Covid pour faire plaisir aux féministes assermentées un tantinet Wokisme, de ne plus vouloir s’exprimer au masculin ou de poser un genou à terre, à chaque fois qu’un train n’arrive pas à l’heure. J’allais littéralement inventer, imaginer, pour finalement, me surpasser dans une histoire rocambolesque, pas trop burlesque, pas trop triste, une larme de sourire avec, concernant cette malheureuse population, décimée par une pandémie meurtrière sévissant sur une planète à bout de souffle. À vrai dire, je ne m’attendais certainement pas à faire de cette besogne une tentaculaire histoire d’un couple en déserrance sur et dans un océan de tristesses.

Dépassant largement mon imagination fertile, ce cahier d’idées, mises bout à bout, me refoulerait dans cette boîte hermétique appelée mémoire vive qui, comme Pandore, ne se refermerait plus jamais. Commencer à écrire, sans m’arrêter, quitte à dormir debout sur ce clavier magique acheté chez GIFI, un jour sombre où Darty fut fermé pour cause de grève générale (je n’ai jamais aimé ces grèves à répétition, moi le retraité qui ne pense qu’à ennuyer le monde entier, à midi moins cinq). Cette tâche deviendrait l’obsession de bien faire, de m’enfermer dans une colossale prison pour randonneur en perdition, sur les cimes d’un pic Méchant inatteignable pour un cardio atteignant le 180 sur le plat pays qu’est le mien (Breizh).

Pure fantaisie pour certains d’entre vous, prémonitoire pour d’autres, futuriste pour les aficionados du surnaturel, débile pour les bobos non-voyants, ce recueil de chapitres se trouve être une suite logique, inscrite dans ma tête d’écriturien facile d’approche dans cette fin d’un monde peut-être future. À en croire Casimir, notre tsar de toutes les Russies du Soviet suprême des dieux, il se pourrait bien que toute cette histoire se concrétise, Dieu nous en préserve, si c’est notre dernière chance d’y croire à ce type invisible voulant couler, maintenant, l’Alaska à coups, non pas de milliards de roubles, mais par de bonnes et limpides roquettes en chocolat fondu. Qui dit rouble pense et prononce roublardise, j’ai tout dit et je n’aurai plus rien à dire. Mais venons-en à ces deux personnages sortis de ma tête.

Pénélope, son demi-frère, Jean seront vos compagnons pendant presque 650 pages. Je vous en souhaite bien du plaisir de les suivre au travers de leurs péripéties.

Ces tranches d’écritures relatent les aventures de deux âmes, sortant, au même moment, ensemble, après plus de 150 années d’hibernation d’un centre culturel réfrigéré. Ce furent, finalement, des disponibilités gagnées au cours d’une loterie incroyable de supercheries, tellement la tricherie allait gagner du terrain. Ils rencontreront de multiples restes d’une population décimée. Leurs ami. e. s. ennemi. e. s. rencontré. e. s tout au long de ce voyage au long cours, pour ainsi dire presque sans retour, seront des accompagnateurs faciles d’approche. Au cours de ces évènements, ces deux indivisibles jumeaux (sic) issus de la même mère, mais pas du même père biologique seront mes vedettes incontestées d’une planète en perdition. Au passage, notons sur la marge, un grand merci à la GPA-PMA pour cet arrangement musical. Ces deux astérisques seront également mes acteurs fétiches pendant pas mal de pages, en deviendront finalement de proches amis tout au long des 44 chapitres. En aparté, vous remarquerez que je me suis légèrement amouraché de cette écriture inclusive, mais qu’au fil des pages, je l’abandonnerais par pure facilité, et surtout, pour ne pas encombrer ces multiples feuilles de points et lettres approximatives. L’inclusif, c’est bien, mais pénible en même temps. Il fallait bien que je le dise.

Cette fiction, plongeant plutôt dans la science-fiction ou l’anticipation, que j’adore, imaginée au fil des jours et des nuits, triturée par de longues insomnies, pourrait déranger des âmes chastes, frivoles ou sensibles, que nenni, place à l’aventure macrobiotique d’un couple expérimental qui ne s’embarrassera point de préjugés à bonnes femmes lourdes de conséquences vivantes, dans mon quartier en toutes impunités. Un peu d’amour, d’humour, beaucoup de frivolités, distribuées avec parcimonies, à certains moments, mettront, non pas le feu aux poudres, mais plutôt un peu de piment libertaire à ces aventures rocambolesques d’un attelage fait pour devenir les maîtres d’un monde à l’agonie. Pendant presque deux années complètes, je mettrais au fil du temps un chapitre, peut-être même deux pour finalement, non sans peine finir par le clôturer en avril/mai/juin/juillet 2022 pour deux tomes imaginaires. Pas trop vite, car ce libertinage flottant sur de nombreuses vagues scélérates d’un reste de populations malfaisantes ne fera que commencer. Par pur hasard, je tombais sur un éditeur qui allait me promettre, sans me donner les résultats, de paraître entièrement dans un vrai livre, ce fut adieu Crozon et ses marches de l’oubli.

Aujourd’hui le 08/11/2022, j’en suis à la délicate page 453… celle où je dois, finalement, donner un sens à tout ça… j’ai bien failli, ne plus croire en la sympathie des gens, ce matin, entre chocolatine et pain au chocolat achetés à reculons dans cette pâtisserie de cette avenue très connue, où les clients, touristes comme locaux, sont reçus à coups de lance-pierres. Revenons à mes ami.es. Clôturer par une accalmie dans leurs aventures, dans ce sous-terrain infâme, je ne pourrais m’y résoudre à m’en séparer. Je continuerai envers et contre tous à raconter ces éléments, ces tranches de vie contradictoires.

Excellentes lectures, bonnes randos sur les chemins de nos Pyrénées centrales. Bien sûr qu’on ne pourrait pas plaire à tout le monde, qu’il m’en serait trop facile de vivre d’amour et d’eau fraîche, de part et d’autre dans ce bouquin fait de bric et de broc par un chercheur de solutions alternatives.

Mais en contrepartie, j’en accepterais vos remarques, peut-être acerbes, sinon volubiles, ce qui déclencherais chez-moi une hilarité sans commune mesure avec la réalité. Je ne vous en voudrais certainement pas, bonnes lectures et surtout, n’en faites pas des cauchemars, je m’en voudrais quelque part de vous avoir empêché de dormir sur vos deux oreilles, la fin est encore lointaine.

NB : Cette histoire, sortie de nulle part, n’est que de la pure fiction, genre (en emporte les souvenirs).

De temps à autre, j’emprunterai quelques brides d’une actualité ordinaire, j’en transformerai le ou les noms des personnages illustres ou non, vivants ou trépassés, c’est, et ce sera à jamais, ma marque de fabrique.

Un autre tome se trouve à l’étude. En cas de succès du premier, il sera, je l’espère, lancé, déposé dans les étals de marchands et libraires.

Première partie

Immersion primaire dans un autre univers

Chapitre 1

Fin d’un monde, début d’un cycle

Mise en bouche

Pour une bonne compréhension intellectuelle, nous sommes en l’an deux mille cent soixante-douze, avec ma grande sœur cadette, Pénélope, pataugeant sur une planète ravagée par des sentiments endommagés. Comme les années passent. Le 8 avril, plus précisément, non, plutôt en mai, ou peut-être même en juillet. Je ne savais plus quoi penser, avec cet absurde calendrier nouveau, distribué à la sortie du sarcophage de glace. Composé de journées à rallonges, il ne ressemblait en rien au fameux calendrier des postes, mais plutôt à un catafalque d’idées saugrenues. Sous la pluie continuelle d’une époque devenue cruelle, nous en sommes définitivement égarés de se savoir déconnectés de tout, tellement ce bus de la modernité nous frappe dans notre subconscient. Mais à l’aube d’un grand bouleversement intergalactique, prévu par notre Archimède de service, basé sur notre satellite triton, il est grand temps de vous conter ce qui se passe, se passera réellement dans un avenir proche. N’ayez pas peur, comme disait un sage, installé sur son trône à Versailles, essayez plutôt de jouer au loto ou à la loterie, cela vous changera des idées grincheuses. Quitte à bouleverser les codes de procédure, inventés par ces inventeurs d’impossibles solutions, sauf à vous bourrer le crâne de news incorrectes, mettez-vous à l’abri, sur le plus haut sommet de votre canton, attendez la suite.

Si vous n’en avez plus la force, les moyens financiers, plongez-vous dans la lecture, ne lisez pas forcément ces lignes, uniquement entre les stries, quelque chose d’insoupçonnable s’y cache. Pour vous en faire une idée précise, à vous d’en découvrir la vérité, en me lisant, du début jusqu’à la fin du manuscrit. La messe ou la grand-messe d’une inédite Cop 27 étant dite, ce sera du chacun pour soi et Dieu pour tous. Ce fut écrit de toutes les façons.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

L’homme, pratiquement anéanti par un virus interstellaire, planétaire, et ce, depuis pas mal de temps, survivait ici et là, souvent sur des îlots restés presque à sec, sortes d’archipels composés d’atolls affichant tous complets. Abandonnées à leurs tristes sorts, ces parcelles de vies se recomposaient, se dotaient d’une population définitivement inculte.

Certains survivaient avantageusement dans des tours métalliques, recouvertes de verres transparents, réquisitionnées après la sixième guerre mondiale, celle de ces fameuses lettres X contre Y. Les citadelles préservées de la rouille, dans des étages préservés, sentaient bon le luxe et la luxure. Par endroits, certainement secrets, abondaient des aliens recomposés en avatars de seconde génération, vivant en pleine propriété, prospérant en toute impunité, tout en rançonnant les voyageurs passant entre leurs griffes. D’autres encore voyageaient comme nos deux personnages Pénélope et son frère, soit en nageant ou en naviguant sur de frêles esquifs.

Tous ces personnages faméliques, hormis ceux des tours, déclinaient, mouraient de faim et de soif.

Le continent européen actuel n’existait pratiquement plus, recouvert d’une chappe d’eau salée, par endroits, bouillante, seuls ressortaient l’Aneto, le Mont Blanc et ce Matterhorn : point culminant de la Suisse. Tout le reste ne fut que des aiguilles transperçant la masse liquide, qui en fait servait de bite d’amarrage pour voyageurs fortunés au volant de leurs bateaux de luxe. L’Asie récoltait encore le riz, le café et ce fameux thé sur les sommets et pentes de l’Himalaya devenu la terre promise inaccessible pour 99 pour cent de la population encore dans ce monde abandonné. Marie-Jeannette (première femme en solo à cumuler 18 pics à plus de 7000 en une année) est partie depuis longtemps pour escalader ces pentes qu’elle connaissait comme sa poche. Aux dernières nouvelles, elle campait sur les pentes du Nangat Parba, seul véritable sommet encore accessible au Pakistan. Au temps de sa jeunesse, à courir les cimes inviolées, elle en avait gardé une tranche de vie incroyable de naïveté. Jamais elle n’aurait cru, de son vivant, revenir y finir ses vieux jours comme artiste-peintre adepte de figures au fusain noir et blanc, reconnue uniquement de ces rapaces volant en rase-mottes, elle s’éteindra comme tous les autres, ayant manqué cette série de numéros gagnants, d’un ou d’une supercherie de loterie internationale, lancée à grands coups de publicités.

À part ces très hautes crêtes dévouées aux escaladeurs chevronnés comme elle, tout n’était qu’étendues d’eau impropre à la consommation humaine, nous nous servions de papiers buvards pour la filtrer pour ensuite la boire en toute confiance.

Les monstres de retour sur la terre de leurs ancêtres

Côté animalerie restaient les grands oiseaux migrateurs, genres condors des Andes et bien sûr les albatros conçus pour voler éternellement dans des altitudes étonnantes. La poissonnerie multiple, sorte de gros serpents filant au raz des flots, sous la surface, entre deux eaux emportant tous les déchets de plastique du siècle d’avant, en avait conquise la majeure partie des océans. Ce genre de bestioles, à n’en pas douter, allait faire comme ses prédécesseurs, se munir de pattes à multiples formes pour envahir la terre ferme. Il ne faisait pas bon de rencontrer un de ces affreux jojos à pointe noire, vos minutes, dans ce cas, étaient comptées. La chair d’homme, délicat mets pour leurs dents acérées, se trouvait être leur plat préféré avant qu’ils ne sombrent dans les profondeurs abyssales. D’énormes monstres sanguinaires ressurgirent de la préhistoire, colonisèrent ce qui restait des terres cultivables. Les rares terriens, devenus amphibies, luttèrent contre ces bêtes, dragons, hydres. Ces vilaines, affreuses bestioles pullulaient partout, croquant de ce qui restait de chair, de viande, de cartilage, de conserves, de vieux pains rassis restés dans les congélateurs abandonnés dans la fuite inévitable d’un jour de juillet, celui où la grande boucle se faisait le col de la Gineste. Ils attaquèrent les grandes surfaces immergées, se cachèrent pendant des dizaines d’années au milieu de nos bêtises manufacturières. Une guerre sans merci opposait les hommes aidés de leurs compagnes et robots intelligents à quatre pattes, contre ces bestioles hideuses à la peau recouverte d’écailles épaisses. La cause semblait perdue, entendue d’avance, les monstres croquaient tout ce qui bougeait, ne faisaient aucun quartier, mangeaient avec appétit la barbaque éparpillée.

Mes amis, Pénélope et son frère, en furent des témoins oculaires, se battirent contre eux, gagnèrent souvent pour finalement, les avaler tout cru, comme de la vulgaire chair à saucisse.

Certains humains eurent moins de chance, en tombaient malades, en mouraient également, pour les autres, plus chanceux du point de vue rectal, ils récupéraient la peau et ces écailles pour en faire des sacs et besaces provisoires à mettre sur les dos rompus de fatigue. Ils devinrent de rustres trafiquants de peaux et de couvertures de survie, mais finirent par disparaître à leur tour dans un mélange de procédures encore d’actualité.

L’habitat nouveau

Ces quelques et dernières surfaces encore habitables, entourées de coraux blanchis à la chaux vive, par cette chaleur insupportable, frisant les 45 degrés sous abris, sous roche, se trouvaient barricadées d’obstacles géants coulés de béton ferraillé de chez Lafargette. com. Ces repaires refusaient tous les personnages non-gratta, surtout, pas de souche. De véritables tribus s’étant constituées, certaines, armées de puissantes défenses de feu, se défendaient avec l’énergie du désespoir contre des agresseurs avides de confisquer leurs ultimes réserves alimentaires, celles-ci fondant en permanence. Ces dernières populaces, identiques aux gens du voyage actuel, voguaient au gré des courants, ramassant les restes, de côté en côte, d’île en île, ratiboisant tout ce qui vivait tranquillement comme avant. D’autres tribus, formant des clans d’une sauvagerie extrême, les attaquaient sans relâche, ne faisaient aucun prisonnier, à part les jeunes filles vierges pas trop farouches, servant par la suite d’esclaves sexuelles. Celles-ci seront embrigadées d’office, emballées de papier collant imperméable pour les cacher définitivement au centre de la Terre du côté de Verne. Cet endroit repéré depuis longtemps dans des livres obsolètes du 19e siècle sera la destination de nos héros : Pénélope et Jean.

Dans le résumé d’une situation précaire d’un monde à la dérive, la planète se trouvait divisée en milliers de groupuscules composés de véritables sans-parchemins devenus au fil du temps de parfaits sauvages, sauvageonnes mangeant sur leurs pilotis flottants. Ces pauvres diables, non armés, survivaient, mais aussi, se multipliaient, ils n’avaient pas oublié qu’ils ne fussent que de chair et de sang. Capables de dévaster le si peu de contrées restées riches, dont nos archipels encore préservés, ils seront les précurseurs d’une résurrection future. Leurs jeunes, pas trop idiots, firent la nique à leurs aînés pour déménager en commandos d’investigations sur d’autres atolls plus conséquents. Ce furent, en fin de compte, des résidus de ces pays non conformes aux chartres de la défunte ONU. Les guerres intestines continuaient sans relâche, avec l’énergie du désespoir, année après année, les invasions de barbus barbares continuaient de semer la pagaille, donnant, à coups de sabre, partout où ils passaient, la désolation, la terre brûlée quand il n’en restait que des miettes. Plus de terre profitable, que des steppes recouvertes d’eau salée. La messe fut dite, sauf que dans l’homme resterait un ultime espoir que vous allez découvrir au fil de ces pages. Je ne vous en donnerai pas le The-End, ce serait trop facile d’imaginer aussi facilement la suite de l’histoire…

Un léger relent d’histoire

Mais revenons au début de cette épouvantable catastrophe. Après le bouleversement viral arrivait un beau jour de juillet, en pleine étape du tour de France, ce déluge monumental annoncé depuis des lustres par les bien-pensants écologistes ayant pignon sur rue. Nicolas et sa clique barbue surnageront dans des habitations luxueuses construites certainement sans aucune autorisation, sur la côte d’Émeraude (anciennement France.35). Cette dernière avait disparu sous les eaux de l’océan, plongeant toute une confrérie de Bretonnants dans les tréfonds de ce département outragé. Il restera, un certain temps, la statue de Saint-Michel l’archange, flottant dans cette baie de sables mouvants, s’acoquinant avec celle des trépassés aux confins de Breizh. De ces plages magnifiques au sable d’une finesse étonnante ne restaient que des rochers de granit, glissant inexorablement vers les fonds sous-marins. Ne subsistait de par le monde que quelques îlots de vies, remplis parfois de fraternité, pour vivre heureux, vivons cachés, ces îlotiers l’avaient bien compris, ils restaient bien à l’abri du granit. De ces villes englouties, il n’en restait que les vestiges d’une surconsommation, débridée à l’extrême, qui avait fini par disparaître des cabas de clients noyés sous des quantités astronomiques d’eau de pluie. La jeunesse, éprise de technologie moderne, fut emportée, à son tour, par la vague monstrueuse venant de l’ouest, les obligeant à abandonner leurs terminaux devenus obsolètes et sans aucun intérêt.

Ces gamins en désinformation continue en payaient leurs bêtises de ne savoir rien faire, sinon de se brancher sans arrêt sur ces réseaux sociaux ahurissants de bestialité. Une pollution gigantesque avait surgi de nulle part, asphyxiant, noyant la faune restante. Ce fut pathétique de voir tous ces cadavres à la surface de ces eaux troubles.

Des survivants de la glace, dans une sorte de loterie nationale

Surgirent des personnages qui allaient devenir mes protégés de la dernière chance de s’en sortir. Pénélope, son demi-frère Jean, sans terre ni attache, voyageaient au gré des courants porteurs. Issus d’une expérience extraordinaire dans ce vingt et unième siècle, le vôtre, ils allaient survivre à cette fin de monde.

Un riche mécène, multimilliardaire, propriétaire d’une marque de voitures électriques américaines, offrait en l’an 2023 pour la modique somme de huit cent trente millions de dollars US, la possibilité de s’arrêter de vivre, enfermé dans un sarcophage de glace et de ressusciter plus ou moins après 150 années d’hibernation voulue. Augmentée de frais divers, la coquette somme se montait à plus de quatre milliards de dollars par tête de pipe. Quatre mille deux cents personnages furent capables de payer ce voyage incertain, tous n’y survivront pas, trop âgés ou trop jeunes ou déjà malades, certains cœurs fatigués, souffrants, ne pourront pas s’adapter à cette expérience hors du commun. Un concours intercontinental, lancé à grand renfort de réclames, offrait pour un euro ou un dollar symbolique, pour deux personnes européennes de souche, une femme et un homme, la possibilité d’y participer en jouant à la tombola participative organisée par monsieur Maxime Belote. Devinez qui gagna ! Pénélope et Jean, son demi-frère, non, je me trompe, ce fut Barbara et son époux qui gagnèrent. Pénélope viendra se greffer, comme une véritable sangsue sur la partie déjà jouée. Un siècle et demi plus tard, le couvercle de ce bloc de glace allait s’ouvrir. Une légende commençait. Barbara resterait sur le carreau à attendre Jean.

L’authentique livret de famille

Elle, sorte de Lolita des sables, allait vers ses deux cent deux printemps, lui, quoique faisant plus vieux, ne fera que de six années son benjamin à essuyer continuellement les plâtres de cette femme dévoyée à l’extrême. Ils ne découvriront ce secret que beaucoup plus tard. Ainsi va le hasard… Leurs morphologies sont restées identiques que lors de leurs introductions dans le sarcophage de glace, ce fût la moindre des choses de la part d’une organisation infaillible. Rien ne manque, peut-être une boussole ou un GPS, nous verrons à l’occasion, tout le long de leur parcours sur la terre, qu’ils se débrouilleront parfaitement en utilisant la majorité du temps, des moyens de l’époque.

En voici, voilà le recommencement de leur histoire. Dans ce chapitre deux, je détaillerai avec une certaine application cet ancien assemblage familial devenu la référence dans un capharnaüm étonnant d’une famille disparate du, ou de votre siècle. Ah zut ! j’en suis impardonnable, j’oubliais, ils seront accompagnés par des nains nommés grelots en souvenir des cloches de Notre-Dame, abattue par le drame d’un terrible incendie, dû à des recharges électriques défaillantes.

Offerts avec le lot gagnant, ces troublions farfadets, capables de leur sauver la mise en de multiples occasions, ne failliront jamais dans leurs tâches à les secourir contre vents et marées. D’où venaient-ils ? Je ne saurais vous l’expliquer, certainement sortis d’une usine à robots quelconques des années 2065, rajoutés au pied des armoires à glace, ils avaient attendu, bien sagement auprès des cercueils pendant presque 150 années. Dans leurs mémoires se trouvait, embarqué le temps passé… à dormir… La sœur et le frère n’avaient qu’à se servir dans les méandres d’un disque SSD, de plusieurs tonnes de terra octets, pour commencer leur voyage vers un imprévisible secret que je vais vous laisser découvrir au fil des pages.

Chapitre 2

Un océan de chagrin

Tempête… Après la fin d’une époque, le début d’une autre

Nous fûmes, ma sœur et moi-même, enfin sortis de ce dangereux champ de patates douces, littéralement noyés sous de démentielles trombes d’eau, il pleuvait, non pas des cordes, mais de véritables bouchons accompagnés d’extraordinaires tornades verticales. Ces particuliers moments cataclysmiques nous faisaient trembler littéralement sur nos précaires appuis, risquaient à tous moments de nous emporter vers le large, pas le temps d’en regarder cet extraordinaire spectacle d’apocalypse, il nous fallait fuir, sans perdre un instant, ce tabernacle de l’horreur.

Il me fallait tirer comme un seul homme mon fardeau composé d’un sac de voyage et de cet indispensable sac à dos à bretelles réglables. Au bout de cette corde, de plus de deux cents mètres, que j’avais gardée lors de mes anciennes ascensions, se trouvait attachée ma grande sœur Pénélope qui, en perdition, me semblait hors d’atteinte, hors de portée, presque perdue à jamais. De lui porter secours me serait insurmontable, je n’en avais nullement la force et le désir de comprendre que cette femme était la pièce d’un puzzle incroyable. Je m’attendais d’un moment à l’autre à ne plus remorquer cette masse légère, j’étais inquiet, réellement anxieux. Pour corser le programme, je fus pris d’une violente quinte de toux, je pensais qu’elle serait consécutive au virus ambiant, variant B++ désormais, devenu le principal vecteur de mortalités. Il n’en était rien, seulement un chat dans la gorge qui me rappelait que j’étais fragile des bronches, encore capable de tomber malade. Aucun remède miracle dans nos sacoches, peut-être cette infusion récoltée dans le champ voisin où ce colibri de ce fermier qui nous avait chassés à coups de fourches caudines, sans nous laisser son adresse. Tout en attendant ma grande sœur, je serrais sur mon cœur, la dernière photo de Barbara, j’en voulais non pas à la terre entière, mais à moi-même d’avoir dû choisir entre elle et Pénélope.

Un de ces variants postérieurs à cette « Covid 247 alpha B – » plus d’un siècle et demi après le début, qui avait fait tant de ravages, continuait de tuer sans aucune pitié, sans faire de différence entre nous les hommes et les femmes. Les faibles comme les forts partaient en moins de huit heures, pas une minute de plus, finissaient dans le ventre du reptile nettoyeur de service envoyé par un peuple de fous, devenus de furieux matamores dans une scène de crime perpétuelle. Le microbe, terriblement efficace, méthodique, réglé comme une pendule, attaquait où cela lui faisait plaisir sans aucune distinction de race ou de couleur de peau, il avait, tout de même, un faible pour les possédants.

Ces milliardaires s’étaient vus délogés de leur piédestal, rompaient les amarres de leurs yachts légendaires, appareillaient vers l’imprévu qui les attendait en pleine mer, aux confins des continents submergés. Enfin, à égalité parfaite avec nous, les pauvres d’esprit, ces derniers allaient recevoir également le verdict implacable de cruauté, ils seraient exterminés en premier, ce fut le seul espoir pour nous, pouvoir récupérer leurs richesses, leur confisquer leurs vies de patachon, enfin, nous le pensions, mais cela ne serait pas si simple que cela. La technique de la terre brûlée fonctionnait très bien, ils coulèrent leurs biens, se noyèrent de chagrin, ne nous laissant qu’une immonde pollution d’hydrocarbures à la surface de l’eau. Ce fut le système de la terre brûlée, ils ne voulaient pas partager leurs destins.

Nous étions, finalement, tous, sur cette planète désorganisée, dans une même galère, les bateaux nous manquaient pour rechercher de nouvelles terres pas encore immergées, certains confectionnaient des radeaux, médusés par la force tranquille des vents, parcouraient le monde librement, péchant les poissons volants au-dessus de leurs têtes brûlées.

Je prenais une avance considérable sur Pénélope, elle en avait détaché le filin, ne supportant plus ce harnachement lourd et peu malléable pour une néophyte en escalade. Je lui avais pourtant dit de ne rien modifier, elle n’en faisait qu’à sa tête. Comme d’habitude, toujours derrière, à des lustres de mes Mandel (chaussures) en cuir véritable, elle soufflait, souffrait de plus en plus, se demandait où j’allais chercher cette énergie supplémentaire qui lui faisait tant défaut. Des flaques d’eau gigantesques nous séparaient, presque des lacs s’interposaient entre les deux personnages, rescapés, mais pas encore sortis de cette auberge qu’était devenue la Gaule de nos ancêtres. Dans ce déluge, les grelots (il s’agissait de petits robots, de très petite taille, ressemblant à de petits caniches obéissants, tout en métal composés de terres rares, remplis de microprocesseurs à la mode chinoise) nous accompagnaient. Ces derniers, bien vivants, attachés à la corde en nylon, s’en donnaient à cœur joie, pataugeant dans cette mare gigantesque, tout en m’éclaboussant.

Cauchemar en mer… Pénélope à la dérive

Nos petits monstres, issus de la nouvelle société qualitative en procédés métallurgiques, ressemblaient, trait pour trait, à des petits enfants miniatures, des pas finis aussi, car livrés d’origine sans têtes, faisaient peur à la frangine. Ils nous accompagnaient partout, nous guidaient, cherchaient de la nourriture, pansaient nos plaies, nous racontaient des histoires enregistrées depuis nos aïeux. En ce moment idiopathique, unique, ma sœur sans relâche, en train de se débattre contre les éléments déchaînés, commençait à voir rouge l’inégalité des chances que nous n’avions plus entre nous deux. Je l’apercevais, de temps en temps, empêtrée dans les affres d’une tempête monstrueuse qui s’abattait sur nous. Le déchaînement de cette trombe formée, composée de pluie et de vent tempétueux, l’arrachait du sol, lui tambourinait son visage, son crane de gros grêlons, son corps pratiquement dénudé, presque insultant de vantardise tellement ce morceau fût de choix que regardant mes attributs en pleine forme, je me prenais à rêver de n’être, pour une fois, pas son frère. Sa poitrine, devenue ferme par l’avalanche d’eau, rebondissait par-dessus les baleines, ses jambes avantageusement arquées contrebalançaient ce corps famélique. À tous moments, elle risquait de partir au fil de l’eau, pompait encore et encore, se rapprochait laborieusement avec les pires difficultés d’une femme en perdition. Je ne distinguais que sa tête, son corps flottait dangereusement, porté par le courant d’une mer descendante. Avec les pires obstacles se mettant en son travers, elle se mit à ramper dans cette abominable boue collante, gluante, son anatomie, naguère rutilante, ressemblait à un tas d’immondices abominables, j’en avais presque pitié, je me demandais bien ce que j’allais en faire si elle continuait comme ça. Ses yeux vitreux, hagards, mauvais, fixaient l’endroit où je m’étais assis, ses yeux sortaient de leurs orbites. En train de la regarder souffrir les pires maux, je soupesais le pour et le contre d’aller la chercher, de lui enfiler le chandail que j’avais dans mon sac afin de lui couvrir son torse dénudé. Je faisais durer le plaisir, je jouissais enfin de voir son regard larmoyant de larmes de crocodile, me suppliant de venir la secourir, je ne bougeais pas d’un pouce, j’attisais ma convoitise de lui parler à l’oreille, un beau jour où il ferait soleil. Elle maugréait certainement à mon encontre, moi, imperturbable, j’avançais de nouveau vers ce petit mamelon de terre aperçu depuis quelques minutes. Le sourire entre les dents, avec une force décuplée, je lui balançais :

— Allez, tu y es presque, on ne lâche rien. Pénélope. Encore un effort. Tu y es arrivé, plus que quelques mètres…

Marche ou crève était la devise de beaucoup de monde dans ces temps extraordinaires, surtout pour nous, aveuglés de tant de misères accumulées depuis les siècles. J’aurais tellement voulu, désiré, me trouver auprès de ma cheminée, à allumer un feu de joie merveilleux entre Barbara et moi. J’en étais à des années-lumière, je le savais, malheureusement, que tout était fini et terminé depuis ce malheureux embarquement. Les gentils grelots, finalement, en bons samaritains dévoués à la cause juste, l’attendirent sans omettre de lui tirer, de toutes leurs forces sur ses cheveux longs ressemblant à de la filasse, lui arrachant un cri d’épouvante. Ils la faisaient ramper de plus belle dans cette ignominie de vomi, son cache-poitrine ne tenait pratiquement plus que par un fil de nylon qu’il me faudrait suturer une nouvelle fois pour lui redonner une bonne image d’elle. Son parapluie aux couleurs de l’ancien UK, venant du rayon accessoires des Galeries Lafayottes, avait rendu les baleines inopérantes depuis longtemps, ne servait à rien sinon qu’à l’encombrer dans ses mouvements de sauvetage désespéré. Mais comme une femme précieuse, elle le conservait en souvenir d’un vestige de la beauté visuelle. Son sac atterrissait à mes pieds, débordant de bijoux, de colliers, je le ramassais promptement, je le mettais sur mes épaules, il pesait une tonne, mais à quoi pourrait servir cet amoncellement de cailloux brillants, sinon à payer un quelconque bienfaiteur ?

Ses cheveux de crin, devenus comme de l’étoupe, étaient méconnaissables, son visage posé sur sa caboche élimée, creusé de sillons dus à l’averse orageuse venue de ce ciel en furie, en faisait une véritable enluminée. Ses tifs en multiples batailles, son visage neutre, restaient, néanmoins de toute beauté, cette femme issue de l’ex-bourgeoisie parisienne avait gardé formes et sculptures parfaites, aurait pu me demander l’adresse d’un coiffeur de prestige, tellement elle fût accaparée par sa beauté perdue. Même en temps de crise majeure, elle savait conserver l’éclat suprême d’une Aphrodite extraordinaire, marchant, nageant à contre-courant de toutes ces horreurs devenues la règle établie sur la terre. Je la caressais de mon regard, au travers de ces éléments déchaînés, je reconnaissais en cette sœur, cette formidable gamine restée en pleine forme. De marbre, devant ce corps nu, je repartais de l’avant, insensible à toute provocation verbale de cette sœur.

— Péné, tes grelots, les aurais-tu perdus en route ? Ils nous sont utiles, tu le sais…

— Mais non mon frère, ils arrivent, ils nous ont dégoté une charogne pour ce midi, le huit et le neuf sont à la traîne, mais vont nous rattraper dans la montée. Sinon, tu peux remballer cette corde, je n’en ai plus besoin maintenant.

— Tiens ! prends ce chandail, il est sec et presque chaud… il ne faudrait pas que tu prennes froid ma sœur.

De sa part, cela m’aurait bien étonné que cette femme d’action lâche ces bambins en cire d’abeille reconstituée, combien de fois nous auront-ils sauvé la mise ? Pas plus tard qu’hier matin, cette sauterelle géante sortie du placard dans la maisonnette s’était attaqué à ma grande sœur… elle ne devra son salut qu’à ce grelot numéro sept qui, sur ordre de son capitaine, s’empressa de la dégager, sombre présage d’un sept à l’envers ? Non, la routine qui s’installait dans nos vies, tout simplement. Le seul risque serait de bien recharger leurs batteries portatives, à l’abri des serpents géants, chacun son tour, les nuits de pleine lune, sera la seule information inscrite sur leurs pattes arrière. Leur concepteur en avait oublié de régler le commutateur intérieur sur mode jour. Un comble pour un ingénieur du siècle des Lumières toujours pas éteintes.

Ils arrivèrent, de concert, à bride abattue, gesticulant comme des insensés, dans leurs besaces des restes de barbaques pas très engageantes qui sentaient vraiment fort la déjection animale. De quoi manger ce midi, un peu, pas beaucoup, pour l’occasion, j’ouvrirais la dernière boîte Buitoni, récupérée dans la métairie, elle me semblait correcte, pas trop rouillée, heureusement ! Non ouverte, recouverte d’une épaisse poussière, je n’osais à peine en regarder sa date de fabrication. Un reste de salade assaisonnée avec de l’huile de perle compléterait le repas, ensuite, une pêche melba, pas le fruit usuel que vous pourriez manger l’été, non, plutôt une sorte de condiment magistralement sucré de pas plus d’un centimètre et demi de diamètre, qui traînait dans ma poche. En cas d’étourderie comme d’oublier son sac sur le dernier îlot par ma sotte de frangine, ces fruits de la dernière chance suffisaient à nous requinquer toutes les trois heures, nous n’avions plus de repas à heures fixes, que des haltes programmées. La date limite de cette boîte de conserve, de conservation indiquée, serait au bas mot, au maximum, dépassée de plus de cent vingt ans, m’avait, sur le coup, franchement interpellé. Comment une boîte toute rouillée contenant du confit de canard pourrait traverser les âges et être encore potable à regarder ? Et surtout comestible ? Mais à la guerre comme à la guerre, dans les tranchées d’UCK, nos poilus du Donbass extérieur n’avaient certainement pas mangé pire… Je ne vous cacherais pas qu’une terrible diarrhée allait s’emparer de nos ventres, et durer le temps que toutes ces saloperies disparaissent. Les asticots en faisaient ce régal que je mangeais de bon appétit, ce succulent relent de fosse septique.

Toujours est-il que nos réserves de patates douces s’amenuisaient fortement, avec Pénélope, nous rétrécissions à vue d’œil, sa jupe-culotte, ne fusse qu’une tranche d’amidon, transparente, laissait entrevoir des os efflanqués sur le bord de ses cuisses, et deviner ses parties intimes laissées à l’abandon. Pour moi, mon pantalon flottait comme un drapeau bourlingué par le vent.

La cabane perdue

Avec grande prudence, nous approchions de la grange abandonnée, j’avais, de nouveau ! à cause d’un arrêt intestinal obligatoire de sa part, repris presque, disons, un peu plus d’un kilomètre d’avance sur elle, ma sœur cadette, enfin, plutôt ma demi-sœur par une alliance trompeuse, j’y reviendrais un peu plus tard. Les grelots, eux, de leur côté, allaient reconstituer notre garde-manger pour ce soir en ramassant des crevettes grises au fond de l’eau. Le niveau de l’eau n’arrivait pas encore au bord de l’embrasure, cependant, dans à peine trois petites heures, la chaumine serait envahie, complètement submergée par une quantité impressionnante de liquide dû à la marée montante, sorte d’équinoxe des temps modernes, coordonné par cette sapristi de Lune rousse, toujours présente sur tous les calendriers depuis la nuit des temps.

Pas de bois, même pas de brindilles, rien pour nous réchauffer, de toutes les façons, la boîte d’allumettes étant totalement mouillée, je la jetais de déception, de rage, dans l’âtre désaffecté, squatté par de nombreux rats-taupes au museau agressif, ces bestioles de formes disproportionnées allaient me hanter l’esprit pendant des semaines entières. Je ressortais, scrutais la plaine, de temps à autre, des formes sombres, diffuses, apparaissent au loin, dans la brume, ma grande sœur tardait à arriver. Inquiet ? Assurément, légèrement, je l’étais. Elle existait, comme une apparition, maintenant devant moi, en véritable poularde détrempée, dégoulinante de toute cette flotte devenant au fil des jours acide, creusant de minuscules microsillons encore invisibles sur sa peau lisse.

Sans prévenir, elle débarquait enfin, s’ébrouait. J’essuyais du mieux que je pouvais son corps de rêve, m’émoustillant les sens à force de la voir s’éternuer comme une chienne mouillée. Nous étions enfin réunis, nous allions enfin déjeuner.

— Mais, qu’as-tu fait à tes cheveux, ma chérie ?

— Quoi mes cheveux ? Qu’ont-ils encore ceux-là ?

Cette improbable tignasse, ancienne chevelure photographiée dans Marie-Claire, revue élastique pour femmes au demeurant stériles, était devenue une masse ressemblant plutôt à de la gélatine gluante, envahie par des centaines de bestioles répugnantes. Ces minuscules insectes s’attaquaient désormais carrément, à la racine, allaient transformer cette chevelure en parfait dépotoir, bon pour la mettre en salade aux pieds des arbres au début de l’hiver.

— Je te propose, Pénélope, de les couper, et ce, très rapidement, il s’en va de la survie des rhizomes !

Son visage dans la glace s’en trouvait déformé, amaigri, mais sa chevelure était sale, mais intacte, incroyable. Elle, douloureuse de sa défaite subie, se regardait dans ce miroir à deux branches.

— Coupe-les-moi Jean, et vite, je n’en peux plus de les voir en buissons.

Un mot de l’auteur… (Amis lecteurs !)

Pendant que je vais m’activer à couper ces brins de crins devenus ficelles, je vais vous relater la véritable histoire de cette famille décomposée, sorte de jardin secret dans mon cerveau à tiroirs, il ne demande qu’à sortir, à s’étaler au grand jour. Sachez quand même que ces cent cinquante années d’hibernation n’ont pas du tout altéré notre mémoire, elle refait surface intégralement, instantanément, comme ces chapitres se déroulant avec justesse et précision.

Histoire de famille… Pénélope au grand jour

Pénélope, ma grande sœur est apparue sur terre il y a à peu près deux cent soixante-deux années. Résultat d’une rencontre tout à fait fortuite de mère avec un plombier polonais en contrat indéterminé sur les ex-chantiers de Saint-Nazaire, Pénélope en sera le fruit pas tout à fait mûr. Ce type était venu de sa Pologne natale, comme soudeur, assembleur de quilles métalliques. Ensuite, pour fabriquer et assembler tous ces paquebots conçus pour touristes aveugles de la santé écologique déficiente, mais en explorateurs avides de découvrir ce monde qui allait devenir ce que vous êtes en train de lire maintenant. J’en sais peu sur cette rencontre virtuelle, néanmoins érotique, dans la fameuse ruelle de Nantes, goûtée par les touristes chinois, Japonais compris en mal d’exotisme occidental. Ce que je sais, c’est qu’elle se retrouvera en cloque, très peu de temps après cette déplorable idylle d’un soir, sorte de revanche envers nos hommes normaux, elle en avait décidé de franchir une ligne rouge. Pour conclure cette malheureuse rencontre dans une ruelle malfamée, allongée sur le zing d’un limonadier qui attendait de fermer son échoppe, c’est que ! Pénélope arrivera avec quatre mois d’avance sur ce calendrier obligatoire pour les femmes enceintes. Maman avait-elle arrosé un peu trop ce scabreux épisode ? ou remisé au placard médicamenteux son stérilet habituel ? Mise dans le formol quatre bonnes journées, nuits comprises, il avait fallu nettoyer entièrement ce petit corps d’un nourrisson ne ressemblant plus du tout au plombier polonais, mais plutôt à une succursale d’enfants bridés. Mon père, malheureux en amour n’effectuera aucune recherche sur ce reproducteur indélicat n’ayant aucune adresse postale, il acceptera de bon cœur ce cadeau venu du ciel. Il avait toujours rêvé d’avoir une fille…

Cette femme, d’un âge plus que mûre, mais, néanmoins jeune, collectionnait ses truculents amants, mâles ou femelles reconstituées, célibataires, veufs ou en rupture conjugale. Elle aimait, adorait se faire cabrioler par cette ribambelle de travailleurs payés pour construire une richesse dont les Français de souche ne profiteront jamais, sauf à applaudir le jour de cette bouteille de champagne balancée sur la coque terminée, de ce monstre des mers frôlant le kilomètre de longueur. Je n’irais pas jusqu’à dire quelle facturait au prix fort, son cul de mijaurée, mais, vu la situation financière de son compte en banque, je pourrais néanmoins le penser. Ne craignons pas les mots, le terme de putain, de femme facile sera plus approprié pour ce racolage dans les bars et zings avoisinants le chantier de toutes les couleurs de peau. Quand je regarde sur une photo jaunie, ma sœur, fardée à outrance en mode bikini, composé d’un slip en ficelle, du soutien-gorge ne retenant rien du tout, elle a ce goût fortement satanique, décorée, amplifiée de morceaux de métal complètement rouillés, en temps normal évidemment. Elle ressemble à sa mère trait pour trait, prête à s’élancer dans la nomenclature ordurière de cette belle jeunesse débridée au coke. Cela ne m’étonnerait absolument pas, que maman se produisit sur la voie publique en véritable provocatrice en mœurs dévergondées, affichant le coût des cibiches en cannabis fortement réévaluées à la hausse, afin de faire monter la pression sur ces ouvriers fatigués. Combien de mâles ont déversé leur luxure sur et dans son corps ravagé par tant de coucheries à dix balles ? Je n’ai et elle n’a absolument pas comptabilisé ce nombre, certainement mirobolant.

Je ne connaîtrais, jamais le nombre exact de ses faiblesses, mais ce que je sais, surtout ! c’est qu’elle le faisait pour nous, par un amour démesuré pour ses enfants chéris, adorables chérubins arrivés non pas, par hasard, mais d’un amour passionné pour les autres. Ma cadette ne le saura jamais, moi seul avais découvert le pot aux roses, un jour de décembre chez ce notaire véreux, avide de nous vendre des timbres fiscaux en pagaille sur ce formulaire compliqué pour un héritage minable, Pénélope, elle, s’étonnait de parler couramment le polonais ? Moi, je savais, connaissais la vérité, mais pas son père. Pour ce qui est de son frangin (votre serviteur), tout le monde connaît l’histoire, épouvantable, fut le terme le plus approprié possible racontée dans le journal Ouest – France, édition de Redon un certain sept juillet 56. En voici les faits relatés dans les archives de la police des chemins de fer français, je passerais sur certains détails morbides, n’accablons pas cette femme seule dans ce monde de dépravés, sans aucun repère n’y de mari fortuné, pour lui acheter des sous-vêtements en tergal, à la Samaritaine.

Ce qu’il faut retenir… dans la tempête des années d’après-guerre, ces années seront des plus difficiles, montée du chômage, pertes de jalons pour énormément de citoyens lestés de cornes, laissés sur le bord de routes vicinales, beaucoup se retrouveront dans des banlieues minables, livrés à eux-mêmes, hors circuit, loin de tout enseignement obligatoire, qu’elle soit sentimentale ou artistique, une éducation magistrale manquait à tous les étages de la société dite de consommation. La fabrique à monstres économiques, allait démarrer dans ce qu’on appelle les trente glorieuses, pas tant que cela, vous pouvez me croire.

Un viol horrible… Le frangin en fabrication artisanale

Il y a de cela pas tout à fait deux cent trente ans, maman revenait du marché aux fleurs. Fleuriste à mi-temps, elle vivait des journées entières dans les pétales de roses, effeuillait les marguerites en souvenir d’un être aimé dans sa rude jeunesse à garder les troupeaux dans la ferme familiale. Sa patronne, madame Langlois, rustre femme de légionnaire, jalouse de par son métier d’entremetteuse de pétales, en prendra ombrage, la perte de revenus dus à ces attitudes contraires, en faisait de maman, un souffre-douleur en permanence. Mère payait les pertes occasionnées de ne pas savoir rendre la monnaie aux clients, sans broncher, au bout du compte, elle n’allait pas gagner des mille et des cent. Prenant le train de banlieue régulièrement, sans payer, matin midi et soir, sans jamais oblitérer le moindre des titres de transport. Un soir, elle allait trouver une place assise, miraculeusement laissée libre par un garnement touche à tout. Pour la petite histoire ; elle en avait certainement conclu, que, n’ayant pas de siège ou banquette pour s’asseoir, elle bénéficierait de la gratuité totale prévue pour indigents notoires. Elle s’était donc déplacée, quand le préposé s’était présenté en bout du wagon de tête, espérant passer à travers la remontrance. Installée en catastrophe, dans les toilettes de l’omnibus, sorte de petit réduit pour évacuer la saleté résiduelle de nos intestins, enfin ! vous voyez ce que je veux dire, elle pensera échapper à la sentence financière ou, du moins ! verbale. Pas mal de gens le faisaient, pourquoi pas elle ? De toutes les façons, il ne restait plus que sept minutes de trajet, le contrôleur n’aurait jamais le temps et les moyens de verbaliser tout ce monde à l’agonie financièrement.

Mais ! c’était sans compter sur le réfléchi d’un homme assermenté, capable de courir après les contrevenants. En gare de Vanves, le chef de ce train de malheur, personnage influant dans la sphère syndicale GTTF, avait décidé de vérifier tous les titres de chargement de tous les globe-trotters en provenance de Panam (Paris). Pour ce faire, le train fut parqué sur une voie de desserte, le temps de contrôler ce joli monde de travailleurs. C’était invraisemblable, mais tout à fait logique de la part de cette société.

Ma mère, enfermée dans les cabinets, ne savait pas ce qui se tramait, assise en train de déchiffrer son horoscope habituel écrit par un gourou impulsif, dans ce Détective aux multiples pages manquantes pour cause de rupture de papiers toilette. Quand ! ce type à la casquette plate, bien enfoncée dans son crâne d’œuf, allait frapper trois petits coups secs à la porte, elle a tout naturellement ouvert, pensant qu’un habitué voulait se soulager ses roubignoles engoncées dans un slip pas très clair ou éventuellement se soulager dans le ventre de maman avec un petit billet au passage. Ce ne fût pas la première fois quelle répétait ce geste, les habitués la connaissaient et quand des fourmis arrivaient, allaient frapper à la petite porte jamais clenchée. La porte légèrement entrouverte, s’apercevant de sa bévue, fera le geste de la repousser, impossible, ce rustre agent en uniforme rentrera avec force, la forçant à se mettre entre la cloison et la cuvette. Ce n’était que le début des hostilités. Une tornade sorte de torchon et serviette s’était invitées avec force.

Billet SVP ! le ton est ferme, sans équivoque, aucune ambiguïté, sinon ! éventuellement de déclencher le signal d’alarme afin de prévenir les bleus en train de siroter le pastis en gare de Vanves. Son talkie-walkie restera bien sagement dans sa poche, quitte à filmer, pour ses besoins personnels, cette occasion qui s’offrait à lui. Il ne le fera pas, attendra raisonnablement, l’issue incertaine de cette voleuse de trajets. La voyageuse fera mine, de longues secondes, de chercher dans son cabas rempli de fleurs fanées, certainement volées à sa patronne, genre de Thénardier exploiteur. Lui ! ce contrôleur imperturbable, profitera d’un intempestif freinage pour se rapprocher de cette femme devenue inconsciente de se savoir libre de droits. Il se fera un malin plaisir de caresser maladroitement sa nuque, volontairement sera repoussé, mais… Il faut savoir qu’à cette époque, cette dame d’à peine vingt-six ans, était d’une surprenante beauté rafraîchissante à faire pâlir tous ces voyageurs journaliers en train ou plutôt faisant mine de lire le Figaro magazine. Affublée d’un corps de rêve composé : d’une fine paire de fesses, d’une poitrine à faire pâlir les producteurs de cinéma avides de se faire toutes les starlettes se présentant au guichet de la rue des affiches cinégraphiques, elle accusait réception d’une maladroite entreprise de démolition. Maman ne faisait jamais cela gratuitement, mal lui en prit, ce type allait s’énerver. Maman ne fut pourtant pas de la dernière couvée ? Incompréhensible, elle allait se rebeller.

Ce qui devait arriver arriva, le fonctionnaire de cette fonction publique en complet désordre mental, certainement en mal de filles captivantes, légères comme des plumes d’oie avait d’un geste brusque défait son ceinturon, mis son pantalon à terre, sorti la molle et sale artillerie qui ne servait plus qu’à arroser son champ de patates. D’après les dires de mère, ce type était armé d’une matraque en caoutchouc, prêt à la frapper si une quelconque résistance s’emparait d’elle. Malheureusement, cet outil long de presque un demi-mètre allait servir à bien autre chose d’effrayant, la mutilant affreusement dans sa chair. Par la suite, papa en subira les conséquences d’un ventre désorganisé par l’ampleur du phénomène, ne pourra pas, pendant de longs mois, s’enfoncer dans ce corps mutilé. Englobant un hypogastre démesuré, je ne suis pas persuadé, suivant les dires de maman qu’elle ait perçu l’objet de ce délit insupportable pour toute femme en liberté, se baladant dans les transports intercités. Ce monstre de fonctionnaire de l’activité publique promettait et jurait de ne pas verbaliser si la femme était consentante. Mettez-vous à sa place bon sang ! Que faire ? Accepter ? Ou subir ? Après mon adolescence, alors que je courais pas mal les filles de mon âge et aussi quelques femmes mal mariées, sortes de cougars délaissées par des maris volages ou complètement assommés par l’alcool, je n’aurais jamais fait de gestes malintentionnés. Les sites pornographiques à la noix de beurre avaient remplacé une libido déficiente chez beaucoup d’amants. (Je choisirais les meilleures de ce cru des années glorieuses, je vous le confirme.) Maman, échaudée par cette histoire, allait m’avertir sur les risques, périls majeurs que je pourrais encourir à sauter tout le gratin de cette haute société dauphinoise minable.

L’immonde ordure dans un pays de brutes…

Ce contrôleur, installé dans ce petit réduit, ne se posait pas ce genre de question éthique, allait lui faire subir les pires outrages qu’une femme pourrait subir dans moins d’un mètre carré habitable et encore ! en déduisant la tablette et l’évier. La contraignant, après ce terrible coup de frein, plaquée contre la cloison, à avaler son sexe, ensuite à se faire introduire dans son anus cette matraque dure et lisse, il agissait comme la pire des ordures d’un moyen-âge disparu. Déjà bien habituée à la bagatelle consentie ou non, elle implorera la Sainte-Marie mère de Dieu pour arrêter l’outrage monstrueux. Vu le minable objet quelle mettra un temps fou à durcir, entre tulipes et jonquilles tombées de son sac, elle ne se doutait nullement avoir reçu le minimum pour créer quelque chose d’embêtant, à savoir ! qu’elle tombera enceinte la semaine suivante. Rien n’y fera, je serais le fils de ce P... de père.

S’en était trop, sa mini-jupe retroussée, tachée, immonde de luxures non consenties, dans une chambre d’hôtel, cela serait du domaine du possible, le garçon d’étage passerait prendre vos habits, les nettoierait contre un gros pourliche, mais dans une cabine de toilette d’un train de banlieue ? Comment s’en sortir sans dommage ?

Abandonnée des voyageurs ne voulant que se boucher leurs oreilles, laissée pour compte rendue à la Nation, assise sur la cuvette des W.-C., elle criera sa douleur, son désespoir, essayant de se battre contre plus fort, plus gros qu’elle, ce simulacre de viol non autorisé, définitivement, la mettra à genoux, définitivement engloutie dans les affres de la solitude à essayer de durcir ce qui pouvait encore l’être. Pendant dix bonnes minutes, personne ne viendra à son secours, la laissant se faire démolir la minette en toute impunité. Le train, enfin ! sifflera trois fois, annonçant le départ pour la prochaine gare et, clôturant cette portion de ballast sauvage, achevait cette partie acrobatique de jambes en l’air par un geste malencontreux qui la fera chanceler définitivement sur le lino crasseux. Écrasée de honte, elle glissera de tout son long, se tenant aux chevilles du rustre qui, pour se dégager, lui donnera une série de coups de matraque sur son dos décharné. Ce chef de train, suant de tous ses pores, se rhabillera avec hâte, lui donnant, au passage, de furieux coups de pied dans sa figure, quelques dents tomberont à terre, le sang coulera. En oubliant son carnet à souches, geste incroyable de naïveté de sa part ou urgence à se dégager ? Cet oubli lui sera fatal dans la future procédure qui allait devenir son chemin de croix dans les années suivantes. Il fut temps pour lui de sauter du convoi, de prendre la correspondance pour Pigalle. Il laissera cette pauvre jeune femme complètement inerte, les miches à l’air, jambes écartées laissant le fluide descendre, sortir de son ventre. En pleine ovulation, elle risquait de s’engrosser rapidement, de se prendre encore plus de vingt années de souffrances à élever un marmot indésirable, la fille lui suffisait. Accablée par cette injustice qui ne frappe que des pauvresses de son acabit, par malheur, la chasse d’eau étant bloquée par le coup de frein, recouverte d’excréments, avait renvoyé les restes accumulés durant cet arrêt en gare servant de terminus, en avait ! de ce fait ! barbouillé entièrement son corps devenu un véritable paillasson. Son calvaire terminé, un autre commençait…

Sa petite fille (ma frangine) dans le compartiment voisin, en attendant sa maman, pleurait à chaudes larmes, ne pouvait qu’appeler à l’aide, qui ne viendra jamais. Dénudée du plastron, ses vêtements en charpie, complètement amorphe, elle réapparaîtra à la porte coulissante de ce compartiment bondé aux heures de pointe. Ce fut un moment pathétique pour elle, maculée, outragée, elle se fera son chemin de croix entre tous ces voyageurs devenus sourds, aveugles devant tant de misère. Elle refermera la porte de cette casemate terriblement silencieuse, se laissera choir sur la dure banquette rembourrée de ressorts d’un autre âge, prendra enfin sa petite fille dans ses bras, la couvrira de baisers attentionnés, pleins de tendresse. Ses voisins de voyage, respirant cette odeur fétide, se boucheront le nez, exigerons qu’elle sorte de cette cabine lui devenant désormais interdite. Quels salauds ! se dira dans sa tête, cette femme défigurée, profanée de tant d’avilissements. Le pire voyageur fut et sera cette religieuse enrubannée, délibérément ahurie de se savoir proche d’une telle furie qu’elle en exigera, sur le champ, son déplacement, en poussant des gloussements de harpie.

Mère retournera avec sa fille Pénélope, finalement dans les toilettes, se refaire une beauté, seuls endroits réservés pour ces gens-là, la pauvreté faisait partie de sa ritournelle journalière. Plainte, main courante seront déposées à la gare d’arrivée, on en prendra note sur un petit carnet à souches, à l’en-tête RF, sa déposition entrecoupée de sanglots monotones, les inspecteurs de ce rail tordu, sourires en coin, zieutant ses formes généreusement découvertes, devenues outrageantes, étaient, je pense ! jaloux de leur collègue de la gare de Vanves. Elle me racontera que, cette fonctionnaire policière la mimait derrière son dos, en train d’expliquer tout ce que ce triste sire avait fait contre elle.

Putain de vie… tellement, tristement banale.

Révulsions, impossible vengeance d’une femme mature

Aucune suite ne sera donnée, sauf ! le blâme habituel pour faute légère, de toute façon, sa retraite de chef de train, à cinquante ans révolus échoyait. En trompe-l’œil, le laisserait tranquille pour couler une vie heureuse auprès de sa bonniche en ménage, employée dans les sanisettes de la gare de l’Est, qui, elle, se reposera après soixante-cinq ans de labeur à nettoyer la pisse et les merdes de ces voyageurs pressés d’en finir avec ce train de banlieue pourri.

Malgré tous ces témoignages, la parole d’une femme libre de droits, contre celle d’un homme marié représentant de la force mobile (sur les rails), n’avait aucune valeur, l’injustice à l’état pur, celle des riches contre les laissés pour compte, ceux qui vivent dans ces HLM, incorporées dans ces affreuses tours. En temps de guerre, j’appellerais cette masse populaire,de la chair à canon, en 17 sur le front, dans les tranchées ce fut tous ces gens disponibles qui se trouvaient aux premières loges, obéissant aux ordres incalculables de méchancetés. Nous ne referons pas l’histoire, mais malheureusement elle se répétera sans cesse, même en tant de paix. Les braves restent des braves, les pourris ! des pourris.

Toujours est-il que je débarquais de son ventre neuf mois plus tard, je serais, dans la famille ! appelé, ou plutôt surnommé « Jean : le bébé de Vanves », je comprendrais bien plus tard, pourquoi ma mère avait trouvé cette curieuse appellation. Elle succombera, quelques années plus tard, sous les coups d’un chauffeur de taxi de chez Uberliveengoguette. Une nouvelle fois fut de nouveau la coutume : elle n’avait pas d’argent, ses poches vides de pièces jaunes, comme d’habitude, avaient fini par faire exécuter la sentence, sa mort programmée sur ce pavé parisien, celui qu’elle aimait par-dessus tout, celui dont elle allait envoyer à la gueule de ces CRS en mai 68, bravant le pouvoir gaullien, pendant des jours et des jours, perchée en haut des barricades. Recouverte de sa petite jupette outrageante, tapant sur cette administration dépourvue de sagesse, elle sera l’égérie d’une classe pauvre devenant populaire.

Les nécessiteux meurent beaucoup plus jeunes que les possédants, je vous le confirme, c’est la vérité, la règle, un fait établi, certainement pas bon à dire, mais tellement authentique.

Une amitié non programmée se forme

Le chauffeur sera, au bout de deux petits mois de prison à faire des pompes, enfermé dans une cellule avec télévision couleur, libre de retourner dans sa Mercédès modèle 190 D. afin de nourrir sa famille nombreuse venue d’ailleurs, il n’écopera de rien, sinon, d’oublier le pourquoi et le comment d’une horrible scène de meurtre désintéressé sur les pavés parisiens. Nous essaierons de retrouver ces deux lascars : le chef de gare et ce chauffeur, nous ferons chou blanc. Ces vauriens avaient, comme par enchantement, disparu de la circulation, certainement emportés à leur tour dans les affres d’une société décadente. Nous serons transférés à la DAS jusqu’à notre majorité, ma demi-sœur finira par trouver des chaussures ou plutôt un pitoyable traîne-savates à son pied, puis ! devenue veuve pendant la guerre des six cents jours, reviendras vers moi pour ne plus me quitter d’une semelle. Une affection sans borne allait transformer cette vie d’amitié en véritable amour charnel, sans, bien sûr, dépasser la ligne rouge qui nous était imposée d’êtres frère et sœur. La crise sanitaire bb+257 allait survenir ; effacer nos souvenirs, annuler nos projets. Nous ne formions qu’une seule et même personne, la saison des Covids 5, 19, 25 et 27 allait en transformer notre ordinaire si tranquille en parcours du combattant. Je me mariais, l’oubliais un peu.

Pendant ce temps-là, notre vie sur terre changeait, devenait compliquée, il fallut s’adapter au changement climatique. La grande dépression surgissait, avec ces formidables tempêtes, sortes d’ouragans imprévisibles, de canicules insupportables en hiver, de trombes impitoyables de vigueurs, déplaçant les maisons en contre-plaqué. Il faisait de plus en plus chaud ; lors d’épisodes cévenols, les rivières commençaient à déborder de partout, les océans montaient de plus de trois mètres par année, pour ne plus s’arrêter, laissant les grèves recouvertes de cailloux. Notre beau sable fin avait disparu du paysage ancestral, les bronzé. e. s. également, ceux du ski rangeaient leurs attirails, certains les revendaient aux Africains. Nous vivions de pas grand-chose, survivions de menus boulots, à droite comme à gauche, jusqu’à cette tombola mise en ligne par notre ami Jeff. Avec Barbara, installés dans les Pyrénées centrales, nous coulions une vie paisible, sans aucun risque d’inondations, nous étions à plus de six cents mètres d’altitude.

Affections transcendantales

Qu’allions-nous devenir dans cet océan de misères ? De véritables cloportes glanant çà et là de petites étrennes ? Ou des sans dents vivant de chèques d’assistances permanentes promis par ce gouvernement fantoche décidément toujours au pouvoir.

— Tu es encore en train de marmonner notre histoire ? Mon frère !

— Oui ma sœur.