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« Écoute, je te dois, Sire, un remercîment/Sans toi je n’aurais pas fait ce livre inclément... » Écrivant ces vers des années plus tard, Victor Hugo (1802-1885) avouait, non sans ironie, sa dette envers Napoléon III.
Une fiche de lecture spécialement conçue pour le numérique, pour tout savoir sur Les Châtiments de Victor Hugo
Chaque fiche de lecture présente une œuvre clé de la littérature ou de la pensée. Cette présentation est couplée avec un article de synthèse sur l’auteur de l’œuvre.
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Seitenzahl: 72
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Cet ouvrage a été réalisé par les services éditoriaux et techniques d’Encyclopædia Universalis
ISBN : 9782852294752
© Encyclopædia Universalis France, 2016
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Couverture : © Monticello/Shutterstock
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Ce volume présente des notices sur des œuvres clés de la littérature ou de la pensée autour d’un thème, ici Les Châtiments de Victor Hugo.
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« Écoute, je te dois, Sire, un remercîment/Sans toi je n’aurais pas fait ce livre inclément... » Écrivant ces vers des années plus tard, Victor Hugo (1802-1885) avouait, non sans ironie, sa dette envers Napoléon III. C’est en effet à Jersey puis à Guernesey, entre 1852 et 1870, qu’il compose ou achève quelques-unes de ses œuvres maîtresses : Les Contemplations (1856), La Légende des Siècles (1859), Les Misérables (1862), Les Travailleurs de la mer (1866), L’homme qui rit (1869). Mais ce sont Les Châtiments, rédigés en 1852 et publiés l’année suivante, qui restent surtout associés aux circonstances politiques de l’exil de l’écrivain, et ont le plus efficacement contribué à sa légende.
Député conservateur depuis juin 1848, Hugo s’est peu à peu rapproché de la gauche républicaine, lorsque Louis-Napoléon Bonaparte est élu à la présidence de la République. D’abord favorable au programme social du « prince-président », il ne tarde pas à réprouver la dérive autoritaire du régime, et s’oppose farouchement au coup d’État du 2 décembre 1851. Le 11, il quitte Paris pour Bruxelles. Là, il entreprend un récit des événements, Histoire d’un crime, qu’il interrompt bientôt pour un pamphlet beaucoup plus virulent, Napoléon-le-petit, publié le 5 août 1852. Indésirable en Belgique, il s’installe à Jersey, où il poursuit la dénonciation, mais en vers cette fois, et sur un mode beaucoup plus ambitieux. Après avoir hésité entre plusieurs titres, dont Les Vengeresses, il opte finalement pour Châtiments. L’ouvrage paraît officiellement à Bruxelles le 21 novembre 1853 dans une version expurgée, tandis qu’une autre, intégrale, circule clandestinement. À dire vrai, les deux variantes passent relativement inaperçues. Ce n’est qu’en 1870, au retour du proscrit, que Les Châtiments (avec l’article cette fois), augmentés de cinq poèmes, paraissent triomphalement en France.
Le recueil se compose de sept livres, dont les titres reprennent les slogans officiels du coup d’État, à décrypter comme autant d’antiphrases ironiques (« La société est sauvée », « L’ordre est rétabli », « La famille est restaurée », « La religion est glorifiée », « L’autorité est sacrée », « La stabilité est assurée »), à l’exception du dernier, « Les sauveurs se sauveront », réplique menaçante de Hugo au premier de ces titres. De part et d’autre, deux poèmes se font écho : « Nox » et « Lux ».
Cette architecture se veut symbolique. Ainsi, le nombre des livres (sept, chiffre biblique s’il en est) rappelle le poème « Sonnez, sonnez toujours, clairons de la pensée » : le prophète Josué fait sept fois le tour de Jéricho, avant que les murailles de la cité ne s’effondrent, préfiguration de la chute de l’empire sous les coups poétiques portés par le prophète Hugo. De même, le passage de la nuit du crime (« Nox ») à la lumière de la délivrance (« Lux ») contribue à conférer à l’œuvre sa tonalité à la fois apocalyptique et utopique. Enfin, le retour de certains thèmes (le crime, l’océan, le festin, le sang...), l’omniprésence de la figure hugolienne par excellence : l’antithèse (bien/mal, beau/laid, haut/bas, clarté/ténèbres, tragédie/comédie, etc.), et les effets de résonance (Stella/Luna) ou au contraire de contrastes (Nox/Lux) assurent à l’ensemble, malgré la diversité des formes et des tons, unité, équilibre et cohérence.
Réputés datés, répétitifs, grandiloquents, Les Châtiments concentrent sur eux une bonne part des critiques adressées à Hugo. Pourtant, si certains poèmes souffrent de la lourdeur et de l’emphase inhérentes à la forme pamphlétaire, d’autres sont d’incontestables chefs-d’œuvre, dans des registres très différents. Car l’engagement ici, loin de brider la verve poétique de l’auteur, lui a offert l’occasion de donner sa pleine mesure, passant du sérieux au grotesque, du burlesque au tragique, empruntant à des genres aussi variés que la satire bien sûr (« Quelqu’un »), mais aussi la poésie lyrique (« Aube »), le roman (« Souvenir de la nuit du 4 »), le théâtre (« Tout s’en va »), la chanson (« Le Sacre »), la fable (« Fable ou histoire »), le récit biblique (« Sonnez, sonnez toujours... »), l’épopée (« L’Expiation »), orchestrant enfin une véritable polyphonie où retentissent, outre la voix, dominante, du poète, celles de l’empereur, de ses courtisans, de ses victimes, du peuple, des prêtres, etc.
Comme le confirmeront les deux recueils suivants – Les Contemplations et La légende des siècles –, Les Châtiments témoignent de la nouvelle dimension prise par l’écrivain. On peut certes ironiser sur la disproportion entre la violence de la dénonciation et la réalité du pouvoir de Napoléon III, lequel ne méritait, en somme, ni cet excès d’honneur ni cette indignité. Mais c’est méconnaître les enjeux essentiels de l’œuvre. Non seulement parce que, au-delà du cas particulier, c’est la tyrannie en général qui est visée, mais aussi et surtout parce que l’exil – à certains égards plus voulu que contraint – doit être compris comme un événement avant tout d’ordre littéraire. Peu importe au fond l’exagération : en se bannissant lui-même, Hugo devenait LE poète selon ses vœux : prophète, visionnaire, voyant. Au moment où, en France, triomphaient les tenants de l’art pour l’art, il se retirait du monde, lui aussi, mais, afin de voir plus loin, d’embrasser tout l’horizon, et de saisir l’Histoire à bras-le-corps, comme le faisait au même moment Karl Marx en rédigeant Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852). Pour cette raison, de toutes les postures du génial polygraphe, c’est sans doute celle de l’imprécateur de Jersey qui demeure la plus vivante aujourd’hui, « Ego Hugo » en quête – grandiose et désespérée – d’un adversaire à sa mesure : « Si l’on n’est plus que mille, eh bien, j’en suis ! Si même/ Ils ne sont plus que cent, je brave encor Sylla ;/ S’il en demeure dix, je serai le dixième ;/ Et s’il n’en reste qu’un je serai celui-là ! » (Ultima verba )
Guy BELZANE
Roman, critique, voyages, histoire dialoguent dans l’œuvre de Victor Hugo avec le lyrisme, l’épopée, le théâtre en un ensemble dont le « poète » a souvent proposé des articulations historiques, géographiques ou idéologiques plutôt qu’une périodisation. En règle générale, l’œuvre en prose a pour fonction de recueillir les éléments les plus secrets de l’œuvre poétique, de les composer en architectures prospectives ; plus neuve et plus audacieuse ainsi, elle peut servir de préface à toute la création hugolienne. Elle se distribue pourtant en trois masses : la mort de Léopoldine, en 1843, entre l’Académie (1841) et la Chambre des pairs (1845), marque une première rupture ; vers 1866-1868, c’est le tournant proprement historique et politique. Chacune de ces masses est caractérisée par la présence de romans ou quasi-romans (Han d’Islande, Bug-Jargal, Le Dernier Jour d’un condamné, Notre-Dame de Paris, Claude Gueux, pour la première ; Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, pour la deuxième ; L’Homme qui rit et Quatrevingt-Treize, pour la troisième), de textes mêlés d’histoire, de politique et de voyages (pour l’essentiel, respectivement : Le Rhin ; Choses vues et Paris ; Actes et Paroles et Histoire d’un crime) et enfin d’essais critiques, qui se fondent avec l’histoire militante dans la troisième période, en une vue rétrospective qu’annonçaient déjà Littérature et philosophie mêlées dans la première période et la somme du William Shakespeare