Les Chroniques de Gaïa - T. Elnoso - E-Book

Les Chroniques de Gaïa E-Book

T. Elnoso

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Beschreibung

Là où la lumière laisse place à l'ombre, où l'amitié s'éprouve dans l'adversité et le courage affronte le destin, nous retrouvons Alicia, Julie et Alexandre, trois des Gardiens de notre monde. Tandis qu'un nouvel ennemi inarrêtable fait son apparition, nos héros tentent de déjouer les machinations d'une obscure confrérie dont le but reste insaisissable. La menace de Wolth n'a jamais été aussi présente, et les Gardiens devront s'unir une nouvelle fois, malgré leur différends et leurs épreuves personnelles, afin de protéger la Terre. Qui sont ces nouveaux visages qui les rejoignent dans leur lutte ? Comment peuvent-ils avoir confiance quand la trahison semble guetter à chaque tournant ? "Dominion", le deuxième tome de la saga "Les Chroniques de Gaïa", est un condensé d'action, d'intrigues entremêlées et de mystère, où chaque choix, chaque révélation pourrait changer le cours du destin. Qu'adviendra-t-il de nos Gardiens, quand même les fondations de leur vie privée se désagrègent au fil de leurs aventures ? Leur courage suffira-t-il pour triompher face à l'inconnu ?

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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Je dédie ce livre à ma femme, elle qui a toujours été là pour moi et sans qui rien de tout cela n’aurait été possible. Merci à vous, qui suivez les aventures des Gardiens depuis la parution du premier tome. L’aventure ne fait que commencer !

Sommaire

Précédemment, dans les Chroniques de Gaïa

Prologue

1 Au commencement

2 L’un pour l’autre

3 Humain

4 Odyssée

5 La disquette

6 Jeu de dupes

7 Le journal

8 Touché

9 Le téléporteur

10 La rencontre

11 Une âme pour une autre

12 Conséquences

13 Tombé dans l’oubli

14 Une question de détails

15 Générations

16 L’inspecteur

17 En famille

18 La course

19 L’écrin

20 Une histoire de scorpions

21 La déesse

22 Unité

23 Libres

24 Kallisto

25 L’immortelle

26 Dans l’ombre

27 La nouvelle amie

28 Bienvenue dans les Brumes

29 Le petit génie

30 Le Triumvirat

31 Tête baissée

32 Puzzle

33 Le rendez-vous

34 Poupées russes

35 La bousculade

36 Le message

37 Deux mois

38 Les sens en alerte

39 Protocole mémoriel

40 Kidnapping

41 Une prison pour les enfermer tous

42 Le bowling

43 Une alliance inattendue

44 Code d’honneur

45 Emma

46 Le dôme rouge

47 Sanctuaires

48 Emprisonnée

49 Dérapage contrôlé

50 Une question d’ondes

51 L’assemblée

52 Le concert

53 Grand nettoyage

54 Fracture

55 Au pied du mur

56 L’informateur

57 La grande évasion

58 Retrouvailles

59 Le QG

60 Le gala

61 L’attaque

62 Le plan

63 Tous pour un

64 Métamorphose

Chapitre final

Épilogue

Précédemment, dans les Chroniques de Gaïa

Quelque part aux confins de notre univers existe un monde appelé Genesis, berceau des Créateurs de mondes. Ces êtres cosmiques sont constitués d’énergie négative ou positive. La cohabitation de ces opposés permet de maintenir l’équilibre dans la Création. Gaïa était promise à Wolth, un Créateur de mondes négatifs, mais elle ne put accepter le destin tracé par ses pairs et prit la fuite. Dans son exil, elle créa la Terre. Elle lança un sort, aujourd’hui appelé Replay, afin de protéger les Humains de toute activité extra-humaine dont ils pourraient être la cible.

Fou de colère, Wolth, se lança à sa poursuite au travers des galaxies. Dans le sillon de sa rage incontrôlable, de nombreuses planètes furent anéanties. Comme châtiment, le Haut Conseil de Genesis décida de l’appréhender puis de l’enfermer pour l’éternité. Pour seule issue à sa captivité, Wolth choisit de détruire son corps physique, permettant ainsi à son âme de rejoindre le monde des esprits. Cette dimension permet aux esprits qui s’y trouvent de créer leur propre paradis et d’y exister pour l’éternité. Le Haut Conseil comprit rapidement le stratagème et usa de sa puissance pour y sceller l’âme de Wolth dans une réalité nourrie par son essence négative. Avec le temps, il était voué à disparaître complètement, mais lorsque la nouvelle se répandit dans l’univers, ses engeances mirent tout en œuvre pour le renforcer et permettre à son âme de subsister jusqu’à ce qu’ils trouvent le moyen de le libérer.

Le 31 janvier 2008, Alicia, Mathieu, Julie, Honoré et Alexandre découvrent qu’ils sont doués de pouvoirs extraordinaires. Suite à cela, Honoré est emmené sur un autre monde par leurs ennemis, sous les yeux de son frère Mathieu. Impuissants, les quatre amis restants décident finalement de s’unir, d’accepter leur rôle de Gardiens et de tout faire pour empêcher Wolth d’arriver sur Terre.

Ils sont rapidement confrontés à Reinhard et Sonia, deux terribles ennemis à la solde de Vallaris Corporation, la multinationale dirigée par les sbires de Wolth. Cette société fut créée une centaine d’années plus tôt par Maël, le frère jaloux d’un Gardien. Maël fut tué par son frère, laissant à sa fiancée le soin de poursuivre son œuvre et de combattre Gaïa en s’alliant à son pire ennemi.

Reinhardt et Sonia sont également responsables du coma de Magalie, la mère de Mathieu et Honoré.

Christian, le père de Julie, est grièvement blessé suite à sa rencontre avec les deux acolytes. Gabrielle Meris, la mère d’Alexandre, prend alors les Gardiens sous son aile. Pour l’aider à les entraîner, elle fera appel à maître Lin, un vieillard mystérieux qui leur dévoile l’existence des Protecteurs, des êtres uniquement dotés d’un pouvoir aléatoire. Ils découvrent également le monde des Brumes, cette partie des habitants non-humains de la Terre, qu’ils ont également pour mission de protéger.

Nos héros se rendront sur un monde du nom de Quivira afin de traquer Maxime Penon, un Protecteur et allié de Vallaris Corp. Épaulés par les forces de l’ordre locales, ils démantèleront un réseau d’esclavagistes orchestré par le dirigeant élu de Quivira. Appartenant à une secte présente dans tout l’univers, il les mettra en garde contre l’arrivée d’un mal plus dévastateur que Wolth. Suite à cela, les Gardiens retrouveront Maxime et le Protecteur finira sous les verrous.

Au cours de leurs aventures, les quatre Gardiens découvriront que Cécilia, la mère supposée morte d’Alicia, dirigeait Vallaris Corp et qu’elle était sous l’emprise d’un puissant Héraut dénommé Berock. Le site industriel était bâti sur une faille énergétique dont le pouvoir permettait l’accès à une dimension négative abritant Adrien, un autre Héraut de Wolth.

Lors d’un assaut contre le manoir des Gardiens, Sonia tue Christian sous les yeux de sa fille sans qu’elle ne puisse réagir.

Les Gardiens découvrent également l’existence de la Sphère Porteuse, un artefact capable d’absorber n’importe quel pouvoir. Seul un être d’énergie négative peut contrôler le pendentif.

Nos héros apprendront que Reinhardt est le clone d’Alexandre, et qu’il y en a eu un autre avant lui que Cécilia aurait fait détruire quelques années auparavant.

Après un voyage à New York, Julie et Alicia découvrent que Sonia vient du futur, et qu’elle est la fille abandonnée d’Alicia et Mathieu. Dans le même temps, Alexandre apprendra qu’il est le fils de Wolth.

Entre leurs entraînements intensifs et leurs affrontements contre les sbires de Wolth, les Gardiens tentent de maintenir leur vie privée à flot. Julie entame une relation avec Valentin, l’un de leurs amis, tandis qu’Alicia et Mathieu se mettent également en couple. Alexandre, lui, comprend que sa relation avec Léa va au-delà de la simple amitié.

Après que leur ami Samir les ait trahis et que Reinhardt ce soit retourné contre Vallaris Corp, les quatre amis partent en Nouvelle Zélande chercher de l’aide auprès de l’Ordre des Protecteurs, un groupe de mages surpuissants mené par un sorcier du nom de Romen. Les quatre amis, aidés du professeur Sunder Johnson, parviennent à les convaincre de leur forger de puissantes armes appelées Avatars.

Jenna, une Protectrice travaillant pour Vallaris Corp et confidente de Reinhardt, est assassinée par les sbires de Cécilia. Elle meurt juste après avoir informé le clone du plan d’attaque de leurs ennemis.

Équipés de leurs puissantes armes, les Gardiens partent affronter Cécilia et Adrien. Durant l’affrontement général, Reinhardt parviendra à convaincre Sonia de le rejoindre. Cette dernière anéantira Cécilia avant de disparaître.

Alexandre affrontera Adrien en duel. Le combat s’achèvera sur la mort du Héraut et la disparition des pouvoirs du Gardien. Des suites de ses blessures, le jeune homme tombera dans le coma.

Gabrielle reprend les rênes de Vallaris Corporation dans le but d’utiliser les ressources de l’entreprise pour les aider dans leur combat.

Mathieu décide de partir à la recherche d’Honoré. Après l’avoir localisé sur un monde éloigné du leur grâce aux scientifiques de Gabrielle, il quitte la ville pour trouver un moyen de le rejoindre.

Lorsque Alexandre se réveille, Léa et lui officialisent leur relation amoureuse.

Dans les profondeurs du temple de l’Ordre, on découvre Maël vivant et entravé par d’indestructibles chaînes. Tandis que maître Lin le torture, nous apprenons que celui-ci s’appelle en réalité Altarius, et qu’il est le père de Gaïa.

Alors que Léa et Alexandre se promènent un soir d’orage, Samir arrive en moto et tire à deux reprises sur la jeune femme avant de s’enfuir.

Léa meurt dans les bras d’Alexandre après qu’ils se soient échangés un dernier baiser.

Prologue

Journal d’Alicia Rodriguez, 30 novembre 2008.

« On dit que dans la vie, tout est une question de choix. Mais c’est faux. C’est pas un secret, on contrôle pas sa vie. En tout cas, à nous, on ne nous a pas laissé choisir la nôtre. Le seul choix qu’on a eu, c’est de décider si on voulait apprendre à rester en vie, ou périr en ne faisant rien, et laisser ce monde disparaître avec nous.

En fait, je crois qu’on forme le dernier rempart qui vous sépare d’un mal absolu. D’un mal plus grand encore pour cette planète que vous, les mortels, vous représentez. Ce mal a un nom, c’est Wolth. Les autres détestent le prononcer, parce que ça leur fait repenser à tout ce qu’ils ont perdu. Ça leur rappelle tout ce à quoi ils ont renoncé et tous ceux qui sont morts avant eux.

Mais pas moi. Pour moi, c’est différent. Tout est différent. J’ai plus rien à perdre. En fait, j’ai jamais rien eu à perdre.

Sinon, je serais pas là, à attendre désespérément qu’on nous appelle pour sauver le monde. Encore. Non pas que ce soit devenu une habitude. Enfin, j’espère que ça n’en deviendra pas une. J’ai vingt ans, et j’ai bien l’impression que je vais passer le reste de mon existence à me battre. C’est comme ça, que je le veuille ou non.

Et comme si les histoires qu’on a vécues ces derniers mois n’étaient pas suffisantes, une amie à moi dit que des choses sont sur le point de se dérouler. Des évènements qu’on ne pourra pas contrôler. En général, quand elle dit quelque chose, c’est pas pour rien.

Des évènements, hein… ? Qu’ils arrivent, je les attends. »

1

Au commencement

Italie, 1150 ans avant Jésus Christ.

Frère Georgio, un homme au crâne dégarnit, courrait droit devant lui à travers une large prairie, tenant un grand œuf de couleur bronze serré contre lui. L’air qu’il respirait à grandes bouffées lui brûlait presque les poumons, et les hautes herbes qui se pliaient sous le poids de ses pas rapides venaient chatouiller la peau fine de ses pieds. Le moine sentait la végétation, encore humide, sur les parties laissées à nu par ses sandales. Il manqua de glisser avant de retrouver l’équilibre de justesse.

Les rayons de la pleine lune se reflétaient sur l’objet qu’il maintenait contre lui. Et dire que, s’il le souhaitait, l’homme pourrait arriver en un clignement de paupière. Mais il ne pouvait pas. Cela ne faisait pas partie du plan. Il devait attirer la créature jusqu’à eux.

Frère Euriptène, un jeune homme grand et athlétique, dont les biceps semblaient à l’étroit dans sa robe de bure blanche, le suivait de près. Ils seraient bientôt arrivés.

Pourvu que les autres soient prêts. Georgio se retourna sans s’arrêter, pour vérifier que la créature les poursuivait toujours. C’était bien le cas, mais à cette vitesse-là, elle les aurait rattrapés avant leur arrivée au Sanctuaire.

En voyant la mine déconfite de son équipier, Euriptène comprit ce qu’il avait à faire. Il stoppa net sa course, dérapant sur l’herbe détrempée.

— Continuez ! cria-t-il. Je vais le retarder suffisamment longtemps pour que vous preniez plus d’avance !

— Non ! s’exclama Georgio en s’arrêtant à son tour. Nous pouvons y arriver !

— Il est trop rapide pour ça ! Courez !

Georgio regarda Euriptène, apeuré. Le moine chauve acquiesça, avant de reprendre sa course. Frère Euriptène était l’un des plus puissants Protecteurs de leur Confrérie. Si l’un d’eux avait une chance contre le Héraut, c’était bien lui.

Georgio entendit dans son dos des bruits de bagarre, ainsi que le tonnerre et la foudre qui s’abattirent. Il traversa un village, pour à nouveau se retrouver au milieu des champs. Au loin, se dessinait sa destination. Un petit monastère isolé.

Une lueur d’espoir illumina son visage. Il eut tôt fait d’atteindre la porte en bois massif, puis le moine pénétra dans le bâtiment.

Une odeur de bois humide et de poussière lui sauta au nez. Il referma rapidement la lourde porte, replaçant l’épar sur ses crochets.

Six autres membres de son ordre étaient agenouillés en demicercle autour d’un large symbole peint en bleu sur le sol. La lueur faiblarde des bougies suspendues au-dessus d’eux ne permettait pas de discerner leurs visages, enfouis sous de grandes capuches rattachées à leurs robes de bure. Seules deux places étaient vacantes à l’une des extrémités de la formation. Une femme brune leva la tête, dévoilant son identité.

Georgio se précipita vers elle, paniqué.

— Il arrive ! s’écria-t-il, à bout de souffle.

— As-tu ramené l’écrin ? interrogea calmement la femme.

— Oui Sœur Lydia, le voici, répondit le moine qui tentait de reprendre son haleine.

Il déposa l’objet devant son interlocutrice qui l’emmitoufla dans un drap noir préparé à cet effet.

— Euriptène ? s’enquit-elle lorsque son regard se posa de nouveau sur frère Georgio.

Ce dernier baissa la tête, l’air abattu.

— Il s’est sacrifié pour me permettre d’arriver jusqu’ici.

Sœur Lydia se tut.

— Il a servi une grande cause, reprit-elle en fixant un à un les membres de la formation. Son courage sera honoré. Prenez place à nos côtés, il…

Elle fut interrompue par un fracas assourdissant. La porte du monastère venait de voler en éclats. Une énorme silhouette se détacha dans la pénombre de l’embrasure, puis s’avança à grand pas vers les moines tandis que le sol vibrait sous son poids.

— OÙ EST-ELLE ? tonna la créature d’une voix surnaturelle.

Elle s’avança dans la lumière orangée qui dévoila un corps aux muscles impressionnants. La poussière blanche dont il était recouvert accentuait la multitude de scarifications qu’arborait le démon, ainsi que les tatouages tribaux dessinés sur son visage hideux. Ses cheveux coiffés en d’épaisses dreadlocks rouges tombaient sur ses énormes épaules. Le monstre ne portait pour seul vêtement qu’une jupe, composée de lanières de cuir découpées en pointes et ornées de métal.

Sœur Lydia le fixa d’un regard intense.

— Elle est juste là, Berock, indiqua-t-elle en désignant l’artefact qu’avait transporté Georgio.

La créature s’élança vers eux. Lydia tendit brusquement le bras dans sa direction, imitée par ses compagnons.

— Stop ! s’écrièrent-ils à l’unisson.

Berock fut aussitôt immobilisé. Le symbole dessiné sur le sol s’illumina.

— IMPOSSIBLE ! gronda la créature.

Elle voulut se dégager, mais réalisa que toute tentative de mouvement était vaine. Les prêtres grimaçaient sous l’effort que leur demandait le sortilège, et récitèrent une formule dans une langue étrange, mélange de latin, d’arabe et d’araméen. Plusieurs éclairs magiques fusèrent tout autour du Héraut, accompagnés d’une multitude de glyphes qui défilèrent pour former des sortes d’équations mystiques.

Une boule d’énergie se forma au centre, puis se solidifia petit à petit, pour former un second œuf en tous points égal au premier à l’exception de sa couleur. Celui-ci était d’un noir abyssal.

À mesure que les prêtres continuaient leur litanie, le corps de Berock se désagrégeait pour laisser place à une masse de lumière rouge. Bientôt, il fut réduit à un nuage d’énergie flottant dans les airs, avant de se retrouver enfermé dans l’écrin.

— Nous avons réussi ? demanda l’un des prêtres à bout de souffle.

— Oui, confirma Lydia en tentant elle aussi de reprendre sa respiration. Nous avons enfermé le démon dans l’écrin.

Un silence se fit. Tous regardaient la prison de la créature, inquiets.

— À présent, reprit un autre, il nous faut trouver un endroit sûr pour les cacher.

— J’ai entendu parler, se remémora le premier frère, de la création récente d’un nouvel ordre voué à défendre notre cause. Ils se feraient tout simplement appeler l’Ordre des Protecteurs. Peut-être pourraientils nous aider à cacher ces réceptacles ?

— Nous ne pouvons faire confiance à nul autre qu’à nous-mêmes ! s’offusqua Georgio.

— Du calme, frère Georgio, intervint Lydia. J’ai eu l’occasion de rencontrer les mages qui régissent cet ordre. Ils sont très puissants, et surtout, ils se trouvent sur une terre encore inconnue des mortels.

— Mais… Et s’il ne s’agissait là que d’une ruse pour nous tromper ? insista Georgio. Cela s’est déjà produit !

— Nous n’avons pas le choix, affirma Lydia. Nous ne pouvons pas veiller éternellement sur ces écrins. Leur Ordre est bien plus apte à le faire que nous. Leur guide spirituel acceptera sûrement de nous aider.

— Non… Non ! Je ne leur fais pas confiance !

Georgio se téléporta devant Lydia. Avant même que la prêtresse ne puisse réagir, il attrapa l’amas de tissu dans lequel se trouvait l’œuf avant de disparaître et de réapparaître un peu plus loin, serrant son butin contre lui.

La magicienne se leva précipitamment, son regard apeuré fixé sur l’homme.

— Frère Georgio, temporisa-t-elle. Ne faites pas n’importe quoi. Nous devons rester ensemble et faire en sorte que ces prisons ne soient jamais découvertes.

— Si vous voulez être dupés par ce nouvel Ordre, et redonner sa liberté à Berock, alors libre à vous. Mais je ne vous laisserais jamais la libérer, elle !

— Mon frère ! Non ! cria Lydia.

Elle tendit une main devant elle pour tenter de l’attraper. Trop tard. Il avait disparu.

— Que faisons-nous ? s’inquiéta l’un des prêtres.

— Berock doit être mis en lieu sûr, répondit leur sœur. Nous partons pour les Terres ancestrales, à la rencontre de ce nouvel Ordre des Protecteurs.

— Et pour notre frère ?

— Espérons juste qu’il cache assez bien cet écrin pour que personne ne le trouve.

— C’est un téléporteur, dit l’un des Protecteurs. Passer inaperçu, il sait ce que cela signifie. Il est capable d’atteindre des endroits où aucun être vivant n’a jamais mis les pieds.

Sœur Lydia jeta un nouveau regard anxieux vers l’endroit où se trouvait le Protecteur quelques secondes plus tôt.

— Prions pour que vous ayez raison… murmura-t-elle.

***

Nouvelle Zélande, 1993.

Au volant de son imposante Jeep, Christian Dherbois avançait le long d’un immense chantier de fouilles archéologiques.

Le Gardien chercha sa destination, puis arrêta le véhicule sur le bas-côté. Il sortit de la voiture et se dirigea d’un pas assuré vers l’une des nombreuses tentes montées en bordure des zones de recherches.

Il entra dans la plus grande. Un petit homme trapu était déjà présent et lui tournait le dos. Lorsqu’il entendit le Gardien entrer, K se retourna.

— Mon ami ! se réjouit-il en ouvrant grand les bras.

— K, le salua Christian. Je suis venu aussi vite que j’ai pu. Qu’avezvous découvert ?

— En fait je ne suis pas vraiment sûr, répondit l’homme aux yeux violets. Le mieux, c’est que je vous montre.

Ils sortirent tous deux de la tente puis marchèrent jusqu’à rejoindre un groupe d’ouvriers. Les hommes semblaient nerveux.

— Venez, lui enjoignit K.

Il lui indiqua quelque chose au sol. Le Gardien découvrit un grand trou qui donnait sur une profonde cavité.

— Qu’y a-t-il à l’intérieur ? demanda-t-il à son ami.

— Aucune idée. Personne ne veut se risquer à descendre là-dedans.

— Comment ça ? N’est-ce pas pour ça que nous les payons ?

K l’invita à regarder par l’ouverture. Christian s’accroupit dans la poussière. Le sol devait se trouver à plusieurs dizaines de mètres car il ne parvenait pas à le distinguer. Un sifflement continu attira son attention. Il tendit l’oreille et se concentra, puis comprit de quoi il s’agissait. Des serpents. Une très grande quantité de serpents.

— N’avons-nous pas des équipements qui leur permettraient d’y aller de manière sécurisée ?

— Ce n’est pas une question d’équipements, répondit K. Il n’y a pas de serpents en Nouvelle Zélande, Christian. Il n’y en a jamais eu. Ceux qui se trouvent devant nous aujourd’hui, ne devraient même pas exister. C’est impossible. Du coup, certains de nos hommes ont dit qu’il s’agissait du nid d’une divinité serpent qu’ils ont en commun avec les aborigènes d’Australie. Je ne me rappelle plus le nom. Mais qu’en gros, il ne fallait pas y toucher et refermer le trou.

— Si je comprends bien, personne n’ira ?

— C’est un peu ça.

— Bon, comme on dit, on n’est jamais mieux servi que par soi-même. Dites-leur de quitter la zone. Je vais descendre.

Christian attendit qu’ils aient tous évacué les lieux pour se laisser tomber dans l’ouverture. Le Gardien flotta dans les airs et descendit plusieurs dizaines de mètres, utilisant ses pouvoirs pour améliorer ses sens. Il s’agissait effectivement d’une grande caverne, dont le sol était recouvert d’un nombre incalculable de serpents de toutes races et de toutes tailles.

L’homme repéra un objet posé au centre de la pièce. Il augmenta la charge d’énergie dans ses mains pour faire s’écarter les reptiles à son approche.

C’était un œuf. Il avait deux fois la taille de celui d’une autruche et la couleur du bronze. Christian se rapprocha davantage pour se saisir de l’objet. La surface était nervurée mais rien n’indiquait ce qu’il pouvait contenir. Le Gardien survola rapidement la salle afin d’être sûr de ne rien rater, puis remonta avec son butin.

— Alors ? s’enquit K.

— Cet objet est fascinant… Il semble fait d’une matière que je n’ai encore jamais vue.

K se gratta la tête.

— Qu’est-ce qu’il contient ? hasarda-t-il.

Christian continuait d’observer l’artefact sous toutes les coutures.

— Ça, j’espère bien le découvrir…

2

L’un pour l’autre

Lycée Ronsard, Vendôme, 16 septembre 2004.

Le soleil était au beau fixe, et la sonnerie venait de retentir. La cour centrale qui séparait les deux bâtiments fut envahie par plusieurs centaines d’élèves qui s’apostrophaient de grands « salut ! » ou autres « tu vas bien ? ».

Vendôme était une petite ville située à quarante-cinq minutes de voiture de Tours. Le lycée abritait à peine plus de mille deux cent élèves.

Auriane, quinze ans, marchait tranquillement derrière ses camarades de classe, son sac de cours accroché en bandoulière. Les cheveux châtain clair, qu’elle ne coiffait d’ailleurs que très rarement, les yeux bleus cerclés de noir, elle portait une tunique orange et rouge mise par-dessus un pantalon de toile beige plutôt large. C’était une jeune fille que ceux de son âge considéraient comme une baba cool, en raison de son style vestimentaire. Ces derniers temps, c’était la grande mode, en particulier chez les adolescentes.

Elle marcha en direction du centre, où se trouvait une fontaine asséchée et entourée de petits rondins de pierre sur lesquels aimaient s’asseoir les élèves. Elle y rejoignit son groupe d’amis. Ils étaient tous dans la même classe. Tous, excepté Auriane.

— Hey, fit l’un des garçons à son intention.

Elle adorait Mathias. En fait, tout le monde l’adorait. Grand, les cheveux longs retenus par un collier qui faisait office de serre-tête, la barbe naissante, habillé avec un style plutôt grunge. Ses yeux noisette se reflétaient derrière de fines lunettes rectangulaires.

Auriane se dirigea vers Charline pour embrasser sa cousine aux formes généreuses.

— Au fait, sonda Mathias à la fin d’une conversation. Vous avez pas vu Alex ?

— Ben non, répondit Luc, un garçon aux cheveux ondulés.

Il avait appliqué une dose massive de gel afin qu’ils ne s’élèvent pas en une masse informe sur le dessus de son crâne.

— J’crois qu’il a été retenu par la prof d’anglais à la fin du cours.

— Qu’est-ce qu’il a encore fait ? pouffa Auriane.

— Rien, assura Mathias sur un ton faussement détaché. On était juste en train de rouler un joint en cours et elle nous a vus. C’est Alex qui roulait et c’est lui qui a tout pris.

— J’hallucine ! s’exclama Charline. Comment tu l’as laissé tomber !

— J’ai essayé mais elle voulait rien entendre.

— En même temps, intervint un grand brun ténébreux, c’est tellement le bordel dans notre classe qu’il faut bien que les profs se défoulent.

— J’avoue, dirent en même temps Luc et Mathias.

Ils ne purent se retenir de rire.

— Yo ! lança quelqu’un en arrivant à leur hauteur.

Les autres se tournèrent vers lui. C’était un garçon un peu gros, d’un mètre quatre-vingts. Un bandeau retenait en arrière ses longs cheveux bruns. Il était habillé d’un immense baggy bleu délavé, d’un t-shirt large, d’une paire d’énormes chaussures de skate, et portait de fines lunettes très discrètes, qui coupaient la forme arrondie de son visage.

— Hey, Alex ! le salua Mathias.

Alexandre Meris, seize ans, posa son sac à dos au sol, puis se joignit à la conversation animée de ses amis. Il s’alluma une cigarette.

Mathias et lui étaient les seuls redoublants de leur classe. Pour une raison assez abstraite, cela contribuait à les rendre plus cools aux yeux de leurs jeunes camarades de classe. Auriane observa discrètement Alexandre, qui paraissait préoccupé.

Un peu plus tard, il ne restait plus que Mathias, Charline, Auriane et lui. Auriane tournait la tête sans arrêt.

— T’attends quelqu’un ? l’interrogea Charline.

— Ouais, répondit Auriane. Une fille de ma classe qui est aussi à l’internat. Je lui ai dit que je l’attendais.

Elle fit un signe de la main à quelqu’un.

Ils regardèrent tous dans la même direction que leur amie. Alexandre aperçut la fille en question. Pas très grande, elle arborait une longue chevelure blonde, parcourue de discrets reflets vénitiens, qui retombait avec grâce sur ses épaules.

Lorsqu’elle arriva à leur hauteur, Alexandre put la voir plus en détail. Elle avait un visage très fin et parfaitement dessiné. Mais ce qui le marqua le plus, c’étaient ses yeux. D’un bleu azur hypnotique. Le jeune homme fut forcé d’admettre qu’ils étaient magnifiques. Il aurait pu tomber sous le charme si elle n’avait pas affiché un air particulièrement hautain en les dévisageant.

Le regard d’Alexandre croisa celui de Mathias, qui esquissa un sourire moqueur. Il savait que son ami pensait la même chose que lui. Encore une fille qui, sous prétexte qu’elle était plutôt mignonne, se sentait obligée de marcher comme si c’était la reine. Mais bon, si Auriane l’appréciait, c’est qu’il devait y avoir une bonne raison.

Cette dernière se tourna vers eux.

— Je vous présente Léa, Léa je te présente Charline, Mathias et Alexandre.

— Salut, dit la jeune femme en leur adressant tout de même un sourire.

— Hey, dit Alexandre sans même prendre la peine de lever les yeux de son portable.

Vendôme, 4 mars 2005.

Léa et Alexandre étaient installés à même le sol, dans le coin réservé aux casiers, à l’abri des regards. La plupart des élèves en quête de tranquillité avaient pour habitude de venir s’y cacher. Il avait appris à apprécier la jeune fille et s’était défait de sa première impression. Loin d’être hautaine et superficielle, elle était du genre timide et très peu sûre d’elle. Même avec ses idées préconçues et la froideur qu’elle dégageait aux premiers abords, elle restait presque une enfant, souvent naïve, d’autres fois capricieuse. Alexandre l’avait cernée comme une personne en manque d’affection, et qui, derrière ses airs de tête en l’air, était plutôt intelligente.

Léa, elle, l’aimait bien. Elle n’irait pas jusqu’à dire qu’ils étaient meilleurs amis, mais elle sentait qu’elle pouvait avoir confiance en lui. Et surtout, il la faisait rire. Oui, voilà, rien d’autre qu’un bon copain. Elle avait déjà tenté de s’imaginer qu’il puisse y avoir quoi que ce soit entre eux. Et ça l’avait faire rire. De toute manière, même si elle mettait de côté son look de skateur débraillé et ses kilos en trop, il était bien trop absorbé à vouloir sortir avec Auriane. C’était d’ailleurs leur sujet de conversation.

— Je sais pas ce qu’elle pense, grommela-t-il en gribouillant sur un cahier, mais si elle était complètement désintéressée, elle ne passerait pas autant de temps avec moi, si ? Genre, hier soir, on a passé trois heures au téléphone à rigoler et à se raconter notre vie !

— J’en sais rien, répondit la jeune fille en jouant avec ses bagues, moi, elle m’a juste dit qu’elle tenait beaucoup à toi, mais qu’elle ne savait pas vraiment si elle en avait envie.

— Tu lui as pas dit que j’étais amoureux, hein ?

— Non, pouffa Léa. Mais peut-être qu’il faudrait que tu te décides à lui faire comprendre, ou même mieux, à lui dire.

— Ouais, je sais pas, on verra comment ça évolue… J’suis sûr je me prendrai un big râteau !

— Mais non ! assura la jeune fille. Et puis, qui n’essaie rien n’a rien.

— T’as peut-être raison… Et toi alors ? Niveau mec ? Bon, à part moi bien sûr, continua Alexandre, l’air faussement aguicheur.

Léa ne put s’empêcher de rire.

Vendôme, 22 juin 2006.

— Hey ! menaça Alexandre, ivre, en direction de Valentin.

Ce dernier marchait vers une voiture grise dans laquelle tentait de dormir Léa, saoule, elle aussi.

Les vacances d’été venaient de commencer, et pour fêter la fin de l’année scolaire, ils étaient une soixantaine à s’être rejoints sur le terrain que possédaient les parents de Valentin. Ce dernier était brièvement sorti avec Léa, mais cette dernière avait mis fin à leur relation quelques jours plus tôt.

Alexandre avait promis à la jeune femme qu’il la surveillerait si elle buvait plus que de raison. Il s’était créé entre eux, sans qu’ils s’en rendent vraiment compte, une véritable amitié fraternelle.

— Tu t’approches pas de Léa, continua Alexandre en s’adressant à son ami.

Il avala une gorgée de sa bière.

— Mais… je veux juste lui parler, assura Valentin.

— Ben… réfléchit Alexandre. Ben alors, t’attends demain.

Valentin regarda son ami qui le fixait d’un air sévère. Il n’insista pas, et retourna faire la fête avec les autres. Alexandre se dirigea en titubant jusqu’à la portière, puis il vérifia l’état de Léa, étalée sur la banquette arrière. Il approcha son visage du sien, et déposa un baiser sur le front de son amie, avant de ressortir pour rejoindre la fille avec qui il sortait depuis quelque temps.

Vendôme, samedi 17 février 2007.

Léa et Alexandre se trouvaient affalés sur le canapé-lit qu’ils avaient déplié, devant la télé, au deuxième étage de la maison du jeune homme.

En raison d’un problème de transport dû à la neige, son amie n’avait pas pu rentrer chez elle à une trentaine de minutes de la ville. Pour la dépanner, Alexandre lui avait proposé de passer le week-end chez lui.

Gênée, Léa avait tout de même accepté de dormir chez lui. Ils avaient loué un film d’horreur, mais aucun des deux ne regardait vraiment, bien trop occupés à rire de leurs anecdotes.

Emmitouflés dans un plaid, Alexandre entendit sa mère au téléphone à l’étage du dessous, suivit de pas dans l’escalier. Elle descendait au rez-de-chaussée. Il ferma la porte de la pièce pour ne plus entendre le claquement des talons.

Alexandre vivait seul avec sa mère dans cette immense maison. La plupart du temps, Gabrielle était en déplacement, trop occupée par son travail si important pour elle. Ainsi, Alexandre avait très vite appris à se débrouiller seul.

Il sortit son portable, et tous deux entreprirent de faire le tri parmi les photos qu’il avait prises, et dont certaines n’avaient plus lieu d’être. Léa se rapprocha de lui, afin de mieux voir l’écran du téléphone. Elle s’appuya contre son épaule. Au fur et à mesure qu’ils parlaient et riaient, ils se rapprochaient. Leurs jambes s’entrelacèrent. Léa était à présent dans les bras du jeune homme, la main posée sur la sienne.

Des bruits de pas retentirent dans l’escalier sans qu’ils les entendent. Gabrielle poussa la porte, et, surpris, Léa et Alexandre se séparèrent brusquement, gênés.

Le regard de Gabrielle passa de l’un à l’autre, amusé. La mère du jeune homme leur expliqua qu’elle devait sortir, puis finit par redescendre.

Alexandre observa son amie. Ils rirent, eux aussi amusés par la situation.

Tours, 30 janvier 2008.

Cela faisait sept mois que toute leur bande d’amis vivait à Tours, pour leurs études. Alexandre était venu passer la soirée chez Léa, comme ça leur arrivait très souvent. Cette fois, le jeune homme était accompagné de quelques amis à lui.

Trois mois plus tôt, le jeune homme avait quitté sa copine. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la rupture avait été difficile. Au début. Il était désormais passé à autre chose.

Cependant, il cherchait toujours à sortir afin de se changer les idées. À dire vrai, il n’avait jamais eu besoin de prétexte pour passer du temps avec ses amis.

La soirée se passa sans encombre. Ils fumèrent quelques joints, vidèrent plusieurs bouteilles, et inventèrent des jeux à boire. Tard dans la nuit, tous quittèrent l’appartement, excepté Alexandre, qui resta pour l’aider à ranger.

— Laisse, sourit-elle, attendrie. Je ferai ça demain.

— Demain y’a cours, rappela le jeune homme. Et puis, là, tu es un peu bourrée, alors je pense que tu devrais aller te reposer. Non ?

Léa le regarda un court instant. Sans que lui-même s’en rende vraiment compte, il avait changé depuis leur rencontre au lycée. Il avait mûri, presque d’un coup, et s’était endurci. Sans parler de son physique.

Il était passé du statut d’adolescent skateur aux cheveux longs et complexé par son poids, à celui de jeune homme charismatique, aux muscles saillants et sûr de lui. Léa ne l’avait réalisé que quelques jours auparavant, sans vraiment savoir comment expliquer un tel changement chez son ami.

— J’ai peut-être UN PEU trop bu, reprit-elle. Mais je voudrais quand même souligner que toi non plus, t’es pas tout à fait sobre.

— Moi ? feint-il de s’étonner. Bon ok, c’est vrai. Mais je tiens mieux l’alcool que toi, très chère.

— Mmmm non, bougonna-t-elle en se collant à lui, posant sa joue légèrement rosie sur son torse musclé.

Alexandre posa les verres vides qu’il tenait, et la prit dans ses bras. La playlist de l’ordinateur lança l’un de leurs titres favoris, une chanson romantique interprétée par un chanteur encore peu connu en France.

Ils dansèrent jusqu’à ce que la musique s’arrête. Le jeune homme s’écarta de son amie, les mains toujours sur sa taille. Ils se regardèrent, plongeant dans les yeux l’un de l’autre. Il se pencha, et lui déposa un baiser sur le front. Léa ferma les yeux et sourit.

Après avoir rangé le salon, Alexandre s’apprêta à partir. Léa, qui entre-temps avait enfilé un pyjama, insista pour qu’il reste dormir chez elle. Il tenta de la convaincre qu’il devait se lever tôt le lendemain pour faire visiter la fac à un groupe de nouveaux, et donc qu’il devait dormir chez lui. Rien n’y fit. Elle l’implora presque du regard. Un regard qu’il connaissait par cœur. Il n’avait jamais pu y résister et finit par abdiquer. Ils allèrent se coucher dans le lit de la jeune femme.

Léa se blottit dans les bras d’Alexandre, juste avant qu’ils s’endorment.

3

Humain

Tours, octobre 2008.

La pluie continuait de tomber sur Alexandre. Adrien, Cécilia, Reinhardt, Sonia… Aucun d’eux n’était parvenu à lui faire véritablement mal, et ce n’était pas faute d’avoir essayé. Pourtant, il avait suffi de deux minuscules bouts de métal, propulsés hors d’un objet d’une puissance ridicule, comparée à celle de ses anciens pouvoirs. Un objet aux rouages d’une simplicité infantile, à la mécanique bien huilée et à la précision sans faille. Un P-210 2. Une arme de poing créée par les humains. Une arme que seuls les mortels devaient craindre. Mais cette arme venait de lui arracher la majeure partie de son existence en l’espace d’un dixième de seconde.

Le jeune homme pleurait sur le corps de Léa. Il voulut mourir afin de rejoindre celle qu’il aimait. Il releva la tête et poussa un hurlement terrible.

Les sirènes d’une ambulance résonnèrent dans le lointain. Deux ou trois personnes sortirent des habitations alentour, tandis que la pluie cessait petit à petit.

— Ne vous inquiétez pas, assura un homme. On a appelé les secours.

— Est-ce qu’elle est encore consciente ? s’enquit timidement une femme.

— Non, répondit un autre homme. On dirait qu’elle ne respire plus.

— Oh mon Dieu, hoqueta la femme en se mettant une main sur la bouche, tenant sa robe de chambre fermée de l’autre.

Les pompiers et la police arrivèrent. Ils tentèrent d’écarter Alexandre. Il ne se laissa pas faire et fit tomber un policier en arrière. Trois autres agents tentèrent de le raisonner. Ils parvinrent à l’éloigner pour permettre aux secouristes de s’affairer autour du corps inerte de la jeune femme.

Au bout d’un moment, l’un d’eux signala aux autres que c’était terminé.

Il y avait plusieurs voitures de police, un camion de pompier et l’ambulance. Des policiers installaient un périmètre de sécurité, même s’il n’y avait pas plus d’une dizaine de personnes regroupées autour de la scène.

Alexandre était assis sur le rebord de l’ambulance, une couverture autour de lui, le regard perdu dans le vague. Il se repassa au ralenti les images de la scène. Des larmes coulaient toujours sur ses joues. Un homme s’approcha de lui.

De taille moyenne, baraqué, le crâne rasé, vêtu d’un blouson marron avec une bande orange entourant son bras gauche, l’homme devait avoir une quarantaine d’années. Il s’adressa au Gardien. Ce dernier n’entendait rien de ce que lui disait l’inspecteur.

— Le corps va être amené à l’hôpital, continua ce dernier. Demain, le médecin fera une autopsie. Est-ce qu’elle a de la famille ?

Alexandre ne répondit pas tout de suite. Il ne pensait plus à rien. Il était vidé. Vidé de sa raison de vivre. L’ambulance démarra.

— Elle a son père, finit-il par répondre. Et un petit frère.

— Très bien, acquiesça l’inspecteur en notant tout ce que lui disait Alexandre sur un petit carnet. Nous avons récupéré les affaires personnelles de votre amie, pouvez-vous me donner les coordonnées des personnes à prévenir ?

Alexandre s’exécuta péniblement, attrapant le bloc-notes et le stylo de son interlocuteur.

— Écoutez, reprit l’homme, je sais que vous venez de vivre un moment traumatisant, mais je vais avoir besoin de quelques détails sur ce qu’il vient de se passer. Vous vous en sentez capable ?

Le jeune homme hésita, puis commença à décrire la scène sur un ton monotone. Sa voix tremblait. Il indiqua également l’identité de l’assassin. De nouveau, les images défilèrent. Il dut fermer les yeux de toutes ses forces, inclinant la tête, pour les faire partir.

— Je vous remercie pour ces informations précieuses, monsieur Meris, continua le policier. Avec ça, nous devrions vite retrouver votre agresseur.

— Vous ne le retrouverez pas, murmura Alexandre.

Le policier ne releva pas.

— Nous allons également vous emmener à l’hôpital pour un examen, reprit-il. Tenez, je vous laisse ma carte.

Alexandre prit le carton rectangulaire que lui tendait l’homme. On pouvait y lire le nom de ce dernier, inspecteur Xavier Ferrand, ainsi que ses coordonnées.

— J’ai pas été blessé, assura le Gardien. Pas besoin de m’emmener à l’hôpital.

— Vous êtes sûr ? insista le policier en levant un sourcil interrogateur.

— Oui. Je vais bien…

Le regard d’Alexandre se posa sur le sol détrempé.

— Laissez-nous au moins vous ramener chez vous. Vous êtes encore en état de choc. Faut pas que vous restiez seul.

Alexandre étouffa un rire nerveux. Une larme coula le long de sa joue.

— Pourtant, répondit-il, c’est de ça que j’ai besoin.

— Comme vous voulez, soupira l’inspecteur.

Il s’éloigna du jeune homme avant de se tourner vers lui.

— Demain, il faudra que vous passiez au commissariat, pour qu’on enregistre votre témoignage. Encore une fois, je sais que ça fait beaucoup dans ce genre de situation, mais on doit mettre toutes les chances de notre côté.

Alexandre approuva d’un hochement de la tête, puis le fonctionnaire se dirigea vers les véhicules de police.

Quelques minutes plus tard, le Gardien composa le numéro de la centrale des taxis de la ville. On lui indiqua qu’un véhicule serait là sous peu. Le regard du jeune homme vagabonda sur la scène du crime, où s’affairaient encore de nombreuses personnes.

Plus loin, les employés des pompes funèbres chargeaient leur fourgonnette avec un brancard. Celui sur lequel était posé le corps de Léa, bouclé dans une housse en plastique noir. Ils mirent un certain temps avant de refermer les portes. Ils terminèrent leur discussion, puis montèrent dans le véhicule avant d’enfin démarrer. Le taxi arriva.

Alexandre s’installa à l’arrière et indiqua l’adresse.

La voiture démarra et emprunta la même route que la camionnette. Le Gardien appuya sa tête contre la vitre froide et humide. Il avait goûté au bonheur l’espace de quelques mois, et s’attendait à ce que cela dure toute la vie.

Ses souvenirs de Léa défilèrent. Les bons comme les mauvais. Tous ces moments de tendresse, toutes ces fois où ils s’étaient pris la tête, tous ces moments d’hésitation. Les sourires que lui avaient arrachés ces matins où il se réveillait à ses côtés, et où il ne faisait aucun bruit pour qu’elle puisse continuer à dormir. Il se sentait aimé. À présent, il se sentait seul, abandonné.

À l’avant, le chauffeur parlait au téléphone, en haut-parleur. Alexandre entendait la conversation.

— Je te jure, continua un homme au bout du fil, elle m’a pris la tête pour qu’on parte en vacances en Alaska. En Alaska ! Nan, mais sérieusement…

— Et comment t’as esquivé ? s’enquit le conducteur.

— Ben, j’ai tenté de lui proposer d’autres destinations on va dire « plus réjouissantes ». Comme le Maroc ou le Mexique. Mais non, madame a toujours rêvé d’aller en Alaska. Tu parles d’un endroit pour des vacances, toi… De la glace, toujours de la glace…

Alexandre repensa à ses anciens pouvoirs, lorsqu’il était capable de glacer l’atmosphère en se concentrant.

— Nan mais sérieux, qui aurait envie de passer ses vacances en Alaska ? C’est bien un truc de vieux. Et pourquoi pas en Antarctique ?

Sur cette pensée, une lueur d’espoir éclaira l’esprit d’Alexandre. Il ressentit une montée d’adrénaline. Il devait retrouver ses pouvoirs. Si la Sphère ne voulait pas les lui rendre, alors il irait les chercher à la source. Il irait chercher Gaïa directement dans son sanctuaire. Son dôme, enfoui sous la glace, dont leur avait parlé Romen, et Christian avant lui. Mais ça prendrait du temps, et le corps de Léa devait rester intact. Il n’avait pas le choix.

— S’il vous plaît, demanda-t-il précipitamment. J’ai changé d’avis, vous pouvez continuer à suivre la camionnette noire ?

L’homme se retourna de trois quarts, sceptique.

— Ça marche, lâcha-t-il. Tant que le compteur tourne, on va où vous voulez.

Ils arrivèrent devant l’entrée de l’hôpital. Les deux véhicules franchirent la barrière et naviguèrent dans les petites allées présentes entre les différents parkings et bâtiments. Ils finirent par s’arrêter devant les urgences. Alexandre sortit des billets de sa poche.

— Gardez la monnaie, fit-il en les donnant au chauffeur.

Il sortit en trombe du taxi, et courut jusqu’à la fourgonnette. Il attrapa son téléphone, cherchant le numéro d’Alicia.

Les deux employés sortaient à présent le corps du véhicule.

— Attendez ! les interpella Alexandre en leur faisant un signe de la main, son téléphone collé contre l’oreille.

Il se rapprocha à pas rapides. Les croque-morts s’immobilisèrent. Alicia décrocha.

— Alex ? fit-elle.

— Alicia. On n’a pas beaucoup de temps. S’il te plaît, prends une voiture et viens me chercher à Bretonneau. C’est urgent.

— Bretonneau ? Qu’est-ce que tu fous là-bas ?

— Je… j’ai besoin que tu fasses au plus vite.

À l’autre bout du téléphone, Alicia fut surprise par la réaction du jeune homme. Elle ne l’avait jamais entendu parler ainsi.

— Je suis là dans cinq minutes, accepta-t-elle.

Alexandre referma son téléphone portable, puis s’approcha un peu plus des employés sur le point d’emmener le corps de Léa à l’intérieur du bâtiment. Ils ne le laisseraient pas faire. Il n’avait pas trente-six solutions.

— Écoutez, grimaça-t-il. Je suis désolé, vraiment, mais…

Sur ces mots, il assomma l’homme le plus proche de lui d’un coup de poing dans la mâchoire. Le second fit mine de vouloir intervenir.

— Je pense que vous feriez mieux d’aller chercher la police, assura Alexandre, voulant éviter de blesser quelqu’un d’autre.

L’homme hésita un court instant. Finalement, il s’élança vers Alexandre. Ce dernier esquiva son poing de justesse, le déstabilisa et l’envoya au tapis. La tête du croque-mort heurta le sol, ce qui lui fit perdre connaissance.

Légèrement essoufflé, Alexandre s’approcha de lui pour vérifier qu’il ne s’était pas fait trop mal.

— Ça va aller ? s’enquit-il en l’aidant à se redresser.

Une éraflure apparaissait sur le côté de son front, et une goutte de sang se frayait un passage jusqu’à son arcade sourcilière.

— P…pourquoi vous faites ça ? demanda le croque-mort en regardant son agresseur d’un air apeuré.

— Je veux pas vous faire de mal, assura Alexandre d’un air désolé, croyez-moi. Vous devriez aller à l’intérieur.

Le regard de l’homme se porta sur son collègue, étendu au sol.

— Il n’a rien, le rassura Alexandre. Juste un gros bleu demain matin, et peut-être une migraine.

Il aida l’employé à se relever. Ce dernier trottina jusqu’à sortir du champ de vision du jeune homme.

Quelques secondes plus tard, une BMW noire arriva en trombe sur le parking. Elle s’arrêta à quelques centimètres de lui. Alicia sortit de la voiture.

— Ok, commença-t-elle d’un air sévère, et maintenant explique-moi ce que je fais ici à 2 h 00 du matin…

— Aide-moi, dit simplement Alexandre.

À son ton, Alicia comprit que quelque chose clochait. Elle porta son attention sur le brancard.

— Tu m’as fait venir pour voler un corps ? s’énerva la Gardienne. À quoi ça rime ?

Elle s’approcha plus près et fixa son ami. Ses yeux étaient encore rouges des larmes qu’il avait versées.

La jeune femme fut troublée. Elle posa de nouveau les yeux sur le sac noir. Elle avait peur de découvrir de qui il s’agissait.

Alicia ouvrit lentement la fermeture éclair. Devant le visage si serein de Léa, elle eut un léger sursaut. Elle regarda Alexandre, partagée entre la stupéfaction et le chagrin.

— Alex… je suis désolée… commença la jeune femme. Comment…

— On doit faire vite, reprit-il tandis que des larmes coulaient le long de ses joues.

— Comment ça « on doit faire vite » ?

— Pour la ramener…

Un silence se fit. La jeune femme se demandait si elle avait bien entendu.

— Écoute, reprit-elle en cherchant ses mots, je… je sais pas ce qu’il s’est passé, c’est juste horrible, vraiment. Mais est-ce que je dois te rappeler que t’as plus tes pouvoirs ? Et qu’il n’existe nulle part dans le monde de technologie assez développée pour ramener les morts à la vie ?

— Fais-moi juste confiance, répondit le jeune homme. Prends Léa avec toi et vole jusqu’à Vallaris Corp. Demande à ce qu’elle soit placée dans un caisson cryogénique. Je sais pas combien de temps ça va me prendre pour récupérer mes pouvoirs. Mais je les retrouverai.

Alicia hésita un instant. Jusque-là, il avait toujours été digne de confiance. La jeune femme avait envie de croire en lui.

— J’espère que tu sais ce que tu fais, abdiqua-t-elle.

La Gardienne lança ses clefs de voiture à son ami avant de prendre le corps de Léa dans ses bras. Elle jeta un dernier regard à Alexandre, qui acquiesça.

Alicia leva la tête vers le ciel étoilé. Elle fléchit les jambes puis s’éleva à toute vitesse dans les airs.

Alexandre s’installa au volant du bolide. Au moment où il démarrait, il croisa une berline noire, conduite par l’inspecteur Ferrand. Ce dernier le toisa, intrigué. Alors qu’Alexandre se dirigeait vers la sortie, l’inspecteur s’arrêta au niveau du véhicule des pompes funèbres. Il descendit de voiture et se dirigea vers les portes grandes ouvertes de la fourgonnette. Ses yeux se posèrent sur l’homme étendu au sol. Le policier se baissa pour prendre son pouls. Il allait bien. Ferrand soupira de soulagement. Soudain, il comprit. Il vérifia le contenu supposé du véhicule. Vide. Il se précipita vers sa voiture de fonction pour se remettre au volant et démarra en trombe.

— À toutes les équipes, s’exclama-t-il dans sa radio. On a un vol de cadavre avec violence physique sur au moins une personne. J’ai repéré le véhicule et je me lance à sa poursuite.

— Négatif, inspecteur, n’y allez pas seul.

— Ouais, railla le fonctionnaire en braquant à fond afin de rattraper la BMW. Alors, envoyez-moi d’autres équipages.

Alexandre pensait être tranquille, lorsqu’il regarda dans son rétroviseur. Un véhicule de police banalisé, sirène allumée, se rapprochait à toute vitesse de lui. Le Gardien accéléra.

Au bout de quelques centaines de mètres, il aperçut dans son rétroviseur deux autres patrouilles lancées à sa poursuite.

Alexandre tourna à gauche, utilisant le frein à main pour ne pas perdre de temps. Toujours là. Il les entraîna à la sortie de la ville et emprunta l’autoroute.

La berline était puissante, très puissante. Alexandre continua d’accélérer, slalomant entre le peu de voitures présentes à cette heure tardive. La police le suivait toujours. Il braqua à gauche, percuta le muret central, et roula à contre sens. Un grand fracas retentit derrière lui. L’une des trois voitures de police avait percuté la séparation en béton sans réussir à passer à travers. Les autres ne tentèrent pas leur chance et restèrent sur leur voie.

En prenant une sortie de justesse, Alexandre parvint à les semer.

Quelques minutes plus tard, un hélicoptère survolait la zone. Alexandre s’engouffra dans un bois, gara la voiture sur le bas-côté, et décida de continuer à pied afin d’être moins facilement repérable. Il revint sur ses pas pour regagner la ville.

Trois heures plus tard, il arrivait dans la rue du Foyer. Au loin, il pouvait apercevoir une voiture garée en face du portail, avec deux personnes assises à l’intérieur.

Étaient-ce des policiers en civil ? Ou juste la descente d’adrénaline qui le rendait paranoïaque ? Par précaution, il préféra faire le tour du pâté de maisons afin d’entrer dans la propriété par un petit passage discret qui donnait sur le parc. À peine quelques minutes plus tard, il entrait dans le salon par la baie vitrée qui n’était jamais verrouillée. Un mot était posé sur la table basse.

« Sommes à ta recherche. Je t’ai attendu une heure ici. Si tu lis ce mot, appelle-nous pour que l’on te rejoigne au plus vite. La police est passée, ils te cherchent aussi. Tu n’es pas sans savoir que tu n’as plus de pouvoirs, et qu’ils n’ont donc pas subi de Replay. Sois prudent. »

L’écriture de Julie. Personne n’était dans la maison. Tant mieux. Il n’aurait jamais pu leur expliquer ce qu’il était sur le point de faire sans que ses amies tentent de l’en empêcher.

Alexandre monta dans sa chambre, et entassa quelques vêtements dans un sac de voyage. En fouillant dans ses affaires, il parvint à retrouver la carte de visite du professeur Johnson, qui les avait aidés en Nouvelle-Zélande, lorsqu’ils avaient dû convaincre le conseil de l’Ordre des Protecteurs de leur forger les Avatars. Si quelqu’un pouvait l’aider à localiser le dôme de Gaïa, c’était bien lui.

Le jeune homme attrapa le téléphone fixe posé sur sa table de chevet, puis composa le numéro indiqué sur le bout de papier. Il entendit sonner à l’autre bout. Il ignorait quelle heure il pouvait bien être aux U.S.A., mais peu lui importait.

— Hi, répondit Johnson.

— Johnson ?

— Yes, himself. Who’s asking ?

— C’est Alexandre. Alexandre Meris.

— Oh ! Alexandre ! Comment allez-vous ?

— Professeur, j’ai besoin de votre aide.

— Oui… Oui ! Bien sûr ! Que puis-je faire pour vous ? Vous savez, je n’ai pas oublié notre aventure en Nouvelle Zélande ! D’ailleurs, j’ai effectué quelques recherches sur les écrits gravés sur le temple, et les différents ouvrages que j’ai pu récupérer. Votre ami Mathieu m’a beaucoup aidé avant de partir. Cela m’a permis d’en savoir plus sur votre lignée ainsi que sur l’histoire des Protecteurs et…

— Oui, oui, je… Écoutez, une personne que j’aime est…

Alexandre eut du mal à finir sa phrase, comme si le dire à haute voix rendait la chose plus réelle. Il respira un grand coup, avant de se reprendre.

— Elle est morte, continua-t-il. Et sans mes pouvoirs, j’ai rien pu faire. Il faut que je les récupère. Du coup, je dois trouver le dôme qui est décrit dans toutes les histoires qui parlent de Gaïa.

— Le dôme ? ... Oui ! J’ai lu des textes sur ce lieu. Ce serait en quelque sorte le sanctuaire de Gaïa. Vous savez qu’il est pratiquement impossible d’en savoir plus sur elle ? À chaque fois que j’en parle à mes collègues, ils oublient la minute d’après et…

Alexandre se pinça le haut du nez. Ils n’avaient pas le temps pour ces futilités.

— Johnson, l’interrompit-il, c’est très important pour moi. Vous pouvez m’aider ou pas ?

— Oui, je pense. Nous pourrions facilement localiser le sanctuaire de Gaïa. Pour le moment, je n’ai rien trouvé sur la mort. À en croire les histoires d’énergie et d’esprit que j’ai lues, j’en déduis que nous possédons une âme, mais impossible de savoir ce qu’elle devient quand nous mourons.

Alexandre fronça les sourcils.

— Vous pensez qu’on peut ramener une âme ? s’assura-t-il.

— Je vous l’ai dit, je n’en sais rien, je n’ai pas encore transcrit la suite. Tout ça risque de prendre du temps. Peut-être pouvez-vous me rejoindre à Philadelphie ?

— Je… je suis recherché. Voyager aussi loin, ça risque d’être un peu compliqué…

— De faux papiers peut-être ?

— Et je trouve ça où ?

— J… euh… à vrai dire, je n’en ai aucune idée. Mais je connais quelqu’un qui pourrait me renseigner.

— Bon, dans tous les cas je me dirige vers Paris. Vous avez mon numéro. Appelez-moi dès que vous avez l’info.

— Très bien. Je… tout ça risque de prendre un peu de temps…

— Johnson, il faut que je la ramène, peu importe ce que ça me coûtera. S’il vous plaît, aidez-moi …

Un silence se fit.

— Je vais faire de mon mieux. Je vous tiens au courant.

— Merci.

Alexandre raccrocha. Il jeta négligemment le téléphone sur son lit et descendit ensuite dans le salon où il se saisit d’un stylo pour écrire au dos du mot laissé par Julie.

« Je suis désolé des ennuis que j’ai créés, sachez juste que je sais ce que je fais. Faites-moi confiance. Je dois m’absenter quelque temps, et il est préférable que vous ne sachiez pas où je vais. Moi-même, je ne le sais pas exactement. Ne cherchez pas à m’appeler. »

Il posa le papier sur la table basse, enfila sa veste en cuir et mit son sac en bandoulière. Avant de partir, il se rendit au sous-sol prendre du matériel.

Les néons s’allumèrent petit à petit, puis Alexandre avança jusqu’au fond pour s’arrêter à côté de l’ordinateur, face à un volet métallique. Le jeune homme pressa une touche du clavier. Le rideau de sécurité s’ouvrit avec lenteur pour révéler cinq socles noirs. Chacun soutenait une cage de verre.

Quatre d’entre eux renfermaient l’un des Avatars offerts aux Gardiens. Dans celui du milieu se trouvait la Sphère Porteuse. Alexandre se rapprocha. Il contempla les armes étincelantes à travers leur cage transparente, comme si c’était la première fois qu’il les voyait. Il posa sa main contre la vitre de son imposante épée, celle qui lui avait permis de vaincre Adrien.

Après leur combat, Mathieu était parvenu à déchasser la Sphère du pommeau de l’arme. À présent, Alexandre n’arriverait même plus à soulever cette lame de terre. Non, il n’était pas venu pour elle. Il retourna auprès de l’ordinateur et tapa un mot de passe. Le socle de la Sphère s’ouvrit. Alexandre s’en empara et passa la fine chaînette en or autour de son cou.

Un instant plus tard, Alexandre était dehors. Il tomba nez à nez avec Julie et Alicia.

— Tu comptes aller quelque part ? s’enquit Julie.

Alexandre les regarda l’une après l’autre, gêné.

— J’ai quelque chose à faire… commença-t-il.

— Alors, on t’accompagne, assura Julie.

— Non, refusa Alexandre. La police me recherche. Je suis sûr qu’ils vous surveillent vous aussi. S’ils s’aperçoivent que vous avez disparu, ils en auront après vous.

Julie se tourna vers Alicia. La jeune femme, les bras croisés, ne lâchait pas Alexandre de ses yeux émeraude. Un regard sévère, mélangé à de la crainte. La crainte qu’il lui arrive quelque chose.

— Le corps de Léa est cryogénisé, expliqua Alicia. Alex, tu comptes faire quoi au juste ?

Le jeune homme soutint son regard, plus sûr de lui que jamais.

— La ramener, répondit-il.

— N’importe quoi… souffla Julie en levant les yeux au ciel. Et par quel miracle ? S’il existait un moyen de ramener les morts à la vie, on l’aurait utilisé pour mon père.

— Je suis pas sûr qu’il existe un moyen, précisa Alexandre. Mais je dois essayer.

— Et tu comptes chercher où ? le questionna Julie.

— Il vaut mieux que vous l’ignoriez. Comme ça, vous n’aurez pas à mentir à la police lorsqu’elle vous questionnera. Je risque d’être absent un long moment, prenez soin de ma mère, et de vous.

Alexandre s’éloigna. Julie et Alicia attendirent qu’il soit parti.

— Où tu crois qu’il va aller ? demanda Julie à son amie.

— J’en sais rien… Mais il mérite qu’on croie en lui.

— Je sais, soupira Julie, mais ça ne m’empêche pas de m’inquiéter.

***

La gare de la ville était à présent surveillée par la police. Aussi Alexandre dut se résoudre à se diriger vers Paris à pied. Il marcha le long des petites routes de campagne, sur lesquelles il avait moins de chances d’être contrôlé mais où le trafic se raréfiait. Malgré tout, il parvint à faire du stop à plusieurs reprises. Il lui fallut près d’une journée pour atteindre la capitale.

Alexandre était installé sur le siège passager d’un camion semi-remorque dont le chauffeur avait accepté de le déposer aux portes de la ville. À mesure qu’ils approchaient, le paysage changeait. La verdure disparaissait pour être remplacée par de grandes tours de béton et des routes de plus en plus larges.

Paris. Le jeune homme avait toujours détesté cette ville. Trop de monde. Trop de voitures. Trop de bruit. Trop. Pourtant, il allait devoir s’y habituer, au moins le temps de trouver un moyen de quitter le pays.

Super, je vais kiffer…

4

Odyssée

Tours, le lendemain.

Alicia était dans le salon, installée sur le canapé à lire un magazine tout en mâchant du chewing-gum. Soudain, l’interphone sonna, indiquant la présence de quelqu’un dans la rue. La jeune femme fronça les sourcils. Elle n’attendait personne, et Julie s’était absentée. Elle se décida à aller voir sur l’écran de l’appareil de qui il pouvait s’agir.

Un homme au crâne rasé se tenait devant la caméra. Ferrand regarda partout autour de lui, comme s’il s’impatientait.

Alicia enclencha le micro.

— C’est pour quoi ? intima-t-elle sans le moindre tact.

L’inspecteur sortit son portefeuille pour le positionner devant l’objectif afin de présenter sa carte de police.

— Inspecteur Ferrand, répondit-il, brigade anticriminalité. J’aurais quelques questions à vous poser.

Alicia réfléchit un court instant. Cette histoire ne se réglerait pas grâce aux Replays. Elle n’avait pas vraiment le choix. Lui dire non ne ferait qu’éveiller ses soupçons.

— J’arrive, indiqua-t-elle.

La jeune femme se dirigea vers la sortie.

— Chucha1, lâcha-t-elle en espagnol pour elle-même.

Elle ouvrit la porte d’accès piéton.

— Bonjour, réitéra l’inspecteur en sortant un petit carnet et un stylo de sa poche intérieure. C’est vous que j’ai eu par l’interphone ?

— C’est moi, confirma la Gardienne en croisant les bras.

Ferrand ne manqua pas de le remarquer. Il comprit qu’il avait d’ores et déjà affaire à un mur.

— C’est bien ici qu’habite Alexandre Meris ?

— Oui, répliqua Alicia qui mâchait toujours son chewing-gum. Mais il est pas là aujourd’hui.

Le fonctionnaire étouffa un petit rire.

— Ça, sourit-il, je veux bien vous croire.

— Pourquoi ? s’enquit Alicia en penchant légèrement la tête. Il y a un problème, inspecteur ?

— Oui. Oui, il y a un souci avec votre colocataire. J’enquête sur la mort de son amie. Et depuis hier soir, il est soupçonné d’avoir agressé plusieurs personnes, et d’avoir dérobé, avec l’aide d’un complice, le corps de cette même jeune femme.