Les chroniques nocturnes de Jim Wright - Xavier Pouchon - E-Book

Les chroniques nocturnes de Jim Wright E-Book

Xavier Pouchon

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Beschreibung

Jim Wright, journaliste travaillant pour un grand quotidien de Nice, entretient une étroite relation avec son directeur de rédaction. Il réussit à le convaincre de mener une enquête auprès des communautés minoritaires. Au cours de cette investigation, il se retrouve plongé dans une sombre histoire où son courage sera déterminant pour mettre un terme à une vaste conspiration visant ces communautés.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Xavier Pouchon, issu d’une formation scientifique, n’était pas destiné à l’écriture d’un roman, étant davantage porté vers la poésie. Cependant, sur les conseils d’un ami, il s’est lancé dans cette aventure passionnante, animé par l’amour des mots qu’il nourrit depuis plus d’une décennie et l’inspiration pour raconter une sombre histoire aux multiples rebondissements. Cette expérience s’est avérée être une véritable révélation pour lui.

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Seitenzahl: 183

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Xavier Pouchon

Les chroniques nocturnes

de Jim Wright

Roman

© Lys Bleu Éditions – Xavier Pouchon

ISBN : 979-10-422-0238-5

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Chapitre I

Jamais Jim n’aurait pensé que les événements puissent tourner de cette manière, et qu’il se retrouverait dans cette situation fâcheuse, lui un sympathique gars vivant dans le sud de la France, dans la commune de Nice, apparemment sans histoire et cherchant simplement à faire preuve de bienveillance auprès de toutes les personnes rencontrées sur sa route. Un homme réservé, mais ayant tendance à faire confiance un peu trop aveuglément sans se soucier parfois des suites de ses paroles ou de ses actes.

Il menait une existence normale, loin des soirées de la communauté gay. Non pas qu’il se sente attiré par ce milieu ou par ces rencontres au hasard, ces créatures de la nuit, même si étant curieux et désireux de connaître d’autres modes de vivre, pour sans cesse stimuler et inspirer son esprit, pour sans cesse pouvoir communiquer. 

Étant célibataire de surcroît depuis plus d’un an, après une terrible séparation d’avec son compagnon qui avait partagé quelque dix ans de sa vie, il n’avait plus personne qui l’attendait à la maison, donc était libre de ses faits et gestes, mais il refusait de participer à ces fêtes mondaines qui puaient le faux semblant et exacerbaient dans le paraître, sauf obligations professionnelles. Il préférait croiser le chemin de personnes vraies, et se sentant bien dans leur apparence qui n’avaient pas besoin de jouer un rôle.

Malgré toutes les contraintes qu’il s’imposait, son métier de journaliste curieux l’incitait à se rendre spectateur de toutes ces beautés masculines, sentant la naphtaline au travers de leurs tenues vestimentaires extravagantes. Il aimait se retrouver dans les bars de la capitale azuréenne, dans des positions parfois très compromettantes, côtoyant ces backrooms lugubres propres aux échanges de caresses et de relations sadomasochistes, et sexuelles, où les noms et prénoms des protagonistes disparaissaient derrière des pseudonymes pour éviter les travers dans leur vie professionnelle. Ils devaient se méfier des réseaux sociaux apparaissant comme des vecteurs de diffusion de photos malencontreuses pouvant tomber entre des yeux peu enclins à la fanfaronnade et à la différence des genres. Une existence d’oiseaux de nuit requérant la plus grande discrétion. 

Jim ne demandait jamais les coordonnées de ses contacts, ne cherchait pas à les avoir non plus. Car ce détail ne requérait aucune importance. Ces êtres nocturnes noctambules, ces hommes ou femmes rencontrés, acceptaient de se livrer avec justesse pour raconter leurs vérités, pour décrire leurs plaisirs et leur désespoir, pour parler de leur état d’esprit dans une société intolérante, méprisant les différences, pour évoquer leurs attentes, leurs peines ou leur blessure de cœur. Il souhaitait simplement pouvoir en connaître un peu plus sur leurs vies, sur leur motivation, sur leur profession aussi, nombre exerçant une activité lucrative, loin des standards de la vie diurne. Comme un pacte passé avec ses clients d’un instant, dont il respectait la vie privée, il transformait les noms dans ses articles divers, qui n’avaient d’autre but que de mieux faire connaître des pans de cette société moderne, inconnus de beaucoup, convaincu que chacun avait une place à faire valoir, et totalement libre de pouvoir exprimer ses fantaisies comme il l’entend. Chaque être humain est maître de ses propres émotions et ressentis, et aucune société n’a le droit ni le devoir d’exiger un modèle de comportement, sous prétexte que cette personne ne rentre pas dans certains critères sociétaux établis par des sociologues loin de posséder la science infuse, de par leur apparence ou leurs choix sexuels.

Jim repensa l’espace d’un court instant à toutes ses années passées à battre le pavé, à tous ses articles qui ne lui avaient apporté que de la satisfaction, à toutes ces rencontres fabuleuses qui avaient animé le cours de son existence, alors qu’il venait à peine de s’éveiller d’un sommeil profond avec d’atroces douleurs à la tête, dans les bras et les jambes. Il se retrouvait présentement en sous-vêtement moulant attaché par un nœud d’apparence solide au radiateur d’une chambre sordide d’hôtel, tout mouvement ne faisant que lui entailler les poignets un peu plus, et provoquant des décharges électriques dans tout son corps en l’occurrence affaibli. Il ne se souvenait pas des dernières minutes ayant précédé son enlèvement et sa séquestration.

À quelles fins une telle manœuvre avait été orchestrée à son attention, lui n’appartenant pas à un cercle vertueux de nantis de la région, n’ayant aucune fortune personnelle susceptible de faire part d’une demande de rançon. Un bon gars, honnête, un amoureux de la vie simple, trouvant son bonheur personnel et son épanouissement au sein de ces contacts noués, même si fugaces, comme le temps inexorablement qui passe, qui lui servaient de supports intéressants pour ses articles. Comment diable avait-il pu dès lors se retrouver être la cible de quelques malversations, ou bien d’un quiproquo, et se retrouver dans cette situation désavantageuse ? Ayant toujours mis en avant son devoir de réserve, et ayant comme principe de protéger le secret de ses sources. 

Jim avait su saisir cette véritable nouvelle opportunité, en ayant assez de raconter des faits divers. Son rédacteur en chef, John Ashton, lui avait une proposition qu’il ne pouvait pas refuser, estimant qu’il était aussi le meilleur de la rédaction pour aborder ces sujets. John le suivait dans sa démarche, et les ventes du journal s’en étaient retrouvées augmentées. Jim tenait une chronique quotidiennement, faisant preuve d’aisance et d’un perpétuel renouvellement dans la manière d’aborder ses sujets, pour éviter de tomber dans la routine et dans les banalités. Il traitait désormais le sujet délicat de l’intégration de certaines communautés invisibles dans la société, communautés minoritaires qui avaient des modes de vie considérés comme pervers par une grande majorité de la population ignorante, se basant uniquement sur des préjugés. Ainsi des fragments d’une existence aveugle au commun des mortels, parce que se déroulant de nuit, trouvaient leur lectorat, qui demandait davantage de connaissances et d’éléments pour se faire leur propre opinion sur des sujets sociétaux qu’ils occultaient totalement. Parce que Jim possédait l’art de stimuler les esprits par son phrasé impeccable et sa justesse, grâce à la retranscription minutieuse des écoutes attentives qu’il effectuait. Il ne procédait jamais à des enregistrements audios de ses conversations, pour conserver la confidentialité des dialogues, juste ses carnets de notes qu’il remplissait de mots clés et d’expressions diverses caractéristiques des différents milieux qu’il côtoyait au cours de ses missions.

Jim était honoré de travailler sur de tels sujets, et il s’investissait durement pour convaincre son patron de la manière dont il menait ses opérations. Il ne comptait guère sur son propre sex-appeal pour faire un effet immédiat et pour convaincre le rédacteur en chef. John Ashton était certes un homme d’une cinquantaine d’années, brun ténébreux, fort séduisant avec cette barbe toujours bien taillée et ses cheveux aux tons poivre et sel, coupés courts. Absolument pas un homme attiré par le regard d’un autre homme, dans le sens attraction sexuelle, un homme marié depuis une quinzaine d’années avec une ravissante femme, avec laquelle il semblait en harmonie totale comme au premier jour. La verve de Jim, la manière dont il avait présenté le sujet qui lui était proposé, et l’intérêt qu’il pourrait trouver à développer une telle rubrique avaient cogité dans l’esprit de John tout droit sorti d’une grande école de journalisme, qui ne voyait que l’intérêt économique du journal, dans son développement, et surtout sa pérennité. Car les lecteurs avaient besoin d’une chronique sociale d’un genre particulier traité avec délicatesse et respect dont le journal pouvait faire défaut parfois, trop conventionnel dans le traitement des sujets quotidiens.

Jim n’avait jamais manifesté, que ce soit à l’occasion d’un brunch ou en réunion de travail à deux, le moindre geste ou mot déplacé à l’encontre de son patron et ami John, et pourtant les occasions avaient été nombreuses d’engager la conversation sur le thème de l’attirance physique, se sentant au contact de son patron comme un aimant poussé inéluctablement vers lui. Mais il était bien trop respectueux de la vie amoureuse et de l’être humain, et surtout estimant que seuls le travail et la motivation qu’il y mettait pourraient faire la différence, auprès de celui dont il avait su au fil des années gagner la confiance. Il appréciait simplement d’être un journaliste, et se concentrait à donner le meilleur de sa fonction. Il aimait également être écouté et soutenu dans la dynamique qu’il apportait à parler de sujets sociétaux, qui méritaient un arrêt sur image. John l’avait poussé dans la voie de l’élitisme, et Jim menait ses enquêtes avec un soin particulier en suivant le code de déontologie qui lui avait été enseigné à l’école du journalisme, parlant de ses sujets avec son esprit critique, sans jouer dans le renchérissement sensationnel, juste ce qu’il fallait pour apporter de la véracité à ses dires. Il était conscient qu’il n’est jamais bon de mêler les sentiments personnels dans le milieu professionnel, encore moins de les afficher ouvertement, ce qui ne pourrait que lui jouer de sales tours, la jalousie transpirant jusqu’au travers des murs des locaux.

Jim se retrouvait dans une position extrêmement inconfortable et indépendante de sa volonté, ne sachant absolument pas d’où pouvait venir la fronde à son encontre. Le traitement subi en ce lieu était une injure qui lui était faite, ne sachant pas, au travers des messages qu’il faisait passer dans ses articles, qui cela pouvait déranger au point de lui faire connaître un tel affront répressif et avilissant pour sa personne. Jim avait en l’instant du mal à rassembler tous ses esprits, il lui était impossible de se remémorer s’il avait été victime de brutalité sexuellement, comme pour lui faire passer l’envie de recommencer, son sexe étant au repos dans son sous-vêtement et ne ressentant pas de douleur lancinante au niveau anal.

Il comprit rapidement que sa survie, s’estimant être dans un piteux état, avec de multiples contusions, il ne la devrait qu’à son énergie et à sa clairvoyance, faisant abstraction de toute tentative de se souvenir du cheminement des dernières heures ayant précédé les faits. Rien ne paraissait insurmontable à la force de la nature qu’il était et Jim avait démontré son courage à maintes reprises. Il cherchait à se concentrer uniquement sur le moment présent pour focaliser tout son panache sur l’épreuve actuelle. Il n’avait pas remarqué que les menottes n’étaient pas solidement arrimées au tuyau du radiateur, n’ayant pas eu la force de tirer dessus pour se libérer et encore moins de crier pour appeler à l’aide, s’étant évanoui immédiatement suite au coup porté sur le crâne. Il avait été transporté en cet endroit, le seul constat qu’il pouvait établir.

Qui avait pu déplacer son corps en ces lieux, Jim étant quand même costaud, et pesant aussi son poids, plus de cent kilos. Qui souhaitait faire taire son travail assidu capable de réconcilier une partie de la population se faisant une fausse idée de ce qui pouvait se dérouler pendant la nuit. Qui pouvait en vouloir à John Ashton parallèlement, car le journal était dans le viseur avec de tels articles qui faisaient grand bruit manifestement sur la place publique. Autant de questions qui pour l’heure resteraient sans réponse, le journaliste ayant plus urgent à régler dans l’immédiat. Mais auxquelles, il espérait bien apporter quelques éclaircissements dès qu’il y verrait plus clair et qu’il aurait récupéré physiquement et psychologiquement.

Jim n’espérait pas convaincre, avec ses articles soigneusement préparés et articulés, mais donner une version plus éclairée de la réalité, prenant le soin de relever moult détails, en procédant à des recoupements d’informations, pour ne pas être aussi victime de ses propres préjugés, et ne pas non plus se laisser dépasser par ses propres émotions. Décrire le plus humblement possible et sans partir dans des élucubrations secondaires, ce dont il était témoin, posant avec précision les questions qui pourraient soulever de nouvelles interrogations, pour construire au mieux ses articles. Sa chronique n’avait rien de mondain ni de sensationnel, ne prétendant aucunement recevoir le prix Pulitzer, rapporter des faits, mais avec drôlerie et avec sa sensibilité particulière. Avec l’esprit professionnel du journaliste, avec des photographies à l’appui sur des sujets plus dérangeants, sur des minorités dont les lettres LGBT (Lesbienne Gay Bisexuel et Transgenre) et les substantifs GOTHIQUES n’étaient que peu ou très mal connus d’une société s’attachant uniquement aux libertés sexuelles, qui demeuraient de l’ordre du privé, mais qu’elle pouvait trouver dégradantes. D’autant dans les milieux puritains ou religieux intégristes.

Jim avait été confronté à des refus d’interviews, son boss ayant reçu des retours parfois disgracieux, voire injurieux, mais il n’avait jamais été démis de ses fonctions et de son travail méticuleux d’enquêtes, comprenant la gêne que les faits rapportés pouvaient causer dans les clubs très sélects de la ville, y compris jusque dans les instances politiques, où les discours tenus pourraient avoir tendance à déranger. Surtout si certaines personnalités avaient tendance à fréquenter certains de ces lieux, mais dans le plus grand secret. Pourtant, aucune plainte n’avait été portée depuis le début de ses investigations pour trouble à l’ordre public dans le voisinage, l’animation des commerces de nuit participant aussi aux revenus économiques de la ville, dont la municipalité tirait aussi un profit non négligeable.

Jim reprit ses esprits lentement, ses bras s’avérant marqués de plusieurs ecchymoses, probablement à la suite de nombreux coups portés sur chacun, comme s’il avait été amené à se défendre. Il eut la présence d’esprit de pouvoir se dégager en arrachant le tuyau auquel il était tenu, et de se hisser, à la force exclusive de ses bras musclés, jusqu’au fauteuil le plus proche, de velours marron foncé. Heureusement qu’il avait cette force physique, héritée des longues heures de musculation qu’il pratiquait en salle en dehors de ses heures de présence au journal, l’occasion pour lui de voir de beaux éphèbes nus, et de pouvoir échanger quelques mots.

Ses vêtements se trouvaient posés sur un canapé trois places de velours vert émeraude placé à proximité de ce fauteuil. Ils étaient disposés en vulgaire tas, sans prendre le soin de les étendre convenablement, comme si le ou les ravisseurs avaient eu à agir rapidement, sans doute dérangés dans leurs méfaits. Un petit air frais provenait de la salle de bain voisine, par le dessous de la porte, dont la fenêtre avait dû être laissée ouverte.

Jim se recroquevilla sur lui-même prenant sa tête entre ses mains tant ce mal de crâne ne cessait de tambouriner, et de composer une sonate de douleurs insupportables. Il se rappela que dans la poche intérieure de son veston, il laissait en permanence une boîte de paracétamol, ayant de fréquentes migraines depuis son plus jeune âge, conséquences du terrible accident de la circulation dont il avait été victime, qui demeuraient l’une des séquelles indélébiles de ce triste fait divers. Il se saisit de cette boîte et prit un comprimé. Il se mit debout afin d’aller vers la salle de bain pour chercher un verre d’eau, ses membres étant totalement endoloris. Il ouvrit doucement la porte, et se dirigea directement vers la fenêtre afin de la fermer. Une odeur pestilentielle se dégageait. Il avala le comprimé avec une gorgée d’eau, et en se retournant vers la baignoire qui se trouvait à l’opposé de la fenêtre, c’est là qu’il aperçut une masse dans le fond avec du sang qui remontait à la surface de l’eau devenue rouge écarlate.

Jim étouffa un cri de résignation, mettant son visage dans son bras afin que personne ne puisse entendre. Il eut un haut-le-cœur qui le fit vomir. Les faits commençaient à prendre une vilaine tournure. Un mystérieux meurtre perpétré dans cette minable chambre d’un hôtel au centre de la cité azuréenne. Une personne qui s’était à l’évidence trouvée au mauvais endroit au mauvais moment et dont le destin lui avait fait croiser le regard d’un tueur, un homme machiavélique qui cherchait manifestement à faire définitivement taire cette chronique populaire, et qui avait fomenté un stratagème pour faire porter le chapeau à Jim Wright, pour qu’il soit accusé de meurtre à la suite d’une violente querelle, qui aurait dégénéré accidentellement. Sauf que Jim se trouvait attaché, comment aurait-il pu assassiner cette personne et surtout dans quel but ?

Reprenant ses esprits tranquillement, sa terrible céphalée commençant à s’estomper, Jim réfléchit promptement. Tout devenait très clair dans sa tête, il ne pouvait en l’état demeurer en ces lieux, pour se voir accusé de meurtre avec préméditation, et terminer ses jours derrière les barreaux d’une cellule miteuse dans le centre pénitentiaire de la ville. Sa profession n’étant certainement pas la bienvenue dans un tel lieu, il se doutait du sort particulier réservé aux journaleux de son genre, menant des enquêtes dans les endroits morbides, fourmillant de vie dès la tombée de la nuit. Peu de monde dans le milieu carcéral cautionne les poseurs de questions, d’autant quand il s’agit de rentrer dans l’intimité des personnes, ce qui est très personnel.

Sans se départir de ses opinions personnelles, Jim mettait un point d’honneur à en faire abstraction de manière à garder en permanence son objectivité et son impartialité dans les rapports qu’il rédigeait et dans les faits qu’il énonçait. N’étaient-ce pas les principes premiers enseignés à l’école du journalisme ? Même si ces dernières années, il y avait eu une évolution dans les enseignements, avec davantage de laxisme par rapport aux attentes des nouveaux promus. Jim possédait cette qualité exceptionnelle, au-delà de la curiosité et d’en savoir toujours plus, pour bien ficeler ses sujets, de demeurer neutre en toutes circonstances par rapport aux réponses formulées à ces questions et de conserver intact son esprit critique. Ses qualités relationnelles, dont il était reconnu pour cela au sein du journal, lui permettaient de prendre du recul par rapport à tout événement dont il pourrait être amené à être témoin, se montrant d’une extrême disponibilité pour être sur lieu d’intervention dans les meilleurs délais et relever tous les éléments de voisinage ayant une incidence avec le reportage dont il était responsable. Un véritable professionnel qui avait aussi de l’ancienneté, qui ne perdait jamais son humour et sa bonne humeur. Mais là, malgré son imposante carrure, et son état d’esprit toujours égal à lui-même, quelqu’un avait décidé de frapper fort, et dans sa tête, les coups reçus tambourinaient encore, même si leur intensité s’était nettement amoindrie.

Qui était donc cette personne gisant dans cette mare infecte de sang ? Jim avait rapidement observé pour voir qu’elle était morte d’une probable hémorragie provoquée par le tranchage de sa gorge depuis le bas d’une oreille jusqu’à l’autre. Du sang recouvrait cette figure, et les cheveux étaient coiffés de telle manière qu’il paraissait en apparence méconnaissable. Pourtant, sur le moment, bien que n’ayant pas toutes ses facultés, cet homme ne lui avait pas paru être un inconnu. Peut-être qu’il se trompait au fond, peut-être que cet individu qui avait être vidé comme un porc à l’abattoir, ou au fin fond d’une campagne dans la plus pure tradition paysanne, n’avait absolument rien à voir avec lui et avec les enquêtes qu’il menait chaque nuit, en faisant le tour de plusieurs lieux bien connus dans le quartier du port. Bien que son cerveau fonctionnait encore au ralenti, Jim tentait de se convaincre qu’il ne pouvait s’agir que d’une coïncidence, que d’une tragédie du destin de cet homme, un simple citoyen, mais pas de condition sociale élevée, qui avait eu le triste malheur de rencontrer des gens peu scrupuleux ayant certainement dû lui promettre monts et merveilles en échange d’un silence absolu dans le milieu. Il n’était pas le moment de tergiverser ni de laisser des empreintes partout sur le corps sachant que l’instigateur de ce meurtre avait déjà dû faire le nécessaire pour faciliter l’orientation des enquêteurs. Jim rassembla ses vêtements, passa un peu d’eau fraîche sur son visage, afin d’enlever les traces de sang apparentes, sortit le mort de la baignoire pour le déposer à même le sol, prenant le temps de chercher s’il y avait une trace de vie émanant de ce corps inerte, mais il n’y en avait plus, puis saisit tout ce qui permettrait de remonter jusqu’à lui et ressortit de la salle de bain, prenant le soin de refermer la porte derrière lui avec un mouchoir. Il n’avait jamais été confronté directement à un macchabée au cours de sa carrière, et celui-là était déjà en état de décomposition, d’où les odeurs insupportables. La raison pour laquelle il ne s’attarda pas dans les détails.

Alors qu’il revenait dans la pièce centrale de la chambre, il entendit des sirènes hurlantes se rapprocher, peut-être qu’elles ne se dirigeaient pas vers l’hôtel, mais il ne pouvait pas prendre le risque de jouer avec le feu. Il devait immédiatement prendre congé des lieux et de cette mort suspecte qui ne lui inspirait que dégoût, étant un journaliste respectable et soucieux du travail bien fait, qui détestait les effets de manche, et qui détestait la mort. Il quitta la chambre veillant à n’être vu par personne. Il avait le temps de s’enfuir par l’une des ruelles attenantes et de se fondre dans la population prenant ses dispositions pour aller travailler, avant l’arrivée de la police.

Une première étape venait d’être franchie, sa sauvegarde personnelle prioritaire, mais toute cette histoire avait pris une allure incroyable et rocambolesque. Totalement inattendue. Jamais il n’aurait pensé que son travail assidu sur un sujet aussi intéressant que celui des communautés sociales minoritaires puisse se terminer par une accusation de meurtre. Mais il n’allait pas faire ce cadeau à celui qui cherchait à lui nuire. Il n’était pas journaliste pour rien étant capable de mener son enquête à titre personnel. Et il devait absolument savoir qui était cette personne lâchement assassinée.