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Un trésor littéraire intemporel :
Plongez dans l'univers fascinant des frères Grimm, dont les récits intemporels continuent de captiver des générations de lecteurs. Un chef-d'œuvre incontournable de la littérature mondiale, qui enchante aussi bien les enfants que les adultes.
Pour petits et grands :
Cette collection ne se contente pas d'enchanter les plus jeunes, elle offre aussi aux adultes une occasion précieuse de redécouvrir les contes de leur enfance. Des histoires qui aident à affronter les peurs tout en invitant à rêver.
Sagesse authentique et morales profondes :
Ces récits révèlent des réalités parfois dures mais toujours riches en leçons de vie. Les frères Grimm nous rappellent que tous les contes ne se terminent pas par une fin heureuse, mais c'est précisément dans cette vérité que réside toute leur force.
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Seitenzahl: 308
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Les frères Grimm
Les Contes de Grimm
Les frères Grimm les plus beaux contes classiques
Copyright © 2024 Éditions Novelaris
ISBN: 978-3-68931-030-1
Contes moraux
Les présents des gnomes
Blancheneige et Rougerose
La reine des abeilles
Le vieux grand-père et le petit-fils
Le fidèle Jean
Les deux compagnons en tournée
Le pêcheur et sa femme
Le fils ingrat
La gaspilleuse
Faute d’un clou
Jean le chanceux
Petites légendes pieuses
L’enfant de la Bonne Vierge
Les ducats tombés du ciel
Dieu nourrit les malheureux
Les trois rameaux verts
La pauvre vieille mère
Le festin céleste
Contes fantastiques et contes facétieux
L’homme à la peau d’ours
Les trois fileuses
Les trois cheveux d’or du diable
Tom Pouce
La table, l’âne et le bâton merveilleux
Les six compagnons qui viennent à bout de tout
Les nains magiques
I
II
III
Les trois héritiers chanceux
Les trois frères
Le fuseau, la navette et l’aiguille
La gardeuse d’oies près de la fontaine
L’ondine de l’étang
Petit frère et petite sœur
Le paysan dans le ciel
Le juif dans les épines
Le valeureux petit tailleur
Les vagabonds
Le jeune géant
Monsieur Pointu
Le lièvre et le hérisson
La tombe
L’ours et le roitelet
Les musiciens de la ville de Brême
Notes
Un tailleur et un forgeron voyageaient ensemble. Un soir, comme le soleil venait de se coucher derrière les montagnes, ils entendirent de loin le bruit d’une musique qui devenait plus claire à mesure qu’ils approchaient. C’était un son extraordinaire, mais si charmant qu’ils oublièrent toute leur fatigue pour se diriger à grands pas de ce côté. La lune était déjà levée, quand ils arrivèrent à une colline sur laquelle ils virent une foule de petits hommes et de petites femmes qui dansaient en rond d’un air joyeux, en se tenant par la main ; ils chantaient en même temps d’une façon ravissante, et c’était cette musique que les voyageurs avaient entendue. Au milieu se tenait un vieillard un peu plus grand que les autres, vêtu d’une robe de couleurs bariolées, et portant une barbe blanche qui lui descendait sur la poitrine. Les deux compagnons restaient immobiles d’étonnement en regardant la danse. Le vieillard leur fit signe d’entrer, et les petits danseurs ouvrirent leur cercle. Le forgeron entra sans hésiter : il avait le dos un peu rond, et il était hardi comme tous les bossus. Le tailleur eut d’abord un peu de peur et se tint en arrière ; mais, quand il vit que tout se passait si gaiement, il prit courage et entra aussi. Aussitôt le cercle se referma, et les petits êtres se remirent à chanter et à danser en faisant des bonds prodigieux ; mais le vieillard saisit un grand couteau qui était pendu à sa ceinture, se mit à le repasser, et quand il l’eut assez affilé, se tourna du côté des étrangers. Ils étaient glacés d’effroi ; mais leur anxiété ne fut pas longue : le vieillard s’empara du forgeron, et en un tour de main il lui eut rasé entièrement les cheveux et la barbe ; puis il en fit autant au tailleur. Quand il eut fini, il leur frappa amicalement sur l’épaule, comme pour leur dire qu’ils avaient bien fait de se laisser raser sans résistance, et leur peur se dissipa. Alors il leur montra du doigt un tas de charbons qui étaient tout près de là, et leur fit signe d’en remplir leurs poches. Tous deux obéirent sans savoir à quoi ces charbons leur serviraient, et ils continuèrent leur route afin de chercher un gîte pour la nuit. Comme ils arrivaient dans la vallée, la cloche d’un monastère voisin sonna minuit : à l’instant même le chant s’éteignit, tout disparut, et ils ne virent plus que la colline déserte éclairée par la lune.
Les deux voyageurs trouvèrent une auberge et se couchèrent sur la paille tout habillés, mais la fatigue leur fit oublier de se débarrasser de leurs charbons. Un fardeau inaccoutumé qui pesait sur eux les réveilla plus tôt qu’a l’ordinaire. Ils portèrent la main à leurs poches, et ils n’en voulaient pas croire leurs yeux quand ils virent qu’elles étaient pleines, non pas de charbons, mais de lingots d’or pur. Leur barbe et leurs cheveux avaient aussi repoussé merveilleusement. Désormais ils étaient riches ; seulement le forgeron qui, par suite de sa nature avide, avait mieux rempli ses poches, possédait le double de ce qu’avait le tailleur.
Mais un homme cupide veut toujours avoir plus que ce qu’il a. Le forgeron proposa au tailleur d’attendre encore un jour et de retourner le soir près du vieillard pour gagner de nouveaux trésors. Le tailleur refusa, disant : « J’en ai assez, et je suis content ; je veux seulement devenir maître en mon métier et épouser mon charmant objet (il appelait ainsi sa promise) ; et je serai un homme heureux. » Cependant pour faire plaisir à l’autre, il consentit à rester un jour encore.
Le soir, le forgeron prit deux sacs sur ses épaules pour emporter bonne charge, et il se mit en route vers la colline. Comme la nuit précédente il trouva les petites gens chantant et dansant ; le vieillard le rasa et lui fit signe de prendre des charbons. Il n’hésita pas à emplir ses poches et ses sacs, tant qu’il y en put entrer, s’en retourna joyeux à l’auberge et se coucha tout habillé. « Quand mon or commencera à peser, se dit-il, je le sentirai bien ; » et il s’endormit enfin dans la douce espérance de s’éveiller le lendemain matin riche comme un Crésus.
Dès qu’il eut les yeux ouverts, son premier soin fut de visiter ses poches ; mais il eut beau fouiller dedans, il n’y trouva que des charbons tout noirs. « Au moins, pensait- il, il me reste l’or que j’ai gagné l’autre nuit. » Il y alla voir ; hélas ! cet or aussi était redevenu charbon. Il porta à son front sa main noircie, et il sentit que sa tête était chauve et rase ainsi que son menton. Pourtant il ne connaissait pas encore tout son malheur : il vit bientôt qu’à la bosse qu’il portait par derrière s’en était jointe une autre par devant.
Il sentit alors qu’il recevait le châtiment de sa cupidité et se mit à pousser des gémissements. Le bon tailleur, éveillé par ses lamentations, le consola de son mieux et lui dit : « Nous sommes compagnons, nous avons fait notre tournée ensemble ; reste avec moi, mon trésor nous nourrira tous deux. »
Il tint parole, mais le forgeron fut obligé de porter toute sa vie ses deux bosses et de cacher sous un bonnet sa tête dépouillée de cheveux.
Une pauvre veuve vivait dans une chaumière isolée ; dans le jardin qui était devant la porte, il y avait deux rosiers, dont l’un portait des roses blanches et l’autre des roses rouges. La veuve avait deux filles qui ressemblaient aux deux rosiers ; l’une se nommait Blancheneige et l’autre Rougerose. C’étaient les deux enfants les plus pieux, les plus obéissants et les plus laborieux que le monde eût jamais vus ; mais Blancheneige était d’un caractère plus tranquille et plus doux. Rougerose courait plus volontiers dans les prés et dans les champs, à la recherche des fleurs et des papillons. Blancheneige restait à la maison avec sa mère, l’aidait aux travaux du ménage, et lui faisait la lecture quand l’ouvrage était fini. Les deux sœurs s’aimaient tant, qu’elles se tenaient par la main toutes les fois qu’elles sortaient ensemble ; et quand Blancheneige disait : « Nous ne nous quitterons jamais, » Rougerose répondait : « Tant que nous vivrons ; » et la mère ajoutait : « Tout devra être commun entre vous deux. » Elles allaient souvent seules au bois pour cueillir des fruits sauvages ; les animaux les respectaient et s’approchaient d’elles sans crainte. Le lièvre mangeait dans leur main, le chevreuil paissait à leurs côtés, le cerf folâtrait devant elles, et les oiseaux perchés sur les branches voisines chantaient leurs plus jolies chansons. Jamais il ne leur arrivait rien de fâcheux : si la nuit les surprenait dans le bois, elles se couchaient sur la mousse l’une près de l’autre et dormaient jusqu’au lendemain, sans que leur mère eût aucune inquiétude.
Une fois qu’elles avaient passé la nuit dans le bois, quand l’aurore les réveilla, elles virent près d’elles un bel enfant vêtu d’une robe d’un blanc éclatant ; il attachait sur elles un regard amical, mais il disparut dans le bois sans dire un mot. Elles s’aperçurent alors qu’elles s’étaient couchées tout près d’un précipice, et qu’elles seraient tombées si elles avaient fait seulement deux pas de plus dans les ténèbres. Leur mère leur dit que cet enfant était sans doute l’ange gardien des bonnes petites filles.
Blancheneige et Rougerose tenaient la cabane de leur mère si propre qu’on aurait pu se mirer dedans. En été, Rougerose avait soin du ménage, et chaque matin sa mère trouvait à son réveil un bouquet dans lequel il y avait une fleur de chacun des deux rosiers. En hiver, Blancheneige allumait le feu et accrochait la marmite à la crémaillère, et la marmite était en cuivre jaune qui brillait comme de l’or, tant elle était bien écurée. Le soir, quand la neige tombait, la mère disait : « Blancheneige, va mettre le verrou. » Ensuite elles s’asseyaient au coin du feu ; la mère mettait ses lunettes et faisait la lecture dans un grand livre, et les deux petites écoutaient tout en filant leur quenouille. Auprès d’elles était couché un petit agneau, et derrière, une tourterelle dormait sur son perchoir, la tête sous l’aile.
Un soir qu’elles étaient réunies tranquillement, on frappa à la porte. « Rougerose, dit la mère, va vite ouvrir ; c’est sans doute quelque voyageur égaré qui cherche un abri pour la nuit. »
Rougerose alla tirer le verrou, et elle s’attendait à voir entrer un pauvre homme, quand un ours passa sa grosse tête noire par la porte entr’ouverte. Rougerose s’enfuit en poussant des cris ; l’agneau se mit à bêler, la colombe à voler par toute la chambre, et Blancheneige courut se cacher derrière le lit de sa mère. Mais l’ours leur dit : « Ne craignez rien ; je ne vous ferai pas de mal. Je vous demande seulement la permission de me chauffer un peu, car je suis à moitié gelé.
– Approche-toi du feu, pauvre ours, répondit la mère ; prends garde seulement de brûler ta fourrure. »
Puis elle appela : « Blancheneige, Rougerose, revenez ; l’ours ne vous fera pas de mal, il n’a que de bonnes intentions. »
Elles revinrent toutes deux, et peu à peu l’agneau et la tourterelle s’approchèrent aussi et oublièrent leur frayeur.
L’ours dit : « Enfants, secouez un peu la neige qui est sur mon dos ! »
Elles prirent le balai et lui nettoyèrent toute la peau ; puis il s’étendit devant le feu en faisant des grognements d’aise et de satisfaction. Elles ne tardèrent pas à se rassurer tout à fait et même à jouer avec cet hôte inattendu. Elles lui tiraient le poil ; elles lui montaient sur le dos, le roulaient dans la chambre, lui donnaient de petits coups de baguette, et, quand il grognait, elles éclataient de rire. L’ours se laissait faire ; seulement, quand le jeu allait trop loin, il leur disait : « Laissez-moi vivre ; ne tuez pas votre prétendu. »
Quand on alla se coucher, la mère lui dit : « Reste là, passe la nuit devant le feu ; au moins tu seras à l’abri du froid et du mauvais temps. »
Dès l’aurore, les petites filles lui ouvrirent la porte, et il s’en alla dans le bois en trottant sur la neige. À partir de ce jour, il revint chaque soir à la même heure ; il s’étendait devant le feu et les enfants jouaient avec lui tant qu’elles voulaient. On était tellement accoutumé à sa présence qu’on ne mettait pas le verrou à la porte avant qu’il fût arrivé.
Quand le printemps fut de retour et que tout fut vert au dehors, l’ours dit un matin à Blancheneige : « Je m’en vais et je ne reviendrai pas de l’été.
– Où vas-tu donc, cher ours ? demanda Blancheneige.
– Je vais dans le bois ; il faut que je garde mes trésors contre les méchants nains. L’hiver, quand la terre est gelée, ils sont forcés de rester dans leurs trous sans pouvoir se frayer un passage ; mais à présent que le soleil a réchauffé la terre, ils vont sortir pour aller à la maraude. Ce qu’ils ont pris et caché dans leurs trous ne revient pas aisément à la lumière ! »
Blancheneige était toute triste du départ de l’ours. Quand elle lui ouvrit la porte, il s’écorcha un peu en passant contre le loquet ; elle crut avoir vu briller de l’or sous sa peau, mais elle n’en était pas bien sûre. L’ours partit au plus vite, et disparut bientôt derrière les arbres.
Quelque temps après, la mère ayant envoyé ses filles ramasser du bois mort dans la forêt, elles virent un grand arbre abattu, et quelque chose qui s’agitait çà et là dans l’herbe près du tronc, sans qu’on pût bien distinguer ce que c’était. En approchant, elles reconnurent que c’était un petit nain au visage vieux et ridé, avec une barbe blanche longue d’une aune. La barbe était prise dans une fente de l’arbre, et le nain sautillait comme un jeune chien après une ficelle, sans pouvoir la dégager. Il fixa des yeux ardents sur les deux petites et leur cria : « Que faites-vous là plantées, plutôt que de venir à mon secours ?
– Pauvre petit homme, demanda Rougerose, comment t’es-tu ainsi pris au piège ?
– Sotte curieuse, répliqua le nain, je voulais fendre cet arbre afin d’avoir du petit bois en éclats pour ma cuisine ; car nos plats sont mignons et les grosses bûches les brûleraient ; nous ne nous crevons pas de mangeaille comme votre engeance grossière et goulue. J’avais donc déjà introduit mon coin dans le bois, mais ce maudit coin était trop glissant ; il a sauté au moment où je m’y attendais le moins, et le tronc s’est refermé si vite que je n’ai pas eu le temps de retirer ma belle barbe blanche ; maintenant elle est prise et je ne peux plus la ravoir. Les voilà qui se mettent à rire, les niaises figures de crème ! Fi ! que vous êtes laides ! »
Les enfants eurent beau se donner du mal, elles ne purent dégager la barbe, qui tenait comme dans un étau. « Je cours chercher du monde, dit Rougerose.
– Appeler du monde ! s’écria le nain de sa voix rauque ; vous êtes déjà trop de vous deux, imbéciles bourriques !
– Un peu de patience, dit Blancheneige, nous allons vous tirer d’affaire. »
Et, sortant de sa poche ses petits ciseaux, elle coupa le bout de la barbe. Dès que le nain fut libre, il alla prendre un sac plein d’or qui était caché dans les racines de l’arbre, en murmurant : « Grossières créatures que ces enfants ! couper un bout de ma barbe magnifique ! Que le diable vous récompense ! » Puis il mit le sac sur son dos, et s’en alla sans seulement les regarder.
À quelques mois de là, les deux sœurs allèrent un jour pêcher un plat de poisson. En approchant de la rivière, elles aperçurent une espèce de grosse sauterelle qui sautait au bord de l’eau comme si elle avait voulu s’y jeter. Elles accoururent et reconnurent le nain. « Qu’as-tu donc ? dit Rougerose ; est-ce que tu veux te jeter à l’eau ?
– Pas si bête, s’écria le nain ; ne voyez-vous pas que c’est ce maudit poisson qui veut m’entraîner. »
Il avait jeté sa ligne ; mais malheureusement le vent avait mêlé sa barbe avec le fil, et, quelques instants après, quand un gros poisson vint mordre à l’appât, les forces de la faible créature ne suffirent pas à le tirer de l’eau ; le poisson avait le dessus et attirait à lui le nain. Il avait beau se retenir aux joncs et aux herbes de la rive, le poisson l’entraînait et il était en danger de tomber à l’eau. Les petites arrivèrent à temps pour le retenir, et elles essayèrent de dégager sa barbe, mais ce fut en vain, tant elle était mêlée avec le fil. Il fallut encore avoir recours aux ciseaux et en couper un tout petit bout. Dès que le nain s’en aperçut, il s’écria avec colère : « Est-ce votre habitude, sottes brutes, de défigurer ainsi les gens ? Ce n’est pas assez de m’avoir écourté la barbe une première fois, il faut aujourd’hui que vous m’en coupiez la moitié ; je n’oserai plus me montrer à mes frères. Puissiez-vous courir sans souliers et vous écorcher les pieds ! » Et, prenant un sac de perles qui était caché dans les roseaux, il le traîna après lui, sans ajouter un seul mot, et disparut aussitôt derrière une pierre.
Peu de temps après, la mère envoya ses filles à la ville pour acheter du fil, des aiguilles et des rubans. Il leur fallait passer par une lande parsemée de gros rochers. Elles aperçurent un grand oiseau qui planait en l’air, et qui, après avoir longtemps tourné au-dessus de leurs têtes, tout en descendant peu à peu, finit par fondre brusquement sur le sol. En même temps, on entendit des cris perçants et lamentables. Elles accoururent et virent avec effroi un aigle qui tenait dans ses serres leur vieille connaissance le nain, et qui cherchait à l’enlever. Les petites filles, dans la bonté de leur cœur, retinrent le nain de toutes leurs forces et se débattirent si bien contre l’aigle qu’il finit par lâcher sa proie ; mais, quand le nain fut un peu remis de sa frayeur, il leur cria de sa voix glapissante : « Ne pouviez-vous pas vous y prendre un peu moins rudement ? Vous avez si bien tiré sur ma pauvre robe qu’elle est maintenant en lambeaux, petites rustres maladroites que vous êtes ! » Puis il prit son sac plein de pierres précieuses et se glissa dans son trou au milieu des rochers. Les petites étaient accoutumées à son ingratitude : elles se remirent en chemin et allèrent faire leurs emplettes à la ville.
En repassant par la lande à leur retour, elles surprirent le nain qui avait vidé devant lui son sac de pierres précieuses, ne songeant pas que personne dût passer par là si tard. Le soleil couchant éclairait les pierreries, qui lançaient des feux si merveilleux que les petites s’arrêtèrent immobiles à les considérer. « Pourquoi restez-vous là à bayer aux corneilles ? » leur dit-il ; et son visage, ordinairement gris, était rouge de colère.
Il allait continuer ses injures quand on entendit un grognement terrible, et un ours noir sortit du bois. Le nain, plein d’effroi, voulut fuir, mais il n’eut pas le temps de regagner sa cachette : l’ours lui barra le chemin. Alors, il le supplia avec un accent désespéré : « Cher seigneur ours, épargnez-moi et je vous donnerai tous mes trésors, tous ces joyaux que vous voyez devant vous. Accordez-moi la vie : que gagneriez-vous à tuer un misérable nain comme moi ? Vous ne me sentiriez pas sous vos dents. Prenez plutôt ces deux maudites petites filles ; ce sont deux bons morceaux, gras comme des cailles ; croquez-les, au nom de Dieu. » Mais l’ours, sans l’écouter, donna à cette méchante créature un seul coup de patte qui l’étendit raide mort.
Les petites s’étaient sauvées ; mais l’ours leur cria : « Blancheneige, Rougerose, n’ayez pas peur ; attendez-moi. »
Elles reconnurent sa voix et s’arrêtèrent, et, quand il fut près d’elles, sa peau d’ours tomba tout à coup et elles virent un beau jeune homme, tout revêtu d’habits dorés. « Je suis prince, leur dit-il ; cet infâme nain m’avait changé en ours, après m’avoir volé mes trésors ; il m’avait condamné à courir les bois sous cette forme, et je ne pouvais être délivré que par sa mort. Maintenant il a reçu le prix de sa méchanceté. »
Blancheneige épousa le prince et Rougerose épousa son frère ; ils partagèrent entre eux les grands trésors que le nain avait amassés dans son trou. La vieille mère vécut encore de longues années, tranquille et heureuse près de ses enfants. Elle prit les deux rosiers et les plaça sur sa fenêtre ; ils portaient chaque été les plus belles roses, blanches et rouges.
Il y avait une fois deux fils de roi qui s’en allèrent chercher les aventures et se jetèrent dans les dérèglements et la dissipation, si bien qu’ils ne revinrent pas à la maison paternelle. Leur frère cadet, qu’on appelait le petit nigaud, se mit à leur recherche ; mais, quand il les eut retrouvés, ils se moquèrent de lui, qui, dans sa simplicité, prétendait se diriger dans un monde où ils s’étaient perdus tous deux, eux qui avaient bien plus d’esprit que lui.
S’étant mis ensemble en chemin, ils rencontrèrent une fourmilière. Les deux aînés voulaient la bouleverser pour s’amuser de l’anxiété des petites fourmis, et les voir courir de tous côtés en emportant leurs œufs ; mais le petit nigaud leur dit : « Laissez en paix ces animaux, je ne souffrirai pas qu’on les trouble. »
Plus loin ils trouvèrent un lac sur lequel nageaient je ne sais combien de canards. Les deux aînés en voulaient prendre une couple pour les faire rôtir ; mais le jeune s’y opposa en disant : « Laissez en paix ces animaux ; je ne souffrirai pas qu’on les tue. »
Plus loin encore ils aperçurent dans un arbre un nid d’abeilles, si plein de miel qu’il en coulait tout le long du tronc. Les deux aînés voulaient faire du feu sous l’arbre pour enfumer les abeilles et s’emparer du miel. Mais le petit nigaud les retint et leur dit : « Laissez ces animaux en paix ; je ne souffrirai pas que vous les brûliez. »
Enfin les trois frères arrivèrent dans un château dont les écuries étaient pleines de chevaux changés en pierre ; on n’y voyait personne. Ils traversèrent toutes les salles et parvinrent à la fin devant une porte fermée par trois serrures. Au milieu de la porte il y avait un petit guichet par lequel on apercevait un appartement. Ils y virent un petit homme à cheveux gris, assis devant une table. Ils l’appelèrent une fois, deux fois, sans qu’il parût entendre ; à la troisième, il se leva, ouvrit la porte et sortit au-devant d’eux ; puis sans prononcer une parole, il les conduisit à une table richement servie, et, quand ils eurent bu et mangé, il les mena chacun dans une chambre à coucher séparée.
Le lendemain matin, le petit vieillard vint à l’aîné des frères, et lui faisant signe de le suivre, il le conduisit devant une table de pierre, sur laquelle étaient écrites trois épreuves dont il fallait venir à bout pour désenchanter le château. La première était de chercher dans la mousse, au milieu des bois, les mille perles de la princesse, qu’on y avait semées ; et, si le chercheur ne les avait pas trouvées toutes avant le coucher du soleil, sans qu’il en manquât une seule, il serait changé en pierre. L’aîné passa tout le jour à chercher les perles ; mais, quand arriva le soir, il n’en avait pas trouvé plus de cent, et il fut changé en pierre, comme il était écrit sur la table. Le lendemain, le second frère entreprit l’aventure ; mais il ne réussit pas mieux que son aîné : il ne trouva que deux cents perles, et il fut changé en pierre.
Enfin vint le tour du petit nigaud. Il chercha les perles dans la mousse. Mais comme c’était bien difficile et bien long, il s’assit sur une pierre et se mit à pleurer. Il en était là, quand le roi des fourmis auquel il avait sauvé la vie, arriva avec cinq mille de ses sujets, et il ne fallut qu’un instant à ces petits animaux pour trouver toutes les perles et les réunir en un seul tas.
La seconde épreuve consistait à repêcher la clef de la chambre à coucher de la princesse, qui était au fond du lac. Quand le jeune homme approcha, les canards qu’il avait sauvés vinrent à sa rencontre, plongèrent au fond de l’eau et en rapportèrent la clef.
Mais la troisième épreuve était la plus difficile : il fallait reconnaître la plus jeune et la plus aimable d’entre les trois princesses endormies. Elles se ressemblaient parfaitement, et la seule chose qui les distinguât était qu’avant de s’endormir l’aînée avait mangé un morceau de sucre, tandis que la seconde avait bu une gorgée de sirop, et que la troisième avait pris une cuillerée de miel. Mais la reine des abeilles que le jeune homme avait sauvées du feu vint à son secours : elle alla flairer la bouche des trois princesses, et resta posée sur les lèvres de celle qui avait mangé du miel : le prince la reconnut ainsi. Alors, l’enchantement étant détruit, le château fut tiré de son sommeil magique, et tous ceux qui étaient changés en pierres reprirent la forme humaine. Le prétendu nigaud épousa la plus jeune et la plus aimable des princesses, et il fut roi après la mort de son père. Quant à ses deux frères, ils épousèrent les deux autres sœurs.
Il était une fois un pauvre homme bien vieux, qui avait les yeux troubles, l’oreille dure et les genoux tremblants. Quand il était à table, il pouvait à peine tenir sa cuillère ; il répandait de la soupe sur la nappe, et quelquefois même en laissait échapper de sa bouche. La femme de son fils et son fils lui-même en avaient pris un grand dégoût, et à la fin ils le reléguèrent dans un coin derrière le poêle, où ils lui donnaient à manger une chétive pitance dans une vieille écuelle de terre. Le vieillard avaient souvent les larmes aux yeux, et regardait tristement du côté de la table.
Un jour, l’écuelle, que tenaient mal ses mains tremblantes, tomba à terre et se brisa. La jeune femme s’emporta en reproches : il n’osa rien répondre et baissa la tête en soupirant. On lui acheta pour deux liards une écuelle de bois dans laquelle désormais on lui donnait à manger.
Quelques jours après, son fils et sa belle-fille virent leur enfant, qui avait quatre ans, occupé à assembler par terre de petites planchettes. « Que fais-tu là ? lui demanda son père.
– C’est un auget, répondit-il, pour donner à manger à papa et à maman quand ils seront vieux. »
Le mari et la femme se regardèrent un instant sans rien dire, puis ils se mirent à pleurer, reprirent le vieux grand-père à table, et désormais le firent toujours manger avec eux, sans plus jamais le rudoyer.
Il était une fois un vieux roi qui tomba malade. Sentant qu’il allait mourir, il fit appeler le fidèle Jean ; c’était son plus cher serviteur, et on le nommait ainsi parce que toute sa vie il avait été fidèle à son maître. Quand il fut venu, le roi lui dit : « Mon fidèle Jean, je sens que ma fin s’approche, je n’ai de souci qu’en songeant à mon fils ; il est encore bien jeune ; il ne saura pas toujours se diriger ; je ne mourrai tranquille que si tu me promets de veiller sur lui, de l’instruire de tout ce qu’il doit savoir, et d’être pour lui un second père.
– Je vous promets, répondit Jean, de ne pas l’abandonner ; je le servirai fidèlement, dût-il m’en coûter la vie.
– Je peux donc mourir en paix, dit le vieux roi. Après ma mort, tu lui feras voir tout le palais, toutes les chambres, les salles, les souterrains avec les richesses qui y sont renfermées ; seulement tu ne le laisseras pas entrer dans la dernière chambre de la grande galerie, où se trouve le portrait de la princesse du Dôme d’or. Car, s’il voit ce tableau, il ressentira pour elle un amour irrésistible qui lui fera courir les plus grands dangers. Tâche de l’en préserver. »
Le fidèle Jean réitéra ses promesses, et le vieux roi, tranquillisé, posa sa tête sur l’oreiller et expira.
Quand on eut mis le vieux roi au tombeau, Jean raconta au jeune successeur ce qu’il avait promis à son père, au lit de mort. « Je le tiendrai, ajouta-t-il, et je vous serai fidèle comme je l’ai été à votre père, dût-il m’en coûter la vie. »
Après que le grand deuil fut passé, Jean dit au roi : « Il est temps que vous connaissiez votre héritage. Je vais vous faire voir le palais de votre père. »
Il le conduisit partout, de haut en bas, et lui fit voir toutes les richesses qui remplissaient les splendides appartements, en omettant seulement la chambre où était le dangereux portrait. Il avait été placé de telle sorte que, lorsqu’on ouvrait la porte, on l’apercevait aussitôt, et il était si bien fait qu’il semblait vivre et respirer et que rien au monde n’était si beau ni si aimable. Le jeune roi vit bien que le fidèle Jean passait toujours devant cette porte sans l’ouvrir, et il lui demanda pourquoi. « C’est, répondit l’autre, parce qu’il y a dans la chambre quelque chose qui vous ferait peur.
– J’ai vu tout le château, dit le roi, je veux savoir ce qu’il y a ici ; » et il voulait l’ouvrir de force.
Le fidèle Jean le retint encore et lui dit : « J’ai promis à votre père, à son lit de mort, de ne pas vous laisser entrer dans cette chambre : il en pourrait résulter les plus grands malheurs pour vous et pour moi.
– Le malheur le plus grand, répliqua le roi, c’est que ma curiosité ne soit pas satisfaite. Je n’aurai de repos que lorsque mes yeux auront vu. Je ne sors pas d’ici que tu ne m’aies ouvert. »
Le fidèle Jean, voyant qu’il n’y avait plus moyen de s’y refuser, alla, le cœur bien gros et en soupirant beaucoup, chercher la clef au grand trousseau. Quand la porte fut ouverte, il entra le premier, tâchant de cacher le portrait avec son corps ; tout fut inutile : le roi, en se dressant sur la pointe des pieds, l’aperçut par-dessus son épaule. Mais en voyant cette image de jeune fille si belle et si brillante d’or et de pierreries, il tomba sans connaissance sur le parquet. Le fidèle Jean le releva et le porta sur son lit, tout en murmurant : « Le malheur est fait ; grand Dieu ! qu’allons-nous devenir ? » et il lui fit prendre un peu de vin pour le réconforter.
Le premier mot du roi, quand il revint à lui, fut pour demander quel était ce beau portrait. « C’est celui de la princesse du Dôme d’or, répondit le fidèle Jean.
– Mon amour pour elle est si grand, continua le roi, que, si toutes les feuilles des arbres étaient des langues, elles ne suffiraient pas à l’exprimer. Ma vie tient désormais à sa possession. Tu m’aideras, toi qui es mon fidèle serviteur. »
Le fidèle Jean réfléchit longtemps à la manière dont il convenait de s’y prendre ; car il était difficile même de se présenter devant les yeux de la princesse. Enfin, il imagina un moyen, et dit au roi : « Tout ce qui entoure la princesse est d’or, chaises, plats, tables, gobelets, meubles de toute espèce. Vous avez cinq tonnes d’or dans votre trésor ; il faut en confier une aux orfèvres pour qu’ils vous en fassent des vases et des bijoux d’or de toutes les façons, des oiseaux, des bêtes sauvages, des monstres de mille formes ; tout cela doit plaire à la princesse. Nous nous mettrons en route avec ce bagage, et nous tâcherons de réussir. »
Le roi fit venir tous les orfèvres du pays, et ils travaillèrent nuit et jour jusqu’à ce que tout fût prêt. Quand on en eut chargé un navire, le fidèle Jean prit des habits de marchand, et le roi en fit autant, pour que personne ne pût le reconnaître. Puis ils mirent à la voile et naviguèrent jusqu’à la ville où demeurait la princesse du Dôme d’or.
Le fidèle Jean débarqua seul et laissa le roi dans le navire. « Peut-être, lui dit-il, ramènerai-je la princesse ; ayez soin que tout soit en ordre, que les vases d’or soient exposés et que le navire soit paré et en fête. » Là-dessus il remplit sa ceinture de plusieurs petits bijoux d’or, et se rendit directement au palais du roi.
Il vit en entrant dans la cour une jeune fille qui puisait de l’eau à une fontaine avec deux seaux d’or. Comme elle se retournait pour s’en aller, elle aperçut l’étranger et lui demanda qui il était. « Je suis marchand, » répondit-il ; et ouvrant sa ceinture, il lui fit voir ses marchandises.
« Que de belles choses ! » s’écria-t-elle ; et, posant ses seaux à terre, elle se mit à considérer tous les bijoux les uns après les autres. « Il faut, dit-elle, que la princesse voie tout cela ; elle vous l’achètera, elle qui aime tant les objets d’or. » Et, le prenant par la main, elle le fit monter dans le palais, car c’était une femme de chambre.
La princesse fut ravie de voir les bijoux, et elle dit : « Tout cela est si bien travaillé que je l’achète. »
Mais le fidèle Jean répondit : « Je ne suis que le serviteur d’un riche marchand ; tout ce que vous voyez ici n’est rien auprès de ce que mon maître a dans son navire ; vous y verrez les ouvrages d’or les plus beaux et les plus précieux. »
Elle voulait se les faire apporter, mais il dit : « Il y en a trop, il faudrait trop de temps et trop de place ; votre palais n’y suffirait pas. »
Sa curiosité n’en était que plus excitée, et enfin elle s’écria : « Eh bien ! conduis-moi à ce navire, je veux aller moi-même voir les trésors de ton maître. »
Le fidèle Jean la mena tout joyeux au navire, et le roi en la voyant la trouva encore plus belle que son portrait ; le cœur lui en bondissait de joie. Quand elle fut montée à bord, le roi lui offrit la main ; pendant ce temps-là, le fidèle Jean, qui était resté derrière, ordonna au capitaine de lever l’ancre à l’instant et de fuir à toutes voiles. Le roi était descendu avec elle dans la chambre et lui montrait une à une toutes les pièces de la vaisselle d’or, les plats, les coupes, les oiseaux, les bêtes sauvages et les monstres. Plusieurs heures se passèrent ainsi, et, pendant qu’elle était occupée à tout examiner, elle ne s’apercevait pas que le navire marchait. Quand elle eut fini, elle remercia le prétendu marchand et se disposa à retourner dans son palais ; mais, arrivée sur le pont, elle s’aperçut qu’elle était en pleine mer, bien loin de la terre, et que le navire cinglait à pleines voiles. « Je suis trahie ! s’écria-t-elle dans son effroi ; on m’emmène ! Être tombée au pouvoir d’un marchand ! j’aimerais mieux mourir. »
Mais le roi lui dit en lui prenant la main : « Je ne suis pas marchand ; je suis roi, et d’une aussi bonne famille que la vôtre. Si je vous ai enlevée par ruse, ne l’attribuez qu’à la violence de mon amour. Il est si fort que, quand j’ai vu votre portrait pour la première fois, j’en suis tombé sans connaissance à la renverse. »
Ces paroles consolèrent la princesse ; son cœur en fut touché, et elle consentit à épouser le roi.
Pendant qu’ils naviguaient en pleine mer, le fidèle Jean, étant assis un jour à l’avant du navire, aperçut dans l’air trois corneilles qui vinrent se poser devant lui. Il prêta l’oreille à ce qu’elles se disaient entre elles, car il comprenait leur langage. « Eh bien ! disait la première, il emmène la princesse du Dôme d’or !
– Oui, répondit la seconde, mais il ne la tient pas encore.
– Comment ? dit la troisième ; elle est assise près de lui.