Les Délices de la Sagesse sur l’Amour Conjugal - Emanuel Swedenborg - E-Book

Les Délices de la Sagesse sur l’Amour Conjugal E-Book

Emanuel Swedenborg

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Beschreibung

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« Swedenborg fut grand comme homme de science, grand comme philosophe et grand comme théologien. Nous avons eu de grands hommes de science, de grands philosophes et de grands théologiens, mais Swedenborg est le seul dans l'histoire du monde qui fut grand dans chacun de ces trois domaines. C'est pourquoi il fut unique. »
  — Sir Alfred Russel Wallace - naturaliste anglais

À la fois éminent scientifique, linguiste réputé, intrépide voyageur, grand philosophe et habile théologien, Emanuel Swedenborg fut surnommé l’ Aristote de Suède. Il nous a laissé une bibliographie riche avec plus d’une cinquantaine d’ouvrages publiés et des centaines d’oeuvres posthumes.  Il nous offre avec ce texte la description de la nature céleste de la complémentarité entre mari et femme, affirmant la permanence de la vie conjugale dans l'au-delà ; les époux formant ensemble un « Ange » et vivant éternellement unis l’un à l’autre après la mort dans une jeunesse perpétuelle. Le texte est suivi de Les Voluptés de la Folie sur l’Amour Scortatoire, l’amour scortatoire désignant les désirs malsains qui sont contraires à la réalisation harmonieuse du couple et qui le tuent.
De nombreuses églises se réclament, encore de nos jours, aux quatre coins du monde, de ses écrits théologiques, écrits perçus comme étant la vérité Divine même.

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Les Délices de la Sagesse sur l’Amour Conjugal

suivi de Les Voluptés de la Folie sur l’Amour Scortatoire

Emanuel Swedenborg

Traduit du latin parJ.-F.-E. LE BOYS DES GUAYS

Alicia Éditions

Swedenborg fut grand comme homme de science, grand comme philosophe et grand comme théologien. Nous avons eu de grands hommes de science, de grands philosophes et de grands théologiens, mais Swedenborg est le seul dans l'histoire du monde qui fut grand dans chacun de ces trois domaines. C'est pourquoi il fut unique.

Sir Alfred Russel Wallace - naturaliste anglais

Table des matières

LES DÉLICES DE LA SAGESSE SUR L’AMOUR CONJUGAL

PRÉLIMINAIRES SUR LES JOIES DU CIEL, ET SUR LES NOCES DANS LE CIEL.

DES MARIAGES DANS LE CIEL.

DE L’ÉTAT DES ÉPOUX APRÈS LA MORT.

DE L’AMOUR VRAIMENT CONJUGAL.

DE L’ORIGINE DE L’AMOUR CONJUGAL D’APRÈS LE MARIAGE DU BIEN ET DU VRAI.

DU MARIAGE DU SEIGNEUR ET DE L’ÉGLISE, ET DE SA CORRESPONDANCE.

DU CHASTE ET DU NON-CHASTE.

DE LA CONJONCTION DES ÂMES ET DES MENTALS PAR LE MARIAGE, LAQUELLE EST ENTENDUE PAR CES PAROLES DU SEIGNEUR : ILS NE SONT PLUS DEUX, MAIS UNE SEULE CHAIR.

DU CHANGEMENT D’ÉTAT DE LA VIE CHEZ LES HOMMES ET CHEZ LES FEMMES PAR LE MARIAGE.

UNIVERSAUX CONCERNANT LES MARIAGES.

DES CAUSES DES FROIDEURS, DES SÉPARATIONS ET DES DIVORCES DANS LES MARIAGES.

DES CAUSES D’AMOUR APPARENT, D’AMITIÉ APPARENTE, ET DE FAVEUR DANS LES MARIAGES.

DES FIANÇAILLES ET DES NOCES

DES MARIAGES RÉITÉRÉS.

DE LA POLYGAMIE.

DE LA JALOUSIE.

DE LA CONJONCTION DE L’AMOUR CONJUGAL AVEC L’AMOUR DES ENFANTS.

LES VOLUPTÉS DE LA FOLIE SUR L’AMOUR SCORTATOIRE

DE L’OPPOSITION DE L’AMOUR SCORTATOIRE ET DE L’AMOUR CONJUGAL.

DE LA FORNICATION.

DU CONCUBINAGE.

DES ADULTÈRES, DE LEURS GENRES ET DE LEURS DEGRÉS.

DU DÉSIR LIBIDINEUX DE DÉFLORATION.

DU DÉSIR LIBIDINEUX DE VARIÉTÉS.

DU DÉSIR LIBIDINEUX DE SÉDUIRE DES INNOCENCES.

DE LA CORRESPONDANCE DES SCORTATIONS AVEC LA VIOLATION DU MARIAGE SPIRITUEL.

DE L’IMPUTATION DE L’UN ET DE L’AUTRE AMOUR, LE SCORTATOIRE ET LE CONJUGAL.

LES DÉLICES DE LA SAGESSE SUR L’AMOUR CONJUGAL

PRÉLIMINAIRES SUR LES JOIES DU CIEL, ET SUR LES NOCES DANS LE CIEL.

1. « Je prévois que beaucoup de ceux qui liront ce qui va suivre, et les Mémorables placés à la suite des Chapitres, croiront que ce sont des inventions de l’imagination ; toutefois, j’affirme dans la vérité que ce ne sont pas des choses inventées, mais que ce sont des choses qui véritablement ont eu lieu et ont été vues, non pas vues dans un certain état du mental assoupi, mais dans un état de pleine veille ; car il a plu au Seigneur de Se manifester Lui-même à moi, et de m’envoyer pour enseigner les choses qui doivent appartenir à la Nouvelle Église, laquelle est entendue dans l’Apocalypse par la NOUVELLE JÉRUSALEM ; pour cette fin, il a ouvert les intérieurs de mon mental et de mon esprit ; par là il m’a été donné d’être dans le Monde Spirituel avec les Anges, et en même temps dans le Monde Naturel avec les Hommes, et cela maintenant depuis vingt-cinq ans. »

2. Un jour je vis sous le Ciel Oriental un Ange qui volait, ayant dans la main et à la bouche une trompette, et il en sonna vers le Septentrion, vers l’Occident et vers le Midi : il était vêtu d’une Chlamyde, qui par le vol flottait en arrière, et il était ceint d’une écharpe qui lançait comme de la flamme et de la lumière par les escarboucles et les saphirs ; il volait le corps penché, et descendait lentement vers la terre près de l’endroit où j’étais : dès qu’il eut touché la terre, se tenant droit sur ses pieds, il allait çà et là, et alors, m’ayant vu, il dirigea sa marche vers moi ; j’étais en esprit ; et, dans cet état, je me tenais sur une colline dans la Plage méridionale ; et quand il fut près de moi, je lui adressai la parole, en disant : « Qu’y a-t-il donc maintenant ? J’ai entendu le son de ta trompette, et je t’ai vu descendre à travers les airs. » L’Ange répondit : « J’ai été envoyé pour convoquer les plus célèbres en érudition, les plus perspicaces en génie, et les plus éminents en réputation de sagesse, qui, sortis des Royaumes du Monde Chrétien, sont sur toute l’étendue de cette terre, afin qu’ils s’assemblent sur cette Colline où tu es, et qu’ils déclarent du fond du cœur ce que dans le Monde ils ont pensé, compris et goûté au sujet de la JOIE CÉLESTE, et de la FÉLICITÉ ÉTERNELLE. Voici quel a été le motif de ma mission : quelques nouveaux venus du Monde, ayant été admis dans notre Société Céleste, qui est à l’Orient, ont rapporté que, dans tout le monde Chrétien, il n’y a pas même un seul homme qui sache ce que c’est que la Joie Céleste et la Félicité Éternelle, ni par conséquent ce que c’est que le Ciel. Mes frères et consociés en ont été extrêmement surpris, et ils m’ont dit : Descends, appelle et convoque les plus sages dans le Monde des esprits, où sont d’abord rassemblés tous les Mortels après leur sortie du Monde naturel, afin que, d’après ce qui sortira de la bouche d’un grand nombre de sages, nous soyons certains si c’est une vérité qu’il y ait chez les Chrétiens une telle obscurité ou une telle ignorance ténébreuse sur la vie future. Et il dit : « Attends un peu, et tu verras des Cohortes de sages qui se rendent ici ; le Seigneur préparera pour eux une Salle d’assemblée. » J’attendis ; et voici, après une demi-heure, je vis deux compagnies venant du Septentrion, deux de l’Occident, et deux du Midi, et à mesure qu’elles arrivaient, elles étaient introduites par l’Ange de la trompette dans la Salle préparée ; et là, elles prenaient les places qui leur étaient désignées selon les plages. Il y avait six Troupes ou Cohortes ; il en était venu de l’Orient une septième qui, à cause de sa lumière, n’était pas vue par les autres. Quand elles furent réunies, l’Ange exposa le motif de la convocation, et demanda que les Cohortes, selon leur rang, manifestassent leur sagesse sur le sujet de la JOIE CÉLESTE et de la FÉLICITÉ ÉTERNELLE ; et alors chaque Cohorte se forma en cercle, les faces tournées vers les faces, pour se rappeler ce sujet d’après les idées prises dans le Monde précédent, et maintenant l’examiner, et après examen et délibération déclarer son sentiment.

3. Après la délibération, la PREMIÈRE COHORTE, qui était du Septentrion, dit : « La Joie Céleste et la Félicité éternelle sont un avec la vie même du Ciel ; c’est pourquoi, quiconque entre dans le Ciel, entre quant à la vie dans les réjouissances du Ciel, absolument de même que celui qui entre dans une salle de noces, entre dans les réjouissances qui s’y font ; le Ciel, devant notre vue, n’est-il pas au-dessus de nous, ainsi dans un lieu ? et c’est là, et non ailleurs, qu’il y a bonheur sur bonheur, et voluptés sur voluptés ; l’homme est introduit dans ces délices quant à toute perception du mental, et quant à toute sensation du corps, d’après la plénitude des joies de ce lieu, quand il est introduit dans le Ciel : la félicité céleste, qui aussi est éternelle, n’est donc autre chose que l’admission dans le Ciel, et l’admission d’après la Grâce Divine. » Après que la Première Cohorte eut ainsi parlé, la SECONDE du Septentrion tira de sa sagesse ce sentiment : « LaJoie Céleste et la Félicité éternelle ne sont autre chose que des Réunions très joyeuses avec les Anges et des Conversations très-agréables avec eux, d’après lesquelles les visages toujours épanouis sont tenus dans l’allégresse, et toutes les bouches dans des ris gracieux excités par des paroles agréables et des propos joyeux ; et que pourraient être les joies célestes, sinon les variétés de ces plaisirs pendant l’éternité ? » La TROISIÈME COHORTE, qui était la Première des sages de la Plage occidentale, s’exprima ainsi d’après les pensées de ses affections : « Qu’est-ce que la Joie Céleste et la Félicité éternelle, sinon des Banquets avec Abraham, Isaac et Jacob, sur les tables desquels seront des Mets délicats et recherchés, et des Vins généreux et excellents ; et, après les repas, des Jeux et des Chœurs de jeunes vierges et de jeunes hommes dansant au son de symphonies et de flûtes, entrecoupés par des chants mélodieux de cantiques ; et enfin, le soir, des représentations théâtrales ; et, après ces représentations, de nouveau des repas, et ainsi chaque jour durant l’éternité. » Puis, la QUATRIÈME COHORTE, qui était la Seconde de la plage Occidentale, énonça son sentiment, en disant : « Nous, nous avons caressé plusieurs idées au sujet de la Joie Céleste et de la Félicité éternelle, et nous avons exploré diverses Joies et les avons comparées entre elles, et nous avons conclu que les Joies Célestes sont des Joies Paradisiaques ; le Ciel est-il autre chose qu’un Paradis, qui s’étend de l’Orient à l’Occident et du Midi au Septentrion, et où sont des arbres chargés de fruits et des fleurs délicieuses ? Au milieu de ces arbres et de ces fleurs est l’Arbre magnifique de la vie, autour duquel seront assis les bienheureux, se nourrissant de fruits d’une saveur délicate, et ornés de guirlandes de fleurs de l’odeur la plus suave ; ces arbres et ces fleurs sous l’influence d’un printemps perpétuel naissent et renaissent chaque jour avec une variété infinie ; et par cette naissance et cette floraison perpétuelles, et en même temps par cette température éternellement printanière, les esprits (animi) continuellement renouvelés ne peuvent qu’aspirer et respirer des Joies chaque jour nouvelles, et ainsi rentrer dans la fleur de l’âge, et par là dans l’état primitif, dans lequel Adam et son épouse ont été créés, et par conséquent être replacés dans leur Paradis, transféré de la terre au Ciel. » La CINQUIÈME COHORTE, qui était la Première des plus perspicaces en génie de la Plage méridionale, s’exprima ainsi : « Les Joies Célestes et la Félicité éternelle ne sont autre chose que des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, et par suite une magnificence plus que royale, et une splendeur au-dessus de tout éclat : que les Joies du Ciel, et la jouissance continuelle de ces joies, qui est la félicité éternelle, soient telles, c’est ce que nous avons vu clairement d’après ceux qui, dans le Monde précédent, ont joui de ces avantages ; et, en outre, en ce que les bienheureux dans le Ciel doivent régner avec le Seigneur, et être rois et princes, parce qu’ils sont fils de Celui qui est le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs, et en ce qu’ils seront assis sur des trônes, et que les Anges les serviront. Nous avons vu clairement la magnificence du Ciel, en ce que la Nouvelle Jérusalem, par laquelle est décrite la gloire du Ciel, aura des Portes dont chacune sera une Perle, et des Places d’or pur, et une Muraille dont le fondement sera de pierres précieuses ; que par conséquent quiconque a été reçu dans le Ciel a un Palais resplendissant d’or et de choses d’un grand prix, et que la Domination y passe successivement et en ordre de l’un à l’autre : et comme nous savons que dans de semblables choses il y a des joies innées et une félicité inhérente, et qu’elles sont d’irréfragables promesses de Dieu, nous n’avons pu tirer d’autre part l’état le plus heureux de la vie céleste. » Après cette Cohorte, la SIXIÈME, qui était la Seconde de la Plage Méridionale, éleva la voix, et dit : « La Joie du Ciel et la Félicité éternelle ne sont autre chose qu’une perpétuelle Glorification de Dieu, une fête qui dure éternellement, et un culte de grande béatitude avec chants et cris de joie ; et ainsi, une constante élévation du cœur vers Dieu, avec pleine confiance de l’acceptation des prières et des louanges pour cette divine munificence de béatitude. » Quelques-uns de cette Cohorte ajoutèrent que cette Glorification se fêta avec de magnifiques illuminations, de très suaves parfums, et de pompeuses processions, à la tête desquelles marchera, avec une grande Trompette, le souverain Pontife, suivi des Primats et Porte-masses, grands et petits, et derrière eux des Hommes portant des palmes, et des femmes ayant des statuettes d’or dans les mains.

4. La SEPTIÈME COHORTE, qui n’était pas vue par les autres à cause de sa lumière, était de l’Orient du Ciel ; elle se composait d’Anges de la même Société, de laquelle était l’Ange de la trompette : ayant appris dans leur Ciel que, dans le Monde Chrétien, il n’y avait pas même un seul homme qui sût ce que c’est que la Joie du Ciel et la Félicité éternelle, ces anges s’étaient dit entre eux : « Cela ne peut nullement être la vérité ; il est impossible qu’il y ait chez les Chrétiens une si grande obscurité, et un tel engourdissement des mentals ; descendons aussi nous-mêmes, et sachons si c’est la vérité ; et, si c’est la vérité, certainement c’est un prodige. » Alors ces Anges dirent à l’ange de la trompette : « Tu sais que tout homme qui a désiré le Ciel, et a pensé quelque chose de positif au sujet des joies du Ciel, est introduit après la mort dans les joies de son imagination ; et qu’après qu’il a appris par expérience quelles sont ces joies, c’est-à-dire qu’elles sont selon les vaines idées de son mental, et selon les délires de sa fantaisie, il en est détourné et est instruit ; c’est ce qui arrive dans le Monde des Esprits à la plupart de ceux qui, dans la vie précédente, ont médité sur le Ciel, et qui, d’après certaines idées arrêtées, au sujet des joies célestes, désirent les posséder. » Après avoir entendu ces paroles, l’Ange de la trompette dit aux six Cohortes de Sages du Monde Chrétien qu’il avait convoquées : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans vos Joies, par conséquent dans le Ciel. »

5. Après qu’il eut prononcé ces mots, l’Ange marcha en avant ; et, d’abord, il fut suivi par la cohorte de ceux qui s’étaient persuadés que les Joies Célestes étaient seulement de très-joyeuses réunions et de très-agréables conversations : l’Ange les introduisit dans des Assemblées de la Plage Septentrionale, qui n’avaient pas eu, dans le monde précédent, d’autres notions au sujet des joies du ciel. Il y avait là une Maison spacieuse dans laquelle ceux qui étaient tels avaient été réunis ; cette Maison avait plus de cinquante chambres, distinguées selon les divers genres d’entretiens ; dans les unes on parlait de ce qu’on avait vu et entendu dans la place publique et dans les rues ; dans d’autres, on tenait divers propos aimables sur le beau sexe, en les entremêlant de facéties, multipliées au point de répandre les ris de la gaieté sur tous les visages de l’assemblée ; dans d’autres chambres, on s’occupait de Nouvelles des Cours, des Ministères, de l’État politique, des différentes choses qui avaient transpiré des Conseils secrets, et l’on faisait des raisonnements et des conjectures sur les évènements ; dans d’autres, on parlait de commerce ; dans d’autres, de littérature ; dans d’autres, de ce qui a rapport à la Prudence civile et à la Vie morale ; dans d’autres, des choses Ecclésiastiques et des Sectes ; et ainsi du reste : il me fut donné de faire une inspection dans cette maison, et je vis des gens qui couraient de chambres en chambres, cherchant des compagnies conformes à leur affection et par conséquent à leur joie ; et, dans les compagnies, j’en vis de trois espèces ; les uns haletants de parler, d’autres désireux de questionner, et d’autres avides d’entendre. Il y avait quatre portes à la Maison, une vers chaque plage, et je remarquai que plusieurs quittaient les compagnies, et se hâtaient pour sortir ; j’en suivis quelques-uns vers la porte Orientale, et j’en vis quelques autres assis d’un air triste près de cette porte ; et je m’approchai, et je leur demandai pourquoi ils étaient assis ainsi tristes ; et ils répondirent : « Les portes de cette Maison sont tenues fermées pour ceux qui veulent sortir ; et voici maintenant le troisième jour que nous y sommes entrés ; et que nous y avons vécu, conformément à notre désir, en compagnies et en conversations ; et ces entretiens continuels nous ont tellement fatigués, que nous pouvons à peine supporter d’en entendre le simple bourdonnement ; c’est pourquoi, poussés par l’ennui, nous nous sommes rendus vers cette porte, et nous avons frappé ; mais on nous a répondu : Les portes de cette Maison s’ouvrent, non pour ceux qui veulent sortir, mais pour ceux qui veulent entrer ; restez et jouissez des joies du Ciel. D’après ces réponses, nous avons conclu que nous resterons ici éternellement ; de ce moment la tristesse s’est emparée de nos mentals, et maintenant notre poitrine commence à se serrer, et l’anxiété à s’emparer de nous. » Alors l’Ange prit la parole, et leur dit : « Cet état est la mort de vos joies que vous avez cru être uniquement célestes, lorsque cependant elles ne sont que des accessoires des joies célestes. » Et ils dirent à l’Ange : « Qu’est-ce donc que la Joie Céleste ? » Et l’Ange répondit en peu de mots : « C’est le plaisir de faire quelque chose qui soit utile à soi-même et aux autres ; et le plaisir de l’usage tire de l’Amour son essence, et de la Sagesse son existence ; le plaisir de l’usage qui tient son origine de l’Amour par la Sagesse est l’âme et la vie de toutes les joies célestes. Il y a dans les Cieux de très-agréables Réunions, qui égayent les mentals des Anges, divertissent leurs mentals extérieurs (animi), réjouissent leurs cœurs, et récréent leurs corps ; mais ils n’en jouissent qu’après avoir fait des usages dans leurs fonctions et dans leurs œuvres ; par là il y a âme et vie dans toutes leurs allégresses et dans tous leurs amusements ; mais qu’on ôte cette âme ou cette vie, les joies accessoires cessent successivement d’être des joies, et deviennent d’abord indifférentes, ensuite comme rien, et enfin elles ne sont que tristesse et anxiété. » Après qu’il eut parlé ainsi, la porte s’ouvrit, et ceux qui étaient assis auprès sortirent précipitamment ; et ils s’enfuirent chez eux, chacun à sa fonction et à son ouvrage, et ils furent soulagés.

6. Ensuite l’Ange s’adressa à ceux qui s’étaient formé de la Joie du Ciel et de la Félicité éternelle cette idée, que c’étaient des Banquets avec Abraham, Isaac et Jacob ; et, après les repas, des Jeux et des Spectacles, et de nouveau des repas, et ainsi durant l’éternité ; et il leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans les félicités de vos joies. » Et il les fit entrer, à travers un bois, dans une plaine couverte d’un plancher, sur laquelle avaient été placées des tables, quinze d’un côté, et quinze de l’autre ; et ils demandèrent : « Pourquoi tant de tables ? » et l’Ange répondit : « La première table est celle d’Abraham ; la seconde, celle d’Isaac ; la troisième, celle de Jacob ; et près de celles-ci sont en ordre les tables des douze Apôtres ; de l’autre côté sont autant de tables pour leurs Épouses, les trois premières sont celles de Sarah épouse d’Abraham, de Rébecca épouse d’Isaac, et de Léah et Rachel épouses de Jacob ; et les douze autres, celles des épouses des douze Apôtres. » Quelques instants après, toutes les Tables apparurent couvertes de mets, et les petits espaces, entre les plats, ornés de petites pyramides chargées de toutes espèces de sucreries. Ceux qui devaient prendre part à ce banquet étaient debout, autour des tables, dans l’attente d’en voir arriver les Présidents ; après quelques moments d’attente, on les vit entrer en ordre de marche depuis Abraham jusqu’au dernier des Apôtres ; et aussitôt chacun d’eux, s’approchant de sa table, s’y plaça à la tête sur un lit ; et, de là, ils dirent à ceux qui se tenaient debout alentour : « Prenez place aussi avec nous. » Et ils prirent place, les hommes avec ces Pères, et les femmes avec leurs Épouses ; et ils mangèrent et burent avec allégresse et avec vénération. Après le repas, ces Pères sortirent ; et alors commencèrent des jeux, des danses de jeunes filles et de jeunes hommes ; et, après les danses, des spectacles : les spectacles terminés, les assistants furent invités de nouveau à des Festins, mais avec ce règlement, que le premier jour ils mangeraient avec Abraham, le second avec Isaac, le troisième avec Jacob, le quatrième avec Pierre, le cinquième avec Jacques, le sixième avec Jean, le septième avec Paul, et avec les autres en suivant l’ordre jusqu’au quinzième jour, à partir duquel ils reprendraient de nouveau les festins dans le même ordre en variant les places, et ainsi durant l’éternité. Ensuite l’Ange convoqua les hommes de la Cohorte, et il leur dit : « Tous ceux que vous avez vus aux tables ont été dans une pensée imaginaire, semblable à la vôtre, sur les Joies du Ciel et sur la Félicité éternelle ; et afin qu’ils voient eux-mêmes les vanités de leurs idées, et qu’ils en soient détournés, de telles scènes de table ont été instituées, et ont été permises par le Seigneur. Les Présidents, que vous avez vus à la tête des tables, étaient des Vieillards jouant un rôle, la plupart d’extraction rustique, qui ayant beaucoup de barbe, et glorieux d’une certaine opulence au-dessus des autres, avaient eu la fantaisie qu’ils étaient ces anciens Pères. Mais suivez-moi par les chemins qui conduisent hors de cette enceinte. » Et ils le suivirent, et ils en virent cinquante à un endroit, et cinquante à un autre, qui s’étaient gorgés de nourriture au point d’en avoir des nausées, et désiraient retourner dans l’intérieur de leurs maisons, les uns à leurs emplois, d’autres à leur commerce, et d’autres à leur ouvrage ; mais un grand nombre étaient retenus par les gardes du bois, et interrogés sur les jours de leurs repas, s’ils avaient mangé aussi aux tables de Pierre et de Paul ; et on leur disait que s’ils sortaient auparavant, comme cela est contraire à la décence, ils en seraient couverts de honte. Mais la plupart répondaient : « Nous sommes rassasiés de nos joies, les mets nous sont devenus insipides, et notre goût est desséché, l’estomac les dédaigne, nous ne pouvons plus y toucher ; nous avons passé quelques jours et quelques nuits dans cette bombance, nous demandons instamment qu’on nous renvoie. » Et,ayant été renvoyés, ils s’enfuirent haletants et à course précipitée chacun chez soi. Après cela l’Ange appela les hommes de la Cohorte ; et, dans la route, voici ce qu’il leur enseigna sur le Ciel : « Dans le Ciel, de même que dans le Monde, il y a des Aliments et des Boissons, il y a des Festins et des Banquets ; et là, chez les Principaux, il y a des Tables sur lesquelles sont servis des mets délicats, des choses friandes et recherchées, par lesquelles les mentals extérieurs (animi) sont égayés et récréés ; il y a aussi des Jeux et des Spectacles ; il y a des Concerts et des Chants ; et tout cela dans la plus grande perfection ; ces choses sont aussi des joies pour les anges, mais non une félicité, celle-ci doit être dans les joies, et par suite provenir des joies ; la félicité dans les joies fait qu’elles sont des joies, elle les fertilise, et les soutient afin qu’elles ne deviennent ni communes ni fastidieuses ; et cette félicité, chacun la possède d’après l’usage dans sa fonction. Dans l’affection de la volonté de chaque Ange, il y a une certaine veine cachée, qui attire le mental à faire quelque chose, le mental par là se tranquillise et se satisfait ; cette satisfaction et cette tranquillité rendent l’état du mental susceptible de recevoir du Seigneur l’amour de l’usage ; de cette réception vient la Félicité céleste, qui est la vie de ces joies dont il a déjà été parlé. La nourriture céleste, dans son essence, n’est pas non plus autre chose que l’amour, la sagesse et l’usage ensemble, c’est-à-dire, l’usage par la sagesse d’après l’amour ; c’est pourquoi, dans le Ciel, il est donné à chacun une nourriture pour le corps selon l’usage qu’il fait, somptueuse à ceux qui sont dans un usage éminent, médiocre mais d’une saveur exquise à ceux qui sont dans un usage d’un degré moyen, et vile à ceux qui sont dans un usage vil, mais il n’en est point donné aux paresseux.

7. L’Ange appela ensuite auprès de lui la Cohorte des prétendus sages, qui avaient placé les Joies Célestes et d’après ces joies la Félicité éternelle, dans des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, et dans une magnificence plus que royale et une splendeur au-dessus de tout éclat ; et cela, parce qu’il est dit dans la Parole qu’ils seront rois et princes, et qu’ils régneront avec le Christ éternellement et seront servis par les Anges, outre plusieurs autres choses ; l’Ange leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans vos Joies. » Et il les introduisit dans un Portique composé de Colonnes et de Pyramides : sur le devant était un Porche peu élevé par lequel il y avait entrée dans le Portique ; c’est par ce porche qu’il les introduisit ; et voici, ils furent vus vingt d’un côté et vingt d’un autre, et ils attendaient. Et tout à coup apparut quelqu’un remplissant le rôle d’un Ange, et il leur dit : « Par ce Portique est le chemin qui conduit au Ciel ; restez un peu, et préparez-vous, parce que les plus grands d’entre vous vont devenir Rois, et les moindres seront Princes. » À ces mots, auprès de chaque Colonne apparut un Trône, et sur le trône une chlamyde de soie, et sur la chlamyde un sceptre et une couronne ; et auprès de chaquePyramide apparut un Siège élevé de trois coudées au-dessus de terre, et sur le siège une chaîne en anneaux d’or, et des cordons de l’ordre équestre réunis par les bouts avec des petits cercles de diamants. Et alors on cria : « Allez, maintenant ; revêtez-vous, asseyez-vous et attendez. » Et à l’instant les Grands coururent aux trônes, et les Moindres aux sièges, et ils se revêtirent, et ils se placèrent : mais alors il apparut comme un brouillard s’élevant des enfers ; ceux qui étaient assis sur les trônes et sur les sièges l’ayant aspiré, leur face commença à devenir bouffie, leur cœur à se gonfler, et ils furent pleins de la confiance qu’ils étaient maintenant rois et princes ; ce brouillard était l’aure (atmosphère) de la fantaisie dont ils étaient inspirés : et tout à coup il accourut, comme venant du Ciel, des jeunes hommes ; et ils se placèrent deux derrière chaque trône, et un derrière chaque siège, pour servir ; et alors de temps en temps un héraut criait : « Vous êtes des rois et des princes ; attendez encore un peu, on prépare maintenant dans le Ciel vos cours ; vos courtisans vont bientôt venir avec vos gardes, et ils vous introduiront. » Ils attendaient et attendaient, au point que leurs esprits respiraient à peine et étaient excédés par leur désir. Après trois heures d’attente, le Ciel s’ouvrit au-dessus de leurs têtes, et des Anges abaissèrent leurs regards sur eux, et en eurent pitié ; ils leur dirent : « Pourquoi êtes-vous assis ainsi comme des fous, et agissez-vous comme des histrions ? On s’est moqué de vous ; et d’hommes on vous a changés en idoles ; et cela, parce que vous avez mis dans vos cœurs que vous régneriez avec le Christ comme des rois et des princes, et qu’alors vous seriez servis par les Anges. Est-ce que vous avez oublié ces paroles du Seigneur : Que celui qui veut être grand dans le Ciel devienne serviteur ? Apprenez donc ce qui est entendu par rois et princes, et par régner avec le Christ ; sachez que c’est être sage et faire des usages ; en effet, le Royaume du Christ, qui est le Ciel, est le Royaume des usages ; car le Seigneur aime tous les hommes, et par suite veut du bien à tous, et le bien est l’usage ; et comme le Seigneur fait les biens ou les usages médiatement par les Anges, et dans le Monde par les hommes, c’est pour cela qu’à ceux qui font fidèlement les usages il donne l’amour de l’usage, et la récompense de l’usage, qui est la béatitude interne, et celle-ci est la félicité éternelle. Il y a dans les cieux, comme dans les terres, des Dominations suréminentes et des Trésors immenses, car il y a des gouvernements, et des formes de gouvernement, et par conséquent il y a de plus grands et de moindres pouvoirs, de plus grandes et de moindres dignités, et ceux qui sont dans le suprême degré des pouvoirs et des dignités ont des Palais et des Cours, qui surpassent en magnificence et en splendeur les palais et les cours des Empereurs et des Rois sur la terre, et ils sont entourés d’honneur et de gloire par le nombre des courtisans, des ministres et des gardes, et par les vêtements magnifiques de ceux-ci : mais ceux qui sont ainsi élevés au rang suprême sont choisis parmi ceux dont le cœur est pour le salut public, et dont les sens du corps sont seulement dans la grandeur de la magnificence à cause de l’obéissance : et puisqu’il est du salut public que chacun soit de quelque usage dans la société comme corps commun, et puisque tout usage vient du Seigneur, et est fait par les anges et par les hommes comme par eux-mêmes, il est évident que c’est là régner avec le Seigneur. » Après avoir entendu ces paroles prononcées du Ciel, ces prétendus rois et princes descendirent des trônes et des sièges, et jetèrent loin d’eux sceptres, couronnes et chlamydes ; et le brouillard dans lequel était l’atmosphère de la fantaisie s’éloigna d’eux, et ils furent enveloppés d’une nuée blanche où était l’atmosphère de la sagesse, qui rendit la santé à leurs mentals.

8. L’Ange revint ensuite à la Maison de l’assemblée des sages du Monde Chrétien, et il appela vers lui ceux qui s’étaient persuadés que les Joies du Ciel et la Félicité éternelle étaient des délices paradisiaques ; il leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans le Paradis, votre Ciel, afin que vous commenciez à jouir des béatitudes de votre félicité éternelle. » Et il les introduisit par une Porte élevée, construite avec un entrelacement de branches et de rejetons d’arbres précieux : quand ils furent entrés, il les conduisit par des détours de plage en plage ; c’était effectivement un Paradis dans la première entrée vers le Ciel, Paradis dans lequel sont envoyés ceux qui, dans le Monde, ont cru que le Ciel entier est un seul Paradis parce qu’il est appelé le Paradis, et qui ont imprimé en eux l’idée qu’après la mort il y a entière cessation de travail, et que ce repos consisterait uniquement à respirer des délices, à se promener sur des roses, à se délecter du jus le plus exquis des raisins, et à célébrer des fêtes par des festins ; et que cette vie ne peut exister que dans le Paradis Céleste. Conduits par l’Ange, ils voyaient une grande multitude tant de vieillards que de jeunes hommes et d’enfants, et aussi de femmes et de jeunes filles, trois par trois, et dix par dix, assis dans des bosquets de rosiers, tressant des guirlandes dont ils ornaient les têtes des vieillards, les bras des jeunes hommes, et par faisceaux les poitrines des enfants ; ailleurs, cueillant des fruits sur les arbres, et les portant dans des corbeilles à leurs compagnons ; ailleurs, exprimant dans des coupes le jus des raisins, des cerises et des groseilles, et le buvant avec réjouissance ; ailleurs, respirant les parfums exhalés par les fleurs, les fruits et les feuilles odoriférantes, et répandus de tous côtés ; ailleurs, chantant des odes mélodieuses dont ils charmaient les oreilles de ceux qui étaient présents ; ailleurs, assis près des fontaines, et des eaux qui jaillissaient en prenant diverses formes ; ailleurs, se promenant, causant et lançant de joyeux propos ; ailleurs, courant, jouant, dansant ici en mesure, là en rond ; ailleurs, se retirant dans des cabinets au milieu des jardins, pour s’y reposer sur des lits ; sans parler de plusieurs autres allégresses paradisiaques. Après qu’ils eurent vu tous ces groupes, l’Ange conduisit ses compagnons par des circuits çà et là, et enfin vers d’autres esprits qui étaient assis dans un très-beau bosquet de rosiers, entouré d’oliviers, d’orangers et de citronniers, et qui, la tête penchée et les mains sur les joues, gémissaient et répandaient des larmes ; ceux qui accompagnaient l’Ange leur adressèrent la parole, et dirent : « Pourquoi êtes-vous ainsi assis ? » Et ils répondirent : « Il y a maintenant sept jours que nous sommes venus dans ce Paradis ; quand nous sommes entrés, notre mental semblait être élevé dans le Ciel et plongé dans les intimes béatitudes de ses joies ; mais au bout de trois jours ces béatitudes commencèrent à diminuer et à s’effacer dans nos mentals, et à devenir insensibles, et par suite nulles ; et quand nos joies imaginaires se furent ainsi évanouies, nous avons craint la perte de tout l’agrément de notre vie, et nous sommes devenus, à l’égard de la félicité éternelle, incertains s’il y en a une ; et depuis ce moment nous avons erré par les allées et par les places, cherchant la porte par laquelle nous étions entrés ; mais nous avons erré en vain de circuits en circuits ; et nous avons interrogé ceux que nous rencontrions, et quelques-uns d’eux nous on dit : On ne trouve pas la porte, parce que ce jardin Paradisiaque est un vaste labyrinthe, qui est tel, que celui qui veut en sortir s’y enfonce davantage ; vous ne pouvez donc faire autrement que d’y rester éternellement ; vous êtes maintenant dans le milieu, où toutes les délices sont concentrées. » En outre, ils dirent à ceux qui accompagnaient l’Ange : « Voilà maintenant un jour et demi que nous restons assis, et comme nous sommes sans espoir de trouver une sortie, nous nous sommes replacés dans ce bosquet de rosiers, et nous voyons en abondance autour de nous des olives, des raisins, des oranges et des citrons, mais plus nous les regardons, plus se lasse la vue en voyant, l’odorat en odorant, et le goût en goûtant ; voilà la cause de la tristesse, des gémissements et des larmes, dans lesquels vous nous voyez. » L’Ange de la Cohorte, ayant entendu ces paroles, leur dit : « Ce Labyrinthe Paradisiaque est véritablement une entrée du Ciel, je connais une issue, et je vous ferai sortir. » À ces mots, ceux qui étaient assis se levèrent, et embrassèrent l’Ange, et ils le suivirent avec sa cohorte ; l’Ange leur apprit en chemin ce que c’est que la Joie Céleste et par suite la Félicité éternelle. « Ce ne sont pas des Délices paradisiaques externes, à moins qu’il n’y ait en même temps avec elles des Délices paradisiaques internes ; les délices paradisiaques externes sont seulement les délices des sens du corps, mais les délices paradisiaques internes sont les délices des affections de l’âme ; si celles-ci ne sont pas dans celles-là, il n’y a pas de vie céleste, parce qu’il n’y a pas d’âme dans les délices externes ; et tout délice sans son âme correspondante languit et s’engourdit par la continuité, et fatigue, plus que le travail, le mental extérieur (animus). Dans les Cieux, il y a partout des Jardins paradisiaques, et les Anges y trouvent aussi des joies, et autant ils y placent le délice de l’âme, autant ces joies sont pour eux des joies. » À ces mots, tous demandèrent ce que c’est que le délice de l’âme, et d’où il vient ; l’Ange répondit : « Le délice de l’âme vient de l’amour et de la sagesse procédant du Seigneur ; et comme c’est l’amour qui effectue, et qu’il effectue par la sagesse, c’est pour cela que le siège de l’un et de l’autre est dans l’effet, et l’effet est l’usage : ce délice influe du Seigneur dans l’âme, et descend par les supérieurs et par les inférieurs du mental dans tous les sens du corps, et il s’y complète ; de là la joie devient joie, et elle devient éternelle d’après l’Éternel de Qui elle procède. Vous avez vu des Jardins Paradisiaques, et je vous assure que là il n’y a pas la moindre chose, pas même la plus petite feuille, qui ne provienne du mariage de l’amour et de la sagesse dans l’usage ; si donc l’homme est dans ce mariage, il est dans le Paradis Céleste, ainsi dans le Ciel. »

9. Ensuite l’Ange conducteur revint à la Maison vers ceux qui s’étaient fermement persuadés que la Joie Céleste et la Félicité éternelle sont une perpétuelle Glorification de Dieu, et une Fête qui dure toute l’éternité ; et cela, parce que dans le Monde ils avaient cru qu’alors ils verraient Dieu, et parce que la vie du Ciel d’après le culte de Dieu est appelée un Sabbath perpétuel. L’Ange leur dit : « Suivez-moi, et je vous introduirai dans votre joie. » Et il les fit entrer dans une petite ville, au milieu de laquelle il y avait un Temple, et dont toutes les maisons étaient appelées demeures sacrées. Dans cette ville, ils virent une affluence d’esprits de tous les quartiers de la contrée environnante, et parmi eux un grand nombre de Prêtres qui recevaient les arrivants, les saluaient et, leur prenant les mains, les conduisaient aux portes du Temple, et de là dans quelques demeures sacrées autour du Temple, et les initiaient dans le culte continuel de Dieu, en disant : « Cette ville est le parvis qui mène au Ciel, et le Temple de cette ville est l’entrée pour le magnifique et très-vaste Temple, qui est dans le Ciel, où Dieu est glorifié durant l’éternité par les prières et les louanges des Anges : les ordonnances, ici et dans le Ciel, sont qu’il faut d’abord entrer dans le Temple, et y rester trois jours et trois nuits ; et qu’après cette initiation il faut entrer dans les maisons de cette ville, qui sont autant de demeures sanctifiées par nous, et passer de l’une dans l’autre ; et là, en communion avec ceux qui y sont rassemblés, prier, s’écrier à haute voix, et réciter des oraisons : ayez bien soin de ne penser en vous-mêmes et de ne dire avec vos consociés que des choses saintes, pieuses et religieuses. » L’Ange introduisit donc sa cohorte dans le Temple ; il était rempli par une foule très-serrée, composée de beaucoup de gens qui dans le Monde avaient été en grande dignité, et aussi de beaucoup de gens d’entre le menu peuple ; et des gardes avaient été placés aux portes, afin qu’il ne fût permis à personne de sortir avant d’y être resté trois jours ; et l’Ange dit : « Il y a maintenant deux jours que ceux-ci sont entrés ; examinez-les, et vous verrez comment ils glorifient Dieu. » Et ils les examinèrent, et ils les virent pour la plupart endormis, et ceux qui étaient éveillés ne cessant de bâiller ; quelques-uns ayant, par une continuelle élévation de leurs pensées vers Dieu sans aucun retour sur le corps, la face comme séparée de leur corps, car ils apparaissent ainsi à eux-mêmes et par suite aussi aux autres ; d’autres ayant les yeux égarés à force de les tourner continuellement en dessous ; en un mot, ayant tous le cœur serré et l’esprit abattu par l’ennui, et se détournant de la chaire, et criant : « Nos oreilles sont étourdies ; finissez les sermons, on n’entend plus un mot, et le son de vos voix nous devient fastidieux. » Et alors ils se levèrent, et ils coururent en masse aux portes, les enfoncèrent, et se jetèrent sur les gardes et les chassèrent. Les Prêtres, voyant cela, les suivirent et se mirent à côté d’eux, prêchant et prêchant, priant, soupirant, disant : « Célébrez la Fête, glorifiez Dieu, sanctifiez-vous ; dans ce parvis du Ciel, nous vous initierons à la Glorification éternelle de Dieu dans le magnifique et très-vaste Temple qui est dans le Ciel, et ainsi à la jouissance de la félicité éternelle. » Mais ces paroles, ils ne les comprenaient pas et ils les entendaient à peine, à cause de l’abattement du mental par la suspension et la cessation, pendant deux jours, de toute affaire domestique et publique. Toutefois, comme ils s’efforçaient d’échapper aux prêtres, les prêtres les prenaient par les bras, et aussi par les habits, les poussant vers les demeures sacrées où des sermons devaient être prêchés ; mais c’était en vain, et ils criaient : « Laissez-nous, nous sentons dans le corps comme une défaillance. » À cet instant, voici, il apparut quatre Hommes vêtus de blanc et avec des tiares ; l’un d’eux avait été Archevêque dans le Monde, et les trois autres y avaient été Évêques ; ils étaient devenus des Anges ; ils appelèrent les Prêtres ; et, leur adressant la parole, ils dirent : « Nous vous avons vus du Ciel avec ces brebis ; comment les paissez-vous ?Vous les paissez jusqu’à les rendre folles ; vous ne savez pas ce qui est entendu par la glorification de Dieu ; il est entendu porter des fruits de l’amour, c’est-à-dire, faire fidèlement, sincèrement et soigneusement l’œuvre de sa fonction, car cela appartient à l’amour de Dieu et à l’amour du prochain, et cela est le lien de la société et le bien de la société ; par là Dieu est glorifié, et il l’est alors par le culte qu’on lui rend à des temps marqués ; n’avez-vous point lu ces paroles du Seigneur : En ceci EST GLORIFIÉ MON PÈRE, que du fruit beaucoup vous portiez, et que vous deveniez mes disciples ? – Jean, XV. 8. – Vous, Prêtres, vous pouvez être dans la glorification du Culte, parce que c’est votre fonction, et que vous y trouvez honneur, gloire et rémunération ; mais vous, néanmoins, vous ne pourriez pas être plus qu’eux dans cette glorification, si en même temps avec votre fonction il n’y avait pas honneur, gloire et rémunération. » Après avoir ainsi parlé, les Évêques ordonnèrent aux gardes de la porte de laisser chacun entrer et sortir ; il y a, en effet, une multitude d’hommes qui n’ont pu penser à une joie Céleste autre que le culte perpétuel de Dieu, parce qu’ils n’ont rien su de l’état du Ciel.

10. L’Ange, avec ceux qui l’avaient accompagné, revint ensuite à la salle d’assemblée, d’où les cohortes de Sages ne s’étaient pas encore retirées ; et là, il appela près de lui ceux qui croyaient que la joie céleste et la félicité éternelle ne sont que l’admission dans le Ciel, et l’admission d’après la grâce Divine ; et qu’alors ceux qui sont admis ont la même joie que ceux qui, dans le Monde, entrent dans les cours des Rois les jours de réjouissances, ou qui invités à des noces entrent dans la salle de festin. L’Ange leur dit : « Demeurez ici un peu, et je vais sonner de la trompette, et ceux qui ont une grande réputation de sagesse dans les choses spirituelles de l’Église se rendront ici. » Après quelques heures il apparut neuf hommes, chacun couronné de laurier en signe de sa réputation ; l’Ange les introduisit dans la salle d’assemblée, où étaient présents tous ceux qui avaient été précédemment convoqués ; l’Ange, adressant en leur présence la parole aux neuf hommes couronnés de laurier, dit : « Je sais que, d’après votre vœu conforme à votre idée, il vous a été donné de monter dans le Ciel, et que vous êtes revenus sur cette terre inférieure ou sous-céleste, avec une entière connaissance de l’état du Ciel ; racontez donc comment vous a paru le Ciel. » Et ils répondirent l’un après l’autre ; et le PREMIER dit : « Mon idée sur le Ciel, depuis mon enfance jusqu’à la fin de ma vie dans le Monde, avait été que c’était le lieu de toutes les béatitudes, et de tous les agréments, plaisirs, charmes et voluptés, et que si j’y étais admis, je me trouverais entouré de l’atmosphère de ces félicités, et que je la respirerais à pleine poitrine, comme un fiancé lorsqu’il célèbre ses noces, et qu’il entre avec sa fiancée dans la couche nuptiale ; dans cette idée, je montai au Ciel, et je passai les premières gardes, et aussi les secondes, mais lorsque j’arrivai aux troisièmes, le chef des gardes m’adressa la parole et me dit : « Qui es-tu, ami ? » Et je répondis : « N’est-ce pas ici le Ciel ? J’y suis monté d’après le vœu de mon désir ; laisse-moi entrer, je te prie. » Et il me laissa entrer ; et je vis des Anges vêtus de blanc, et ils m’entouraient, et ils m’examinaient, et ils disaient tout bas : Voici un nouvel hôte qui n’a pas le vêtement du Ciel ; et moi, j’entendis ces paroles, et j’eus cette pensée : Il me semble qu’il en est de moi comme de celui dont le Seigneur dit qu’il était entré au festin des noces, sans un babil nuptial ; et je dis : Donnez-moi des vêtements du Ciel ; mais ils se mirent à rire ; et alors accourut un Ange de la Cour avec cet ordre : Mettez-le tout nu, chassez-le, et jetez ses habits après lui ; et je fus chassé ainsi. » Le SECOND en ordre dit : « Moi, j’ai cru, comme lui, que si j’étais seulement admis dans le Ciel, qui est au-dessus de ma tête, les joies m’environneraient et que j’en jouirais éternellement ; j’obtins aussi ce que j’avais désiré ; mais en me voyant les Anges s’enfuirent, et se dirent entre eux : Qu’est-ce que ce prodige ? Comment cet Oiseau de nuit est-il venu ici ? Et en effet je sentis un changement comme si je n’étais plus homme, quoique je ne fusse pas changé ; cela provenait chez moi de l’attraction de l’atmosphère céleste ; mais bientôt accourut un Ange de la Cour avec cet ordre, que deux serviteurs me fissent sortir et reprendre le chemin par lequel j’étais monté pour me ramener jusqu’à ma maison ; et, quand je fus à la maison, j’apparus aux autres et à moi-même comme homme. » Le TROISIÈME dit : « L’idée du Ciel était constamment pour moi une idée du lieu et non de l’amour ; c’est pourquoi, quand je vins dans ce monde, je désirai avec une vive ardeur le Ciel ; et je vis des esprits qui montaient, et je les suivis, et je fus admis, mais non au-delà de quelques pas ; or, quand je voulus réjouir mon mental (animus) de l’idée des joies et des béatitudes célestes, par la lumière du Ciel, qui était blanche comme la neige, et dont l’essence est dite être la sagesse, mon mental fut saisi de stupeur, et par suite mes yeux furent couverts d’obscurité, et je commençai à être insensé ; et bientôt, par la chaleur du Ciel, qui correspondait à la blancheur éclatante de cette lumière, et dont l’essence est dite être l’amour, mon cœur palpita, l’anxiété s’empara de moi, et j’étais tourmenté par une douleur intérieure, et je me jetai là par terre étendu sur le dos ; et, pendant que j’étais ainsi couché, un garde vint de la Cour avec l’ordre de me faire transporter doucement dans ma lumière et dans ma chaleur ; quand j’y fus rentré, mon esprit et mon cœur me revinrent. » Le QUATRIÈME dit : « Moi aussi, au sujet du Ciel, j’ai été dans l’idée du lieu et non dans l’idée de l’amour, et dès que je fus arrivé dans le Monde spirituel, je demandai aux sages s’il était permis de monter dans le Ciel ; ils me dirent que cela était permis à chacun, mais qu’il fallait prendre garde d’en être chassé ; cette réponse me fit rire, et je montai, croyant, moi comme les autres, que tous dans le Monde entier peuvent recevoir les joies du ciel dans leur plénitude : mais en effet dès que je fus entré je me trouvai presque sans vie, et ne pouvant supporter la douleur et le tourment que j’éprouvais dans la tête et dans le corps, je me jetai par terre, et me roulai comme un serpent approché du feu, et je rampai jusqu’à un précipice et m’y élançai ; et ensuite je fus relevé par ceux qui étaient en bas, et porté dans une hôtellerie, où la santé me fut rendue. Les CINQ AUTRES racontèrent aussi les choses étonnantes qui leur étaient arrivées, quand ils étaient montés dans le Ciel ; et ils comparaient les changements d’états de leur vie avec l’état des poissons enlevés des eaux dans l’air, et avec l’état des oiseaux dans l’éther ; et ils dirent qu’après ces dures épreuves ils n’avaient plus désiré le Ciel, mais seulement une vie conforme à celle de leurs semblables, en quelque lieu qu’ils fussent ; ils ajoutèrent : « Nous savons que dans le Monde des esprits, où nous sommes, tous sont d’abord préparés, les bons pour le Ciel, et les méchants pour l’Enfer ; et que, quand ils ont été préparés, ils voient des chemins ouverts pour eux vers les Sociétés de leurs semblables, avec qui ils doivent rester durant l’éternité ; et qu’alors ils entrent dans ces chemins avec plaisir, parce que ce sont les chemins de leur amour. Tous ceux de la première Convocation, entendant ces déclarations, avouèrent aussi qu’ils n’avaient pas eu non plus d’autre idée du Ciel que comme d’un lieu où l’on savoure à pleine bouche durant l’éternité des joies dont on est inondé. Ensuite l’Ange de la Trompette leur dit : « Vous voyez maintenant que les Joies du Ciel et la Félicité éternelle n’appartiennent pas au lieu, mais qu’elles appartiennent à l’état de la vie de l’homme ; or, l’état de la vie céleste vient de l’amour et de la sagesse ; et comme l’usage est le contenant de l’un et de l’autre, l’état de la vie céleste vient de la conjonction de l’amour et de la sagesse dans l’usage ; c’est la même chose, si l’on dit la Charité, la Foi et la bonne Œuvre, car la Charité est l’Amour, la Foi est la Vérité d’où procède la Sagesse, et la Bonne Œuvre est l’Usage : en outre, dans notre Monde Spirituel il y a des lieux comme dans le Monde naturel, autrement il n’y aurait pas d’habitations ni de demeures distinctes ; toutefois, cependant, le lieu n’y est pas un lieu, mais c’est l’apparence d’un lieu selon l’état de l’amour et de la sagesse, ou de la charité et de la foi. Quiconque devient ange porte intérieurement en soi son ciel, parce qu’il porte intérieurement en soi l’amour de son ciel ; car l’homme par création est en très-petit l’effigie, l’image et le type du grand Ciel ; la forme humaine n’est pas autre chose ; c’est pourquoi chacun vient dans la société du Ciel, dont il est la forme dans une effigie singulière ; c’est pour cela que, lorsqu’il entre dans cette société, il entre dans une forme correspondante à lui-même, ainsi il entre dans cette société comme de lui en lui, et il entre en lui comme d’elle en elle, et il tire la vie de cette société comme étant à lui, et il tire la sienne comme étant à cette société ; chaque société est comme un Commun, et les Anges y sont comme les parties similaires d’après lesquelles coexiste le Commun. Il résulte donc de là que ceux qui sont dans les maux et par suite dans les faux ont formé en eux une effigie de l’Enfer, et cette effigie est tourmentée dans le Ciel d’après l’influx et la violence de l’activité de l’opposé contre l’opposé, car l’amour infernal est opposé à l’amour céleste, et par suite les plaisirs de ces deux amours combattent l’un contre l’autre comme des ennemis, et se tuent quand ils se rencontrent.

11. Ces diverses épreuves étant terminées, il fut entendu du Ciel une voix, disant à l’Ange de la trompette : « Choisis-en deux d’entre tous ceux qui ont été convoqués, et introduis-les auprès de nous ; nous avons appris du Seigneur qu’il les préparera, afin que la chaleur et la lumière, ou l’amour et la sagesse de notre Ciel, ne leur nuisent en rien, pendant trois jours. » Et il en fut choisi dix, et ils suivirent l’Ange ; et, par un sentier incliné, ils montèrent sur une colline, et de là sur une Montagne, où était le Ciel de ces Anges, lequel leur avait d’abord apparu à une certaine distance comme une Étendue dans les nuées : et les portes s’ouvrirent pour eux ; et, après qu’ils eurent passé la troisième, l’Ange introducteur courut vers le Prince de cette Société ou de ce Ciel, et annonça leur arrivée ; et le Prince répondit : « Prends quelques-uns de ma garde, et annonce à ceux qui se présentent que leur arrivée m’est agréable, et introduis-les dans mon Avant-Cour, et donne à chacun sa chambre et son cabinet ; prends aussi quelques-uns de mes courtisans et de mes serviteurs pour leur rendre de bons offices, et les servir au moindre signe. » Et il fut fait ainsi. Mais, lorsqu’ils eurent été introduits par l’Ange, ils demandèrent s’il était permis d’aborder et de voir le Prince ; et l’Ange répondit : « Il est encore matin, et cela n’est pas permis avant midi ; tous, jusqu’à ce moment-là, sont à leurs fonctions et à leurs occupations ; mais vous avez été invités à dîner ; et alors vous serez assis à table avec notre Prince : en attendant, je vais vous introduire dans son Palais, où vous verrez des choses magnifiques et resplendissantes. »

12. Lorsqu’ils eurent été amenés près du Palais, ils en virent d’abord les dehors ; il était vaste, bâti en porphyre sur des fondements de jaspe, devant la porte six hautes colonnes de pierre lazuli, le toit en lames d’or, de hautes fenêtres d’un cristal extrêmement transparent, leurs embrasures aussi d’or. Ensuite ils furent introduits dans l’intérieur du Palais, et conduits d’appartements en appartements ; et ils virent des ornements d’une beauté ineffable ; sur les plafonds, des décors d’une ciselure inimitable ; près des murs, des tables d’argent damasquinées d’or, sur lesquelles étaient divers ustensiles en pierres précieuses et en perles fines dans des formes célestes ; et bien d’autres choses qu’aucun œil n’a vues sur la terre, et desquelles en conséquence personne n’a pu croire qu’elles fussent dans le Ciel. Comme la vue de ces objets magnifiques les jetait dans l’étonnement, l’Ange leur dit : « Ne soyez pas surpris ; les objets que vous avez vus ne sont ni faits ni fabriqués par la main des Anges, mais ils sont composés par l’Artisan de l’Univers, et donnés en présent à notre Prince ; c’est pourquoi ici l’Art architectonique est dans son art même, et de lui sont dérivés toutes les règles de cet art dans le Monde. » L’Ange ajouta : « Vous pourriez présumer que de telles choses charment nos yeux et les éblouissent au point de nous faire croire que ce sont là les joies de notre Ciel ; mais comme nous ne menons pas nos cœurs seulement en ces choses, car elles sont des accessoires pour les joies de nos cœurs, il en résulte qu’autant nous les contemplons comme des accessoires, et comme des œuvres de Dieu, autant nous contemplons en elles la Divine Toute-Puissance et la Divine Clémence. »

13. Ensuite l’Ange leur dit : « Il n’est pas encore Midi, venez avec moi dans le Jardin de notre Prince, il touche à ce Palais. » Et ils y allèrent, et dès l’entrée il leur dit : « Voici un Jardin plus magnifique que les autres jardins de cette Société Céleste. » Et ils répondirent : « Que dis-tu ? Ce n’est point ici un Jardin, nous ne voyons qu’un seul Arbre, et dans ses branches et à sa cime comme des fruits d’or et comme des feuilles d’argent, et leurs bords ornés d’émeraudes ; et sous cet Arbre des enfants avec leurs nourrices. » Alors l’Ange dit d’une voix inspirée : « Cet Arbre est dans le milieu du Jardin, et il est appelé par nous l’Arbre de notre Ciel, et par quelques-uns l’Arbre de la vie. Mais avancez, et approchez-vous, et vos yeux seront ouverts, et vous verrez le Jardin. » Et ils firent ainsi ; et leurs yeux furent ouverts, et ils voyaient des Arbres chargés de fruits savoureux, entourés de ceps avec leurs pampres, dont les extrémités se penchaient avec leurs fruits vers l’Arbre de la vie qui était au milieu. Ces arbres étaient plantés en une série continue, qui partait et se prolongeait en ronds ou tours continus comme ceux d’une hélice sans fin ; c’était une Hélice parfaite en arbres, dans laquelle les espèces suivaient les espèces sans interruption selon l’excellence des fruits : le commencement de la formation des tours était séparé de l’Arbre du milieu par un intervalle considérable, et l’intervalle brillait d’un éclat de lumière, par lequel les arbres du tour resplendissaient d’une splendeur successive et continuée depuis les premiers jusqu’aux derniers ; les premiers de ces arbres étaient les plus excellents de tous, abondamment chargés des meilleurs fruits ; ils étaient appelés arbres paradisiaques ; il n’en a été vu nulle part, parce qu’il n’y en a pas eu et qu’il ne pouvait pas y en avoir dans les terres du Monde naturel ; à la suite de ces arbres étaient des oliviers, après ceux-ci des ceps de vigne, puis les arbres odoriférants, et enfin ceux de bois de construction. Çà et là, dans cette Hélice en arbres ou dans cette série de tours, il y avait des Sièges, formés avec de jeunes branches d’arbres rapprochées et entrelacées par derrière, et enrichis et ornés de leurs fruits. Dans ce rond continu d’arbres, il y avait des portes qui ouvraient sur des parterres, d’où l’on passait dans des lieux de verdure distribués en bandes et en lits. Ceux qui accompagnaient l’Ange s’écriaient en voyant cela : « Voici le ciel en forme ! de quelque côté que nous tournions les yeux il influe quelque céleste paradisiaque, qui est ineffable. » L’Ange, entendant ces paroles, en ressentit de la joie, et il dit : « Tous les Jardins de notre Ciel sont des Formes représentatives ou Types des béatitudes célestes dans leurs origines ; et comme l’influx de ces béatitudes a élevé vos mentals, vous vous êtes écriés : Voici le Ciel en forme ! mais ceux qui ne reçoivent pas cet influx ne regardent pas ces objets paradisiaques autrement qu’ils ne regarderaient des objets champêtres ; et tous ceux-là reçoivent l’influx, qui sont dans l’amour de l’usage ; mais ceux-là ne le reçoivent pas qui sont dans l’amour de la gloire, et non d’après l’usage. Il leur expliqua ensuite et leur apprit ce que chaque objet de ce Jardin représentait et signifiait.

14. Tandis qu’ils recevaient ces instructions, il vint un messager de la part du Prince qui les invitait à manger le pain avec lui ; et en même temps deux gardes de la cour apportèrent des vêtements de fin lin, et ils dirent : « Revêtez-vous-en, parce que personne n’est admis à la table du Prince, à moins qu’il ne soit en vêtements du Ciel » ; et ils s’apprêtèrent, et ils accompagnèrent leur Ange, et ils furent introduits dans l’Hypèthre, cour de promenade du Palais, et ils attendirent le Prince ; et là, l’Ange les mit en relation avec des Grands et des Gouverneurs qui attendaient aussi le Prince : et voici, après une petite heure, les portes s’ouvrirent, et par une porte plus large du côté de l’Occident ils virent l’entrée du Prince avec l’ordre et la pompe d’un cortège. Devant lui marchaient les Conseillers assistants, après eux les Conseillers chambellans, et ensuite les Principaux de la cour ; au milieu de ceux-ci était le Prince, et après lui les courtisans de rangs divers, et enfin les gardes ; tous formaient un nombre de cent vingt. L’Ange se tenant debout devant les dix nouveaux venus, qui par leur vêtement paraissaient alors comme des commensaux, s’approcha avec eux du Prince, et les lui présenta respectueusement ; le Prince, sans ralentir sa marche, leur dit : « Venez avec moi au pain. » Et ils le suivirent dans la Salle à manger, et ils virent une Table magnifiquement servie, et au milieu de la table une haute Pyramide d’or avec cent plats creux en triple rang sur leur formes, contenant des pains sucrés et des gelées de vin doux avec d’autres choses délicates préparées avec le pain et le vin ; et du milieu de la Pyramide sortait comme une fontaine qui jaillissait avec un vin de nectar, et dont la veine se divisait au sommet de la Pyramide et remplissait les coupes. Aux côtés de cette haute Pyramide étaient différentes formes célestes en or, sur lesquelles étaient des plats et des assiettes couverts de toute sorte de mets : les formes célestes, sur lesquelles étaient les plats et les assiettes, étaient des formes de l’art d’après la sagesse, qui ne peuvent, dans le Monde, être tracées par aucun art, ni décrites par aucune expression : les plats et les assiettes étaient d’argent, ciselés en pareilles formes aux bords et dans le fond, avec leurs supports ; les coupes étaient de pierres précieuses transparentes : tel était l’appareil de la Table.

15. Or, voici quel était l’habillement du Prince et de ses Ministres. Le Prince était vêtu d’une Robe longue couleur de pourpre, parsemée d’étoiles brodées couleur d’argent ; sous la robe il portait une tunique de soie brillante couleur d’hyacinthe ; cette tunique était ouverte sur la poitrine, où l’on voyait la partie antérieure d’une sorte de ceinture avec l’Insigne de sa Société ; l’Insigne était une Aigle couvant ses petits à la cime d’un arbre ; il était d’un or brillant, entouré de diamants. Les Conseillers assistants n’étaient pas vêtus autrement, mais sans cet Insigne, au lieu duquel ils portaient des saphirs gravés qui pendaient à un collier d’or à leur cou. Les courtisans étaient en robe couleur brun-clair, sur lesquelles étaient brochées des fleurs autour de petits aiglons ; les tuniques sous ces robes étaient de soie couleur d’opale ; de même aussi les vêlements qui couvraient les cuisses et les jambes. Tel était leur Costume.

16. Les Conseillers assistants, les Conseillers chambellans et les Gouverneurs se tenaient debout autour de la Table, et sur l’ordre du Prince ils joignirent les mains, et prononcèrent en même temps à voix basse une louange votive au Seigneur ; et ensuite, à un signe du Prince, ils se mirent à table sur des lits ; et le Prince dit aux dix nouveaux venus : « Mettez-vous aussi à table, vous, avec moi ; voici, là sont vos places. » Et ils se mirent à table ; et des officiers de la cour, envoyés d’avance par le Prince pour les servir, se tenaient debout derrière eux ; et alors le Prince leur dit : « Prenez chacun une assiette de dessus leurs ronds, et ensuite chacun un plat-creux de la Pyramide. » Et ils les prirent ; et voici, aussitôt de nouvelles assiettes et de nouveaux plats-creux furent vus les remplaçant ; et leurs coupes étaient remplies du vin de la fontaine qui jaillissait de la grande Pyramide ; et ils mangèrent et burent. Quand on fut à demi-rassasié, le Prince adressa la Parole aux dix invités, et dit : « .l’ai appris que dans la terre, qui est sous ce Ciel, vous avez été convoqués pour faire connaître vos pensées sur les Joies du Ciel, et sur la Félicité éternelle qu’elles procurent, et que vous les avez manifestées de diverses manières, chacun selon les plaisirs des sens de son corps. Mais, que sont les plaisirs des sens du corps sans les plaisirs de l’âme ? c’est l’âme qui fait qu’ils sont des plaisirs ; les plaisirs de l’âme sont en eux-mêmes des béatitudes non-perceptibles, mais elles deviennent de plus en plus perceptibles selon qu’elles descendent dans les pensées du mental, et par ces pensées dans les sensations du corps ; dans les pensées du mental, elles sont perçues comme bonheur, dans les sensations du corps comme agréments, et dans le corps même comme voluptés ; les unes et les autres prises ensembles constituent la félicité éternelle ; mais cette Félicité qui ne résulte que des dernières seules n’est pas éternelle, c’est une félicité temporaire qui finit et passe, et qui parfois devient infélicité. Vous avez maintenant vu que toutes vos joies aussi sont des joies du Ciel, et bien au-dessus de ce que vous avez jamais pu imaginer ; mais néanmoins ces joies n’affectent pas intérieurement nos mentals (animi