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Récit traduit de l’allemand par
Alain Préaux
Cette nouvelle de
Theodor Storm fut conçue entre fin 1879 et juin 1880. Elle parut en octobre 1880 dans la
Deutsche Rundschau, c’est-à-dire en feuilleton ou prépublication, comme il en allait souvent à l’époque pour ce genre littéraire très prisé. Elle s’inscrit dans la longue lignée des
Chroniknovellen (ou « Nouvelles historiques ») que
Storm avait initiée dès 1875/76 avec
Aquis submersus. Son motif principal est celui de la rivalité fraternelle, un motif privilégié dans la littérature allemande de Goethe à Grillparzer en passant entre autres par Klinger, Leisewitz et Schiller. Storm lui-même y reviendra dans l’un de ses chefs-d’œuvre, Zur Chronik von Grieshuus (1884). Dans Die Söhne des Senators, la tension monte graduellement entre les frères. Elle est rendue d’une façon magistrale qui n’exclut nullement un humour temporisateur, présent tout au long de la nouvelle.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Né le 14 septembre 1817 à Husum, petite ville du Slesvig, alors danois, Hans Theodor Storm était le fils aîné de l’avocat Johan Casimir Storm et de Lucie Woldsen. Son père, jugeant que le niveau des études secondaires à Husum n’était pas suffisant, l’envoya terminer son parcours scolaire au célèbre Katarineum de Lübeck (que devraient fréquenter également, mais quelques décennies plus tard, les frères Heinrich et Thomas Mann). Grâce à son ami Ferdinand Röse, il s’initia à la littérature allemande moderne et se montra surtout impressionné par les Lieder de Heinrich Heine, les œuvres de Joseph von Eichendorff et le Faust de Goethe.
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Seitenzahl: 92
Veröffentlichungsjahr: 2021
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OUVRAGES D'ALAIN PRÉAUX
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
Heinrich Heine, biographie, 2001
OUVRAGES TRADUITS PAR ALAIN PRÉAUX
CHEZ LE MÊME ÉDITEUR
Friedrich Hölderlin,Poèmes de l’autre vie,1993
Friedrich Hölderlin,Prose de l’autre vie,1996
A. von Hoherwiese,Hölderlin, l’énigme,essai, 1996
Wilhelm Busch,Le Corbeau,récits illustrés,2003
Wilhelm Busch,Le Virtuose,récits illustrés, 2003
Theodor Storm
Les Fils du sénateur
Traduit de l’allemand, préfacé et annoté par
Alain Préaux
Catalogue sur simple demande.
www.lecri.be [email protected]
(La version originale papier de cet ouvrage a été publiée avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles)
La version numérique a été réalisée en partenariat avec le CNL
(Centre National du Livre - FR)
ISBN 978-2-8710-6752-8
© Le Cri édition,
Av Leopold Wiener, 18
B-1170 Bruxelles
En couverture : Honoré Daumier (1807-1879),Intérieur d’un wagon de première classe.
Tous droits de reproduction, par quelque procédé que ce soit, d’adaptation ou de traduction, réservés pour tous pays.
Né le 14 septembre 1817 à Husum,petite ville du Slesvig, celui-ci étant alors danois,Hans Theodor Storm était le fils aîné de l’avocat Johan Casimir Storm et de Lucie Woldsen. Son père, jugeant que le niveau des études secondaires dans ce trou perdu était insuffisant, l’envoya terminer son parcours scolaire au célèbre « Katarineum » de Lübeck (que devraient fréquenter également, mais quelques décennies plus tard, les frères Heinrich et Thomas Mann). Grâce à son ami Ferdinand Röse, il s’initia à la littérature allemande moderne et se montra surtout impressionné par lesLiederde Heinrich Heine, les œuvres de Joseph von Eichendorff et le « Faust » de Goethe. Dès Pâques 1837, il entama des études de droit à Kiel, Comme cette université lui paraissait insignifiante, il poursuivit ses études à Berlin. Lorsque Röse quitta Berlin pour retourner à Kiel, il imita son ami. C’est alors, en 1839, qu’il se lia d’amitié avec les frères Mommsen, Tycho et Theodor1. Il rassembla avec eux des légendes, des contes et des chants du Slesvig-Holstein, que Karl Müllenhoff édita en 1845. Deux ans plus tôt avait paru le « Liederbuch dreier Freunde » (Livre des Chants de trois amis), qui regroupait plus de 120 poèmes des frères Mommsen et de Storm.
En 1842, il acheva ses études avec succès et retourna à Husum, où il devint avocat, comme son père. Contrairement à la plupart des écrivains de son temps, il possédait ainsi un métier susceptible de l’installait solidement dans la réalité bourgeoise2. Au mois de septembre 1846, il épousa sa cousine Constanze, la fille aînée d’un certain Esmarsch, le maire de la commune de Segenberg. Un an après, il conçut une vive passion pour Dorothea Jensen (19 ans), que tout le monde appelait « Do ». Constanze alla jusqu’à proposer un ménage à trois, mais la jeune fille refusa et quitta Husum. Ce n’est qu’après le décès de Constanze (1865), morte en mettant au monde son septième enfant, Gertrud, que Storm put épouser sa « Do » (1866).
*
Fin 1848, en pleine révolution, naquit son premier fils, Hans. La même année, il avait souscrit une protestation des citoyens de Husum à l’adresse du commissaire danois du Schleswig-Holstein. Pendant la guerre qui opposa le Danemark au « Deutscher Bund » (Fédération allemande), il préféra fermer son bureau d’avocat pour ne pas devoir traiter avec les autorités danoises. Celles-ci exigèrent alors de lui une déclaration de loyauté. Pour toute réponse, Storm rejoignit le mouvement populaire qui entendait faire du Schleswig-Holstein un pays indépendant à la fois du Danemark et de la Prusse. En guise de représailles, le gouvernement danois lui retira son privilège d’avocat. Dès lors, Storm exerça son métier à Potsdam, une ville qu’il prit assez vite en grippe. Outre Hans, il avait à présent deux autres fils, Ernst (1851) et Karl (1853) et était assesseur sans appointements… Heureusement, son père lui apporta l’aide financière sans laquelle il ne se serait sans doute jamais tiré d’affaire. Il ne fut nommé qu’à l’été 1856. Ces difficultés quotidiennes mirent un frein à sa production poétique : l’exil à Potsdam ne vit éclore qu’un faible nombre de poèmes et trois petits contes3. Sa nomination à Heiligenstadt améliora considérablement sa situation matérielle, et il trouva plus de temps pour ses activités littéraires, surtout dans le domaine de la nouvelle. Sa famille s’agrandit avec les naissances rapprochées de quatre filles, Lisbeth (1855), Lucie (1860), Elsabe (1863) et Gertrud (1865).
Entre temps, les tensions politiques s’étaient chaque jour aggravées au Slesvig-Holstein. Une âpre guerre de succession avait d’abord éclaté après le décès de Frédéric VII du Danemark (1863), un prince allemand, Friedrich von Augustenburg, s’étant opposé à Christian IX, le nouveau roi du Danemark. Le « Deutsche Bund » fut aussitôt appelé à l’aide et des troupes aussi bien hanovriennes que saxonnes envahirent le Holstein. Storm se mêla aux événements politico-militaires en envoyant à la revue « Die Gartenlaube » (La Tonnelle) un poème intitulé « Gräber in Schleswig » (Tombes au Slesvig), qu’il avait conçu comme un appel au mouvement populaire du Slesvig-Holstein. Peu avant le début de la guerre, le gouverneur danois fut destitué à Husum par une assemblée spontanée des citoyens de la cité et Storm fut proclamé à sa place (février 1864). Il introduisit alors sa démission auprès de l’administration prussienne, qui la lui refusa. Néanmoins, il persista dans son désir d’émancipation et jura fidélité en tant que gouverneur du Holstein (17 mars 1864). En juin de la même année, le Danemark déposa les armes, cédant toutes ses prétentions sur le Sleswig-Holstein aussi bien à la Prusse qu’à l’Autriche.
Cependant, Storm éprouva une amère déception en constatant que la libération de son pays ne se déroulait pas comme prévu. Le mouvement populaire avait en effet été neutralisé par les armées prussiennes et autrichiennes qui, mandatées par le « Deutsche Bund », avaient envahi le Sleswig-Holstein. La politique annexionniste de la Prusse se révéla peu à peu : le Holstein revint d’abord à l’Autriche et le Sleswig à la Prusse. En 1865, le gouverneur et général prussien Edwin von Manteuffel accusa son homologue autrichien d’exciter le Holstein contre la Prusse. Peu après, des troupes prussiennes envahirent le Holstein pour préserver les droits de la Prusse. Leur victoire scella la dépendance politique du Sleswig-Holstein ainsi que celle, administrative, de Storm à l’égard de la Prusse4.
Sous le régime des Junker prussiens, une sorte de césarisme se mit à régner dans le Sleswig-Holstein. Storm comprit très vite l’inanité de toute résistance : il abandonna sa fonction de gouverneur et se retira à Husum, où il cultiva ses relations familiales et goûta au commerce de ses amis, souvent des écrivains tels Tourgueniev, Keller, Mörike, etc. Son remariage avec « Do » lui avait donné un huitième enfant, Friederike, née en 1868. Deux ans auparavant, le destin du Sleswig-Holstein s’était décidé, lorsque le 3 juillet 1866, les troupes prussiennes avaient écrasé à Königgrätz (Sadowa) les armées autrichiennes. Début 1867, les deux anciens duchés danois se trouvaient incorporés comme nouvelle province dans l’État prussien. Storm se déchaîna, parlant de cette « freche Junkerherrschaft » (insolente domination des Junker), de la « Bismarkische Räuberpolitik » (Politique de brigands à la Bismarck) et du « System der brutalen Machtherrschaft » (Système de l’hégémonie de la force brutale). En août 1867, il ajoutait, sur un ton quasi prophétique : « La barbarie incroyablement naïve de ces gens [les Prussiens] creuse profondément le sillon de la haine dans le front des habitants du Sleswig-Holstein. Ce n’est pas de cette façon que l’on unira l’Allemagne.»5
Résigné, Storm se retira de la vie active en automne 1879 : il demanda sa préretraite, laquelle lui fut accordée le 1ermai 1880. Il avait alors 63 ans. Il quitta Husum pour s’installer dans son « Altersvilla » (Villa de la vieillesse) de Hademarschen (Holstein). Depuis 1866, il souffrait d’une pénible maladie. Au début de l’année 1887, les médecins diagnostiquèrent un cancer de l’estomac. Malgré les souffrances, il parvint à achever sa plus longue nouvelle, qui est aussi son chef-d’œuvre absolu : « Der Schimmelreiter » (L’Homme au Cheval blanc). Il décéda le 4 juillet 1888 à l’âge de 70 ans. Le 7 juillet, il fut enterré au cimetière Sankt-Jürgen de Husum ; son cercueil fut suivi par une immense foule. Mais aucun prêtre n’était présent, comme il l’avait expressément souhaité.
*
En 1882, Storm avait déclaré à l’un de ses amis, le célèbre germaniste Erich Schmidt, que son « art de la nouvelle était issu de [son] lyrisme ». Et de fait, sa nouvelle la plus célèbre de son vivant, « Immensee » (1849/50), rappelle beaucoup ses débuts poétiques. Les autres, écrites à la même époque, peuvent être qualifiées de « romantiques » en ce sens qu’elles valent moins par l’intrigue que par l’évocation des états d’âme, des amours manquées et des vies frustrées, acceptées sans révolte et sans violence6. Conformément au goût du temps, qui excluait toute peinture exagérée ou choquante des conflits inévitables et non évités7, Storm participe alors à la première phase du « Bürgerlicher Realismus » (Réalisme bourgeois), aussi appelé « programmatique » : le ton de la résignation est typique de ses premières nouvelles, comme de celles de ses contemporains : l’échec de la Révolution de 1848/1849 y est bien sûr pour beaucoup.
Après 1864, sa production se tarit, pour ne reprendre qu’une dizaine d’années plus tard. Il renonce alors presque entièrement à la poésie et ses nouvelles répondent à un art nouveau, celui de la seconde phase du « Bürgerlicher Realismus », plus dur, plus cru, plus violent et plus pessimiste, bref plus « réaliste » que le premier. Elles n’annoncent pas encore pour autant les audaces, voire les outrances du naturalisme d’un Gerhart Hauptmann (1862-1946), le futur « Zola allemand ». Mais après quelque dix années passées en Prusse, Storm sait que la littérature doit être davantage que le simple enregistrement d’ambiances et d’états d’âmes, qu’il appelle tout simplement des « Situationen»8. Ses personnages se sont enracinés, individualisés. Ils ne sont plus passifs, mais secoués d’appétits et de haines. Ils luttent contre un destin qu’eux-mêmes aggravent de tout le poids de leurs passions. Au lieu des fins résignées d’autrefois, les nouvelles s’achèvent maintenant en tragédies9. La structure dramatique remplace peu à peu la confession lyrique, de sorte que Storm pourra bientôt affirmer à son ami Gottfried Keller que sa passion pour la nouvelle avait complètement « avalé son lyrisme ». C’est ainsi que ses meilleures œuvres en ce domaine furent presque toutes écrites dans ses dernières années, exactement à partir de 1873. Les principales sontViola Tricolor(1873),Aquis submersus(1875/76),Carsten Curator(1877),Renate(1977/78),Eekenhof(1879),Hans und Heinz Kirch(1881/82),Ein Doppelgänger(1886) etDerSchimmelreiter(1888). Jusqu’à présent, seules quelques-unes ont été traduites en français. OutreImmensee, on trouvera dans la collection bilingue Aubier/Montaigne les traductions deRenate, d’Eekenhof, deHans und Heinz Kirchet duSchimmelreiter.
Son adieu à la « nouvelle lyrique » devait l’amener à formuler d’autres considérations théoriques sur l’essence de la nouvelle. Il conçoit dorénavant celle-ci comme une « création poétique parallèle au drame, exigeant qu’elle ait une forme fermée et un conflit à partir duquel tout s’organise. »10Cette conception n’est certes pas étrangère à la célèbre définition de Goethe, selon laquelle la nouvelle se doit de narrer une « einmalige, sich ereignete, unerhörte Begebenheit », c’est-à-dire « un événement inouï, unique et véritable ». Aussi n’est-il pas étonnant que, dans les années 1870, Storm se soit intéressé aux chroniques historiques, un genre dont procède entre autres la nouvelle traduite ci-dessous et intitulée « Die Söhne des Senators » (Les Fils du sénateur).