LES MIROIRS AUX ALOUETTES
© Chihab Éditions, Alger, septembre 2011
Isbn : 978-9961-63-874-3
Dépôt Légal : 3687/2011
BADR’EDDINE MILI
LES MIROIRS AUX ALOUETTES
roman
CHIHAB EDITIONS
AU PAYS DU FRÈRE MILITANT
I
Stophamontaitd’unpaslourdlesdernièresmarchesdel’escalierenboisdun° 2delarueduCoq, lesbraslestésdedeuxgrossesmallesd’internequ’ilvenaitderécupéreràlaconsignedelagare. Ils’arrêtaenpleineffort, haletant, pressédereprendresonsouffle, aumomentoùs’élevaversleciell’appelàlaprièreduMaghreb, enveloppantdesesvocalisesandalouseslesvieuxrempartsduBastiondesRaïs1etlesfrisesimmaculéesdesfortificationsdel’Amirauté2, aprèsavoirsurvolé à tire-d’aile,laplacedesMartyrs, débarrasséedepuispeudel’insultantestatueéquestreduDucd’Orléans3.
Lamélopéequil’emplitd’unesérénitétouteneuve, provenaitprobablementduhautdesorgueilleuxminaretsottomansdelamosquéeKetchaoua4, récemmentrétabliedanssadignité, aprèsavoirétédurantplusd’unsièclesouslenomdeStPhillipe, laprincipalecathédraled’Alger, quireçut, lorsd’unevisiteàlaville, l’onctionimpérialed’EugéniedeMontijo5etdeNapoléonIII6, l’énigmatiqueconcepteurdel’utopieduRoyaumeArabe.
Deuxheuresplustôt, audépartdutraindel’après-midiversConstantine, Stophaétaitlà, présentaurendez-vousdudestin, lagorgenouée, droitdanslescourantsd’airduquai, pourfairesesadieuxàsonpère. Dansundéchirementpudique, ilnesutquoifaired’autrequeleverlamaindansunsalutvaporeuxquisedissipa, vite, danslehalohumidedelabaieduHammasurlaquellesepenchaient, curieusesdesesoiseauxchamarrésetdeseslumièrespolychromes, lesterrassescascadeusesdeFortl’Empereur7.
Etmalgrédefortesvelléitésdedernièreminutel’incitantàendifférerl’ébranlement, Stophanequittalequaiquelorsquelamachinefutpartie, laqueueduserpentavaléeparlepremiertunnelsurlavoie, emportant, auloin, sansétatd’âmelamatricedesavie.
Ils’aperçutaussitôtquelecordonombilicalquilerattachaitàsavillenatale, etquiavaitbridé, naguère, sesélansdeconquérantdesgrandsespaces, s’étaitdéfaitdelui-même, sansprévenir, sansdouteaudébouchédelonguesetsourdesdélibérationsintérieuresinsondables. Cequileremuatoutdemêmequelquepeu ; unefaiblessecependantpassagère, sansgrandesconséquences, puisquepeuaprèsilrebondit, alerte, surlemacadam, aspirantgoulûmentl’airfraisduFrontdemer, sûrdesonaffaire, toujoursaussicoriaceetplusdéterminéquejamaisàallerjusqu’auboutdesesrêvesd’enfantivred’horizonsvierges. Pourl’instant, ilnesavaitpasexactementsilemondedanslequelilfaisaitsespremierspas, allaitvraimentêtre, commelelaissaiententendrelespromessesdeslendemainspost-coloniaux, unmondedeliberté, « sansmaître, niesclave », ouceluidel’impostureetdelaconfiscationdanslequelilsefourvoierait, sansrepèresnibalises, ainsiqueleprédisaientlespessimistes, déçusparlatournurepriseparlesévénementsaprèslecoupdeforcecontreleslégalistesetlescombatsfratricidesdel’été628.
Ilsentitpeser, sursesfrêlesépaules, lepoidslourddelasolitude, cequ’ilmitsurlecompted’unenostalgiepastoutàfaitsevrée. SamèreZouakiluiavaitdit, enl’embrassantsurleseuildeDar-Errih, leurmaisonbienaimée : « AAlger, tuserascommeunétrangerdanstonproprepays », ceàquoiilavaitrépliquéquenon, puisqueilirait, régulièrementchezsatanteàBachdjarah, afindeseretremperdansl’ambiancefamiliale.
Ilsedemandad’ailleurscequ’elledevaitfaireencemoment, enferméedanssonétroitbungalowdetransit. Tellequ’illaconnaissait, ill’imaginaentraindemaugréercontrelesgensdeConstantinequimédisaientd’elle, racontantqu’ellevivraitdansledénuementleplustotaldanscetoctogonebalafréparunepollutionacide, coincéentre« l’OssinDi »9etMaisonCarrée.
Embourbédanscespenséesunpeupoisseuses, ilétaitdéjàdevantlaportedesonstudio, unepetitegarçonnièreplantéeaumilieud’uneforêtdevieillescheminéesbranlantes. Ilsortitdesapocheuntrousseaudegrossesclefs, actionnadifficilementlepêneetseretrouva, glissantsesbagagessurleparquetenboisciré, faceàlavérandaqu’ilouvritpourprendrelatempératured’unpigeonnierquiaffichaitcomplet. LescolombesrevenuesdelaplaceLénine10etdel’HorlogeFloraleprèsdelaGrandePosteoùellesavaientpassélajournée, s’assoupissaientdéjà, latêterentréesousleuraileprotectrice, ouverteenéventail.
Leslampionsdesréjouissancesgarnissaientlesétagessuperposésdelavilleetluisertissaientundiadèmeféerique. Bientôt, ilentendraitlespremierséchosdelafêtes’échappantdesdouérateblanchesetbleuesnichéessurleshauteursdelaCasbahetapprendrait, aufildecesnuitsenchantées, àreconnaître, commejadis, RezzakdanssonfondoukdelaSayida, letimbredevoixd’El-HadjM’HamedEl-Anka, Mekraza, H’ssissen, HacèneSaïd, DahmaneEl-HarrachietEl-Aâchab11quianimaientlesnocesinterminablesdelalibertéretrouvée. Algerétincelaitdetoutesablancheur. Splendide ! Jamais, pensaitStophacontemplatif, lavillen’avaitautantméritésonsurnom…
BieninstallédanssonlittendudedrapsparfumésàlalavandequeZouakiavaitprislesoinderangerparmilesaffairesdesontrousseau, Stophasouritdesatisfactionàl’idéequ’ilplanaitdansl’espace, cumulantmilleetunelibertés ; celled’alleretveniràsaguisesansrendrecompteàquiconque, dechoisir, dedécidersansdemanderd’avis, d’assumersesactessansenréféreràunautretribunalqueceluidesaconscienceetsurtout, laplussouverained’entretoutes, celledesuspendreletempsàsonbonvouloir. IljetaundernierregardparlafenêtrequidonnaitsurlaruedeTanger, populeuseconcentrationd’anciensestaminetspiedsnoirsfaisantangleaveclesimmeublesbourgeoisdelarueLarbiBenM’Hidi12, tracéscommeuneperspectiveNevski. Ilfermalesyeuxets’endormit, pourlapremièrefoisdesavie, seulcommeungrand, avecàsescôtés, laguitareespagnolequ’ilavaitrêvédeposséderetquiétaitlà, dansl’attentedevibrersoussesdoigtsimpatientsd’yallumerlefeu.
Lelendemain, arrachétrèstôtàunsommeilsansrêvesparlechahutdesramierssurletoit, iléprouvaunesensationdelégèretéquilechangeaitdel’engourdissementdesmatinéesdeservicecommandédeDar-Errih. Ils’étiralonguement, commeunchat, libredetouteastreinteetfitsatoilette, décontracté, aurythmedeHabaïtekfiEssaïfdeFaïrouz, entâchantdeparaîtrenetetavenant, fraiscommeungardon, etpar-dessustout, enfaisantattentiondenepasdérangerlebelalignementdesamoustachenaissante, signeostentatoired’unevirilitéquiluidégoulinaitdesnarinesetquidonnaitàsonvisageuneapparenceplusséduisante, prochedecelledeHedi, sonfrèreaînéqu’iladmiraitetimitaitentouteschoses.
Ilenfilasonblousonendaimnègreencaressantdanslesensdupoilleburnousnoirbrodéd’or, laisséexprèsdanslagarde-robe, parsonpère, quidevaitpenser : « Uncostumedecérémoniedecettevaleurpourratoujoursservirdetalismanprotecteurcontrelemauvaisœiletlestentationsdudiable. Entouscas, ilsera, surcettenouvelleterre, legarantdelaperpétuationdelalignéedelaHamoura. » Stophaneputs’empêcherdefaireleparallèleaveclepetitCoranenveloppédetulleblancqueZouakiavaitenfouisousl’oreillerdesonlitberbère, laveilledesonentréeàl’écoledesRoumisavantlaguerre.
Ilseretrouvadehorssanss’enrendrecompte, poussantlaportedérobéedelafaçadearrièred’uncaféqu’ilavaitrepéréàsonarrivée, dansleprochevoisinageducinémaleMarivaux. Ils’installadansunesallevide, sansglaces, etvitsurgirungarçonparunpetitescalierdeservice, unexemplaireduquotidienLePeuple13àlamainetquilaissaéchapperd’unevoixfatiguée, entresesmoustachesfournies, endéposantlejournalsurleguéridon : « Quevoulez-vousquejevousserve ? »
« Uncaféaulaitavecunbabaàlacrème. » réponditmachinalementStopha, happéparl’engrenagedesespremiersactesd’hommelibre.
RabahleTénébreux, ancienpêcheur, rudeetsecret, portantsursesépaulesd’épouvantaillemondebleudesamernatale, luiservira, àdaterdecejour, lamêmechosesurlamêmetableenfer, danslamêmesalleborgne, aussitristementvidequ’encepremiermatindelibertésolitaire.
Aquelquesmètresdelà, lelongdecetteruequelesgensinhabituésàleurnouveaubonheurappelaientencorelarued’Isly14, défilaientsoussesyeuxd’explorateurplusdutoutingénu, lesenseignesaunéonduMilkBaretduNovelty. Maispouraussiprestigieuxetélégantsqu’ilsfussent, ceslieuxquiavaientconservéleurstandingaristocratiqued’antan, neréussiraientpasàluiprocurerl’apaisementetlamystérieuseintimitéqueluioffraitgracieusementceCaféduBosphore, uncaféquisemblaitavoirététailléàsamesureetd’oùils’élancerait, chaquematincommed’unebasedecombat, àl’assautd’unecapitalequ’ilvoulaitàtoutprixconquérir, avecl’énergied’unlouveteauaffamédegloire.
Unseulpointnoiràcetableau « d’émigré » volontariste : ildevaitpartagerlestudio, àcontrecœur, avecunAbdenourquifaisaitmaintenantbandeàpart, avecsesanciensamisdulycéeEmirAbdelkaderportéssurlesrevuesduCasino, duGranada, duFantasioetdesAmbassadeurs. Passéslespremiersmomentsdejoieprocurésparlaliberté, cepied-à-terres’avéraitnepascorrespondreàsesattentes.
AâmiMoussa, lepèredeAbdenours’étaitpourtantengagéàleurtrouveruneadresseconvenable. Ilavait, ilestvrai, avertiquelesappartementsdesBoulevardStSaënsetSadi-Carnot, déclarésbienvacantsparlesautorités, avaientétéoccupésdèslespremiersjoursdel’indépendanceparlestaborsdelaCinquième. Maistoutdemême, lePigeonnierqu’ils’étaitfaitrefilerparuncourtierduSquareBressonlaissaitàdésirer. Stopharêvaitd’unduplexéquipéd’unpianoàqueueetd’unmobilierenboisdehêtreavecdesbibelots, destapis, unaquarium, unevolièreetdesplantesgrimpantessurlebalcon.
Maisvoilà, àpartcestourterellesenrutpermanentsurleurtoitbrûlant, iln’yavaitpasdequoipavoiser. Seulunlitenferoccupaituncoindelachambrequidonnaitsurunecourintérieureabritantunemosquéeibadite, flanquéed’unatelierdepeintured’affichesdefilmsouvertenpleinair. HeureusementqueStophaavaitapportéavecluiseslivres, sesdisquesetsonpick-upbicoloreachetéauxpucesdelarueRandon, uneannéeauparavant. Ilsluiferaientoubliercetteinstallationqu’ilespéraitprovisoire. Aprèstoutescesannéesdeprivations, neméritait-ilpasmieuxpours’assurer, commelesouhaitaientHamadèneetZouaki, uneplacehonorableauxpremièreslogesde « lanouvelle » et « équitable » sociétépost – indépendance ? Oubienfallait-il, ainsiqu’illecraignait, sedéfoncerdavantagedanscettevilleprospère, apparemmentplusdisputéequelasienne ?
L’étatdeslieuxqu’ildressa, cematin-là, del’environnementdanslequelilseraitappeléàvivre, etsurtoutlesconditionsdesonentréeenlicedanscetteUniversitéqu’ilavaitardemmentcourtisée, allaientprogressivementleconvaincrequ’ilsubirait, cettefois, sansfiletnil’aidedeHamadène, deZouakinidenulautre, delonguesetpéniblesépreuvesdefeu, dansl’inhumainesolituded’unnavigateurendétresse.
Partantenreconnaissancedel’itinérairequilemènerait, dorénavant, auxFacultés, illongealarueLarbiBenM’Hidietsesrangéesd’immeubleshaussmanniens, auxformesrondes, avecleursescaliersornésd’Erosdorés, etmesuralavasteétendueduchantierqu’illuirestaitàachever. Apremièrevue, ceserapensa-t-il, pirequedutempsducrapahutagedanslaglaisedelaRahbadeAouinet-El-Foul. Leschosess’annonçaienteneffet, pluscompliquéesetmoinsédéniquesquenelelaissaitprésagerleJardindesHespéridesdécritetpromisparZouaki…
Algers’offraitencettejournée ensoleillée, souslesatoursd’unemuseincapablederetenirsesformesgénéreusesquidébordaientdetoutesparts, plussensuelleslesunesquelesautres. Elleétaitbelle, lavéeàgrandeeau. Stophavoulutenprofitersurlechamp. Illuifallaitprendrepossessiondecettevilleoùils’étaitfixépourmissionsacréedeplanterlespremierspieuxdesakheïmaetd’yasseoiruntrôneinébranlable. Illuipoussaitdesailesetilcomptaitbiens’enservirdanscecieloùlalumièrerégnaitsanspartage.
IlentrepritdeprendrecetAlger-làdanssesbras, commedansuntangoendiabléetdecopuleravecsablancheuravecl’empressementd’unpubèregonflédesèvevierge, n’ayantretenu, desonpremierséjour, quedesimagesdefindeguerre, glanéesdepuisl’AvenuedelaMarne, àtraverslesridellesdescamionsdelaZoned’oùavaitgiclél’historique « sebâasninebarakat »15. Chaussédebottesd’arpenteur, ils’amusaàdécouvrirderrièrelecadastrealambiquédelacité, toutcequipouvaitlesurprendre, ledépayseretassouvirsesdésirsurgentsd’épousailles.
Ilcommençaparlecommencement, c’est-à-direlarueDumontD’Urville, sonpremierterritoire, auqueliltrouvalecharmevieillotdesquartiersvivantdeleurgloiredéclinante, aveclessnacksdesTunisiensencorefréquentésparquelquespieds-noirsaccrochésauxodeursdemerguezetd’anis, semblantencorejouerauxdésundestinpourtantscellédepuisuncertainjuillet. Aquelquespasdelà, lerestaurantd’Alexandriedécoréàlafaçond’unhammamturcavecsafaïenceverteetbleue, servaitàsesclients, sousleregardimpavidedesonmajordomedepatron, unecartedespécialitésorientalesfleurantlecumin, lesafran, lecarvietlacannelledesjoursdeRamadhan, l’antithèsedeceuxqueproposaitSiM’Hand, danssonmouchoirdepochedebistrotdelaruePerrégaux : doradegrillée, merlansfritsetcervelleenpapillote, arrosésd’unquartdeChâteauRomainoudeTargui, recettesqu’ilavaitimportéesavecluidelaProvenceoùilavaitflambésajeunesse, entaillantlespierresd’uninterminablechantierdecantonnier. Lesnostalgiquesetlesconnaisseurslevisitaientrégulièrement, snobantlacrèmerieBetoucheoùlestravailleursduportvenaientàmoindrefraistremperleurtartinebeurrée, dansdupetitlaitépais.
Cetarrière-plandelaville, encombréderôtisseriesjijeliennesetdegargoteskabylesquiexcellaientdansl’artdepréparerlecouscousàlavianded’agneau, étaitunmondeàpart, celuidespetitesbourses, desdockersetdesfemmesdeménagematinales. Ildonnait, parlarueduCoq, surlavillemoderne, autrementplusélégante, richeetinterlopedontlacolonnevertébraleétaitcetterueLarbiBenM’Hidiexposantnonchalammentauxpassantsdésœuvrés, leCasinoetsoncabaretréservéauxdanseusesespagnoles, leColiséeetleRégent, cinémasdepremièreclasse, leMonoprix, lesGaleriesàl’architecturemauresque. OnpouvaityvoirégalementleBonMarchésurmontédurestaurantpanoramique, l’Alhambraaulookd’outre-mer, lesbarsraffinés : leNovelty, leMilketlesChevaliersdeMalte, joyauxdelaplacedel’Emirornée, avantlastatueéquestre, d’ungrandbassinhabitépardespoissonsrougesplongésdansuneeauvertetransparente, scintillantdesmillelumièresauzénithverticalettoutprèsdelarueMogador, lethéâtreàtréteauxetsaFakhardjia, l’illustreorchestrealgéroisdemusiqueandalouse.
StophanepouvaitpasrésisteràcetteabondancedeluxeetdevoluptébaudelairiensquiprenaitnaissanceausquareBresson, cejardinbotaniqueéquatorialcernédetoutespartspardescafésquinefermaientjamais : leTerminus, lecafédel’Indépendance, lecaféduGlacier, leTantonville, siègedescomédiensdel’Opéra, hantéparlessilhouettesdeBoudia16, KsentinietChafia Boudraâ, lafutureLlaAïnideDarSbitar ; unthéâtrehabituéauxgrandesaffichesdeTouri, MahieddineBachtarzietMustaphaKatebsupplantéesparcellesd’O’CaseyetdeBertoltBrecht, lesnouveauxpensionnairessocialistesdeslieux.
Arrivélà, quelpromeneurcurieuxdesprofondeursintimesetdestachycardiesdelamédina, hésiteraitàemprunterlarueBabAzzounetsonbazardebricetdebroc, pouratterrirdansleroyaumedusucreglacéetdesamandescitronnéesdesMomoetdesMohShanghaï, loubardsautricotmarinetàlacasquettedepêcheurdumôle, échansonsdescafésankaouisfumantlehachich, àl’ombredesculbutessonoresdesmandolesetdesbanjos ?
AlaCasbah, touteacquiseparsesaffichesmuralesauGrandMaghreb, paréedesescouleursconfondues, toutvoustendaitlamain : SoukDjemâaLihoudregorgeantdedouceursturquesetdeparfumsderose, laruedelaLyre, vêtuedeveloursetdesatin, lestoilettesdesnuitsd’amourchantéesparFadelaDziria, laruedeChartresoùsecachaient, derrièrelavalsedesvendeursdefripes, leVersaillesetleChatNoir, desadressespourcélibatairesdontlesmaisonsriverainestenaientàsedémarquerensedéclarant, enlettresgrassesetnoirsurblanc « maisonshonnêtes », etsuperbementdominateur, Bab-El-Djedid, lerefugedupeupledesEuldj, toisaitlamerduhautdeSoustaraetdesescinqsièclesdecoursecalligraphiésdanslapierrenuedelaCitadelleetdesPalaisdel’Odjak.
Danscevoyagehallucinantdebeauté, Stophafaisaitfidesfrontières, etpassaitsanstransitiond’unboutàl’autredelaville, notanttouslesrepèresquiluiserviraient, plustard, danssonprojetdeconquêtedeBab-El-Ouedtitanesqueparsescasernes, seslycéesetsonmausoléedeSidiAbderrahmane,quiremitlesclefsdelavilleàHadjAhmedBey, enterréàsescôtéspouravoirsauvél’honneurdupayssurlesrempartsdeConstantine. PuisdelarueAsselahHocineetsesenseignesgastronomiquesduPoilu, deMonVillage, delaRotondeetduStrasbourg, cecorridorquimenaitdroitàlaGrandePoste, laplaceoùAlgers’asseyaitsursontransatpoursemirerdanslabaie, uncoudesurl’Albert1eretleForum, l’autresurl’UniversitéetleTunneldesFacultés.
AConstantineStophas’étaitpromis, qu’unefoisarrivéàAlger, ils’attableraitàlaterrassedel’OtomaticetdelaCafeteria, ensouvenirdelaBatailled’Alger. Illefit, satisfaitdecequel’Otomaticportâtdésormais, lenomdeTalebAbderrahmane, lechimistemartyrdelaZoneetservîtdelieuderalliementauxétudiantsdésargentés, accrochésauxrésultatsdesmatchesduMouloudiaetdel’EntenteetégayésparlesjongleriesduruséMaurice, leserveuracrobate, àlabananetombante. Enfacesetrouvaitl’AquariumdelaBrasseriedesFacultés, surlaquellerégnaientlesconcurrents, Manolo, visséàsontiroir-caisseetGaspard, lesmirettesenalertepermanente, derrièredeslunettesàdoublefoyerdatantdel’an40.
Delà, montaitlarueDidoucheMourad, laplusbelleavenuedel’Algérie, passageobligédetouslesChefsd’Etatenvisitedanslacapitaleetsynonymedel’opulenceetdeladistinction, bordéeparunemultitudedecafésetderestaurants, leCoqHardi, leBristoldeFernandeletdeDjamel17lepoètedestournéesdemilords, leQuat-z-Artsdesintellosetdesblousonsdorés, leCyrnos, unalbatrosdéployésurunyachtblanc, l’Etoile, leDiplomate, laRépubliquejusqu’auBardo, fiefdufrèredeWarda18, grandamateurdetableauxdemaîtreetderrière, surleBoulevard, laBressaneprovençale, hautaineetsélective.
Poussantjusqu’auSacréCœur, portésurlesfontsbaptismauxdesacathédralefuturiste, ilarrivacommeprévu, àlahauteurdelaplaceAddis-Abebaettouchadesamain, « pourlabaraka », lesmuraillesdelaVillaJoly, larésidenceduFrèreMilitantetcellesduPalaisduPeuple, ancienPalaisd’EtédesGouverneurscoloniaux, enfouisousdesmassifsdevégétauxetunevolièred’oiseauxvenusdelameretdel’intérieurdesterres, duCapMatifouetdelaMitidja, leDéversoirdel’Atlas.
Plushautencore, dubalcondeDarEl-BabouretduConfortdePouillonquisemblaientsurveiller, deleurtourdeguetdeseigneur, lesGroupesduChampdeManœuvres, El-AqibaetHusseinDeyavecsescheminéesd’usinesetsespopulationsd’ouvriersetdedockers, ilgoûtaausuprêmeprivilègedesvigies, celuidecontempler, commed’unemontgolfière, El-AssimaEl-Beïda, offerteauxregards, interditeautoucher, uneperlealanguiedanslacoquilledesabaie, éclabousséeparlalumièred’unepluiedemétéoritesetnoyéedansundéluged’essencesdejasminetdeglycines.
Ilsesouvintqu’ilétaitdanslavilledespoètes, comme celle deBachirHadjAli, NourreddineTidafi, DjamelAmranietMustaphaToumi, AhmedAzzegahetMouradBourboune, NadiaGuendouzetSafiaKettou, lesdiamantairesduverbe, célébrant El-Mahroussaetsongoumrizarkel-djenhaneet, commesonamiYoucefSebti19, l’enfantd’El-Miliaquivoulaitchangerlesexedesastres, ilsepritàdéclamer « lacomplaintedesmendiantsdelaCasbah » quinevoyaientpasencore, àtraverslecristalenchanteurdesmots, àquoiressemblaitlesocialismeducitronetdesamandes…